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22/11/2019 | FRANCE | N°18/21161

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 22 novembre 2019, 18/21161


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 22 NOVEMBRE 2019



(n°164, 8 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 18/21161 - n° Portalis 35L7-V-B7C-B6NCR



Décision déférée à la Cour : décision du 21 août 2018 - Institut [7] - RG n°LAR - DR /16 00894







DECLARANTE

AU RECOURS





S.A.S. BULL, agissant en la personne de son président, M. [I] [K], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 8]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de [Localité 9] sous le numéro 642 058 739

Ay...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2019

(n°164, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 18/21161 - n° Portalis 35L7-V-B7C-B6NCR

Décision déférée à la Cour : décision du 21 août 2018 - Institut [7] - RG n°LAR - DR /16 00894

DECLARANTE AU RECOURS

S.A.S. BULL, agissant en la personne de son président, M. [I] [K], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 8]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de [Localité 9] sous le numéro 642 058 739

Ayant élu domicile

C/O Cabinet de Me Véronique KIEFFER-JOLY

Avocat à la Cour

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Michel GONDINET, avocat au barreau de PARIS, toque P 0544

Assistée de Me Bruno CARBONNIER plaidant pour la SCP LE STANC - CARBONNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Assistée de M. [B] [O], conseil en propriété intellectuelle

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT [7] (INPI)

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Mme Virginie LANDAIS, chargée de mission

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 septembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie GABER, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par Mme Brigitte GARRIGUES, Substitute Générale, qui a fait connaître son avis

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu la décision du 21 août 2018, par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté la demande de brevet n°16 00894 formée par la société Bull le 2 juin 2016,

Vu le recours formé le 21 septembre 2018 par la société Bull,

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens du recours déposé au greffe par le requérant le 19 octobre 2018,

Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées le 26 juillet 2019,

Le ministère public entendu en ses observations orales,

SUR CE,

Il sera rappelé que le 2 juin 2016, la société BULL a déposé la demande de brevet n°16/00894 intitulée «Terminal pour l'établissement de communications par diffusion à l'intérieur d'un groupe», publiée le 8 décembre 2017 sous le n° FR3052274, que par notification en date du 9 novembre 2016, l'INPI a informé la déposante que l'objet de la demande de brevet ne pouvait être considéré comme une invention au sens de l'article L.611-10-2° du code de la propriété intellectuelle, s'agissant d'une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles, que le 27 mars 2017, la déposante a été avisée que l'objet de la demande ne permettait pas l'établissement d'un rapport de recherche, et que le 21 août 2018, l'INPI a notifié à la déposante une décision, dont appel, au visa notamment, des articles L. 611-10-2c) et L. 612-12 5° du code de la propriété intellectuelle, rejetant la demande de brevet, au motif que l'objet de la demande concerne une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles en tant que telle, et ne peut manifestement être considérée comme une invention.

La société Bull a formé un recours à l'encontre de cette décision et soutient, pour l'essentiel que :

- l'objet de la demande de brevet ne doit être exclu de la brevetabilité au sens de l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle que s'il concerne directement en tant que tel un des éléments visés audit article ;

- en l'espèce, sa demande concerne un terminal de communication comprenant un microprocesseur, un moyen de stockage, une interface de communication et un écran de sorte qu'un tel dispositif n'est pas exclu de la brevetabilité ;

- l'état de la technique et le problème résolu par l'objet de la demande ne doivent pas être pris en compte pour déterminer si la demande de brevet est une invention au sens de l'article L. 611-10 susvisé, le législateur ayant souhaité que la nouveauté et l'activité inventive soient évaluées indépendamment de la notion d'invention ;

- en tout état de cause le problème que se propose de résoudre l'invention est d'obtenir l'affichage sur un seul écran de données qui dans l'état de la technique sont affichées sur plusieurs écrans, de sorte que l'optimisation de l'utilisation d'un moyen d'affichage qui suppose l'utilisation de moyens techniques est une solution technique à un problème technique.

