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07/02/2020 | FRANCE | N°19/002227

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 07 février 2020, 19/002227


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 07 février 2020

(no /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/00222 - Portalis 35L7-V-B7D-B7AW7

Décision déférée à la cour : jugement du 20 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Melun - RG no 16/04300

APPELANTS

Monsieur O... S...
[...]
[...]

Madame F... A... épouse S...
[...]
[...]

représentés par Me Frédéric Lallement de

la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480
et par Me Dominique Nardeux de la SELARL Saulnier-Nardeux-Malagutti, avocat ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 07 février 2020

(no /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/00222 - Portalis 35L7-V-B7D-B7AW7

Décision déférée à la cour : jugement du 20 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Melun - RG no 16/04300

APPELANTS

Monsieur O... S...
[...]
[...]

Madame F... A... épouse S...
[...]
[...]

représentés par Me Frédéric Lallement de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480
et par Me Dominique Nardeux de la SELARL Saulnier-Nardeux-Malagutti, avocat au barreau de Melun, toque M10

INTIMES

Monsieur C... V...
[...]
[...]

Madame G... K... épouse V...
[...]
[...]

représentée par Me Emmanuel GUILLINI de la SELARL PARME AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : R272
substitué par Me CASTERA, du même cabinet

SARL Seine Immo CMC patrimoine
nosiret : 527 980 510

[...]
[...]

représentée par Me Laurence IMBERT de la SELARL Imbert et associés, avocat au barreau de Melun et par Me Mathias Ferré, avocat au barreau de Melun, toque M12

Composition de la cour :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia Dairain

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.

***

Par acte du 3 décembre 2013 reçu par la SCP [...], notaire, avec le concours de Mme M... assistant les vendeurs, M. et Mme S... ont acquis de M. et Mme V..., par l'intermédiaire de la société Saint-Hubert, devenue la société Seine immo, agent immobilier, moyennant un prix de 260 000 euros, un terrain à bâtir, situé à [...] , sur lequel étaient édifiés un garage et deux remises.

L'acte a été conclu sous la condition suspensive de l'absence de servitude susceptible d'affecter l'usage ou la propriété du bien vendu.

Le certificat d'urbanisme délivré le 25 juillet 2013 mentionne une surface constructible de 1 125 m² avec un coefficient d'occupation des sols de 0,30, soit une surface constructible de 337,5 m².

Faisant valoir que la constructibilité du terrain est inférieure de 52 % à ce qu'ils espéraient, M. et Mme S... ont assigné M. et Mme V....

Ils ont sollicité à titre principal la résolution de la vente sur le fondement de la garantie d'éviction compte tenu de l'existence de servitudes non apparentes grevant le terrain, à titre subsidiaire la nullité de la vente sur le fondement de l'erreur ou du dol et, à titre très subsidiaire, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

A titre encore plus subsidiaire, ils ont réclamé la condamnation solidaire de M. et Mme V..., la SCP [...], la SCP [...] et la société Seine immo à leur payer la somme de 130 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Melun a déclaré recevables les actions de M. et Mme S... mais les a déboutés de leurs demandes.

Sur la demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie d'éviction, le tribunal a retenu que la charge dont se plaignent M. et Mme S... résulte non pas d'une servitude non apparente, mais d'une disposition du plan local d'urbanisme qui ne constitue pas une servitude au sens de l'article 637 du code civil dont le caractère public est en outre incompatible avec le défaut d'apparence allégué.

Sur la demande d'annulation pour erreur, il a retenu que l'appréciation du caractère "très limité" de la constructibilité du terrain nécessite une analyse de cette constructibilité au regard du refus de délivrance du permis de construire et de sa légitimité, mais que cette analyse ne relève pas de sa compétence. Il a ajouté que les dispositions du PLU, plus particulièrement de l'article UC 6 du chapitre 3, étaient visées dans la promesse de vente et annexées à l'acte de vente, que la lettre de la commune de Bois-le-Roi du 17 octobre 2013, jointe au certificat d'urbanisme et adressée au notaire des acquéreurs indique qu' "il est important de souligner que la déclaration préalable n'avait pour objet que la non-opposition à la division de la propriété, bien évidemment la constructibilité est soumise au respect du règlement PLU. Vous trouverez ci-joint la copie du règlement de la zone UC, notamment l'article UC 6", de sorte que l'erreur alléguée par M. et Mme S..., dont l'attention avait été attirée par cette lettre, est inexcusable.

Sur la demande fondée sur le dol, le tribunal a constaté que la preuve de manoeuvres dolosives n'était pas établie.

Sur la demande en résolution fondée sur la garantie des vices cachés, il a retenu que l'existence d'un tel vice n'est pas établie dans la mesure où le PLU était à disposition de chacun et qu'il appartenait à M. et Mme S... de vérifier que le terrain qu'ils envisageaient d'acquérir permettait de réaliser leur projet de construction.

Pour écarter l'action en responsabilité contre la société Seine immo, le tribunal a constaté que celle-ci n'avait pas connaissance du projet de construction de M. et Mme S..., de sorte qu'il ne peut lui être reprochée de n'avoir pas attiré leur attention sur le fait que les dispositions du PLU leur interdisait de réaliser la construction qu'ils avaient souhaité réaliser.

Enfin, pour écarter la responsabilité des notaires, il a retenu que ceux-ci n'avaient pas connaissance du projet de construction des acquéreurs à qui le notaire instrumentaire avait en outre indiqué qu'ils avaient la faculté, qui leur était proposée, de conclure la promesse sous la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, faculté qu'ils ont choisi de ne pas utiliser.

M. et Mme S... ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de M. et Mme V... et de la société Seine immo.

Ils sollicitent à titre principal la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1638 du code civil. Ils font valoir que la parcelle litigieuse est frappée d'inconstructibilité partielle en application des prescriptions imposées par l'article UC 6 du PLU de la commune qui interdit toute construction sur une assiette déterminée de la parcelle, limite la surface constructible et impose des modalités de construction à partir du bâti existant. Ils soutiennent que ces sujétions administratives s'analysent en des servitudes non apparentes qui relèvent des dispositions de ce texte en cas de défaut de déclaration par les vendeurs. Ils indiquent qu'ils n'ont jamais eu connaissance du certificat d'urbanisme qui a été simplement annexé à la promesse, puis à l'acte de vente sans que les notaires et l'agent immobilier attirent leur attention sur les conséquences qu'impliquaient les prescriptions de l'article UC 6 du PLU.

M. et Mme S... concluent à titre subsidiaire à la nullité de la vente sur le fondement de l'erreur et du dol.

Etant contraints de construire sur une emprise au sol limitée à 163,80 m² à l'angle nord de la parcelle en mitoyenneté des parcelles voisines, impliquant une maison en forme de triangle avec deux murs pignons aveugles pour ne pas créer de vue sur les parcelles mitoyennes, ils font valoir que la constructibilité limitée du terrain est à l'origine d'une erreur sur une qualité substantielle qui les oblige à revoir leur projet de construction. Ils ajoutent que cette erreur est inexcusable puisqu'ils s'étaient fait entourer de professionnels, notamment l'agent immobilier qui leur a remis le plan du géomètre établi à l'occasion de la division du terrain laissant croire qu'ils pouvaient construire sur la parcelle acquise leur future maison en milieu du terrain comme sur la parcelle voisine de M. et Mme V....

Sur le dol, ils soutiennent que M. et Mme V..., dont la maison se situe sur la parcelle immédiatement voisine et sont propriétaires des parcelles contiguës, informés des règles gouvernant la constructibilité des différentes parcelles et connaissant leur projet de construction ont commis un dol par réticence en gardant le silence sur ces éléments et en transmettant les plans issus de la déclaration préalable de division parcellaire figurant les réseaux alimentant la future maison à construire à l'issue de la division, ces réseaux se dirigeant vers le centre du terrain et non vers le coin gauche comme imposé par les prescriptions du PLU.

Sur la garantie des vices cachés, M. et Mme S... soutiennent que les restrictions à la constructibilité du terrain constituent un vice qu'en qualité de profanes de l'immobilier ils n'ont pu connaître.

En conséquence de la résolution ou de l'annulation de la vente, M. et Mme S... réclament en outre la condamnation de M. et Mme V... et de la société Seine immo à leur payer :
- la somme de 57 203,70 euros correspondant aux frais d'agences immobilières, aux frais de notaires, à l'indemnité de remboursement anticipé, au coût de l'assurance du crédit, aux intérêts payés au titre de ce crédit ;
- la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice d'agrément ;
- la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Pour le cas où la cour rejetterait leur action en résolution ou en nullité de la vente, ils réclament la condamnation solidaire de M. et Mme V... et de la société Seine immo à leur payer la somme de 125 000 euros à titre de dommages-intérêts en compensation du préjudice causé par la perte liée à la constructibilité limitée du terrain.

Ils sollicitent enfin l'allocation d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme V... et la société Seine immo concluent à la confirmation du jugement et sollicitent le remboursement des frais irrépétibles qu'ils ont engagé ;

SUR CE, LA COUR :

1 - Sur les demandes principales en résolution et en annulation de la vente

1-1 Sur la garantie d'éviction

Attendu qu'en application des dispositions des articles 1626 et 1638 du code civil le vendeur doit garantir à l'acheteur en cas de découverte d'une charge non déclarée entraînant une diminution de la jouissance du bien ; que cette garantie n'est due que lorsque, au moment de la vente, l'acquéreur n'avait pas connaissance de cette charge ;

Attendu qu'il est constant qu'en l'espèce la construction du terrain litigieux était soumise à des restrictions tenant aux disposition du PLU, notamment les articles UC 6 et suivants du chapitre 3 ; que les dispositions de l'acte de vente relatives à l'urbanisme, visent les pièces annexées qui comportent :
- le certificat d'urbanisme indiquant que la commune est dotée d'un plan d'urbanisme approuvé le 9 février 2005, révisé et modifié le 16 septembre 2009 et que le terrain est situé dans la zone UC de ce plan avec un coefficient d'occupation des sols de 0,30, l'acte de vente précisant que les dispositions relatives au certificat d'urbanisme ont une durée de validité de dix-huit mois et que par conséquent "le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat (...) ont vocation à s'appliquer à tout permis obtenu ou déclaration préalable faite à l'intérieur de cette durée de dix-huit mois" ;
- "une copie du règlement de la zone UC, notamment article UC6" ;
Attendu que l'acte précise que ‘L'ACQUÉREUR reconnaît avoir connaissance (du certificat d'urbanisme et du règlement du PLU applicable à la zone UC) tant par la lecture qui lui en a été faite que les explications données" et "reconnaît avoir reçu du notaire soussigné toutes explications et éclaircissements sur la portée, l'étendue et les effets de ces charges, prescriptions et limitations" ;

Attendu qu'il résulte en outre d'un courriel adressé le 27 mai 2013 par la SCP [...] à Mme S..., rappelant les termes d'une conversation téléphonique du même jour sur les modalités essentielles de la vente, que le "projet de construction n'étant pas à ce jour déterminé, vous m'avez confirmé que vous ne soumettriez pas votre acquisition à la délivrance d'un permis de construire mais simplement d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel en cours de validité" ; que la lettre du 17 octobre 2013, produite par M. et Mme S..., adressée par la commune au notaire des vendeurs pour l'informer de sa renonciation à se prévaloir de son droit de préemption, précise en outre qu' "il est important de souligner que la déclaration préalable no [...] n'avait pour objet que la non-opposition à la division de la propriété, bien évidemment la constructibilité est soumise au respect du règlement du PLU" ;

Attendu qu'il est ainsi établi que les charges imposées par le PLU avaient été déclarées aux acquéreurs ; que leur demande fondée sur la garantie d'éviction est mal fondée ;

1-2 Sur l'erreur et le dol

Attendu que si M. et Mme S... déclarent n'avoir pris connaissance que postérieurement à la vente des limitations à la constructibilité du terrain litigieux en raison des prescriptions imposées par le règlement du PLU, cette erreur sur une qualité substantielle de la chose apparaît inexcusable dès lors que, ainsi qu'il a été établi par les précédents motifs, ceux-ci disposaient de tous les éléments leur permettant d'apprécier les conditions dans lesquelles ils pourraient réaliser leur projet de construction ; que leur action fondée sur l'erreur est également mal fondée ;

Attendu, en outre, que n'est pas établie la volonté de M. et Mme V..., vendeurs profanes, de tromper M. et Mme S... ; que, notamment, aucun élément ne démontre que M. et Mme V... avaient connaissance du projet de construction d'une habitation d'un type déterminé, la preuve que l'offre d'achat adressée par courriel à l'agence immobilière le 9 avril 2013 était accompagnée d'un plan précisant l'emplacement de cette habitation n'étant pas rapportée alors en outre que le 27 mai 2013 ils avaient indiqué au notaire chargé de recevoir l'acte de vente que leur projet de construction n'était pas déterminé ; qu'il convient en conséquence de débouter M. et Mme S... de leur action fondée sur le dol ;

1-3 Sur la garantie des vices cachés

Attendu qu'informés par les dispositions du PLU jointes à l'acte de vente des restrictions à la construction du terrain, le vice allégué, qui en outre ne rend pas le terrain à bâtir impropre à sa destination, ne relève pas de la garantie des vices cachés ;

2 - Sur les demandes subsidiaires en paiement de dommages-intérêts

Attendu que M. et Mme S... fondent leur demande subsidiaire contre M. et Mme V... en paiement de dommages-intérêts sur la garantie d'éviction et des vices cachés ainsi que sur l'erreur et le dol ; que ces actions ayant été rejetées, il en résulte qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. et Mme V... ;

Attendu que si l'agent immobilier est tenu d'une obligation de conseil envers l'acquéreur d'un terrain en vue de la construction d'une habitation et doit à ce titre attirer son attention sur les règles d'urbanisme lorsque celles-ci lui interdisent la réalisation du projet choisi par cet acquéreur, la responsabilité de la société Seine immo ne peut être engagée par M. et Mme S... dès lors qu'il est établi qu'en l'espèce ceux-ci n'avaient pas fait état d'une projet de construction déterminé ;

Attendu qu'il convient de débouter M. et Mme S... de leurs actions en paiement de dommages-intérêts formées contre M. et Mme V... et contre la société Seine immo ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

VU l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;

CONDAMNE M. et Mme S... aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, par la SELARL Imbert et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,
Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 19/002227
Date de la décision : 07/02/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-02-07;19.002227 ?
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