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11/12/2019 | FRANCE | N°18/08489

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 décembre 2019, 18/08489


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2019



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08489 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SN3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/10952





APPELANTS



Madame [UF] [S]

née le [Date na

issance 6] 1972 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Localité 11]



Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 15]

[Adresse 9]

[Localité 11]



représentés par Me Rama CHALAK, avocat...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08489 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SN3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/10952

APPELANTS

Madame [UF] [S]

née le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Localité 11]

Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 15]

[Adresse 9]

[Localité 11]

représentés par Me Rama CHALAK, avocat au barreau de PARIS, toque : C1655

INTIMÉE

Madame [LX] [R] [I] [D] épouse [O]

née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 22] (VIETNAM)

[Adresse 12] (VIETNAM)

représentée par Me Thi My Hanh NGO-FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0853

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [A] [T] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Céline DESPLANCHES

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier présent lors de la mise à disposition.

***

[DW] [S], né le [Date naissance 7] 1934, est décédé en son domicile à [Localité 20] le [Date décès 4] 2016 à l'âge de 81 ans. Il était veuf de [W] [J] depuis 1995 et avait une fille unique, [U], décédée en 1999. L'enquête diligentée par le commissariat de police de [Localité 23] a conclu à un suicide par défenestration.

[DW] [S] avait déposé en l'étude de Maître [P] [N], notaire à [Localité 16], les dispositions testamentaires prises en la forme olographe suivantes :

1/ un testament en date du 8 avril 2011 par lequel le défunt désigne en qualité de légataire universelle de l'ensemble de ses biens meubles et immeubles ainsi que d'une assurance décès souscrite auprès du Crédit Lyonnais de Vincennes, Mme [JL] [R] [I] [D], à charge pour elle de délivrer un legs particulier de 10 000 € à Mademoiselle [M] [UY] ;

2/ un codicille en date du 19 janvier 2012 par lequel le défunt, en cas de renoncement de Mme [D] à son legs, lègue tous ses biens à ses héritiers «naturels» à savoir, son frère [H], à défaut à sa nièce [UF] [S] ainsi que ses deux enfants [BU] et [Z] ;

3/ un codicille en date du 22 avril 2015 révoquant ses dispositions antérieures, par lequel le défunt désigne comme légataire de ses quatre biens immobiliers qu'il décrit, son frère [H] [S], à défaut l'épouse de ce dernier, à défaut leur fille [UF]. Il annule la donation au bénéfice de Mme [D] des biens immobiliers mais il lui réserve l'attribution des assurances vie auprès de la MACIF et du groupe ODDO, l'assurance décès souscrite auprès du Crédit Lyonnais devant servir à régler ses frais d'obsèques. Il lègue les meubles et les collections précieuses d'ivoires et autres, à son frère [H] [S], son épouse et 'ascendants' ;

4/ un codicille en date du 12 mai 2015 par lequel le défunt désigne comme légataire universel son frère [H] [S], son épouse et à défaut leur fille [UF], en remplacement de Mme [D] pour les assurances vie souscrites auprès de la MACIF et la banque privée ODDO (contrat du groupe AXA « HARMONIAL '' n° 537/2084)

5/ un codicille en date du 23 juillet 2015 par lequel le défunt institue son frère [H] [S] comme légataire universel de tout le patrimoine immobilier composé de ses quatre studios, des assurances vie ouvertes à la MACIF MUTAVIE (Livret Vie option n° 5119091, Livret Vie option n° 4927513 et Livret Vie option n° 4745189) et auprès du groupe ODDO et des comptes bancaires (comptes Crédit Lyonnais avec une assurance-vie et compte CIC), et lui demande de verser à Mme [D], demeurant à [Adresse 14], la somme de 60 000 €.

6/ deux testaments en date des 17 et 27 août 2015, par lesquels le défunt indique en substance

A/ qu'il lègue son patrimoine immobilier composé

- d'un studio de 40 m2 situé [Adresse 19]

- d'un studio de 40 m2 situé au [Adresse 2]

- d'une studette de 19 m2 située [Adresse 3]

- d'une studette de 15 m2 situé [Adresse 10]

à sa nièce [UF] [S], à charge pour elle de délivrer un legs de somme d'argent (60.000 €, nette de frais et droits) à Mme [D] et à défaut à ses filles. En cas de refus de [UF] [S] de délivrer le legs, [DW] [S] lègue son patrimoine immobilier à trois associations, l'ORT (association de travailleurs juifs), Les Orphelins Juifs et l'association de chiens d'aveugles ;

B/ qu'il lègue à Mme [D] ses comptes bancaires ouvert au CIC à [Localité 20] et au Crédit Lyonnais à [Localité 20] et ses assurances vie suivantes :

- contrat numéro 537/2084 souscrit le 11 juin 1996 auprès de la compagnie AXA,

- Livret Vie option n° 5119091

- Livret Vie option n° 4927513

- Livret Vie option n° 4745889

- tous les futurs contrats vie option souscrits auprès de la MACIF

C/qu'il souhaite que sa collection d'ivoires rejoigne la vitrine des meubles anciens et de valeurs se trouvant chez son frère [H].

