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21/02/2020 | FRANCE | N°18/15328

France | France, Cour d'appel de Paris, 21 février 2020, 18/15328


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






Cour d'appel de paris


Pôle 4 - chambre 1


Arrêt du 21 février 2020


(no /2020, pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/15328 - Portalis 35L7-V-B7C-B54B6


Décision déférée à la cour : jugement du 16 mai 2018 -tribunal de grande instance de Fontainebleau- RG 16/00342


APPELANTE


Madame E... Q...
[...]
[...]


Ayant pour avocat Me Jean-Marc Bortolotti de la

SELARL DBCJ avocats, avocat au barreau de Fontainebleau


INTIMÉE


Association ATSM - association tutélaire de Seine-et-Marne
prise la personne de son président domi...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d'appel de paris

Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 21 février 2020

(no /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/15328 - Portalis 35L7-V-B7C-B54B6

Décision déférée à la cour : jugement du 16 mai 2018 -tribunal de grande instance de Fontainebleau- RG 16/00342

APPELANTE

Madame E... Q...
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Jean-Marc Bortolotti de la SELARL DBCJ avocats, avocat au barreau de Fontainebleau

INTIMÉE

Association ATSM - association tutélaire de Seine-et-Marne
prise la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège en qualité d'organe de tutelle de madame C... O...

[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Brigitte Beaumont de la SELEURL cabinet Brigitte Beaumont, avocat au barreau de Paris, toque : A0372

Composition de la cour :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Claude Creton, président de chambre
Mme Christine Barberot, conseiller
Mme Monique Chaulet, conseiller

Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude Creton, président de chambre, et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.

***
Par actes reçus par Maître H... , notaire à Fontainebleau, en date des 12 et 13 octobre 1992, la SCI DE VILLENIARD consentait à Mme C... G... veuve O... un prêt à usage d'un logement situé au rez-de-chaussée d'un ensemble immobilier sis à [...] , le tout pour 144,50 m².

Ce prêt était consenti pour une durée de 30 ans à charge pour Mme O... de supporter les dépenses d'usage et d'entretien, de faire à ses frais toutes les réparations indispensables et qui deviendraient nécessaires au cours du prêt et de restituer les biens prêtés en nature à l'expiration de la durée convenue.

Par acte reçu par Maître K..., notaire à Paris, en date du 20 juin 2007, Mlle E... Q... faisait l'acquisition auprès de la SCI VILLENIARD de l'ensemble immobilier sis à [...] , à charge pour elle de veiller au respect des droits de Mme G... veuve O....

Par jugement du 23 octobre 2007, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Montereau Fault Yonne a prononcé la mise sous tutelle de Mme C... G... veuve O... et a désigné l'Association Tutélaire de Seine-et-Marne (l'ATSM) ès qualités de gérant de tutelle.

L'état de santé de Mme O... s'étant dégradé, elle a été accueillie dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Voulx, comme le confirme un certificat établi par un médecin du centre hospitalier Marc Jacquet le 28 janvier 2010.

En 2010, Mme Q... saisissait le juge des référés à l'effet d'obtenir la désignation d'un expert ayant notamment pour mission d'effectuer un constat contradictoire des lieux et de déterminer le coût des réparations.

M. D..., commis en qualité d'expert par ordonnance de référé du 2 novembre 2010, déposait son rapport le 16 août 2011 et estimait les réparations à 12 500 euros TTC.

C... O... décédait le 21 février 2012.

Par ordonnance de référé du 6 mars 2012, le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau a ordonné la remise des clés du bien prêté sous astreinte, débouté Mme Q... de sa demande d'indemnité d'occupation et ordonné une nouvelle expertise sur l'état du bien et les travaux de réfection nécessaires.

Par ordonnance de référé du 16 octobre 2012 rendue à l'encontre du notaire chargé de la succession de C... O..., le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau a ordonné la remise des clés du bien prêté.

Mme Q... a fait assigner l'ATSM devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins de la voir condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour son préjudice de jouissance et son préjudice moral ainsi qu'au titre des travaux de réfection sur le bien lui appartenant et en remboursement des taxes foncières et d'habitation.

Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a débouté Mme Q... de l'intégralité de ses demandes, débouté l'ATSM de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, condamné Mme Q... aux dépens de l'instance comprenant le coût des deux expertises, dit que Me P... pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance, condamné Mme Q... à verser à l'ATSM la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté le surplus des demandes.