Le directeur de l'INPI fait valoir que :

- pour déterminer si une demande de brevet porte sur une invention relevant du champ des brevets ou, au contraire sur une méthode intellectuelle ou économique exclue de la brevetabilité, il convient d'examiner la nature du problème que la demande se propose de résoudre et la solution qu'elle prétend y apporter ;

- c'est à tort que la société Bull soutient que la demande serait brevetable aux motifs qu'elle revendique un terminal de communication comprenant des éléments techniques génériques, à savoir un microprocesseur, un moyen de stockage, une interface de communication et un écran, alors que la seule qualification des revendications ne peut emporter brevetabilité ;

- le critère du caractère technique de l'invention est repris de manière constante par la jurisprudence pour exclure des inventions au sens de l'article L. 611-10 2 ;

- le problème posé par la demande de brevet de faciliter l'effort cognitif de combattants en situation de stress en offrant facilement un maximum d'information à l'utilisateur est d'ordre purement intellectuel ;

- la solution proposée d'un 'mode de visualisation globale d'une information au niveau d'une unité, l'invention permettant en un écran d'avoir une vue globale d'un aspect d'une situation' est une solution non technique à un problème non technique en ce que :

* l'association de données telles que des 'identifiants de groupe', des 'propriétés' (niveaux de munition, code mission, connectivité)et des'valeurs' (faible, moyen, élevé) n'est pas caractérisée sur un plan technique mais uniquement par la nature des informations contenues ;

* l'enregistrement de données, à savoir l'identifiant d'un groupe courant et une valeur d'un état courant, repose sur l'utilisation de la capacité d'une mémoire à retenir ou associer des nouvelles valeurs aux données (point 120.5), système d'enregistrement utilisé de façon courante, dépourvu de caractère technique particulier ;

* la mise à jour de l'état courant en fonction de la saisie utilisateur, définie aux points 120.6 et 120.7 consiste à mettre à jour un état courant d'un utilisateur, ce qui constitue une comparaison intellectuelle de données non techniques ;

* l'adaptation de l'affichage sur un écran, définie au point 120.8, n'est pas davantage caractérisée par des données techniques mais seulement au regard de propriétés graphiques ;

- les revendications 1 à 6 mentionnent le recours à un terminal de communication standard (téléphone intelligent, tablette ou ordinateur (cf p.1, point 10 du brevet) comportant un microprocesseur, des moyens de stockage, une interface de communication et un écran, qui ne sont pas décrits en eux-mêmes, s'agissant d'outils informatiques basiques et usuels, et qui ne suffisent pas à conférer à la demande de brevet un caractère technique ;

- la demande de brevet n'a donc pour objet qu'une méthode intellectuelle permettant de conduire des opérations intellectuelles destinées à optimiser la mémorisation et l'affichage d'informations se rapportant à des soldats en situation de combats ;

- l'examinateur de l'OEB ayant considéré que les techniques informatiques employées sont universellement connues et largement répandues de sorte que la notoriété d'un tel art antérieur ne peut être raisonnablement contestée et qu'aucune preuve écrite n'est donc considérée nécessaire.

La demande de brevet

Elle porte sur un 'terminal pour l'établissement de communications par diffusion à l'intérieur d'un groupe'.

Le domaine technique de l'invention concerne les 'dispositifs de communication et en particulier celui des dispositifs devant maximiser un ratio information/surface comportant une pluralité d'utilisateurs'.

Il est exposé que dans l'état de la technique antérieur, les combattants et leurs supports sont dotés de systèmes d'informations qui permettent de visualiser des données sur un théâtre d'opération et sur les troupes qui y sont déployées, que ces systèmes permettent d'afficher pour chaque combattant son identifiant, sa mission et ses capacités opérationnelles, mais que si l'on veut avoir une vision d'une information pour une unité comportant plusieurs combattants, il faut visualiser tous les membres de l'unité et, pour chaque membre, retenir l'information correspondante, et que ce n'est qu'à la fin de la séquence de visualisation qu'on a une idée de l'information au niveau de l'unité.

Il est exposé (page 2) que l'invention permet de résoudre ce problème en proposant un mode de visualisation globale d'une information au niveau d'une unité, l'invention permettant en un écran d'avoir une vue globale d'un aspect d'une situation.

