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30/01/2020 | FRANCE | N°18/16722

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 30 janvier 2020, 18/16722


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 30 JANVIER 2020



(n° 2020 - 61, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16722 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57FX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/17232





APPELANTS



Madame [G] [R], en qualité d'ayant-droit de Monsieur [S] [V]

Née le [Date

naissance 1] 1939 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ET



Madame [C] [V], épouse [M], en qualité d'ayant-droit de Monsieur [S] [V]

Née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2]

[Ad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 30 JANVIER 2020

(n° 2020 - 61, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16722 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57FX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/17232

APPELANTS

Madame [G] [R], en qualité d'ayant-droit de Monsieur [S] [V]

Née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ET

Madame [C] [V], épouse [M], en qualité d'ayant-droit de Monsieur [S] [V]

Née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ET

Monsieur [P] [V], en qualité d'ayant-droit de Monsieur [S] [V]

Né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2])

Représentés et assistés à l'audience de Me Pierre SAINT-MARC GIRARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0941

INTIMES

Monsieur [Q] [D]

Né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ET

LA MEDICALE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 582 068 698

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Hélène FABRE de la SELARL FABRE-SAVARY-FABBRO, Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124

Assistés à l'audience de Me Noémie TORDJMAN de la SELARL FABRE-SAVARY-FABBRO, Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Cathy CESARO-PAUTROT présidente de chambre

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

**************

Vu le jugement en date du 4 juin 2018 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation de Mme [G] [R] veuve [V], M. [P] [V] et Mme [C] [V] épouse [M] au titre de leur préjudice fiscal,

- condamné in solidum Mme [G] [R] veuve [V], M. [P][V] et Mme [C] [V] épouse [M] à verser 1.000 euros au docteur [Q] [D] et 1.000 euros à la SA La Médicale de France à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum Mme [G] [R] veuve [V], M. [P] [V] et Mme [C] [V] épouse [M] à verser 3.000 euros au docteur [Q] [D] et à la SA La Médicale de France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [G] [R] veuve [V], M. [P] [V] et Mme [C] [V] épouse [M] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

Vu l'appel relevé le 2 juillet 2018 par Mme [G] [R] veuve [V], M. [P] [V] et Mme [C] [V] épouse [M] ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2019 par lesquelles Mme [R] Veuve [V], M.[P] [V], et Mme [C] [V] épouse [M], demandent à la cour de :

Vu l'article L. 1142-I du code de la santé publique,

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile

- réformer le jugement du 4 juin 2018,

- dire que l'autorité de chose jugée ne peut leur être opposée,

- dire que les préjudices subis par eux depuis l'arrêt de la Cour de Cassation du 5 février 2014 se sont aggravés,

- constater l'existence d'un préjudice nouveau, né de la perte de chance de pouvoir bénéficier de dispositions fiscales plus favorables,

- condamner solidairement le docteur [Q] [D] et la Compagnie d'assurance La Médicale de France à leur verser, au titre des droits de succession réglés par eux, les sommes suivantes :

à Mme [G] [R] veuve [V] : 2.812.563,00 euros

à Mme [C] [V] : 31.500,00 euros

à M. [P] [V] : 31.500,00 euros

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation initiale, le 7 novembre 2016,

- condamner solidairement le docteur [Q] [D] et la Compagnie d'assurance La Médicale de France à leur verser, au titre de la procédure de première instance, la somme de 10.000 euros, et pour celle devant la cour la somme de 6.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter le docteur [Q] [D] et la Compagnie d'Assurance La Médicale de France de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement le docteur [Q] [D] et la Compagnie d'assurance La Médicale de France à payer les entiers dépens de l'instance, dont distraction ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2018 par lesquelles M.[Q] [D] et la société d'assurance La Médicale de France demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juin 2018,

- condamner les consorts [V] à leur payer la somme de 3 000 euros, chacun,à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ,

- condamner les consorts [V] à leur verser la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 novembre 2019 ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que [S] [V], né le [Date naissance 5] 1928, a été suivi pendant plusieurs années par, le docteur [Q] [D], cardiologue, qui lui a prescrit de la cordarone, en 2005 et au début de l'année 2006 ;

Qu'à compter du printemps de l'année 2006, [S] [V] a présenté d'importantes difficultés respiratoires et a consulté un pneumologue, le docteur [C], qui, après divers examens, a diagnostiqué, au mois de juin 2006, une pneumopathie interstitielle imputable 'sans certitude' à la prise médicamenteuse de cordarone, ce qu'e1le a écrit dans un courrier adressé au cardiologue, lequel a arrêté la prescription du médicament ;

