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25/02/2020 | FRANCE | N°16/16094

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 25 février 2020, 16/16094


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2020



(N° / 2020 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/16094 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZKKN



Décision déférée à la cour : Jugement du 03 Juin 2016 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2014000680





APPELANTS



Monsieur [D] [S]

Né le [Date n

aissance 1] 1954 à [Localité 1] (27)

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]





SCCV [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculé...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2020

(N° / 2020 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/16094 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZKKN

Décision déférée à la cour : Jugement du 03 Juin 2016 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2014000680

APPELANTS

Monsieur [D] [S]

Né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (27)

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

SCCV [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de BERNAY sous le numéro [Adresse 3]

Ayant son siège social[Adresse 4]

[Adresse 2]

Représentés par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistés de Me Philippe GALLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMÉS

Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2]

Demeurant [Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Emmanuelle FARTHOUAT - FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : E0040

Assisté de Me Florence BENSAID, avocat au barreau de NANTERRE, toque 164

Monsieur [T] [K]

Né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 3]

Demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6]

SARL GROUPE FRANCOIS PREMIER

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 523 845 287

Ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse 8]

SASU FRANCOIS 1ER FINANCE

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 382 481 018

Ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse 8]

SASU FRANCOIS 1ER RENOVATION, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SOCIÉTÉ ORIEL,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 453 709 784

Ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse 8]

Représentés par Me Jean-Oudard DE PREVILLE de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère ,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame HÉBERT-PAGEOT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Courant 2008, M.[S] souhaitant réaliser une opération immobilière sur un terrain situé à [Localité 4] à proximité de [Localité 5], dont il était propriétaire indivis a, avec sa soeur, confié au cabinet d'architecte Metope, une mission de conception en vue de réaliser une résidence de tourisme de 52 lots.

La commune [Localité 6] a accordé le 2 juin 2010 le permis de construire correspondant à ce projet.

Le 7 juillet 2011, M.[S], M.[I] et M.[F] ont constitué à parts égales une société dédiée à ce projet, la SCCV [Adresse 3] (ci-après la SCCV), et désigné M.[I] comme gérant, ce dernier étant par ailleurs le président de la société François 1er Finances. Le siège social de la SCCV a été fixé [Adresse 9] à [Localité 7] au siège de la société François 1er.

Le 16 décembre 2011, la SCCV a acquis auprès de l'indivision [S] les parcelles sur lesquelles devait être érigée la résidence, moyennant le prix de 2 millions d'euros. La SCCV s'étant vu refuser sa demande de prêt par le Crédit Foncier de France, a, pour financer le paiement du prix d'acquisition en sa partie exigible, ainsi que les frais d'étude et de maîtrise d'oeuvre du cabinet Metope, contracté un prêt relais d'un million d'euros auprès de la SARL Les Vergers, au taux de 17%, remboursable en principal et intérêts en une seule échéance au mois de décembre 2012.

Le permis de construire a été transféré à la SCCV.

La SCCV a conclu avec la société Adonis Hôtels & Résidences une convention de gestion en vue de la future exploitation des 94 lots devant composer la résidence à édifier, ainsi qu'un contrat avec la société AKD en vue de l'exploitation d'un futur spa au sein de la résidence.

Les sociétés François 1er Finances et Oriel, respectivement dirigées par M.[I] et M.[F], dépendant du Groupe François 1er qui a pour holding la SARL Groupe François Premier, dirigée par M.[T] [K], ont été en contact avec la SCCV et M.[S] relativement à ce projet, l'étendue de leurs relations faisant l'objet du débat.

La convention passée avec le futur gestionnaire portant sur 94 lots et non plus sur 52, le cabinet d'architecte Metope a été chargé d'établir un projet modificatif.

La demande de permis modificatif été refusée par le maire le 13 septembre 2012 au motif que les modifications proposées n'étaient pas mineures et relevaient d'une nouvelle demande de permis de construire.La SCCV a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Rouen, qui par jugement du 24 avril 2014 a annulé la décision du maire ayant refusé le permis de permis de construire modificatif

La société François 1er Finances n'a en définitive pas souhaité procéder à la commercialisation de la résidence.

Le 30 octobre 2012, MM.[I] et [F] ont vendu les parts qu'ils détenaient dans la SCCV à M.[S], moyennant le prix d'un euro, M.[I] démissionnant de ses fonctions de gérant et étant remplacé par M.[S].