Une lettre (datée du 17 ou du 27 août 2015) destinée à Mme [D] a également été remise au notaire.

[DW] [S] avait en outre :

- le 17 juillet 2015, souscrit en faveur de Mme [UF] [S], un contrat Livret Vie Option (n°5709051)

- le 11 août 2015, souscrit trois nouveaux contrats Livret Vie Option (n°5720197, 5720199, 5720201) dont les bénéficiaires étaient ses héritiers ;

- le 17 août 2015, établi, à l'attention de la compagnie Axa, un avenant destiné à annuler la précédente clause bénéficiaire de son contrat Harmonial 537/2084, pour y substituer une clause selon laquelle les bénéficiaires seraient désignés par les dispositions testamentaires déposées chez Maître [N] et [B], et à défaut seraient ses héritiers ;

- le 23 août 2015, établi, à destination de la compagnie d'assurance Mutavie, une modification de la clause bénéficiaire de ses contrats Livret Vie n°5119091, Livret Vie Option n°4927513, et Livert Vie Option n°4745889, en faveur de Mme [D], et à défaut, de ses deux filles, et sinon de ses héritiers.

C'est courant 2008 que [DW] [S] aurait fait connaissance de Mme [D], née le [Date naissance 5] 1973, de nationalité vietnamienne, mariée et mère de deux enfants, alors qu'elle se trouvait en France pour préparer une thèse de doctorat en biologie. Retournée au Vietnam après l'obtention de ce diplôme, elle est revenue courant 2011-2012, 2013 et 2014 en France pour y faire des stages à l'INSERM et à cette occasion séjournait chez [DW] [S].

Par ordonnance en date du 17 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a ordonné, à la demande de M. [S] et Mme [S], le séquestre des fonds détenus par les sociétés MUTAVIE, AXA FRANCE VIE et CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL au titre des contrats énumérés à l'assignation, jusqu'à ce qu'une décision définitive ordonne la mainlevée du séquestre.

Les consorts [S] ont également, le 15 septembre 2016, déposé plainte pour abus de faiblesse, réitérée par une plainte avec constitution de partie civile le 2 juillet 2018.

Par jugement en date du 13 mars 2018, le tribunal de grande instance de Créteil, saisi sur assignation par M. [H] [S] et Mme [UF] [S], de Mme [LX] [R] [I] [D], a

- débouté Mme [S] et M. [S] de leurs demandes relatives à la nullité des testaments olographes de [DW] [S] en date des 17 et 27 août 2015 ;

- dit que les testaments de [DW] [S] des 17 et 27 août 2015 sont valables et doivent recevoir exécution ;

- débouté Mme [S] et M. [S] de leurs demandes relatives à la nullité de l'avenant en date du 26 août 2015 modifiant les clauses bénéficiaires des assurances MUTAVI n°4745889, 4927513 et 5119091 ;

- débouté Mme [S] et M. [S] de leurs demandes relatives à la nullité de l'avenant en date du 17 août 2015 modificatif de la clause bénéficiaire du contrat AXA HARMONIAL n° 537/2084;

- ordonné sur justification du caractère définitif du présent jugement, la mainlevée du séquestre constitué entre les mains de la société MUTAVIE n°4745889,4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201 ainsi que du contrat Livret Vie n° 5119091 ;

- ordonné, sur justification du caractère définitif du présent jugement, la mainlevée du séquestre constitué entre les mains de la société AXA résultant du contrat HARMONIALE n°537/2084 ;

- ordonné, sur justification du caractère définitif du présent jugement, la mainlevée du séquestre constitué entre les mains du Crédit Industriel et Commercial résultant d'un compte livret A Sup n° 300661067600020002 3803, d'un compte livret de développement durable portant le n°300661067600020002 3802, d'un compte courant privé portant le n°300661067600020002 3801 ;

- ordonné la délivrance à Mme [D] de son legs particulier découlant des testaments des 17 et 27 août 2015 ;

- ordonné la mainlevée du séquestre d'un plan 'assurances Horizons" portant le numéro au OJ9713438 ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.

Par déclaration du 24 avril 2018, Mme [UF] [S] et M. [H] [S], ci-après les consorts [S], ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 25 septembre 2019, ils demandent à la cour,

Vu les dispositions de l'article 901 et 1137 à 1143 du code civil, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;

en conséquence,

- Statuant à nouveau, réformer la décision entreprise sur les points suivants :

' prononcer la nullité des testaments olographes de [DW] [S] en date des 17 et 27 août 2015 pour violence et dol ;

' prononcer la nullité de l'avenant en date 26 août 2015 de modification de la clause bénéficiaire des assurances vie MUTAVIE numéro 4745889, 4927513 et 5119091 pour violence et dol;

' prononcer la nullité de l'avenant en date du 17 août 2015 de modification de la clause bénéficiaire du contrat AXA Harmonial n°537/2084 pour violence et dol ;

' ordonner la mainlevée du séquestre des fonds séquestrés

' entre les mains de la société MUTAVIE résultant des contrats Multi Vie numéros 4745889, 4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201 ainsi que du contrat Livret-Vie numéro 5119091 ;