Que le 26 octobre 2006, M. [V] a revu le docteur [C] qui a préconisé une diminution trés progressive du traitement par corticoïdes et qui a diagnostiqué une arythmie complète le 8décembre 2006 ;

Que du 24 au 28 décembre 2006, [S] [V] a été hospitalisé à la suite d'un infarctus et a subi une angioplastie ventriculaire avec pose d'un stent ;

Qu'à compter du 9 janvier 2007, le docteur [D] a, de nouveau, prescrit de la cordarone à [S] [V] qui a rapidement ressenti de graves troubles ;

Que le 7 février 2007, M. [V], a été hospitalisé en urgence à l'hôpital [Établissement 1], puis est décédé le [Date décès 1] 2007 ;

Que suivant ordonnance de référé en date du 5 octobre 2007, le président dutribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale et désigné les docteurs [N] [Y] et [W] [S], lesquels ont déposé leur rapport en janvier 2008 et ont conclu notamment 'il existe un lien de causalité directe et certain entre la réintroductionde la cordarone et la survenue du décès de M. [V] ; les soins du docteur [D] ont été attentifs et diligents mais non conformes aux données acquises de la science médicale en raison des manquements suivants : ré introduction fautive de la cordarone, non prise en compte de l'aggravation réguliére, devenant majeure, du syndrome inflammatoire, absence d'hospitalisation en urgence au vu de la radiographie catastrophique ; il existait d'autres possibilités thérapeutiques à mettre en oauvre faisant intervenir notamment diurétiques et bétabloquants à doses adaptées' ;

Que suivant jugement du 8 février 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré le docteur [Q] [D] responsable de la réintroduction fautive de la cordarone dans le traitement de M. [S] [Z][V] et de s'être abstenu de préconiser son hospitalisation en urgence le 1er février 2007 ;

- déclaré 1e docteur [Q] [D] irrecevable à solliciter la condamnation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

- condamné le docteur [Q] [D] à réparer les conséquences domrnageables en indemnisant intégralement les consorts [V] dc leurs préjudices consécutifs au décès de M. [S] [Z] [V] ;

- condamné le docteur [Q] [D] à payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de décision :

à Mme [G] [R] veuve [V] (30 000 + 3 834,38 =) 33 834,38 euros,

à Mme [C] [V] épouse [M] 12 000 euros,

à M. [P] [V] 12 000 euros,

à M. [Z] [V] 12 000 euros,

à [R] [M] 6 000 euros,

à [Y] [M] 6 000 euros,

à [O] [M]. 6 000 euros,

à [D] [V] 6 000 euros,

à [L] [V] 6 000 euros,

à Mme [G] [R] veuve [V], à Mme [C] [V] épouse [M], à M.[P] [V] et à M. [Z] [V] en leurs qualités d'héritiers : (600 + 40 000 =) 40 600 euros ;

- condamné le docteur [Q] [D] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] la somme de 54 348,46 euros au taux légal à compter du 19 mars 2009 ;

- débouté Mme [G] [R] veuve [V] de sa demande au titre du prejudice économique et du préjudice fiscal ;

- débouté Mme [C] [V] épouse [M], M. [P] [V] et M. [Z] [V] de leurs demandes au titre du prejudice fiscal ;

- debouté les parties de toute autre demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de décision ;

- condamné le docteur [Q] [D] à payer la somme de 4 500 euros aux consorts [V] et la somme de 1 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné le docteur [Q] [D] aux dépens qui comprendront les frais de 1'expertise judiciaire ;

Que suivant arrêt du 22 juin 2012, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- condamné le docteur [Q] [D] à rembourser à Mme [G] [V], sur justificatif du règlement intervenu, les frais d'expertise judiciaire avancés par celle ci, et payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 2] l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L376 -1 du code de la sécurité sociale au montant tel qu'il sera fixé au dernier arrêté publié à la date de l'arrêt ;

Que par arrêt en date du 5 février 2014, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois des requérants et a condamné Mme [R] Veuve [V], M.[P] [V], et Mme [C] [V] à une amende civile d'un montant de 3.000euros, outre des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que selon acte en date du 7 novembre 2016, Mme [G] [R] veuve [V], M. [P] [V] et Mme [C] [V] épouse [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins que soient constatées l'aggravation des préjudices subis depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 5 fevrier 2014 et l'existence d'un préjudice fiscal nouveau et que le docteur [D] et la Médicale de France soient condamnés solidairement à leur régler, au titre des droits de succession, les sommes suivantes :