Estimant brutal et abusif leur retrait de l'opération, M.[S] et la SCCV [Adresse 3] ont, en janvier 2013, fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la SARL Groupe François Premier et son dirigeant M.[K], la SASU François 1er Finance, M.[I], puis en 2014, la SASU Oriel.

Par jugement du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a débouté M.[S] et la SCCV de l'ensemble de leurs demandes, débouté les sociétés Groupe François Premier et François 1er Finances, Oriel, ainsi que MM.[I] et [K] de leurs demandes de dommages et intérêts, condamné solidairement M.[S] et la SCCV à leur payer à chacun 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M.[S] et la SCCV ont relevé appel de cette décision le 22 juillet 2016 en intimant les sociétés Groupe François Premier, François 1er Finance, M.[I], M.[K] et la société Oriel, devenue la SASU François 1er Rénovation.

Par conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 11 janvier 2019 ( 2018), M.[S] et la SCCV demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des défendeurs, statuant à nouveau, juger établie l'existence d'un contrat liant la SCCV et M.[S] aux sociétés Groupe François Premier et François 1er Finances, Oriel, ainsi qu'à MM.[I] et [K], dire dépourvue de motif légitime la rupture par ceux-ci du contrat en juillet 2012, en conséquence condamner solidairement les sociétés Groupe François Premier et François 1er Finances, ainsi que MM.[I] et [K] à payer les sommes suivantes:

- à la SCCV :1 million d'euros en principal assorti des intérêts au taux de 17% depuis le 16 décembre 2011, outre les accessoires de la dette, 91.610 euros au titre de la taxe d'urbanisme, 10.063 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive, 408.000 euros au titre des frais de maîtrise d'oeuvre imputables au Groupe François Premier en exécution de l'avenant du 19 décembre 2011, 155.731,88 euros au titre des contrats de prestation de service ( Triplet, Socotec, Bouteloup, Ai Conseil, Fondasol), 1.479.000 euros au titre du solde de l'acquisition du foncier , outre 200.000 euros de frais d'inscription hypothécaire et d'intérêts de retard au taux de 6%, avec capitalisation des intérêts.

- à M.[S] : 500.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

débouter les intimés de leurs demandes reconventionnelles et de leur appel incident, condamner solidairement les sociétés Groupe François 1er et François 1er Finances, Oriel, ainsi que MM.[I] et [K] au paiement de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2019, M.[I] demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[S] et la SCCV de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et de leur demande de condamnation conjointe de M.[I] avec les sociétés du groupe François 1er, et en ce qu'il a mis les dépens à la charge de M.[S] et de la SCCV,

- de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation conjointe de M.[S] et de la SCCV à lui payer 50.000 euros de dommages et intérêts et en ce qu'il a condamné conjointement et solidairement M.[S] et la SCCV à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau, condamner conjointement et solidairement M.[S] et la SCCV à lui payer 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, 4.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et 8.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 28 janvier 2019, M.[T] [K], la société François 1er Finance et la société Groupe François Premier demandent à la cour, avant tout débat au fond, de déclarer M.[S] et la SCCV irrecevables en leur action contractuelle formée pour la première fois en cause d'appel, à titre principal, de débouter M.[S] et la SCCV de toutes leurs demandes, à titre reconventionnel de les condamner à payer à M.[K] et au Groupe François Premier chacun 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu' à 6.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 28 décembre 2016, la société François 1er Rénovation (anciennement dénommée la société Oriel) demande à la cour de débouter M.[S] de toutes ses demandes , de la condamner au paiement de 20.000 euros de dommages et intérêts pour procédures abusives, à 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

- Sur la recevabilité des demandes de M.[S] et de la SCCV

Les appelants recherchent la responsabilité des sociétés du groupe François 1er et de M.[K] et [I] en se prévalant de la brusque et injustifiée rupture du contrat liant les parties en vue de la réalisation de l'opération immobilière et de sa commercialisation.

M.[K] et les sociétés François 1er Finances et Groupe François Premier soutiennent que cette action en responsabilité contractuelle est irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile, en ce qu'elle s'analyse en une demande nouvelle, dès lors que l'action qui tend à constater l'existence d'un contrat ne tend pas aux mêmes fins qu'une action délictuelle en rupture de pourparlers.

Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Devant le tribunal de commerce, M.[S] et la SCCV ont soutenu que le Groupe François Premier avait été impliqué dès l'origine du projet au travers de ses dirigeants, que l'opération n'en était plus au stade de la pré-sélection, mais avait été sélectionnée avec une structure de commercialisation, que l'interruption du projet, qui avait privé la SCCV de ressources, était imputable aux sociétés du Groupe François Premier qui devaient en conséquence répondre des préjudices occasionnés.

Les demandes formées à hauteur d'appel par la SCCV et M.[S] ont toujours pour objet de voir imputer l'échec de l'opération et ses conséquences financières aux sociétés du Groupe François Premier et à leurs dirigeants, faisant valoir que leur implication s'est inscrite dans des relations contractuelles, ayant dépassé le stade de simples négociations pré-contractuelles.

Les demandes de la SCCV et de M.[S] tendent bien aux mêmes fins qu'en première instance, même si le fondement a pu évoluer et seront déclarées recevables.

- Sur les demandes de la SCCV [Adresse 3] et de M.[S]

Les appelants arguent de la rupture abusive par les sociétés Groupe François Premier et François 1er Finances des relations contractuelles nouées avec la SCCV pour la réalisation et la commercialisation de la résidence de tourisme [Établissement 1].

Les intimés, sans remettre en cause l'intérêt qu'ils ont pu à une période manifester pour ce projet, contestent l'existence de tout contrat, ainsi que toute faute consécutive au refus de s'engager plus avant dans la commercialisation de cette opération.

Les appelants soutiennent que la preuve d'un contrat entre la SCCV et les sociétés du Groupe François Premier résulte d'un commencement d'exécution matérialisé par la première phase du dit contrat à savoir la phase correspondant aux études, à la recherche de partenaires pour la commercialisation et à la mise en oeuvre du projet par la création de la SCCV, le stade des pourparlers ayant été largement dépassé.

Il ressort des pièces au débat que M.[S] est à l'origine du projet de création d'une résidence hôtelière sur la propriété familiale proche de [Localité 5], ayant pris l'initiative avec sa soeur de missionner le cabinet d'architecture Metope pour établir un projet de résidence de tourisme et de déposer une demande de permis de construire qu'il a obtenu. Il s'est ensuite rapproché de M.[I] et de M.[F], qu'il connaissait antérieurement, et ils ont ensemble décidé de constituer une structure dédiée, à cette opération le 7 juillet 2011.

Antérieurement à la création de la SCCV, M.[S] avait également recherché des partenaires pour la gestion de la résidence, ces contacts donneront lieu à la signature par la SCCV d'une convention de gestion de la résidence avec la société Adonis Hôtels & Résidences.

La société Groupe François Premier, dirigée par M.[K], n'a qu'une activité de holding, elle coordonne les opérations de ses filiales opérationnelles, la SASU François 1er Finance spécialisée dans la promotion auprès des investisseurs de projets défiscalisés, dirigée en 2011 par M.[G] [I], et la société Oriel, devenue la société François 1er Rénovation, dirigée par M.[Q] [F], dont l'objet est de suivre les phases de construction.

Rien ne démontre que les sociétés du Groupe François Premier ont été à l'origine du projet de création de cette résidence hôtelière, à laquelle elles ne sont intéressées que dans un second temps.

La circonstance que M.[I] était également dirigeant de la société François 1er Finances, que M.[F] dirigeait la société Oriel, et qu'ils utilisaient régulièrement leurs adresses professionnelles électroniques pour échanger à propos du projet de la résidence [Établissement 1], ne permet pas d'impliquer contractuellement les sociétés Groupe François Premier et François 1er Finances dans la constitution de la SCCV ni dans ses développements ultérieurs, dès lors que la prise de participation de MM.[I] et [F] dans la SCCV a été faite à titre personnel.

L'existence d'un contrat avec les sociétés du Groupe François Premier ne saurait davantage se déduire de l'identité de siège social avec la SCCV, au [Adresse 10], une telle situation permettant au dirigeant de la SCCV de disposer d'une même adresse pour les deux sociétés qu'il gérait.

Quant aux recherches de partenaires pour gérer la résidence, si elles sont bien réelles, ayant abouti à la signature par la SCCV d'une convention de gestion, le 30 janvier 2012, avec la société Adonis Hôtels&Résidence, fondée sur la prise à bail d'un bâtiment totalisant 92 unités d'hébergement et sur une livraison des locaux au plus tard au 4ème trimestre 2013 en vue d'une ouverture de la résidence au 1er trimestre 2014, et à un accord pour la gestion d'un SPA [P] [G] avec la société AKD, elles ne permettent pas de caractériser un engagement des sociétés du Groupe François Premier, ces contrats ayant été passés par la SCCV, sur la base des contacts pris par M.[S].

Il en est de même des contacts pris en décembre 2011 par la SCCV avec le cabinet d'avocats [L], [B] et associés pour s'assurer du régime juridique et fiscal applicable au statut de loueur en meublé professionnel et de la validité de cette opération.

S'il est avéré que la société François 1er Finances et M.[K], dirigeant du Groupe François Premier et associé par le biais de sa holding de la société François 1er Finances, ont suivi l'évolution de ce projet, étant intéressés par la future commercialisation de la résidence, la société Oriel s'intéressant pour sa part à l'aspect technique du projet de construction, il n'est toutefois produit aucun écrit formalisant un quelconque contrat de commercialisation entre la SCCV ou M.[S] et l'une des sociétés du Groupe François Premier, ces dernières rappelant qu'un tel contrat exige la formalisation d'un mandat en application de la loi Hoguet, qui n'a jamais été signé et soutenant que leurs relations sont demeurées pré-contractuelles.

Les appelants se prévalent des dossiers de présentation et de réservation établis à l'entête du Groupe François Premier. Ces documents présentent le Groupe comme spécialisé dans les bâtiments d'exception et les solutions d'aménagements spécifiques du patrimoine pour les collectivités, sa holding, la société Groupe François Premier, et les deux filiales opérationnelles sur lesquelles repose l'activité du groupe, la société François 1er Finances décrite comme chargée de réunir les investisseurs privés en s'appuyant sur ses partenariats avec de nombreux professionnels de la gestion de patrimoine et de la banque et la société Oriel, chargée de la réalisation ou du suivi des travaux. La brochure de réservation, non datée, comporte différents renseignements et formulaires destinés à informer les candidats investisseurs. Il n'est toutefois pas établi que ces documents ont été utilisés auprès de candidats investisseurs. Ils doivent être regardés comme de simples projets, documents préparatoires en vue d'une possible future mission de commercialisation.

Il ressort du constat d'huissier du 3 novembre 2015 qu'en tapant sur le moteur de recherche Google les termes 'François 1er [Localité 4]', on aboutit à un lien renvoyant au site du groupe François 1er sur lequel est mentionné, à la rubrique ' nos récentes actualités', la sortie imminente d'une nouvelle opération ( Loueur de meublé) aux portes de [Localité 5] en partenariat avec Adonis Hôtels &Résidences et AKD Spa ([P] [G])[....] 92 lots du T1 au T2 rentabilité garantie jusqu'à 4.2 % HT/HC- à partir de 94795€HT-Livraison 2èmeT 2014. A ne pas manquer! Contactez nous au XXXXXXXXXX".

Selon les sociétés intimées, cette annonce a été réalisée non pas aux fins de commercialisation auprès de particuliers, mais à titre de test afin de mesurer auprès des diffuseurs professionnels l'intérêt que pourrait susciter un tel projet dans le cadre de programmes de défiscalisation. Cette annonce donnait connaissance, de façon sommaire, de l'existence d'un futur programme immobilier à [Localité 4], qui n'était pas en état d'être commercialisé, rien ne démontrant d'ailleurs qu'elle a été suivie de réservation ou de contact avec des candidats acquéreurs. Cette publicité parmi d'autres, destinée à promouvoir l'image du groupe, ne suffit pas à caractériser l'ouverture des opérations de commercialisation de ce programme, et ne s'analyse que comme une simple opération de communication en amont de toute commercialisation.

Ces différents éléments, même pris ensemble, ne permettent pas de retenir que les relations entre les sociétés du Groupe François Premier ont dépassé le stade des relations pré-contractuelles.

Les appelants soutiennent encore que l'existence d'un contrat de commercialisation ressort de l'aveu intervenu à l'occasion du licenciement de M.[I]. A la suite de l'assignation que la SCCV et M.[S] ont fait délivrer, la société François 1er Finances, après avoir révoqué le mandat de président de M.[I], lui a notifié, le 22 janvier 2014, son licenciement de son emploi de directeur administratif et financier pour faute lourde en invoquant deux motifs, dont le premier ( le seul porté à la connaissance de la cour) relatif à ' l'affaire [S]/ SCCV [Adresse 3]', lui reproche d'avoir 'engagé la société François 1er Finances dans la commercialisation d'une opération immobilière SCCV [Adresse 3] tout en ayant prévu de vous réserver à titre personnel une partie du bénéfice en étant associé de cette société[....]. Ce gain personnel, quel qu'en soit le montant, étant évidemment totalement injustifié'.