Mme Q... a interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :
. dire Mme E... Q... recevable et fondée en son appel,
Vu les dispositions des articles 421, 1240, 1241, 1875 et suivants du code civil,
. dire que l'association tutélaire de Seine-et-Marne en qualité de gérant de tutelle de Mme O... a commis des fautes et sera tenue de l'indemniser.
En conséquence,
. condamner l'ATSM à lui verser les sommes suivantes :
- 105 960 euros TTC au titre des travaux de réfection du logement selon rapport de M. S..., augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation jusqu'à parfait paiement,
- 132 000 euros au titre du préjudice de jouissance, arrêté à décembre 2018 et sauf à parfaire,
- 5.000 euros au titre du préjudice moral,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 1.106,26 euros dans le cadre du remboursement des impôts foncier de la part de Mme O... de 2008 à 2012 (sauf 2011),
- 499,72 euros dans le cadre du remboursement de la taxe d'habitation de la part de Mme O... de 2009 à 2012,
. condamner l'ATSM à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner l'ATSM aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire qu'elle a exposés pour 5 894 euros et portant sur les expertises de M. S... et de M. D....

Par ses dernières conclusions, l'ATSM demande à la cour de :
. confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Fontainebleau le 16 mai 2018,
en conséquence,
. dire que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies,
. débouter Mme Q... de l'ensemble de ses demandes,
. infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la procédure manifestement abusive,
statuant à nouveau,
. condamner Mme Q... à lui payer 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
en tout état de cause,
. condamner Mme Q... à lui payer 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Brigitte Beaumont.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 décembre 2019.

SUR CE, LA COUR

L'obligation qui incombait à Mme O... d'effectuer des travaux d'entretien résulte du contrat de 1992 et n'est pas contestée.

En l'espèce Mme Q... demande la condamnation de l'ATSM à effectuer ces travaux de réparation sur le fondement de sa responsabilité délictuelle au visa des dispositions des articles 421 et 1240 du code civil au motif qu'il lui appartenait de veiller au respect des obligations de la majeur protégée et, en conséquence, au bon état d'entretien des locaux, ce qu'elle n'a pas fait.

Aux termes de l'article 421 du code civil, tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est constant que l'ATSM a été nommée en qualité de tutrice de C... O... le 23 octobre 2007 soit quelques mois après l'achat du bien par Mme Q..., le 20 juin 2007.

Il est par ailleurs établi qu'en mars 2008, Mme Q... s'est inquiétée de demander des travaux de réparation à Mme O..., ce qu'elle a fait en s'adressant à l'ATSM, sa tutrice.

Une réunion sur place a eu lieu le 20 août 2008 et le 27 août suivant l'ATSM écrivait à Mme Q... pour lui faire l'inventaire des travaux d'entretien à entreprendre par Mme O... pour répondre à son obligation d'entretien et de conservation du bien et s'engageait à demander l'établissement de plusieurs devis.

L'ATSM justifie d'avoir adressé au juge des tutelles des demandes d'autorisation aux fins d'effectuer des travaux d'entretien avec devis annexé le 16 février et le 23 mars 2009 et d'avoir fait établir un constat de l'état du bien par Me U..., huissier de justice, le 12 novembre 2009 pour la sauvegarde des droits de Mme O....

Il résulte enfin du courrier adressé par l'ATSM à Mme Q... le 25 janvier 2010 qu'elle a refusé de s'engager dans la voie d'une expertise arbitrale souhaitée par Mme Q... au motif que les valeurs susceptibles d'être retenues dans le cadre du rapport pouvaient s'avérer conséquentes et qu'elle ne pouvait s'engager pour le compte de Mme O... dans le cadre d'une telle expertise sans autorisation du juge des tutelles, en conséquence de quoi elle a proposé une expertise amiable refusée par Mme Q....

L'ATSM produit également le courriel qu'elle a adressé au juge des tutelles le 28 janvier 2010 pour lui demander un entretien téléphonique en l'informant du refus de Mme Q... de procéder à une expertise amiable et du souhait de cette dernière d'une expertise judiciaire.

L'ATSM justifie enfin d'avoir adressé une troisième demande d'autorisation de travaux avec devis au juge des tutelles le 27 avril 2010.

