Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 24 JANVIER 2020
(no /2020 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/05567 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5JDV
Décision déférée à la cour : jugement du 12 février 2018 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG no 17/00131
APPELANTES
Mademoiselle B... N...
[...]
[...]
née le [...] à La Courneuve (93000)
Représentée par Me Alexis ULCAKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K051
Société civile CLOS VERT
[...]
[...]
No SIRET : 418 030 433
Représentée par Me Alexis ULCAKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K051
INTIMES
Monsieur I... V...
[...]
[...]
Représenté par Me Nicolas KOHEN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 250
SA CREDIT DU NORD
société anonyme au capital de 890.263.248 , immatriculée au RCS de LILLE sous le no 456.504.851, dont le siège social est [...] et son siège central [...]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]
[...]
No SIRET : 456 504 851
Représentée par Me Denis-clotaire LAURENT de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010
Composition de la cour :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le18 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Monique CHAULET, conseillère , chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude CRETON, président
Mme Christine BARBEROT, conseillère
Mme Monique CHAULET, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, président, et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier lors de la mise à disposition.
Par acte notarié du 31 juillet 2015, Mme N... et la SCI Clos Vert, respectivement usufruitière et nue-propriétaire d'un bien immobilier situé [...], ont consenti une promesse unilatérale de vente de ce bien au profit de M. V... pour le prix de 780000 euros. Le bien est composé d'un terrain sur lequel est construit une maison d'habitation et un garage.
Cette promesse a été consentie pour une durée expirant le 30 septembre 2016, sous conditions suspensives, notamment celle stipulée en faveur de M. V... de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours avant le 16 septembre 2016.
L'acte prévoyait le versement par le bénéficiaire de la promesse d'une indemnité d'immobilisation de 78000 euros en cas de non-réalisation de l'acquisition alors que toutes les conditions suspensives sont réalisées. La société Crédit du Nord s'est portée caution solidaire de M. V... au profit des promettants à concurrence de 78000 euros.
Après un rejet tacite de la demande de permis de construire déposée par M. V... à la mairie aux motifs que le dossier était incomplet en l'absence de transmission de certaines pièces, et la tentative restée sans suite de signer un avenant à la promesse, M. V... a refusé de régulariser l'acte authentique, puis de payer l'indemnité d'immobilisation.
La société Crédit du Nord a refusé de payer le montant de cette indemnité à Mme N... et à la SCI Clos Vert en raison de l'opposition de M. V....
Mme N... et la SCI Clos Vert ont fait assigner M. V... et la banque Crédit du Nord aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de l'indemnité d'immobilisation et de dommages-intérêts.
Par un jugement du 12 février 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté leurs demandes.
Pour statuer ainsi, le tribunal de grande instance de Bobigny a constaté qu'il ressortait des pièces produites au débat que le projet initial portant sur une surface de 1644 m² a été refusé et que le nouveau projet qui a obtenu l'accord des services de l'urbanisme de la mairie vise une surface à construire de plancher de 1320 m², soit une amputation de 13%, qu'en conséquence si M. V... avait déposé initialement une demande de permis de construire correspondant exactement à la surface de plancher à construire fixée par la promesse, elle aurait été rejetée, que les avis des services de l'urbanisme constituent des éléments nouveaux dont M. V... ne pouvait pas avoir connaissance avant de déposer sa demande de permis de construire et que la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention du permis de construire telle que définie dans la promesse ne résulte pas du fait ou de la faute de M. V..., le projet de construction stipulé par la promesse de vente étant voué à l'échec compte tenu des exigences des services de l'urbanisme de la mairie, qu'en conséquence il ne peut lui être reproché d'avoir déposé sa demande de permis de construire hors du délai contractuel convenu et de ne pas avoir adressé les pièces manquantes à cette demande en janvier 2016.
Mme N... et la SCI Clos Vert ont interjeté appel de la décision.