à Mme Veuve [V] : 3.125.070 euros

à Mme [C] [V] : 35.000 euros

à M. [P] [V] : 35.000 euros ;

Que selon ordonnance du 29 janvier 2018, le juge de la mise en état a :

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire trancher au préalable l'exception et la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée évoquées par M. le procureur de la République,

- dit que la question prioritaire de constitutionnalité est recevable en la forme,

- dit que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas sérieuse,

- dit qu'il n'y a pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation aux fins de transmission au conseil constitutionnel,

- dit qu'il y a lieu d'allouer une somme de 2 500 € au docteur [D] et à son assureur la SA la Médicale de France, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il y a lieu de rejeter la demande de condamnation des consorts [V] pour procédure abusive,

- dit que les dépens de l'incident sont reservés et suivront le sort des dépens au fond,

- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires ;

Que par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré les demandes irrecevables sur le fondement de l'autorité de la chose jugée et a condamné les consorts [V] pour procédure abusive ;

Considérant que les appelants soutiennent qu'ils ne sollicitent pas l'indemnisation d'un préjudice fiscal en raison du règlement des frais de succession mais qu'ils fondent leur demande sur la perte de chance de n'avoir aucun droit de succession à régler s'agissant de l'épouse et de bénéficier d'abattements supplémentaires et d'une diminution des droits à payer s'agissant des enfants du défunt ; qu'ils font valoir le principe de la réparation intégrale de leur préjudice et affirment que le décès prématuré de [S] [V] le [Date décès 1] 2007 leur a causé un important préjudice matériel non indemnisé à ce jour ;

Qu'ils rappellent que cinq mois et vingt jours après le décès de [S] [V], le parlement a voté la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi TEPA) qui a réformé les droits de succession permettant notamment d'exonérer de droits de succession les transmissions aux conjoints survivants (CGI article 796-0 bis nouveau ) et d'augmenter les abattements en ligne directe pour les porter de 50.000 à 150.000 euros (CGI article 779 ) ; qu'ils indiquent que les successions des personnes décédées avant le 22 août 2007 ont été exclues de ce nouveau dispositif et qu'ils n'ont pas bénéficié de la réforme votée le 21 août 2007 et publiée au Journal Officiel le 22 août 2007 ; qu'ils font valoir que si [S] [V] avait même seulement vécu six mois de plus, son décès serait intervenu postérieurement au 22 août 2007, et sa veuve se serait alors trouvée exonérée de droits de succession, c'est-à-dire dispensée de verser au Trésor Public la somme de 3.125.070 euros tandis que ses enfants n'ont pu solliciter l'application du nouvel abattement de 150.000 euros et ont dû se contenter de celui de 50.000 euros ; qu'ils exposent que chacun des enfants s'étant vu attribuer chacun un actif de 1.657.351 euros, la perte s'élève à 70.000 euros ;

Qu'ils affirment que les dispositifs des décisions rendues précédemment excluent toute possibilité de leur opposer l'autorité de chose jugée puisque les dispositifs du jugement du du 8 février 2010, de l'arrêt du 22 juin 2012, et de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014, n'ont pas statué sur la perte de chance dont ils sollicitent l'indemnisation ;

Qu'ils allèguent d'un élément nouveau faisant échec à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ; qu'ils observent que la loi TEPA n'a pas été abrogée et qu'il n'existe plus d'aléa à propos de la législation fiscale applicable ; qu'ils invoquent deux rapports d'expertise selon lesquels les chances de survie du de cujus s'établissaient en mars 2007 à 90% si le docteur [D] n'avait pas commis de faute et en déduisent que de façon quasi-certaine [S] [V] aurait été en vie en août 2007, date d'entrée en vigueur de la loi TEPA ; qu'ils concluent que le préjudice de Mme veuve [V], consécutif à la perte de chance de n'avoir aucun droit de succession à régler est donc 90% de la somme versée par elle soit 2.812.563euros (3.125.070 euros x 90) / 100. ), et que celui de chacun des enfants est de 31.500 euros (35.000 euros x 90)/100 ) ;

Que M. [Q] [D] et la société médicale de France concluent à la confirmation du jugement sur l'irrecevabilité des demandes des consorts [V] en vertu de l'autorité de la chose jugée ; qu'ils font valoir que la Cour de cassation s'est prononcée sur la même chose, à savoir l'indemnisation d'un préjudice fiscal qu'auraient subi les consorts [V] du fait du décès de [S] [V] le [Date décès 1] 2007, fondé sur la même cause c'est-à-dire les manquements reprochés au docteur [D], et dans un litige entre les mêmes parties agissant avec les mêmes qualités ; qu' ils soulignent que nul ne peut dire que [S] [V] serait décédé sous le régime de la loi TEPA et qu'il n'existe aucune certitude à ce sujet ; qu'ils relèvent que l'arrêt de la Cour de cassation se réfère expressément à la notion de perte de chance et que la juridiction a précisé que les consorts [V] n'établissaient pas que la faute du médecin leur avait fait perdre une chance que le décès se produise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; qu'ils invoquent la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur le rejet des demandes d'indemnisation au titre des droits de succession ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

Que l'autorité de la chose jugée ne peut être écartée que lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ;

Qu'il est constant que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime ;

Que dans le cadre de la présente instance, les consorts [V] réclament réparation de la perte de chance de pouvoir bénéficier des dispositions fiscales plus favorables au titre des droits de succession ;

Qu'il convient de rappeler qu'ils ont formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 22 juin 2012 ayant statué sur la responsabilité du docteur [D] et la réparation des préjudices ; que leur moyen unique visait à contester le rejet de leur demande relative à l'indemnisation du préjudice fiscal ;

Que l'arrêt en date du 5 février 2014 prononcé par la Cour de cassation mentionne que

' la cour d'appel, retenant à juste titre que, quels que soient les abattements et exonérations résultant de la loi fiscale entrée en vigueur postérieurement au décès, le paiement des droits de succession ne constitue pas un préjudice indemnisable, a fait en répondant aux écritures prétendument omises, une exacte application des principes de la responsabilité civile, dès lors que la date précise à laquelle [S] [V] serait décédé s'il n'avait pas été victime de la faute du docteur [D] ne pouvait, en dépit d'une espérance de vie purement théorique, que demeurer indéterminée, de sorte que ses héritiers n 'établissaient pas que cette faute leur avait fait perdre une chance que ce décès se traduise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; que le moyen n 'est fondé en aucune de ses branches' ;

Qu'ainsi, l'arrêt se réfère expressément à la notion de perte de chance, qui ne saurait dès lors être invoquée à nouveau par les appelants, parties à l'instance ayant donné lieu à la décision dans le cadre d'un litige ayant le même objet et la même cause ;

Que Mme [R] Veuve [V], M.[P] [V], et Mme [C] [V] épouse [M] excipent vainement des rapport établis les 19 novembre 2014 et 23 mai 2019 par les docteurs [O] et [U], concernant l'espérance de vie et les chances de survie de [S] [V] alors qu'il ne peut être retenu comme certain que le décès serait survenu en période d'exonération fiscale contrairement à leur argumentation ; qu'en effet, la date à laquelle [S] [V] serait décédé en l'absence de faute du docteur [D] reste indéterminée comme l'a rappelé la Cour de cassation ;

Que les appelants ne démontrent ni un élément nouveau ni une aggravation de leurs préjudices, et par suite, que des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ;

Que les conditions prévues par l'article 1355 précité étant réunies eu égard à l'arrêt du 5 février 2014, leurs demandes se heurtent à l'autorité de la chose jugée ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur l'irrecevabilité des demandes ;

Considérant que le fait d'avoir introduit une nouvelle action en justice malgré l'amende civile prononcée par la Cour de cassation n'est pas en soi constitutive d'un abus du droit d'agir en justice ; que les intimés échouent à rapporter la preuve d'une faute des appelants à l'origine d'un préjudice indemnisable pour procédure abusive ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé sur les dommages et intérêts alloués de ce chef ;

Considérant que l'équité justifie de confirmer le jugement sur les frais irrépétibles de première instance et d'allouer à M. [Q] [D] et la société la Médicale de France la somme complémentaire de 5 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [Q] [D] et la société la Médicale de France de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en première instance et en cause d'appel ;

Condamne Mme [R] Veuve [V], M. [P] [V], et Mme [C] [V] épouse [M] à verser à M. [Q] [D] et la société la Médicale de France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [R] Veuve [V], M. [P] [V], et Mme [C] [V] épouse [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/16722
Date de la décision : 30/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°18/16722 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-30;18.16722 ?
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