Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ORDONNANCE DU 26 NOVEMBRE 2019
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2019 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00751 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YMP
NOUS, Sylvie FETIZON, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Madame le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffiere lors des débats et au prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [H] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Laeka VALIMAMODE, avocate au barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/031685 du 02/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître [C] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Comparant en personne,
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 12 septembre 2019 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2019 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
Statuant en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a rendu une décision réputée contradictoirement le 23 février 2018 qui a :
- fixé à la somme de 56 201 euros HT le montant des honoraires dus par M. [H] [X] à Maître [C] [O]
-constaté le règlement d'ores et déjà intervenu de la somme de 7500 Euros HT
-dit que M. [H] [X] versera à Maître [C] [O] le soldes de ses frais et honoraires soit la somme de 48 701 euros HT majorée de la TVA au taux de 20% sur la seule somme de 46 975 euros
-dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jour de la notification de la présente décision
-dit que la signification de la présente décision sera à la charge de M. [H] [X] s'il se révélait nécessaire d'y procéder
M. [H] [X] a interjeté appel de cette décision..
A L'AUDIENCE
Maître [C] [O] soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. [H] [X]. Il fait valoir que la décision a bien été notifiée à M. [H] [X] à son domicile à Londres et que le délai d'un mois pour interjeter appel à compter de cette date, est dépassé.
A titre subsidiaire, il demande de voir fixer sa créance à la somme de 66 868,09 euros et voir ainsi condamner Mr [H] [X] à lui verser cette somme avec les intérêts de droit à compter du 11 juillet 2017 à concurrence de 57 917,89 euros et pour le solde, de la décision d'appel. Plus subsidiairement, il sollicite la fixation de sa créance à la somme de 57 008,89 euros, Mr [X] devant lui verser cette somme avec les intérêts de droit à compter du 11 juillet 2017.
L'avocat de M. [H] [X] se présente. Il soutient tout d'abord que son appel est bien recevable et sur le fond, sollicite :
-de dire et juger la demande au titre des honoraires de résultat d'un montant de 10 000 euros HT irrecevable
-dire et juger qu'au contraire, son client est créancier de la somme de 31 032,11 euros HT en raison d'un trop perçu d'honoraires de la part de Maître [O]
-dire et juger que les frais dus au titre de la note d'honoraires du 30 mars 2017 se limitent à la somme de :
*1 450,16 euros si l'on prend en compte un départ du cabinet agenais
*897,74 euros si l'on prend en compte un départ du cabinet parisien
- en conséquence, voir condamner M. [C] [O] à lui restituer la somme de 31 187,89 euros HT au titre du trop perçu des honoraires
- voir condamner Maître [O] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ainsi que la somme de 2500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
- voir condamner Maître [O] aux entiers dépens
Il expose que :
- l'appel daté du 18 novembre 2018 est recevable car l'accusé de réception de la lettre de notification de la décision critiquée ne porte pas la signature de son client mais une signature illisible avec la mention ' igor'; or, la jurisprudence de la Cour de Cassation dans un arrêt daté du 13 septembre 2018, précise bien que le délai de recours d'un mois prévu par l'article 176 du décret, ne commence à courir qu'à compter d'une signification de la décision du bâtonnier du 27 novembre 1991, acte différent de la signification de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, lorsque l'avis de réception de la lettre recommandée adresser pour assurer la notification de la décision du bâtonnier statuant en matière d'honoraires n'a pas été signé par le destinataire ou une personne munie d'un pouvoir ;
Maître [O] a sollicité la formule exécutoire auprès du Président du tribunal de grande Instance alors même qu'il aurait pu procéder à la signification de la décision critiquée et qu'il savait que [H] [X] était revenu vivre définitivement à Paris
-l'appel a donc été interjeté dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision le 8 novembre 2018
Sur le fond :
L'avocat de M. [H] [X] soutient notamment que :
- la facturation de Maître [O] au titre des honoraires de résultat présentée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable de ce fait