Par leurs dernières conclusions, elles sollicitent l'infirmation totale du jugement et demandent à la cour de :
. dire que l'indemnité d'immobilisation doit leur être versée et, en conséquence, condamner solidairement M. V... et la société Crédit du Nord à leur payer la somme de 78000 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 28 novembre 2016,
. dire que M. V... et la société Crédit du Nord ont fait preuve de résistance abusive en refusant de s'acquitter du paiement de l'indemnité d'immobilisaiton due et, en conséquence, les condamner à leur payer chacun la somme de 10000 euros de dommages et intérêts,
. dire que M. V... a causé un préjudice aux demandeurs en entretenant le doute quant à sa levée de l'option, obligeant Mme N... à se reloger mais empêchant les promettants de financer leur achat avec le produit de la vente, en conséquence, condamner M. V... à leur payer la somme de 19474 euros à titre de dommages-intérêts,
. condamner M. V... et la société Crédit du Nord à leur payer chacun la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. V... demande la confirmation du jugement et sollicite le rejet des demandes de Mme N... et de la SCI Clos Vert et la condamnation in solidum de tout succombant à lui payer 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.
La société Crédit du Nord sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande en conséquence à la cour de :
. limiter son éventuelle condamnation à une somme égale au montant de l'indemnité qui sera, le cas échéant, allouée à Mme N... et à la SCI Clos Vert,
. débouter Mme N... et la SCI Clos Vert de toutes leurs demandes à son encontre excédant le montant de cette indemnité,
. condamner M. V... à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre,
. condamner toute partie succombante à lui payer 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture a été ordonnée le 3 octobre 2010.
SUR CE
Mme N... et la SCI Clos Vert font valoir que non seulement le dossier de demande de permis de construire a été déposé hors délai contractuel et de manière incomplète, mais aussi que M. V... ne prouve pas avoir respecté les règles du plan d'urbanisme et les préconisations des services de l'urbanisme de la commune, ce dernier étant un professionnel de l'immobilier. Elles soutiennent que le jugement entrepris ne tient pas compte des stipulations contractuelles acceptées par les parties à la promesse et qu'en retenant que M. V... n'aurait pas pu obtenir un permis conforme à celui décrit par la promesse et qu'en conséquence il n'est pas réputé avoir empêché l'accomplissement de la condition, le tribunal a dénaturé la convention signée par les parties. Elles ajoutent que le seul fait d'avoir manqué aux stipulations de délais, diligence et de forme prévus par la promesse entraîne pour M. V... la renonciation à se prévaloir de la condition suspensive relative au permis de contruire quand bien même il démontrerait que la mairie en toute hypothèse ne lui aurait pas accordé le permis, ce qu'il ne fait pas.
M. V... demande la confirmation du jugement et soutient que, le projet immobilier n'étant pas réalisable, le non respect des engagements pris aux termes de la promesse n'a eu aucune incidence et qu'il ne peut donc lui être reproché de n'avoir pas déposé de permis de construire ou, a fortiori, de l'avoir déposé avec retard.
Aux termes de la promesse unilatérale de vente du 31 juillet 2015, la réalisation de la promesse est soumise à l'obtention par le bénéficiaire d'un permis de construire purgé du recours des tiers et retrait administratif avant le 16 septembre 2016 pour la réalisation, sur le bien objet de la convention, d'une opération de construction immobilière d'un immeuble à usage principal d'habitation pour une surface de planchers d'environ 1529 m².
Il est précisé que le bénéficiaire devra, pour se prévaloir de la présente condition suspensive, justifier auprès du promettant d'un dossier complet de demande de permis de construire et ce dans le délai de trois mois à compter du jour de la promesse, au moyen d'un récépissé délivré par l'autorité compétente et qu'au cas où le bénéficiaire ne respecterait pas son engagement, et ce huit jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, il sera réputé avoir renoncé à cette condition.
Il est par ailleurs précisé que le bénéficiaire étant un professionnel de l'immobilier et l'avant contrat ayant fait l'objet d'une étude préalable au cours des six derniers mois, celui-ci s'engageait à demander un permis de contruire en respectant les règles du plan local d'urbanisme et les préconisations des services d'urbanisme de la commune et qu'à défaut il perdrait son indemnité d'immobilisation au profit du promettant.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2015, la SCI Clos Vert a mis en demeure M. V... de justifier du dépôt d'un dossier complet de permis de construire à la date du 31 octobre 2015 conformément aux termes de la promesse.
Il est établi par les pièces produites au débat que M. V... a déposé sa demande de permis de construire à la mairie le 16 décembre 2015 pour une surface de 1644 m², qu'il a été informé par les services de la mairie par lettre recommandée avec accusé de réception le 11 janvier 2016 que sa demande était incomplète et, faute pour M. V... d'avoir transmis les pièces demandées, sa demande a fait l'objet d'une décision tacite de rejet le 13 avril 2016 en vertu de l'article R423-39 du code de l'urbanisme, ce dont il a été informé par un courrier du maire du 20 avril 2016.