Ce courrier, établi dans un contexte distinct, contesté par M.[I], ne peut être regardé comme valant reconnaissance d'un engagement de commercialisation entre la société François 1er Finances et la SCCV, alors que parallèlement, la société concernée a toujours dénié l'existence d'un tel contrat.

L'absence de matérialisation de tout mandat de vente est également à mettre en perspective avec les difficultés que rencontrait la SCCV et le fait que le projet n'était pas en état d'être commercialisé ni à l'été, ni à l'automne 2012 et ce indépendamment de la décision de M.[K] et la société François 1er Finances de ne pas s'engager plus avant dans cette opération.

En effet, le futur gestionnaire de la résidence, partenaire incontournable dans ce type d'opération destinée à des investisseurs souhaitant défiscaliser, avait considéré qu'il fallait repenser le projet initial en augmentant le nombre de lots compris dans la résidence, pour les porter de 52 à 94 (ou 92) ce qui a conduit la SCCV à confier une nouvelle mission de conception au cabinet d'architecte Metope, puis à faire établir le 18 juillet 2012 une demande de permis de construire modificatif, qui a été déposée le 27 juillet 2012, et qui donnera lieu à un refus le 13 septembre 2012.

Dans le procès-verbal de l'assemblée générale de la SCCV du 17 septembre 2012, le président, M.[I] relate les problèmes que rencontre la société au regard l'arrivée de l'échéance du prêt de 1 million d'euros au 15 décembre 2012 et de ce que le projet a dû être repensé à la demande du futur gestionnaire pour porter le nombre de lots de 52 à 92, entraînant le dépôt d'un permis de construire modificatif le 27 juillet 2012, et un retard important par rapport aux plannings opérationnel et financier initiaux. Il ajoute, qu'alors que le projet final avait été arrêté, que la demande de permis de construire modificatif avait été déposée et le dossier commercial finalisé, 'le dirigeant du Groupe François Premier [ M.[K]] a décidé de ne plus assurer la commercialisation du produit, invoquant les incertitudes du marché et le risque de ne pas être en mesure de réussir sa mission, et que face à cette décision un retard supplémentaire de plusieurs mois risque d'en découler pour trouver un nouveau réseau de commercialisation. Le président en conclut que la SCCV se trouve dans l'incapacité de couvrir le remboursement du prêt contracté, de payer le solde dû aux vendeurs, d'honorer les engagements avec les sous-traitants, et qu'il convient de prendre des décisions dans l'intérêt de la SCCV et de ses associés.

Au vu de ce constat, l'assemblée générale a, à l'unanimité,

- confié à M.[S] la négociation avec un acquéreur potentiel de la totalité du projet, en vue pour les associés de lui céder leurs parts, M.[S] ayant pour mission de proposer une valeur de cession prenant en considération le travail fourni par les associés depuis la création de la SCCV ( montant souhaité 100 euros la part) ( 1re résolution),

- décidé de continuer parallèlement à négocier avec le Groupe François Premier par l'intermédiaire de M.[S] afin de mettre en place un contrat de commercialisation avec la société François 1er Finances (seconde résolution),

- pour les cas où les négociations échoueraient avec le prospect et le Groupe François Premier, M.[I] et M.[F] sont d'accord pour céder à M.[S] leurs parts dans la SCCV pour l'euro symbolique, sans aucune garantie de passif, M.[I] s'engageant à remettre à cette occasion sa démission ( 3ème résolution).

Les termes de la seconde résolution confirment l'absence de contrat de commercialisation signé avec la société François 1er Finances, M.[S] étant mandaté pour essayer d'obtenir la mise en place d'un tel contrat, ce qu'il n' a pas été en mesure d'obtenir.

L'assemblée générale a en effet été suivie le 19 septembre 2012, d'une réunion des associés de la SCCV, en présence de M.[K], gérant de la SARL Groupe François Premier, et actionnaire de la société François 1er Finances, dont l'objet était de clarifier la situation au regard de la commercialisation du programme. Le compte rendu rédigé par M.[I], mentionne que courant juillet 2012, M.[K] avait fait savoir qu'il ne souhaitait plus voir le Groupe François Premier assurer cette commercialisation en raison des événements économiques actuels et des risques d'insuccès auprès de la clientèle, soulignant que la tendance n'était plus de promouvoir les résidences de tourisme mais des résidences senior et émettant des objections quant à la fiabilité du gestionnaire du projet.