L'ATSM est par ailleurs bien fondée à faire valoir que Mme Q... a saisi le juge des référés courant 2010 à l'effet de voir désigner un expert et que cette désignation par ordonnance de référé du 2 novembre 2010 a interrompu la possibilité de faire des travaux jusqu'au dépôt du rapport qui est intervenu le 16 août 2011.

Les éléments produits au débat établissent que l'ATSM a exercé les diligences qui lui incombaient dan le cadre de sa mission afin de remplir, pour le compte de la personne protégée, l'obligation d'entretien du bien pesant sur cette dernière, en répondant aux courriers de Mme Q... et en se rendant à une réunion dès août 2008, en faisant établir des devis de travaux et en sollicitant l'autorisation du juge des tutelles pour y procéder et en étant en contact régulier avec le juge pour le tenir informé du dossier ainsi qu'avec Mme Q... notamment pour tenter de faire aboutir une solution amiable.

Il est également établi que ces démarches ont du être suspendues du fait de l'expertise judiciaire sollicitée par Mme Q....

C... O... est décédée le 21 février 2012 et l'ATSM a informé Mme Q... du décès par courrier du 2 avril 2012 en l'informant que les clés de l'appartement prêté étaient à sa disposition chez le notaire.

Compte-tenu de ces éléments, la négligence reprochée à l'ATSM par Mme Q... n'est pas établie.

Il n'est par ailleurs pas établi que le défaut d'entretien du bien et la nécessité de procéder à des réparations soit imputable à la période de la tutelle.

Il n'existe en l'espèce aucun état des lieux d'entrée, lieux qui étaient occupés depuis 1992 par C... O... et dont Mme Q..., qui a acquis l'ensemble immobilier dont ils font partie en juin 2007, ne prétend pas qu'à cette date ils étaient en bon état d'entretien alors qu'elle les avait certainement visités lors de son acquisition.

Mme Q... ne produit aucun élément sur l'état de cette partie du bien lors de son acquisition et ne rapporte donc pas la preuve que le défaut d'entretien serait imputable à la période durant laquelle l'ATSM est devenue gérante de tutelle de C... O... soit à compter d'octobre 2007.

Les éléments produits au débat, notamment la réunion provoquée par Mme Q... en août 2008 suivie d'un état des réparations à effectuer dressé par l'ATSM constitue d'ailleurs un élément de nature à établir que le défaut d'entretien était préexistant.

Il résulte également des expertises produites au débat que le défaut d'entretien caractérisé, qui n'a pas été contesté par l'ATSM, est ancien, le rapport de M. S... étant très clair sur ce point, étant précisé néanmoins que ce rapport, sur lequel Mme Q... fonde le montant de sa demande, n'est pas opposable à l'ATSM dès lors qu'il a été ordonné postérieurement au décès de C... O... et que l'ATSM n'avait donc plus de qualité à agir dans ce litige, n'étant pas la représentante de la succession et les héritiers éventuels ayant d'ailleurs été conviés à l'expertise.

Il convient en outre de rappeler que les missions confiées aux experts avaient pour objet de définir les travaux de réparation incombant à C... O... au titre de son obligation d'entretien et qu'elle ne portaient pas sur une éventuelle aggravation des désordres qui auraient pu survenir postérieurement à la désignation de l'ATSM.

Les éléments produits au dossier, s'ils établissent le défaut d'entretien imputable à C... O..., ne permettent pas d'établir la responsabilité de l'ATSM dans la survenance de ces désordres et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme Q... du chef des réparations.

Par ailleurs le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme Q... de sa demande au titre du préjudice de jouissance, Mme Q... ne démontrant pas que l'ATSM a commis une faute en ne lui remettant pas les clés du logement avant le décès de C... O... et l'absence de réalisation des travaux ne lui étant pas imputable.

Mme Q... ne fait valoir aucun moyen de droit au soutien de sa demande visant à voir l'ATSM condamnée à rembourser des impôts locaux qu'elle ne justifie d'ailleurs pas avoir acquitté pour le compte de C... O... et sera donc également déboutée de cette demande.

Le caractère abusif de la présente procédure n'est cependant pas démontré et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de l'ATSM de ce chef.

L'équité commande de condamner Mme Q... à payer à l'ATSM la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau du 16 mai 2018 en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE Mme Q... à payer à l'ATSM la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme Q... aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 18/15328
Date de la décision : 21/02/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-21;18.15328 ?
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