- en réalité, Maître [O] a déjà reçu la somme de 74 664 euros TTC au titre des honoraires et non la somme de 7500 euros TTC invoquée devant le bâtonnier ;
- il s'oppose au paiement de la dernière facture présentée datée du 30 mars 2017, ce dernier étant peu diligent et cette facture ne reflète pas la réalité du travail réellement effectué
- les conclusions de relaxe ont été rédigées alors que son client les lui réclamait depuis deux ans et ne concernent pas uniquement M. [H] [X] lequel n'est visé que par quatre pages de l'ordonnance de renvoi
- de plus, Maître [O] n'était pas présent pendant les trois semaines d'audience, laissant son client seul pendant une semaine
- la somme réclamée au titre des frais de transport ne correspond pas avec les barèmes fiscaux applicables au trajet
- le préjudice subi par son client est particulièrement élevé, Maître [O] faisant procédés à des saisies alors que son client était émotionnellement choqué et suivi en psychiatrie
Sur le fond, Maître [C] [O] reprend les arguments développées devant M. le Bâtonnier. Il fait valoir que :
- il a accepté d'assurer la défense de M. [H] [X] dans le cadre d'une affaire correctionnelle devant le JIRS de RENNES portant sur différents délits, dossier pour lequel il estime avoir consacré 152 heures et son collaborateur 29 heures compte tenu de grande difficulté et des chefs de prévention (blanchiment d'abus de confiance, association de malfaiteurs). Il reconnaît avoir perçu la somme de 7500 euros au titre d'une première facture Il produit enfin une facture de trajets et réfute l'affirmation selon laquelle il ne se serait pas rendu ou très peu pour assister son client aussi bien devant le juge d'instruction que devant le tribunal correctionnel de Rennes.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel :
Vu l'article 176 du décret N° 91-1197 du 27 novembre 1991,
Vu l'article 670-1 du code de procédure civile
Lorsque l'avis de réception de la lettre recommandée adressée pour assurer la notification de la décision du Bâtonnier de l'Odre des Avocats statuant en matière d'honoraires n'a pas été signé par le destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, le délai de recours d'un mois ne commence à courir qu'à compter d'une signification de la décision du bâtonnier, laquelle ne se confond pas avec la signification de l'ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance.
En l'espèce, il est constant que Maître [C] [O] a obtenu du Président du Tribunal de Grande Instance le 20 septembre 2018 une décision déclarant exécutoire la décision critiquée de M. le Bâtonnier puis un certificat de non appel le 22 octobre 2018 ; cependant, la lettre recommandée notifiant la décision critiquée a été signée au domicile londonien de l'intéressé par un certain ' igor' sans autre précision, cette signature ne remplissant pas les conditions de forme prévues par les articles 640 et 680 du code de procédure civile et l'article 176 du décret précité.
Toutefois, la décision attaquée a été signifiée régulièrement à M. [H] [X] le 8 novembre 2018 conformément à l'article 670-1 du code de procédure civile et ce dernier a fait appel le 18 novembre 2018 soit dans le délai d'un mois prévu par les dispositions du décret sus visé.
Dès lors, l'appel interjeté est recevable.
Sur le fond :
Il ressort des pièces du dossier que M. [H] [X] a saisi Maître [C] [O] dans le cadre de poursuites correctionnelles devant le JIRS de Rennes contre lui portant sur les délits d'association de malfaiteurs, blanchiment, concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit.
Une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 28 juin 2013 prévoyant une rémunération pour l'avocat d'un honoraire fixe de 270 euros HT de l'heure et 200 euros HT pour le collaborateur avec un honoraire fixe compte tenu de l'investissement du conseil garanti plafonné à 80 000 euros, incluant la facture de juin 2013. Il y était précisé que cette ' somme plafonnée sera soumise au régime d'indemnisation pour ce qui concerne la TVA des assureurs et inclut le cas échéant la TVA' et ' qu'eu égard aux infractions qui seraient retenues au titre de la juridiction de jugement, toute décision de relaxe donnera lieu au paiement d'un honoraire complémentaire de 10 000 euros'. Enfin, cette convention prévoyait que les débours et frais généraux tels que train, hôtel et prestations de tiers seraient facturés au client.
Maître [O] produit une facture émise le 27 septembre 2017 relative aux honoraires de résultat et la relaxe prononcée devant la JIRS de RENNES ainsi qu'une autre convention d'honoraires mais portant sur un autre litige confié par l'appelant, le licenciement à la suite des faits précités de M. [H] [X] par son employeur, la banque UBS. Ces documents étant étrangers au présent litige, sont écartés.
