Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 07 février 2020
(no49/2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/03766 - Portalis 35L7-V-B7C-B5CSI
Décision déférée à la cour : jugement du 29 janvier 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG : 15/09713
APPELANTE
SARL SIMI
représentée par son liquidateur amiable madame S... G..., née K..., domiciliée au [...]
[...]
[...]
représentée par Me Caroline Hatet-Sauval de la SCP Naboudet - Hatet, avocat au barreau de Paris, toque : L0046, et par Me Michèle Becirspahic, avocat au barreau de Paris, toque : C1377
INTIMÉES
MAF-Mutuelle des Architectes Français
société d'assurance mutuelle à cotisations variables, entreprise régie par le code des assurances, agissant en la personne de son directeur, domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]
SARL Atelier d'architecture BM2
agissant en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
nosiret: 507 619 401
[...]
[...]
représentés par Me Pascale Flauraud, avocat au barreau de Paris, toque : K0090 et par Me Denis Parini de la SELARL Parini-Tessier, avocat au barreau de Paris, toque : G0706,
SMABTP
société d'assurance mutuelle à cotisations variables régie par le code des assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
nosiret: 775 684 764
[...]
[...]
représentée par Me Sarra Jougla Ygouf de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF BOINET & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0349, et par Me Jean-Marc Sauphar, avocat au barreau de Paris, toque : E1195
Union fédérale des services publics CFE-CGC
[...]
[...]
représentée par Me Delphine des VILLETTES de la SCP GARANT des VILLETTES, avocat au barreau de Paris, toque : B0881
SARL Engineering Etude Recherche Rehabilitation (EERR)
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]
[...]
n'a pas constitué avocat
Composition de la cour :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sonia Dairain
Arrêt :
-défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.
***
Par acte du 22 janvier 2009, l'Union fédérale des cadres des fonctions publiques CFE-CGC, devenu l'Union fédérale des services publics CFC-CGC (le syndicat) a conclu par l'entremise de la société Simi, agent immobilier, une promesse synallagmatique de vente en vue de l'acquisition d'un immeuble situé à [...].
Le syndicat projetant de faire démolir une portion du mur situé à l'entresol du bâtiment afin d'aménager une grande salle de réunion en lieu et place des deux pièces existantes communiquant par une baie d'une ouverture d'environ deux mètres, il a été stipulé dans la promesse qu' "un entrepreneur certifiera avec le conseil d'un architecte que le demi-mur du sous-sol peut être remplacé par une solive genre IPN".
La société Atelier d'architecture BM2 (la société BM2), architecte, a établi le 26 mars 2009 une attestation dans laquelle elle indique qu' "il n'y a pas d'impossibilité technique à agrandir la baie mettant en relation les deux pièces sur rue du sous-sol".
La société Enginerering étude recherche réhabilitation (la société EERR), bureau d'étude, a établi le 26 mars 2009 une note technique confirmant la possibilité "technique d'aligner le poteau porteur du sous-sol avec celui du rez-de-chaussée (ouverture à agrandir de 1,20 m environ" puis a attesté le 27 mars 2009 "la faisabilité technique d'agrandir l'ouverture dans le mur de soutien situé au sous-sol du local".
La vente a été conclue le 22 avril 2009.
L'architecte contacté par le syndicat en vue de la réalisation des travaux a émis un avis négatif en raison de leur complexité. Un ingénieur de la construction a chiffré à la somme de 120 454,90 euros le coût de ces travaux.
Après expertise, le syndicat a assigné la société Simi, la société BM2 et son assureur, la MAF, la société EERR et son assureur, la SMABTP, aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Elle a fondé sa demande contre la société Simi sur les dispositions des articles 1147 et 1992 du code civil et contre la société BM2 et la société EERR sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240.
Elle a réclamé la condamnation in solidum de la société Simi, de la société EERR, de la SMABTP, de la société BM2 et de la MAF à lui payer la somme de 119 099 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné in solidum la société Simi, la société EERR, la SMABTP, la société BM2 et la MAF à payer au syndicat la somme de 37 496,31 euros correspondant au surcoût des travaux (14 000 euros selon l'évaluation de l'expert), aux frais de location de son ancien site (18 496,31 euros) et à son préjudice de fonctionnement (5 000 euros).