Le moyen pris de ce que la société François 1er Finances a pris cette décision avant le refus du permis de construire modificatif, qui est intervenu le 13 septembre 2012, est inopérant pour démontrer l'existence d'un contrat liant les parties.

La société François 1er Finances ajoute à juste titre qu'aucune vente en l'état futur d'achèvement des lots ne pouvait intervenir sans disposer d'un permis de construire conforme purgé de tout droit de recours, et sans assurance dommage ouvrage ni garantie financière d'achèvement, lesquelles n'avaient pas à ce stade été souscrites.

En l'absence de toute formalisation de contrat dans les circonstances ci-dessus décrites, la SCCV et M.[S] échouent à établir que les pourparlers ont débouché sur un contrat avec les sociétés du Groupe François Premier.

Les appelants fondent enfin leur action en responsabilité sur le désengagement de MM.[I] et [F] dans la SCCV, arguant que M.[S] a été contraint sous la pression de racheter leurs parts, afin d'être le seul à répondre des engagements de la SCCV.

Toutefois, le rachat par M.[S] des parts détenues par ses associés dans la SCCV, moyennant le prix d'un euro, s'il inscrit effectivement dans un contexte difficile pour la SCCV, n'est que l'exécution d'une résolution adoptée à l'unanimité par l'assemblée générale de la SCCV. Le mail du 18 décembre 2012, dont se prévaut M.[S], dans lequel M.[I] lui rappelle simplement qu'il est indispensable que toutes les formalités de transfert de ses parts et de celles de M.[F], ainsi que celles relatives au changement de gérant soient faites comme convenu depuis le 12 septembre 2012, lui précisant que dès lors qu'il détient toute l'opération de [Adresse 3], il pourra mieux négocier avec [T] et trouver un arrangement pour sortir ce dossier de l'ornière. Ce mail ne révèle aucune pression, se bornant à solliciter la mise en oeuvre des résolutions votées à l'unanimité des associés de la SCCV le 17 septembre 2012.

L'échec de l'opération ne peut être imputé ni aux sociétés du Groupe François Premier, ni à MM.[K] et [I], dès lors qu'en l'absence de contrat, aucun manquement contractuel ne peut être relevé.

A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M.[S] et de la SCCV.

- Sur les demandes de dommages et intérêts des intimés

M.[I] sollicite 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral en ce que cette procédure a eu pour effet de permettre à la société François 1er Finances de justifier son licenciement et de le révoquer de son mandat social et l'a par ailleurs contraint à vendre sa maison pour répondre à la condamnation prononcée au profit de la société Les Vergers.

Toutefois, M.[I] a librement décidé de devenir associé de la SCCV, avec les risques qui en découlent quant à l'obligation au passif social et n'a pas contesté les décisions prises en leur temps par la SCCV. Par ailleurs, le licenciement de M.[I] repose sur plusieurs fautes, de sorte qu'aucun lien de causalité n'est établi avec la présente instance.

Compte tenu des contacts noués avec les sociétés Groupe François Premier, François 1er Finances et François 1er Rénovation, M.[S] et la SCCV ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits et l'issue de la procédure qu'ils ont engagée, aucune volonté de nuire n'étant caractérisée. Au surplus, ni les sociétés intimées, ni M.[K] n'établissent le préjudice que leur aurait occasionné cette procédure.

Ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêt, le jugement étant confirmé de ce chef également.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ces dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La SCCV et M.[S] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à verser aux intimés des indemnités au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes à hauteur d'appel de la SCCV [Adresse 3] et de M.[S],

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Groupe François Premier, François 1er Finances et François 1er Rénovation, ainsi que M.[I] et M.[K] de leur demande de dommages et intérêts

Condamne in solidum M.[D] [S] et la SCCV [Adresse 3] au titre des frais irrépétibles exposés en appel à payer d'une part une indemnité de 3.000 euros à M.[G] [I], d'autre part une indemnité globale de 5.000 euros à M.[T] [K], la société François 1er Finances, la société Groupe François Premier et la société François 1er Rénovation, pris ensemble,

Condamne in solidum M.[D] [S] et la SCCV [Adresse 3] aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/16094
Date de la décision : 25/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°16/16094 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-25;16.16094 ?
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