Pour le présent litige, Maître [O] produit des conclusions de 69 pages élaborées pour son client, [H] [X] et destinées au JIRS de Rennes pour l'audience qui s'est tenue du 9 au 31 mars 2017, dans lesquelles il développe ses arguments et demande la relaxe de son client, reprenant un certain nombre de procès verbaux de police et de l'instruction à cette fin dans un dossier complexe comprenant 15 prévenus et plus de 250 parties civiles, avec un enjeu, notamment financier, très important. Les mails produits attestent de ce que ces conclusions ont été envoyées à [H] [X] dès le 21 décembre 2016 soit plus de 2 mois avant le début de l'audience correctionnelle, lui laissant ainsi le temps de la relecture et de la préparation de sa défense contrairement aux affirmations de l'appelant ' affirmant que les conclusions de relaxe ont été rédigées le 28 mars 2017 à 16h52 pour une communication requise par le Tribunal à 18H'. Par ailleurs, le dossier pénal comportait 10 tomes dont il appartenait à l'avocat d'en prendre connaissance.
Il produit une fiche détaillant les diligences effectuées ainsi que les mails et lettres de relance destinées à son client, son client n'en contestant d'ailleurs pas le principe lorsqu'il répond à son avocat de New York (mail daté du 27 avril 2017).
M. [H] [X] produit un jugement du conseil des prud'hommes de Paris rendu en départage et daté du 14 mars 2014, lequel note la présence de Maître [O] qui assiste le demandeur. Ce jugement prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail entre l'ex employeur de M. [H] [X], la Banque UBS, et ce dernier. Cette décision condamne la société UBS à verser au salarié un certain nombre de sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour un montant de près de 100 000 euros avec le prononcé de l'exécution provisoire.
Il fournit aussi au délégué du premier président des mails et copies de chèques destinés à Maître [O] daté notamment de 22 mai 2015 et le mail daté du 27 mai 2019 (montant de 6000 euros), prétendant ainsi s'être acquitté de sommes conséquentes au titre d'honoraires auprès de Maître [O].
Compte tenu des éléments ci dessus évoqués, M. [H] [X] ne justifie par aucune pièce que son avocat ait commis des actes manifestement inutiles de nature à permettre la modification de la rémunération retenue par le Bâtonnier sur présentation de factures établies par [C] [O]. Bien au contraire, la complexité du dossier pénal justifie le nombre d'heures passées à son étude et à la défense du client devant les juridictions pénales.
Ainsi, la décision relative aux honoraires réclamés par Maître [C] [O] est confirmée dans son principe et son montant mais la somme due sera versée en deniers ou quittances.
Sur les frais de transport :
Dans sa note de diligences, Maître [O] n'indique pas avoir été présent au début de l'audience devant le JIRS le 9 mars 2017 mais relève sa présence à partir du 13 mars.
La facture relative aux frais de déplacement s'élève à 1479,09 euros outre les frais de péage de 246,40 euros, le kilométrage invoqué étant de 3690 km ([Localité 4]/ [Localité 5]/ [Localité 4]) ; des tickets de péage sont produits en photocopie dans l'annexe de la facture. Il y a dès lors lieu d'écarter l'argumentation de l'appelant relative à un calcul différent selon le point de départ de l'intimé ([Localité 3] ou [Localité 4]), le point de départ étant fixé à [Localité 4] comme l'attestent ces factures de péage ainsi que l'inscription de l'avocat au barreau d'Agen.
La condamnation au remboursement de ces frais est également confirmée, ces frais de transport étant prévus dans leur principe dans la convention d'honoraires, l'appelant ne justifiant pas là non plus de frais de transport inutiles sans rapport avec leurs relations contractuelles.
Sur l'article 700 du CPC :
Il n'apparaît pas inéquitable de faire supporter par chacune des parties des sommes non comprises dans les dépens.
Sur les dépens :
M. [H] [X], succombant à la présente instance, est condamné à payer les entiers dépens
PAR CES MOTIFS
Le délégué du Premier Président statuant par ordonnance rendue en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par disposition de la décision au greffe de la chambre
Déclarons le recours recevable
Confirmons la décision attaquée en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Disons que les honoraires dus par M. [H] [X] (soit la somme de 48 701 euros HT) seront versés à Maître [C] [O] en deniers ou quittances.
Rejetons les autres demandes y compris celles portant sur l'article 700 du CPC.
Laissons les dépens à la charge de M. [H] [X]
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le VINGT-SIX NOVEMBRE DEUX MIL DIX-NEUF par Sylvie FETIZON, Conseillère, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE