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07/02/2020 | FRANCE | N°18/063077

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 07 février 2020, 18/063077


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d'appel de paris

Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 07 février 2020

(no /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/06307 -Portalis 35L7-V-B7C-B5LIA

Décision déférée à la cour : jugement du 20 février 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/10060

APPELANT

Monsieur Y... T...

[...]
[...]

Représenté par Me Frédéric Ingold de la SELARL Ingold et Thomas - avocats, avocat au barreau

de Paris, toque : B1055 et par Me Philippe Heral, avocat au barreau de Paris, toque : B 174

INTIMES

Monsieur H... B...
[...]
[...]

Ma...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d'appel de paris

Pôle 4 - chambre 1

Arrêt du 07 février 2020

(no /2020, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/06307 -Portalis 35L7-V-B7C-B5LIA

Décision déférée à la cour : jugement du 20 février 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/10060

APPELANT

Monsieur Y... T...

[...]
[...]

Représenté par Me Frédéric Ingold de la SELARL Ingold et Thomas - avocats, avocat au barreau de Paris, toque : B1055 et par Me Philippe Heral, avocat au barreau de Paris, toque : B 174

INTIMES

Monsieur H... B...
[...]
[...]

Madame V... U... épouse B...
[...]
[...]

Représentés par Me Frédéric Buret, avocat au barreau de Paris, toque : D1998 et par Me Jean-Luc Tissot de l'association Tissot et Tissot , avocat au barreau de Versailles

Madame J... F...
[...]
[...]

Représentée par Me Stéphane Fertier de l'AARPI JRF avocats, avocat au barreau de Paris, toque : L0075 et par Me Philippe Biard de l'association Biard-Bouscatel, avocat au barreau de Paris, toque : R146

SA AXA France IARD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
no siret : 722 .05 7.4 60

[...]
[...]

Représentée par Me François Blangy de la SCP Cordelier et associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0399 et par Me Jean-Pierre Armessen, avocat au barreau de Dijon

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 31 octobre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Monique Chaulet, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sonia Dairain

Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.

***

M. H... B... et son épouse Mme V... U... sont propriétaires d'une maison sise à [...] (Saône-et-Loire), à l'angle de la [...] et du [...] constituant leur domicile.

M. Y... T... est propriétaire d'un hôtel particulier, l'[...], avec cour, terrain et jardin d'agrément, auquel il accède par l'[...], son terrain bordant aussi le [...] ; cette propriété était partagée avec son épouse Mme J... F... et, aux termes de la convention de divorce, M. Y... T... en est devenu l'unique propriétaire à dater du jugement de divorce prononcé le 19 novembre 2015.

Ces propriétés sont ceinturées sur leur partie ouest par des remparts classés monuments historiques, leurs tènements respectifs surplombant de plus de neuf mètres le [...] .

Le 6 décembre 2010 au soir une partie du rempart situé [...] s'est effondrée, sur une longueur d'environ 28,50 mètres, au droit de la propriété de M. T... et plus au nord au droit de la propriété B....

Cet effondrement a été précédé de phénomènes météorologiques particuliers se caractérisant par de fortes chutes de neige, précédées de périodes de gel, puis de redoux avec de fortes variations de température, suivies de fortes pluies.

Saisi par M. et Mme T... le président du tribunal administratif de Dijon a, par ordonnance du 22 décembre 2010, désigné M. C... R... en qualité d'expert aux fins de constat ; son rapport a été déposé le 29 décembre 2010.

M. L... E..., désigné par le président du tribunal administratif de Dijon par ordonnance du 24 décembre 2010 par suite de sa saisine par le maire de la ville d'Autun, a indiqué, dans son rapport du 4 janvier 2011, n'avoir pas constaté de péril imminent lors de la réunion d'expertise du 30 décembre 2010.

Saisi à la fois par M. et Mme B... et par M. et Mme T... aux fins de désignation d'un expert pour examiner les causes potentielles de l'effondrement litigieux, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance du 29 mars 2011, a désigné M. Q... K....

Les opérations d'expertise ont été rendues communes à 10 autres parties dont le préfet de la région Bourgogne, la commune d'Autun et la société AXA France IARD, assureur de M. et Mme T... .

Le rapport de M. K... a été déposé le 28 mai 2015.