Le tribunal a partagé comme suit la responsabilité entre les co-obligés :
- société Simi : 45 %
- société BM2 : 45 %
- société EERR : 10 %
Pour déclarer la société Simi responsable, le tribunal a retenu que celle-ci, tenue d'assurer l'efficacité des actes qu'il rédige pour le compte de son client, a fait insérer dans la promesse de vente une clause trop restrictive car au lieu de prévoir une clause permettant de faire attester la possibilité de la création d'une grande salle de réunion correspondant au projet de sa cliente, elle a seulement prévu de faire attester la possibilité technique de remplacer un demi-mur par une solive. Il a ajouté que la rédaction de la clause ne prévoyait pas de demander aux techniciens de se prononcer sur la faisabilité pratique ou le coût des travaux.
Le tribunal a également constaté qu'aucune des attestations ne répondait aux termes de la clause et qu'ainsi la société Simi, qui n'a pas attiré l'attention de sa cliente sur le fait qu'elles ne renseignaient pas suffisamment sur les différents aspects techniques et financier de l'opération, a manqué à son obligation de conseil.
Sur la responsabilité de la société BM2, le tribunal a retenu un manquement à son obligation de conseil au motif que dans son attestation celle-ci s'est bornée à donner un avis purement technique sans interroger la société Simi sur le projet de sa cliente et sans l'alerter sur le coût extrêmement élevé des travaux à réaliser. Il a précisé que cette faute contractuelle constitue une faute délictuelle à l'égard du syndicat.
Sur la responsabilité de la société EERR, le tribunal a d'abord constaté que l'expert indique que les poteaux du rez-de-chaussée et du sous-sol sont alignés et superposés, de sorte qu'un élargissement de 1,20 m aurait pour effet de les décaler et d'engendrer d'importantes difficultés de structures. Il a ensuite retenu qu'en se limitant à affirmer la faisabilité technique des travaux sans alerter sur les effets induits et sans nuancer ses conclusions au regard de l'atteinte à la structure porteuse de l'immeuble, la société EERR a manqué à son devoir de conseil envers la société Simi, ce qui constitue une faute délictuelle envers le syndicat.
La société Simi a interjeté appel de ce jugement.
Elle conteste d'abord l'appréciation du tribunal qui lui a reproché le caractère trop restrictif de la clause au regard du projet du syndicat. Elle fait valoir que le sous-sol étant constitué de deux pièces séparées par un demi mur, demander aux techniciens de se prononcer sur la possibilité technique de remplacer un demi mur par une solive genre IPN signifie bien que le projet est d'aménager une salle réunissant ces deux pièces.
Elle ajoute que son obligation de conseil ne portait pas sur le coût généré par le projet de l'Union ni sur les éventuelles sujétions techniques en découlant.
Elle soutient enfin que n'ayant pas de compétence technique en matière de bâtiment, elle a rempli sa mission en sollicitant les avis techniques de professionnels de la construction sans être tenue d'attirer l'attention du syndicat sur les insuffisances de ces avis.
Elle conclut en conséquence à sa mise hors de cause, seule étant engagée la responsabilité de la société BM2 et de la société EERR qui auraient dû émettre des réserves sur la faisabilité technique du projet compte tenu des sujétions techniques à respecter et de son coût.
Elle sollicite la condamnation de la partie succombante à lui payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société BM2 et la MAF ont formé un appel incident.
Elles reprochent au syndicat d'avoir commis une faute qui justifie une exonération partielle de responsabilité d'au moins un tiers.
A titre subsidiaire, elles demandent à être garanties par la société Simi et la SMABTP des condamnations prononcées à leur encontre.
La MAF a ajouté que sa garantie ne s'applique que dans les limites de la police.
La SMABTP conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes en garantie formées à son encontre et, le cas échéant, à la condamnation in solidum de la société Simi, de la société BM2 et de la MAF à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Elle réclame enfin la condamnation de la société Simi à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat a également formé un appel incident.
Il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il condamne in solidum la société Simi, la société BM2, la MAF, la société EERR et la SMABTP à lui payer une somme de 14 000 euros au titre du surcoût des travaux.
Evaluant les frais de location à 25 099 euros et son préjudice de fonctionnement et d'image à 80 000 euros, elles conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il limite l'indemnisation de ces préjudices respectivement à 18 496,36 euros et à 5 000 euros.
Il réclame enfin une somme de 11 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Attendu qu'il résulte de l'expertise judiciaire que s'il est techniquement possible de supprimer la portion de mur au sous-sol, cette suppression ne pourra se faire "qu'au prix de travaux délicats et d'ouvrages de substitution de sections importantes" ; que "les travaux à mettre en oeuvre modifieraient d'une manière significative le fonctionnement de la structure de l'immeuble et l'encombrement des pièces nécessaires pour constituer les ouvrages de substitutions ne laisseraient que 1,85 M. de hauteur de passage entre les deux parties de la pièce du sous-sol" ; que l'expert a ajouté que "dans ces conditions, même s'il serait techniquement possible de supprimer la portion de mur souhaitée, il n'est pas possible de
créer, au sous-sol, un volume unique utilisable en salle de réunion comme souhaité par l'Union fédérale des cadres des fonctions publiques. En outre et compte tenu, d'une part, de la nature des travaux qui modifient significativement la structure de l'immeuble et, d'autre part, des avis recueillis déconseillant la mise en oeuvre de tels travaux, il est peu probable qu'ils puissent être autorisés par une assemblée générale de copropriétaires, celle-ci disposant d'arguments techniques forts et pertinents pour s'y opposer. Mon avis est donc que la suppression même partielle du demi-mur n'est en pratique pas faisable. En tout état de cause, l'encombrement des ouvrages de substitution ne permettrait pas de créer la salle de réunion dans sa dimension souhaitée" ;
Attendu que compte tenu de ces éléments, le syndicat a dû renoncer à la réalisation de son projet initial et a aménagé une salle de réunion, dont les dimensions sont plus faibles que celles prévues par ce projet, en déplaçant un local à usage sanitaire existant dans la pièce située dans le fond du local du sous-sol ;
Attendu que le syndicat, qui n'a pu créer la salle de réunion projetée, a ainsi subi un préjudice qui a été justement évalué par le tribunal au titre du surcoût des travaux, des frais de location pendant la durée des opérations d'expertise et du préjudice de fonctionnement causé par les contraintes liées au fait qu'il ne peut disposer d'une salle de réunion adaptée à son activité ;
Attendu, sur les responsabilités, que la promesse de vente, rédigée avec le concours de la société Simi, prévoit qu' "un entrepreneur certifiera avec le conseil d'un architecte que le 1/2 mur du sous-sol peut être remplacé par une solive genre IPN" ; qu'il résulte de cette disposition que la société Simi avait connaissance du projet du syndicat de réunir les deux pièces du sous-sol pour créer une grande salle de réunion ; qu'il appartenait en conséquence à la société Simi de prévoir que les techniciens consultés donneront leur avis sur les contraintes techniques auxquelles pouvait se heurter la création d'un espace de réunion réunissant les deux salles du sous-sol ainsi que sur son coût prévisible afin de permettre au syndicat de disposer de l'ensemble des données, techniques et financières, susceptibles d'affecter la réalisation de son projet ; qu'en limitant la consultation de l'architecte et du bureau d'étude à la seule question de la possibilité de remplacement du demi mur par une poutre IPN, la société Simi, professionnel de l'immobilier, a ainsi manqué à son obligation de conseil envers son syndicat qui est par conséquent fondé à rechercher sa responsabilité délictuelle ;
Attendu qu'en se bornant à confirmer la possibilité technique d'agrandir l'ouverture dans le mur de soutien situé au sous-sol, la société MM2 et le bureau d'étude EERR, qui devaient interroger la société SIMI sur la nature du projet de l'acquéreur du bien et en outre n'ont pas fait état des contraintes techniques causées par la suppression d'un mur porteur, engagent également leur responsabilité délictuelle envers le syndicat ;
Attendu que le tribunal a justement fixé le partage de responsabilité applicable aux recours exercées par les co-responsables entre eux ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer la jugement en toutes ses dispositions;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
VU l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Simi, la société Atelier d'architecture BM2, la société MAF, la société Engineering étude recherche réhabilitation et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à payer à l'Union fédérale des services publics CFE-CGC la somme de 3 500 euros ;
LES CONDAMNE in solidum aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,