' entre les mains de la société AXA résultant du contrat Harmonial n°537/2084 ; ' entre les mains du Crédit industriel et commercial résultant d'un compte Livret A sup portant le numéro 3006610676000200023803, d'un compte Livret de développement durable portant le numéro 3006610676000200023802, d'un compte courant privé portant le numéro 3006610676000200023801 ;

' dire que la mainlevée ne pourra intervenir que lorsqu'il sera justifié du caractère définitif de l'arrêt à intervenir ;

Sur le fondement de l'article 9 du code de procédure civile,

- Rejeter des débats la pièce n°47 versée aux débats par Mme [D] ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la nullité des testaments olographes de

[DW] [S] en date des 17 et 27 août 2015 et des avenants n'était pas prononcée,

- dire que le legs d'une somme de 60.000€ en faveur de Mme [D] ne peut être exécuté que sur l'actif successoral et sera traité comme dette de la succession ;

- les déclarer recevables en leur demande visant à l'intégration dans l'actif successoral des contrats d'assurance suivants souscrits auprès de Mutavie : Multi Vie numéros 4745889, 4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201, le contrat Livret-Vie numéro 5119091 ainsi que le contrat Harmonial n°537/2084 souscrit auprès d'Axa ;

- dire que l'actif successoral comprendra les contrats d'assurance suivants souscrits auprès de Mutavie : Multi Vie numéros 4745889, 4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201, le contrat Livret-Vie numéro 5119091 ainsi que le contrat Harmonial n°537/2084 souscrit auprès d'Axa ;

- débouter Mme [D] de ses demandes ;

- condamner Mme [D] à leur verser la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 24 septembre 2019, Mme [D] demande à la cour,

Vu les articles 1003, 1010, 1014 et 1017, 901, 414-1, 724-1 et 737 du code civil,

Vu l'article 901 du code de procédure civile

de :

- juger irrecevable la demande subsidiaire de M. [H] [S] et Mme. [UF] [S] de réintégrer dans l'actif successoral les contrats d'assurance suivants souscrits auprès de Mutavie : Multi Vie numéros 4745889, 4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201, le contrat Livret-Vie numéro 5119091 ainsi que le contrat Harmonial n°537/2084 souscrit auprès d'Axa ;

- débouter Mme [UF] [S] et M. [H] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement ;

Y ajoutant,

- constater que le testament du 27 août 2015 de [DW] [S] révoque son testament du 17 août 2015 ;

- dire qu'elle a demandé la délivrance de son legs le 1er décembre 2016 et subsidiairement le 5 juillet 2017 ;

- condamner in solidum M. [H] [S] et Mme [UF] [S] à lui payer 18 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum M. [H] [S] et Mme [UF] [S] aux entiers dépens d'instance et d'appel et dire qu'ils pourront être recouvrés par Me Thi My Hanh Ngo-Folliot, avocat postulant aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

sur la demande des consorts [S] tendant à écarter la pièce 47 de Mme [D] :

Les consorts [S] demandent que la pièce n°47 de Mme [D], constituée d'une attestation de M. [V], ami de [DW] [S], datée du 8 octobre 2016, soit écartée au motif que cette attestation résulterait d'un concert frauduleux entre le témoin et l'intimée, ainsi qu'il ressort d'après eux de documents et messages retrouvés sur l'ordinateur de M. [V] après son décès.

Selon Mme [D], cette prétendue collusion serait une invention, qui n'aurait pour objet que de faire écarter une attestation embarrassante pour les consorts [S], lesquels changeraient d'argumentaire au fur et à mesure qu'elle est en mesure de contrer leur position par des éléments objectifs.

Il ressort des messages échangés entre M. [V] et Mme [D], que M. [V] disposait d'une copie de l'assignation en référé délivrée à Mme [D] en septembre 2016 (cf pièce 114 app), et que c'est par son intermédiaire qu'elle a obtenu deux attestations en sa faveur, dont celle d'un prénommé [X] (probablement M. [X] [G]). Quant aux trois fichiers documentaires, le premier contient une analyse critique de l'argumentation développée par les consorts [S] concernant en particulier l'état de vulnérabilité de [DW] [S], et les deux autres correspondent manifestement à la préparation de l'attestation fournie à Mme [D].

Or, ces éléments révèlent seulement que M. [V] avait connaissance des termes du litige, ce qui paraît logique dès lors qu'il a aidé Mme [D] quand elle a eu besoin d'un avocat (cf pièce 113 app) et qu'il a souhaité lui apporter son soutien, par le témoignage en cause, dont il importe peu qu'il n'ait été versé aux débats que postérieurement à son décès. Il n'existe aucune preuve d'une collusion entre Mme [D] et M. [V] laquelle aurait impliqué qu'ils conviennent que ce dernier rapporterait une version mensongère des faits, ce que rien n'établit, étant observé que l'attestation fournie à Mme [D] ne contredit en rien celle que M. [V] avait précédemment fournie aux consorts [S] (cf : pièce 9 App).