Par jugement du 20 février 2018, le tribunal de grande instance de Paris saisi par M. et Mme B... de demandes à l'encontre de M. Y... T... et de Mme J... F... et de la société AXA France IARD a :
. jugé M. Y... T... et Mme J... F... responsables à hauteur de 40% de la chute du rempart au droit de la propriété de M. et Mme B...,
. condamné in solidum M. Y... T... , Mme J... F... et la société AXA France IARD à payer à M. et Mme B... la somme de 38 227,30 euros au titre du préjudice matériel,
. condamné la société AXA France IARD à garantir M. Y... T... et Mme J... F... de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
. les a déboutés du surplus de leurs demandes,
. condamné in solidum M. Y... T... , Mme J... F... et la société AXA France IARD à payer à M. et Mme B... la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné in solidum M. Y... T... , Mme J... F... et la société AXA France IARD à payer les dépens qui comprendront la part des frais d'expertise qu'ils ont supporté pour la somme de 24 500 euros,
. ordonné l'exécution provisoire.

M. Y... T... a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, M. Y... T... demande à la cour :
. de le dire recevable et bien fondé en son appel,
Vu ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile,
. dire M. et Mme B... irrecevables en leur action,
Subsidiairement,
. dire M. et Mme B... mal fondés en leurs demandes,
. les débouter purement et simplement,
Très subsidiairement, pour le cas où, par impossible, l'action serait déclarée recevable et la responsabilité des ex-époux T... retenue :
. condamner la compagnie AXA France IARD au profit des époux B... à due concurrence des indemnisations qui seraient mises à la charge des ex-époux T... ,
Plus subsidiairement encore, si une quelconque condamnation devait être laissée à la charge des ex-époux T... :
. faire application de la convention des parties quant à l'obligation souscrite par M. Y... T... au profit de son ex-épouse, J... F... , d'avoir à supporter toutes les conséquences financières du sinistre du 6 décembre 2010,
. débouter celle-ci de sa demande en ce qu'elle serait dirigée à l'encontre de M. Y... T... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner M. et Mme B... à payer à M. Y... T... une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. les condamner en tous les dépens et autoriser la SELARL Ingold - Thomas et Me Philippe Héral, avocats, à recouvrer directement ceux les concernant par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, Mme J... F... demande à la cour de :
Vu le jugement du 19 novembre 2015,
Vu la convention de divorce du 13 novembre 2015,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de mise hors de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Y... T... à la garantir de toutes condamnations.
Statuant à nouveau,
- la mettre purement et simplement hors de cause,
- débouter les époux B... de leur demande dirigée à son encontre,
- subsidiairement condamner M. Y... T... à la relever et la garantir indemne de l'ensemble des condamnations qui pourront être prononcées à son encontre.
- condamner solidairement les époux B... au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF AVOCATS représentée par Me Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, la société AXA France IARD demande à la cour de :
. la juger recevable et bien fondée en son appel incident,
1o A titre principal,
. juger les époux B... irrecevables en toutes leurs demandes, faute de justifier de leur qualité de propriétaire de la portion de rempart dont ils demandent le prix de la reconstruction.
. réformer intégralement le jugement et condamner les époux B... à restituer à AXA la somme de 72.727,30 € outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018, date du paiement au titre de l'exécution provisoire,
. condamner les époux B... à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens,
2o Subsidiairement :
. Surseoir à statuer en attendant qu'ait été tranchée la question de la propriété de la portion de rempart située devant la propriété T..., dont est saisi le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône,
3o Plus subsidiairement,
. dire que les époux T... et leur assureur AXA France IARD ne peuvent être tenus au paiement des travaux et des frais que dans la limite maximum de 20 %, soit 29.273 euros et condamner les époux B... à lui rembourser la somme de 50 454,30 euros trop payée au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018, date du paiement au titre de l'exécution provisoire,
. débouter les époux B... de toutes autres demandes,
. réduire le montant de l'indemnité sollicitée par eux au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par leurs dernières conclusions, M. et Mme B... demandent à la cour de :
. les dire recevables en leur action, preuve étant rapportée de la propriété de M. Y... T... des remparts au droit de sa propriété bordant le [...] ,
. en conséquence, débouter M. Y... T... de ses demandes en cause d'appel,
Statuant sur leur appel incident,
Vu l'article 1384 alinéa 1er du code civil, devenu l'article 1242 du même code,
Vu le rapport d'expertise de M. K...,
. réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la responsabilité de M. Y... T... et de Mme J... F... dans la chute du rempart au droit de leur propriété,
Statuant à nouveau,
. dire que les époux T... sont responsables, sans limitation de responsabilité, de la chute du rempart au droit de leur propriété,
. condamner en conséquence M. Y... T... et Mme J... F... à leur payer la somme de 95 568,27 euros au titre de la réparation des désordres causés par la chute des remparts telle qu'évaluée par l'expert K...,
. dire que cette somme sera réévaluée en fonction de l'indice BT 01 du coût de la construction,
Vu l'article L.124-3 du code des assurances,
. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AXA France IARD à garantir M. Y... T... et Mme J... F... de toutes condamnations prononcées à leur encontre en exécution de la police multirisques habitation souscrite par eux,
. débouter en conséquence la société AXA France IARD de ses demandes tendant à voir juger leurs demandes irrecevables et mal fondées,
. réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés du surplus de leurs demandes notamment d'injonction et d'astreinte,
Statuant à nouveau de ce chef,
. enjoindre à M. Y... T... d'entreprendre les travaux de reconstruction du rempart au droit de leur propriété en même temps qu'eux afin d'éviter un phénomène de hausse des coûts des travaux,
. assortir cette injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour passé un délai de six mois courant dans les deux mois du jour de l'arrêt à intervenir,
. leur donner acte de ce qu'ils se réservent de formuler de nouvelles demandes en fonction du coût exact des travaux qu'ils auront à supporter pour la reconstruction de leur propriété,
. condamner solidairement M. Y... T... , Mme J... F... et la société AXA France IARD à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement M. Y... T... , Mme J... F... et la société AXA France IARD à payer tous les dépens qui comprendront notamment la part des frais d'expertise supportée par eux pour la somme de 24 500 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2019.