En cas de non-réalisation de la condition suspensive, celle-ci n'est réputée accomplie que lorsque le défaut d'accomplissement est imputable au débiteur, obligé par cette condition.
Il résulte des pièces produites au débat par M. V... qu'un premier échange de mails a eu lieu entre son architecte, M. J..., avec Mme C..., architecte des bâtiments de France, en septembre 2015 aux fins d'obtenir un avis préalable sur le projet et que la réponse de cette dernière le 26 octobre suivant ne portait pas sur la surface.
Le projet a été déposé pour une surface de 1644 m² et par mail du 16 février 2016, M. J... informait M. V..., suite à un rendez-vous en mairie avec Mme O..., responsable du service urbanisme de la mairie, que le principe du projet était retenu mais restait à valider par le maire sur la base d'un visuel et d'un bilan surface et précisait d'ores et déjà la suppression de l'unique appartement en R+4.
Par mail du 28 février 2016, M. J... a adressé à Mme O... un nouveau projet portant sur un immeuble R+3 et ne comportant plus de logement en zone Uba dans lequel la surface de plancher passait de 1644 m² à 1526 m².
Aux termes d'un échange de mails du 4 mars 2016 entre M. J... et Mme O..., le projet modifié a été ramené à «R+2+C», M. J... ayant répondu le jour même à Mme O... qui lui demandait de préciser le nombre de logements et le faîtage.
Le 14 avril 2016, Mme O... répondait à M. J... en s'excusant pour sa réponse tardive et lui indiquait que sa dernière proposition était validée, ce dernier ayant informé M. V... le même jour de cet accord de la mairie.
Le lendemain, Mme O... demandait par mail à M. J... de lui indiquer la surface habitable finale de l'opération pour se rapprocher de ses clients afin d'obtenir une prorogation de la promesse auquel M. J... a indiqué, par mail du 18 avril 2016, que la surface habitable finale de l'opération serait de 1320 m², l'architecte disant qu'il peut faire un dépôt de permis sous 3 semaines.
Les appelantes reconnaissent, en page 5 de leurs conclusions, avoir été sollicitées par M. V..., en mai et juin 2016, pour la signature d'un avenant à la promesse ramenant le prix à 700 000 euros et prévoyant un nouvelle condition suspensive d'obtention d'un permis de construire avant le 30 avril 2017 et que si elles n'étaient pas opposées à une baisse de prix, elles étaient opposées à cette nouvelle condition suspensive et qu'aucun avenant n'a pu être signé.
En conséquence, si le permis de construire initialement déposé n'était pas, au regard de la surface, conforme à la promesse et qu'il a fait l'objet d'un rejet implicite pour défaut de production d'un dossier complet le 13 avril 2016, il résulte néanmoins des échanges entre M. J..., architecte, et les services de la mairie que M. V... ne pouvait obtenir un permis de construire pour la surface prévue dans l'acte et que même s'il avait complété son dossier pour une surface conforme à celle de la promesse, il n'aurait pu obtenir l'accord de la mairie puisque celle-ci exigeait une baisse de surface de 13% par rapport à celle prévue dans l'acte, ce dont il ne pouvait avoir connaissance avant la conclusion de la promesse dès lors que cette demande de réduction de la surface par les services de la mairie n'est intervenue qu'entre février et mars 2016.
Il est donc établi que ce n'est pas du fait de M. V... que la condition suspensive n'a pas été réalisée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation.
Compte-tenu de ces éléments, la preuve de la résistance abusive de M. V... et du Crédit du Nord alléguée par Mme N... et la SCI Clos Vert n'est pas rapportée pas plus que n'est démontrée une faute imputable à M. V..., Mme N... et la SCI Clos Vert ne contestant pas avoir eu connaissance dès mai 2016, par la proposition d'un avenant, des difficultés de M. V... pour obtenir un permis de construire dans les termes de la promesse.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme N... et la SCI Clos Vert de leurs demandes de dommages et intérêts.
L'équité et la solution du litige commandent de condamner in solidum Mme N... et la SCI Clos Vert à payer à M. V... une somme de 2000 euros et à la société Crédit du Nord une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 12 février 2018 en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum Mme N... et la SCI Clos Vert à payer à M. V... une somme de 2000 euros et à la société Crédit du Nord une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme N... et la SCI Clos Vert aux dépens avec distraction au profit de Me Nicolas Kohen pour ceux dont il a fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,