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce 47 de l'intimée.

sur la nullité des testaments des 17 et 25 août 2015 et des avenants des 17 et 26 août 2015 :

Les consorts [S] soutiennent que ces actes sont nuls car Mme [D] a profité de l'état de vulnérabilité de [DW] [S] pour qu'il dispose de la quasi-intégralité de son patrimoine en sa faveur.

Ils font valoir qu'à la suite d'une tentative de suicide en 1997, [DW] [S] a été diagnostiqué bipolaire et s'est vu prescrire un traitement médicamenteux impliquant une prise de lithium, d'anxiolitiques et d'anti-dépresseurs ; qu'il aurait dû sa vie durant suivre un traitement régulateur de son humeur, ce dont il s'est abstenu, de sorte que ses troubles ont perduré ; que ce syndrome maniaco-dépressif a été parfaitement identifié par une expertise post-mortem qu'ils ont fait exécuter par le docteur [C] et est repérable dans divers écrits du de cujus, ainsi qu'à travers certains de ses comportements ; que l'expertise médicale a également révélé que [DW] [S] souffrait 'd'un fléchissement cognitif avec participation frontale', qu'illustrent selon eux plusieurs de ses écrits, révélateurs de troubles de la mémoire et de raisonnement ; que le défunt était d'autant plus vulnérable qu'il présentait de nombreuses autres pathologies, en particulier une maladie de Crohn et un diabète insulino-dépendant.

Mme [D] fait valoir qu'une bipolarité est attribuée de façon posthume à [DW] [S] par une expertise non probante, qu'aucuns documents médicaux établis de son vivant ne viennent corroborer et que la prétendue vulnérabilité du de cujus est démentie par la vie autonome qu'il a toujours menée, voyageant, recevant ses amis, faisant des sorties, et gérant lui-même ses affaires.

La cour considère que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont considéré qu'aucuns des éléments médicaux ou attestations qui leur étaient fournis n'établissaient l'insanité d'esprit de [DW] [S] au moment de l'établissement des testaments en cause.

A hauteur d'appel, les consorts [S] ont produit une pièce nouvelle constituée de l'expertise du docteur [C], à l'aune de laquelle ils ré-analysent divers écrits et comportements de [DW] [S], pour prétendre que depuis 1996-1997, celui-ci souffrait de troubles bi-polaires altérant son discernement.

Selon cet expert, le diagnostic de trouble bipolaire s'imposerait en raison de décompensations dépressives graves avec passage à l'acte suicidaire qu'a connues [DW] [S] dès 1996 et en 2016, d'une composante génétique (suicide de sa mère et de sa fille), de nombreux facteurs traumatisants existant dans sa biographie et des maladies somatiques contraignantes dont il était atteint (maladie de Chron et diabète insulino-dépendant). Par ailleurs, les différents documents non médicaux qui lui ont été soumis l'ont conduit à considérer que [DW] [S] aurait présenté une alternance d'épisodes hypomaniaques et d'inhibition dépressive avec une grande vulnérabilité et une soumission à l'autre, présents de façon croissante, pour aboutir à un suicide mélancolique en 2016.

Il conclut de la façon suivante :

« En l'absence d'un traitement thymo-régulateur et d'un suivi médical régulier, la santé psychique de Monsieur [DW] [S] s'est dégradée, de façon habituelle dans le cadre d'une maladie bipolaire.

Un long intervalle libre entre 1997 et 2016 [entre les hospitalisations en services psychiatriques], n'a pas été marqué par une stabilisation réelle. Un fléchissement cognitif, des périodes hypomaniaques clairement repérables comme une incurie progressive ont induit une vulnérabilité dont il n'avait pas conscience.

L'analyse des divers documents indique un fléchissement cognitif avec participation frontale dans le cadre clinique fréquent chez les patients âgés présentant une maladie bipolaire.

La répétition des testaments l'été 2015 indique une instabilité psychique s'inscrivant dans le contexte de sa bipolarité alors qu'il vivait dans des conditions devenues incuriques jusqu'à sa fin tragique ».

Cependant, si un épisode hypomaniaque a été repéré chez [DW] [S] en janvier 1997 et que du Théralithe LP 400 (équivalent du lithium) lui a été prescrit en août 1997, aucune pièce médicale établie du vivant de [DW] [S] et versée aux débats (l'expert évoque pour la période 1996-1997 un compte-rendu de l'hôpital [18] qui n'est pas communiqué) ne pose clairement le diagnostic d'un syndrome maniaco-dépressif.

Par ailleurs, l'expertise ne précise pas à quels documents non médicaux le docteur [C] a eu accès, ce qui est d'autant plus préjudiciable que les consorts [S] ont pu lui en faire une présentation trompeuse. Ce risque est loin d'être négligeable au vu de la propension des appelants à tronquer des citations et l'interprétation fallacieuse qu'ils en tirent :cf à titre d'exemples, leur affirmation selon laquelle l'extrait de phrase tirée d'une lettre de [DW] [S] figurant en pièce 17 int - 'I knom dear Mother, how it is so difficult to live'se rapporterait à sa mère alors que l'ensemble de la citation - 'Mme [R] [I] tell me the last news from Hue every week so I know dear Mother how it is so difficult to live'- montre qu'elle est destinée à une personne se trouvant au Vietnam, ou encore que la présence dans un album photographique de la phrase 'Quand on donne aux autres (...) nous en sommes les grands bénéficiaires' illustrerait l'exhortation faite à [DW] [S] par Mme [D] de donner son argent, alors que la phrase exacte est la suivante : 'Remember, when we give love (souligné par la cour) to another, happiness emerges from our mind, and we then are the biggest beneficiaries'.

Or, c'est à partir de ces pièces que l'expert a décrit [DW] [S] comme étant 'peu compliant à des soins indispensables', soulignant son 'observance limitée également pour ses troubles somatiques', affirmation qui est démentie par les nombreux rendez-vous médicaux dont les extraits de son agenda rendent compte (pièce 72 app), ainsi que par la mention faite de ses traitements en cours, dans un compte-rendu d'hospitalisation dans le service de rééducation et de rhumatologie de l'hôpital [21] du 9 mai 2016 (cf pièce 5 app, cf également pièce 6, la rubrique 'traitement à l'entrée').

Par ailleurs, on ignore ce qui a conduit l'expert à relever l'incurie de [DW] [S], étant observé que les photographies prises de son logement après son décès ne rendent pas nécessairement compte de ses conditions habituelles de vie (appartement quitté dans le contexte d'une tentative de suicide et au surplus habituellement occupé par d'autres personnes) et qu'une telle incurie ne ressort en réalité que d'une attestation de Mme [F] [K], dont la force probante est altérée par la charge subjective à laquelle le témoin s'y livre dans la partie finale à l'encontre de Mme [D].

Ne sont pas plus précisés les documents à partir desquelles l'expert a conclu à l'existence d' 'un fléchissement cognitif avec participation frontale'. Ce ne sont pas quelques bizarreries demeurées inexpliquées (notamment l'allusion dans un courriel du 5 octobre 2014 à un voyage de 4.800 kms dont [DW] [S] est censé rentré alors que son passeport n'en conserve pas la trace ou encore la crainte qu'il exprime dans la lettre laissée au notaire à l'intention de Mme [D] que 'l'Etat vorace pique (s)es studios'), qui altèrent la cohérence d'ensemble des écrits qu'il a laissés, et il n'est pas démontré que ce que l'expert a retenu comme illustrant des périodes hypomaniaques (exaltation ludique, diverses personnalités avec l'utilisation de fausses cartes de visite) ne puisse être mis sur le compte d'une personnalité a-typique, volontiers facétieuse (cf notamment pièce 3 Int, pièce 12 app, attestation de M. [Y] en pièce 59 app, photographies pièce 60 int).

Quant à la soumission à autrui, l'expert ne précise pas davantage ce qui l'étayerait, sachant qu'en particulier, les courriels de [DW] [S] à Mme [D] n'en portent absolument aucune trace.

En l'absence d'autres éléments objectifs de nature à la conforter, la répétition des testaments en un bref laps de temps, qui peut également être révélatrice des hésitations du testateur, ne peut suffire à confirmer la pathologie alléguée de [DW] [S].

En tout état de cause, à supposer que [DW] [S] ait effectivement été atteint des troubles décrits par l'expert, il n'est nullement établi qu'ils l'aient placé dans un état habituel d'insanité d'esprit, comme le laissent entendre les consorts [S] en page 9 de leurs conclusions.

En effet, [DW] [S] gérait lui-même ses comptes bancaires, ainsi qu'il résulte des annotations portées sur ses relevés de compte. Lesdits comptes fonctionnaient normalement et l'équilibre de ses finances n'a nullement été entamé par la générosité dont [DW] [S] a fait preuve de son vivant à l'égard de Mme [D], ni par les plaisirs de la vie qu'il s'accordait (voyages, restaurants, réception d'amis). Il n'a été relevé aucune anomalie dans la gestion de son patrimoine immobilier, étant observé qu'il a courant 2016 engagé et supervisé la rénovation d'un studio dont il était propriétaire. En d'autres termes, il a vécu de façon tout à fait autonome et a assuré de façon satisfaisante l'administration de ses affaires.

Les consorts [S] n'établissent pas davantage que [DW] [S] aurait été privé de son discernement à l'époque des actes en cause, et ne produisent d'ailleurs aucun témoignage en ce sens.

Les dispositions testamentaires que [DW] [S] a prises en août 2015 sont cohérentes en ce qu'elles aboutissent à la synthèse des alternatives envisagées par lui depuis 2011 (à savoir gratifier Mme [D] et/ou sa famille), en procédant à un partage de son patrimoine : l'essentiel du patrimoine financier à Mme [D], le patrimoine immobilier, provenant de legs familiaux, à sa nièce.

Elles sont affirmées de manière claire. Le fait que [DW] [S] paraisse se tromper en indiquant que c'est le conseiller de la banque Oddo qui suit les contrats Mutavie, n'entame pas sa faculté de discernement, ni l'expression d'une volonté propre. Quant à l'incise ('Il est prévu qu'il vous avertisse...'), elle ne caractérise pas une anomalie, [DW] [S] s'adressant alors manifestement au notaire, ainsi qu'il l'a déjà fait dans le codicille du 23 juillet 2015 ('vous avez photocopie de son passeport').

Enfin, l'existence de deux testaments quasiment identiques à une dizaine de jours d'intervalle peut se comprendre au vu de la suppression dans celui du 27 août 2015 de considérations désobligeantes pour sa famille, qu'il avait fait figurer dans le précédent ('ce n'est pas de coeur léger que je lègue à [UF]... etc...').

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté les consorts [S] de leur demande tendant à voir constater la nullité des testaments des 17 août 2015 et 27 août 2015 pour insanité d'esprit, ainsi que des avenants des 17 et 23 août 2015, qui leur sont contemporains et n'avaient pour objet que d'adapter les clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie aux dispositions testamentaires prises.

Les consorts [S] soutiennent également que les actes en cause sont le fruit d'une manipulation de Mme [D], qui aurait abusé de la vulnérabilité de [DW] [S],

- en refaçonnant son environnement personnel et intime, disséminant des photographies de sa famille vietnamienne et des bouddhas dans son appartement, l'entourant de photographies des personnes défuntes de sa famille pour retirer toute trace de ses proches encore vivants, lui donnant à penser qu'il était isolé mais pouvait compter sur une famille au Vietnam, alors qu'il avait toujours été proche de son frère et de sa nièce,

- en jouant le rôle de guide spirituel, préconisant la générosité pour autrui à l'effet de mériter le bonheur et l'affection,

- en le maintenant dans l'illusion d'une histoire d'amour et exploitant les sentiments qu'il avait pour elle dans un but financier,

- en s'assurant le contrôle de son ordinateur et de ses échanges mail, lui offrant la veille de son départ de France, le 8 août 2015, un ordinateur, y associant une adresse outlook qu'elle pourrait consulter depuis le Vietnam, et modifiant les adresses de récupérations des différents comptes mails utilisés par [DW] [S].

Ces manoeuvres s'inscrivaient selon eux dans le cadre d'une stratégie de captation patrimoniale, par laquelle Mme [D] est parvenue à obtenir :

- de nombreuses remises de fonds qui n'ont fait l'objet d'aucunes déclarations de dons manuels,

- un premier changement des clauses bénéficiaires des contrats d'assurance Mutavie à son profit en janvier 2011 (avant que le de cujus ne se ravise le 9 février 2011 en rétablissant son frère comme bénéficiaire),

- alors qu'elle séjournait chez lui, l'établissement d'un testament à son profit en avril 2011, puis la confirmation de sa désignation comme légataire universelle le 12 janvier 2012 ;

- lors de son séjour en France du 10 juillet 2015 au 9 août 2015, la préparation des actes dont la nullité est sollicitée.

Sur ce dernier point, ils soulignent qu'au moment de son arrivée en France, le frère de [DW] [S] était son légataire universel, et était bénéficiaire, avec son épouse et sa fille, du contrat AXA ; que le 23 juillet 2015, [DW] [S] a établi un codicille prévoyant le legs à Mme [D] d'une somme de 60.000 € ; que le 5 août 2015, il s'est rendu chez un notaire, Maître [E], qui n'était pas son notaire habituel, et que c'est à ce moment-là qu'ont été conçus les testaments des 17 et 27 août 2015 ; que le 7 août 2015, il a rencontré son conseiller Macif, qui gère les contrats Mutavie, et a alors signé un avenant manuscrit en faveur de Mme [D] et de ses filles, dont la régularisation dactylographiée est intervenue le 23 août 2015.

Ils prétendent donc que Mme [D] a mis à profit son séjour en France pour obtenir la prise de ces dispositions en sa faveur, puis s'est assurée de leur pérennité, en contrôlant à distance l'ordinateur de [DW] [S].

Mme [D] expose que lorsqu'elle a rencontré [DW] [S], celui-ci était depuis longtemps passionné par le Vietnam, et de manière plus générale par l'Asie et la culture asiatique ; qu'elle s'est liée d'amitié avec lui, et qu'il l'a convaincue de poursuivre en France ses recherches, favorisant, par l'entremise d'une de ses connaissances, son accueil en stage à l'INSERM ; qu'ayant séjourné au Vietnam, en 2009 et 2010, il avait fait connaissance de sa famille, qui était devenue progressivement la sienne, étant déçu par le caractère épisodique des relations qu'il entretenait avec sa véritable famille ; qu'il lui avait courant 2013 fait part de ses sentiments amoureux, mais qu'il savait son voeu irréalisable.

Elle conteste les manoeuvres qui lui sont prêtées et soutient que les gratifications dénoncées par les consorts [S] sont le seul fruit des liens d'affection que [DW] [S] avait tissés avec elle et avec sa famille.