SUR CE, LA COUR

-Sur la responsabilité des époux T... dans la survenance des désordres

Le premier juge a rappelé les désordres et les constatations effectuées par M. R..., expert désigné par le président du tribunal administratif de Dijon à savoir l'effondrement du mur antique dans sa partie nord-sud exposée à l'ouest, désordres qui ne sont pas contestés.

M. K..., expert judiciaire qui indique avoir fait les mêmes constatations que le premier expert, explique que l'effondrement du mur s'est produit au droit de la propriété de M. et Mme T... et que cet effondrement a entraîné, d'une part l'arrachement de l'extrémité de la partie du mur du soutènement entre la propriété de M. et Mme T... et celle des époux B..., et d'autre part d'une partie du rempart située au droit de la propriété des époux B....

D'après l'expert, ce qui est caractéristique dans la rupture de ce rempart, c'est que, sur une longueur de 22 mètres et sur une hauteur d'environ 6,20 m, la partie supérieure du mur, en l'occurrence le mur M6 sur toute sa hauteur et la partie supérieure du mur M1 sur une hauteur d'environ 2,70 m, s'est déplacée de façon monolithique d'environ 1,50 m vers l'avant en chutant d'environ 3,30 m tout en restant verticale.

Répondant à sa mission sur les causes de cet effondrement et les responsabilités encourues, M. K... a estimé que, pour se déplacer dans son ensemble vers l'avant sur une distance de 1,50m, le mur a dû subir une importante poussée horizontale, qui est notamment la conséquence de la pression hydrostatique engendrée par l'eau qui, compte tenu des conditions climatiques particulières à l'époque du sinistre, a fortement alimenté la nappe retenue derrière ce mur.

L'expert a conclu que les différentes causes d'accumulation d'eau derrière le mur sont :
. les conditions climatiques particulières à l'époque du sinistre (gel, puis fortes chutes de neige et enfin redoux accompagné d'importantes précipitations),
. les volumes importants d'eau déversés depuis 2007 sur la propriété de M. et Mme T... en provenance des terrains dominants, notamment lors de conditions climatiques particulières,
. l'insuffisance des dispositifs d'évacuation de l'eau retenue par le mur au droit de la propriété de M. et Mme T...
. le défaut d'entretien des ouvrages de collecte des eaux pluviales sur la propriété de M. et Mme T... .

Sur la base de ces constatations, l'expert a proposé un partage de responsabilité sur les bases suivantes:
- 20% à la charge de M. et Mme T... pour défaut d'entretien des ouvrages de recueil des eaux pluviales situés dans la cour,
- 20% à la charge du propriétaire du rempart au droit de leur propriété pour non adaptation du mur aux risques d'accumulation d'eau,
- 30% à la charge de l'État et de son maître d'œuvre, M. P..., pour les travaux de rénovation de la cathédrale et de son jardin,
- 30% à la charge de la ville d'[...], responsable de la gestion des eaux pluviales dans la [...] et l'[...].

Le premier juge a, sur la base de cette proposition, estimé qu'il convenait de déclarer M. et Mme T... responsables des désordres à hauteur de 40%.

Il convient néanmoins, compte-tenu de la contestation de leur responsabilité par M. Y... T... , par Mme J... F... et par leur assureur, AXA France IARD, de réexaminer le rapport de l'expert et de se prononcer sur le bien fondé de la part de responsabilité imputable à M. et Mme T... , proposée par l'expert et retenue par le premier juge.

Au terme d'une analyse détaillée des causes qui ont pu conduire à l'effondrement du mur, l'expert a rappelé que le mur est constitué d'une partie antique (M1) surmontée d'un mur d'époque moderne (M6) dont la stabilité n'est assurée que par leur poids et que le mur M1 est constitué d'une superposition de lits de pierre, ce qui, dans le cas d'une forte poussée horizontale, peut faciliter un éventuel cisaillement du mur et que cette poussée horizontale ne peut être que la conséquence de l'augmentation de la pression hydrostatique engendrée par l'eau qui s'est accumulée derrière ces murs sur toute la partie de la longueur de la tour auquel le mur ne peut résister s'il s'y trouve confronté sans avoir été calculé en conséquence.

Il conclut donc que la rupture du mur a été provoquée par une accumulation excessive d'eau derrière celui-ci et élimine, comme cause, les risques d'affaiblissement occasionnés par les travaux réalisés au pied des remparts (page 43 du rapport).

Il souligne la conjonction des phénomènes météorologiques ayant précédé l'effondrement du mur tout en rappelant que la partie moderne de ces remparts a été réalisée il y a 250 ou 300 ans et qu'il a dû se produire depuis son existence de tels phénomènes sans en provoquer la chute et qu'en conséquence il faut rechercher les éléments nouveaux qui ont pu, avec ces conditions météorologiques particulières, contribuer à provoquer le ruine du rempart.

En pages 45 et 46 de son rapport, l'expert ne constate pas de cause déterminante à l'accumulation de l'eau derrière les remparts du fait des eaux en provenance directe de la propriété de M. et Mme T... . Il précise notamment qu'une grille d'évacuation des eaux pluviales située devant le portail et l'avaloir à l'extrémité du caniveau étaient obstrués par de la terre, des graviers et des feuilles mais que la grille d'évacuation ne participe que de façon marginale à la collecte des eaux de ruissellement de la propriété et est plus positionnée pour récupérer les eaux en provenance de la rue et note que les entraînements de sables et graviers en provenance du domaine public constatés lors des fortes pluies ont participé à l'obstruction de ces ouvrages. L'expert a exclu, concernant les eaux de drainage de la partie jardin, que l'eau collectée par le drain puisse se répandre derrière le mur. Il n'a relevé aucune cause résultant des eaux provenant de l'exploitation de la piscine ou d'eaux d'infiltrations accidentelles par des défauts du réseau d'assainissement.

L'expert a ensuite analysé les eaux de ruissellement en provenance des terrains extérieurs dominants, la propriété de M. et Mme T... se situant en bas de l'[...] qui part de la [...] elle-même située en contrebas de la cathédrale et de son jardin.

Il a constaté, en page 47 de son rapport, que les travaux réalisés en 2007 sur le terrain de la cathédrale ont non seulement dû augmenter de 15 à 20 % le coefficient de ruissellement de la surface de celui-ci mais surtout ont amélioré le système de collecte des eaux de ruissellement et des eaux d'infiltration ; qu'en conséquence, toute cette eau qui, avant les travaux, était en grande partie piégée sur place et s'infiltrait progressivement dans les terrains sous-jacents est maintenant captée et évacuée par les exutoires barbacanes existants dans le mur de soutènement du jardin de la cathédrale qui la déversent dans la [...] . L'expert poursuit son analyse par une évaluation de la surface de la parcelle qui s'évacuerait [...] , superficie qu'il évalue à 2500 m², et estime que, compte-tenu du système de collecte des eaux mis en place, ce sont des quantités importantes d'eau qui sont rejetées dans la rue représentant environ 5 fois plus que les eaux collectées directement dans la [...] alors qu'il n'existe dans cette rue que deux avaloirs pour recueillir les eaux de ruissellement, un premier avaloir situé sous le mur du jardin dont l'utilité est très réduite, et un deuxième en descendant rue [...] dont l'utilité, en cas de fortes pluies, est également très réduite. L'expert explique donc qu'en cas de fortes pluies, les eaux s'engouffrent dans l'impasse du Jeu de Paume et que les regards situés en partie haute et basse de cette impasse sont également incapables de recueillir.

L'expert rappelle qu'il a ainsi été constaté à plusieurs reprises depuis 2008, qu'à l'occasion d'orages, les ouvrages d'évacuation des eaux pluviales de la Ville étaient dans l'incapacité de récupérer la totalité des eaux, ces eaux inondant la cour de la propriété de M. et Mme T... , rappel fondé sur le courrier de M. S..., architecte missionné par M. et Mme T... en juillet 2008 et les constats d'huissier établis fin décembre 2010 et le 18 août 2011.

Il résulte donc des constatations de l'expert que la cause déterminante du dommage a été l'accumulation des eaux de pluies dans la nappe d'eau située derrière le mur dans les années précédant l'effondrement du mur, accumulation beaucoup plus importante que celle découlant uniquement des précipitations directes sur la propriété de M. et Mme T... et résultant du ruissellement excessif des eaux de pluie suite aux travaux de réaménagement du quartier de la cathédrale et de son jardin et au regard des systèmes d'évacuation mis en place dans la [...] et l'[...].

Il convient de rappeler que l'expert n'a pas constaté de cause déterminante à l'accumulation de l'eau derrière les remparts du fait des eaux en provenance directe de la propriété de M. et Mme T... ; que s'il a constaté que la grille d'évacuation des eaux pluviales située devant le portail et l'avaloir à l'extrémité du caniveau de la propriété T... étaient obstrués par de la terre, des graviers et des feuilles, il a également précisé que les entraînement de sables et graviers en provenance du domaine public constatés lors des fortes pluies ont participé à l'obstruction de ces ouvrages ; qu'en conséquence, le défaut d'entretien reproché aux consorts T... n'étant pas clairement établi, leur responsabilité ne peut pas être recherchée sur le fondement de la garde du des eaux ruisselant sur leur terrain.

Par ailleurs la conclusion de l'expert selon laquelle une part de responsabilité devrait être imputée au propriétaire du mur du fait de la non adaptation du mur aux risques d'accumulation d'eau ne paraît pas fondée au regard des conclusions de son rapport dès lors qu'il a fallu ses investigations et analyses dans le cadre de ce rapport pour constater le rôle déterminant joué par les travaux dans le quartier de la cathédrale et le ruissellement des eaux de pluie dans l'effondrement du mur, qu'en conséquence il ne peut être estimé que la non-adaptation du mur à une pression hydrostatique qui n'était pas connue peut être une cause du dommage.

Compte-tenu de ces éléments, la responsabilité de M. et Mme T... ne peut pas non plus être retenue en leur qualité de gardiens des remparts.

Il convient en conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes, d'infirmer le jugement et de débouter M. et Mme B... de leurs demandes.

-Sur la mise hors de cause de Mme J... F...

Le demande de Mme F... d'être mise hors de cause étant sans objet dès lors que la responsabilité des époux T... dans la survenance des désordres n'est pas retenue, il ne sera pas statué sur cette demande.

-Sur la demande de restitution

La restitution des sommes versées en exécution de la décision infirmée est, sans qu'il y ait lieu de l'ordonner, la conséquence de l'arrêt infirmatif rendu.

-Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner in solidum M. et Mme B... à payer à M. Y... T... un somme de 4 000 euros et à Mme J... F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 février 2018 ;

DÉBOUTE M. et Mme B... de leurs demandes,

CONDAMNE in solidum M. et Mme B... à payer à M. Y... T... un somme de
4000 euros et à Mme J... F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum M. et Mme B... aux dépens et autorise la SELARL Ingold - Thomas et Me Philippe Héral ainsi que l'AARPI JRF AVOCATS représentée par Me Stéphane Fertier à recouvrer directement ceux les concernant par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 18/063077
Date de la décision : 07/02/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2020-02-07;18.063077 ?
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