C'est par des motifs adaptés que la cour adopte que les premiers juges ont déjà considéré comme non pertinents de nombreux éléments mis en exergue par les consorts [S] pour prétendre que [DW] [S] aurait été victime d'une manipulation mentale de la part de Mme [D] à l'effet d'obtenir les gratifications en cause.

Il suffit simplement d'y ajouter :

- s'agissant de la prétendue exploitation d'un sentiment amoureux de [DW] [S], que les courriels qu'il a adressés à Mme [D] ne laissent nullement transparaître qu'il ait pu nourrir l'espoir d'une réalisation de ses désirs, ni que la générosité dont il a fait preuve de son vivant à l'égard de l'intimée (par des virements réguliers et des dépôts d'espèces sur son compte bancaire, cf pièces 29 et 30 App) ait eu pour objet de la convaincre de céder à ses avances ;

- que les attestations des consorts [S] ne font nullement ressortir une rupture entre [DW] [S] et sa famille, (pièce n°73, 66, 59, 74) et que si le de cujus a exprimé à travers ses écrits un certain ressentiment, pour s'être senti délaissé par ses proches, il n'est aucunement justifié qu'il lui ait été inspiré par Mme [D] ; que d'ailleurs, les albums photographiques supposés avoir été établis dans l'optique de l'isoler des siens sont postérieurs à 2012 (puisqu'il y est mentionné 'In 2012, we built a house...'), alors que [DW] [S] faisait déjà état en 2011 de la rareté de ses contacts avec sa famille (cf pièce 44 Int : courriel du 15 avril 2011, où [DW] [S] écrit : 'Je vais passer les fêtes religieuses avec [L] il y tient beaucoup car c'est lui le Chef de famille [ZV] et ses filles seront du repas tu vois il faut des occasions comme celles la pour les rencontrer') ;

- que ses courriels à Mme [D] montrent qu'il éprouvait une réelle affection pour elle et pour les membres de sa famille qui l'avaient reçu au Vietnam, et en particulier pour ses filles ;

- que le rapport pouvant exister entre l'installation d'un autel bouddhiste au domicile de [DW] [S] et la prise de dispositions testamentaires en faveur de Mme [D] n'est pas démontré, pas plus que le rôle de 'guide spirituel' que les consorts [S] prêtent à cette dernière, étant observé que les nombreux bouddhas dont il est question dans les écritures des consorts [S] s'apparentent au vu de la photographie n°2 de la pièce n°13, à des objets de décoration, susceptibles d'avoir été ramenés par [DW] [S] de ses voyages en Asie ;

- que même si les éléments factuels relevés par les consorts [S] permettent de penser que [DW] [S] a préparé la modification de ses testaments et des clauses bénéficiaires de ses contrats Axa et Macif, alors que Mme [D] se trouvait en France à l'été 2015, rien ne démontre qu'elle soit intervenue directement ou indirectement pour le convaincre de prendre de telles dispositions, ni que celles-ci n'aient pas correspondu à la propre volonté de testateur, laquelle est au contraire réaffirmée dans la lettre qu'il a laissée à l'intention de l'intimée ;

- que même si [DW] [S] avait choisi comme adresse de récupération de sa messagerie Yahoo une adresse mail consultable par Mme [D], il n'est pas démontré qu'elle l'ait d'une façon quelconque utilisée, étant notamment précisé que la preuve n'est pas rapportée qu'elle ait été à l'origine des interventions constatées sur l'ordinateur du de cujus les 28 et 29 juin 2016 ou du changement du mot de passe de son compte Face Book, qu'il ne ressort pas du procès-verbal de police (pièce n°109 app) qu'aucun fichier n'a été retrouvé sur l'ordinateur de [DW] [S], mais seulement que les policiers n'ont découvert 'aucun élément pouvant intéresser l'enquête' (il s'agissait à l'époque de l'enquête-décès) et que le fait qu'aucun message n'ait été retrouvé sur la boîte Gmail de [DW] [S] n'est pas significatif puisque les courriels adressés par lui à Mme [D] montrent qu'il utilisait l'adresse [Courriel 17].

En définitive, les consorts [S] interprètent un certain nombre de données factuelles, pour tenter de donner corps à un scénario, qu'aucun élément objectif ne démontre, et échouent dans leur démonstration de l'existence de manoeuvres de la part de Mme [D].

Ils seront donc déboutés de leur demande en nullité des actes en cause pour dol et violence.

Sur la délivrance du legs à Mme [D] :

Le jugement a ordonné la délivrance à Mme [D] de son legs particulier découlant des testaments des 17 et 27 août 2015. Au vu des motifs du jugement, le tribunal visait dans cette disposition le legs de la somme de 60.000 €, à la délivrance duquel [DW] [S] a subordonné le legs fait à Mme [UF] [S] de son patrimoine immobilier.

Les consorts [S] soutiennent que Mme [D] n'a jamais sollicité la délivrance de son legs mais le paiement par Mme [UF] [S] de la somme de 60.000 €, et que la délivrance d'un legs de somme d'argent est subordonnée à l'établissement des forces et charges de la succession à l'effet de déterminer si l'actif successoral en permet l'exécution.

Mme [D] soutient qu'elle a sollicité la délivrance de son legs depuis le 1er décembre 2016, et subsidiairement, depuis le 5 juillet 2017, et que la somme de 60.000 € est une charge du legs consenti à Mme [UF] [S], dont l'exécution lui incombe exclusivement de sorte que cette somme doit être payée par elle et n'a pas lieu d'être prélevée sur l'actif successoral.

La demande en délivrance d'un legs n'est subordonnée à aucune forme particulière. En page 8 des conclusions en référé régularisées le 1er décembre 2016 par Mme [D] (pièce 57 app), figure la phrase suivante : 'Mme [D] demande la délivrance de son legs particulier en application de l'article 1014 du code civil'. Cette mention vaut demande en délivrance de l'ensemble du legs figurant au testament du 27 août 2015 (Mme [D] soulignant à juste titre que ce dernier a révoqué celui du 17 août 2015), peu important que dans la suite de ces mêmes écritures elle n'évoque plus particulièrement que les fonds séquestrés et la somme de 60.000 € (à l'exclusion notamment des comptes Crédit Lyonnais qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de mise sous séquestre).

S'agissant des comptes bancaires et les assurances-vie légués, leur prise de possession par Mme [D] ne pose aucune difficulté, dès lors que la validité des testaments est confirmée.

S'agissant de la somme de 60.000 €, l'emploi des termes 'legs' et 'net de frais et droits' pourrait donner à penser que cette somme doit être prélevée sur l'actif successoral. Néanmoins, le fait que la délivrance de cette somme incombe à Mme [UF] [S], qui par ailleurs n'est ni héritière (c'est son père qui l'est), ni légataire universelle, et la sanction expresse qui s'attache à un éventuel refus de sa part (privation du legs au profit de trois associations) montre que ce paiement ne peut s'analyser que comme une charge du legs immobilier qui lui est fait, et n'a donc pas lieu d'être prélevé sur l'actif de la succession.

En conséquence, la cour

- constatera la révocation du testament du 17 août 2015, par le testament du 27 août 2015 ;

- infirmera en conséquence le jugement en ce qu'il a dit que le testament du 17 août 2015 doit recevoir exécution et ordonné la délivrance à Mme [D] de son legs particulier découlant du testament du 17 août 2015 ;

- confirmera le jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance à Mme [D] de son legs particulier découlant du testament du 27 août 2015, ce qui doit s'entendre dorénavant comme impliquant la prise de possession par elle des comptes bancaires et assurances-vie légués ;

- déboutera les consorts [S] de leur demande tendant à voir dire que 'le legs d'une somme de 60.000 € en faveur de Mme [D] ne peut être exécuté que sur l'actif successoral et sera traité comme dette de la succession'.

sur la demande des consorts [S] tendant à voir dire que les contrats d'assurance vie légués doivent être inclus dans l'actif successoral :

Cette demande n'a été formée pour la première fois par les consorts [S] que par conclusions du 6 septembre 2019, alors qu'elle n'était destinée ni à répliquer à des conclusions et pièces adverses, ni à faire juger une question née postérieurement aux premières conclusions. C'est à juste titre que Mme [D] en soulève l'irrecevabilité sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à écarter la pièce n°47 de l'intimée ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le testament du 17 août 2015 doit recevoir exécution et ordonné la délivrance à Mme [D] de son legs particulier découlant du testament du 17 août 2015 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le testament du 27 août 2015 a révoqué le testament du 17 août 2015 ;

Dit que sur justificatif du caractère définitif du présent arrêt, il sera procédé à la mainlevée

- du séquestre constitué entre les mains de la société MUTAVIE au titre des contrats n°4745889,4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201 ainsi que du contrat Livret Vie n° 5119091 ;

- du séquestre constitué entre les mains de la société AXA au titre du contrat HARMONIALE n°537/2084 ;

- du séquestre constitué entre les mains du Crédit Industriel et Commercial résultant d'un compte livret A Sup n° 300661067600020002 3803, d'un compte livret de développement durable portant le n°300661067600020002 3802, d'un compte courant privé portant le n°300661067600020002 3801 ;

Déboute les consorts [S] de leur demande tendant à voir dire que le legs d'une somme de 60.000 € en faveur de Mme [D] ne peut être exécuté que sur l'actif successoral et sera traité comme dette de la succession ;

Déclare irrecevable leur demande tendant à voir dire que l'actif successoral comprendra les contrats d'assurance suivants souscrits auprès de Mutavie : Multi Vie numéros 4745889, 4927513, 5709051, 5720197, 5720199 et 5720201, le contrat Livret-Vie numéro 5119091 ainsi que le contrat Harmonial n°537/2084 souscrit auprès d'Axa ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [H] [S] et Mme [UF] [S] et les condamne in solidum à payer à Mme [D] la somme de 5.000 € ;

Condamne in solidum M. [H] [S] et Mme [UF] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dit qu'il pourra être procédé à leur recouvrement par Maître Thi My Hanh Ngo-Folliot conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/08489
Date de la décision : 11/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°18/08489 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-11;18.08489 ?
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