La revendication 1 est ainsi rédigée : « Terminal pour l'établissement de communications, les communications étant des diffusions à l'intérieur d'un groupe d'utilisateurs, un utilisateur du terminal appartenant à au moins un groupe d'utilisateurs, le terminal de communications comportant des moyens pour :

- Associer (120.1) à un identifiant de groupe une liste d'identifiants d'utilisateurs,

- Associer (120.2) à un utilisateur une pluralité de propriétés, - Associer (120.3) à chaque propriété une valeur d'activation de la propriété, - Enregistrer (120.4) un identifiant d'un groupe courant, - Enregistrer (120.5) une valeur d'un état courant,

- Mettre à jour (120.6, 120.7) la valeur état courant en fonction d'une saisie utilisateur,

- Adapter (120.8) un affichage en fonction de :

* L'identifiant de groupe courant,

* La valeur d'état courant.» ; La figure 1 montre un terminal 100 selon l'invention comportant :

-un microprocesseur 110 ;

-des moyens de stockage 120, par exemple un disque dur, une carte mémoire ou un composant intégré, ou une partie d'un composant intégré, dédié au stockage de données ;

- une interface 130 de communication, par exemple une carte de communication selon le protocole Ethernet. D'autres protocoles sont envisageables comme IP. L'interface de communication peut être câblée ou non câblée -un écran 140, par exemple un écran tactile.

Il est indiqué que le microprocesseur 110 du terminal, les moyens 120 de stockage du terminal, l'interface 130 de communication du terminal et l'écran 140 du terminal sont interconnectés par un bus 150.

Il est précisé que la figure 1 montre que les moyens 120 de stockage comportent une pluralité de zones. Chaque zone est structurée pour remplir une fonction. Ainsi les moyens de stockages du terminal selon l'invention comportent (page 4, lignes 1 à 9) :

- une zone 120.1 de groupe structurée pour associer un identifiant de groupe à une pluralité d'identifiants utilisateurs, par exemple une table telle que décrite par la suite ;

- une zone 120.2 de description d'utilisateur structurée pour associer un identifiant d'utilisateur à une pluralité de propriétés, chaque propriété étant elle-même au moins un couple identifiant de propriété, valeur de propriété ;

- une zone 120.3 de propriétés pour associer à chaque propriété une valeur d'activation, c'est-à-dire une valeur qui est utilisée pour sélectionner toutes les propriétés ayant la même valeur d'activation.

Il est précisé que l'association d'un identifiant d'un premier objet à une pluralité de deuxièmes objets peut se faire de plusieurs manières, et par exemple (page 4, ligne 29 à la page 5, ligne 3): on utilise une table comportant au moins deux colonnes avec autant de lignes qu'il y a de deuxièmes objets à lier au premier objet ;

- dans la structure de description du deuxième objet on prévoit un champ pour enregsitrer un identifiant du premier objet ;

- on utilise une structure hiérarchique de type fichier XML.

Il est également précisé (pages 5 lignes 7 à page 6 ligne 9) que les moyens pour adapter l'affichage comporte des codes instructions pour la mise en oeuvre des étapes suivantes :

- une étape 1000 initiale dans la zone 120.1 de groupe est alimentée. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'invention.

Les revendications 2 à 6, dépendantes de la revendication 1 sont rédigées comme suit :

Revendication 2 : terminal de communication selon la revendication 1 caractérisé en ce que le terminal comporte des moyens pour associer une propriété à toutes les valeurs de l'état courant.

Revendication 3 : terminal de communication selon l'une des revendications précédentes caractérisé en ce que pour une propriété il comporte des moyens pour associer à chaque valeur possible de la propriété une valeur de couleur.

Revendication 4 : terminal de communication selon l'une des revendications précédentes caractérisé en ce qu'il comporte des moyens pour associer à chaque utilisateur d' un groupe d'utilisateurs, une zone d'un écran.

Revendication 5 : terminal de communication selon l'une des revendications précédentes caractérisé en ce qu'il comporte des moyens pour associer à une propriété un mode de rendu.

Revendication 6 : terminal de communication selon la revendication 5 caractérisé en ce qu'un mode de rendu est sélectionné parmi la liste formée d'au moins : fond, texte, jauge.

Sur la décision de rejet

L'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle énonce : ' est rejetée, en tout ou partie, toute demande de brevet : (...) 5° Dont l'objet ne peut manifestement être considéré comme une invention au sens de l'article L. 611-10, deuxième paragraphe.

L'article L. 611-10 deuxième paragraphe susvisé dispose que ne sont notamment pas considérées comme des inventions (...) c) les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles (...)', le troisième paragraphe précisant que 'les dispositions du 2 du présent article n'excluent la brevetabilité des éléments énumérés (...) que dans la mesure où la demande de brevet (...) ne concerne que l'un de ces éléments considéré en tant que tel.'

Ces dispositions posent comme condition de brevetabilité l'existence d'une invention sans toutefois la définir, et listent différentes activités qui ne peuvent en tant que telles être considérées comme des inventions brevetables, et notamment 'les méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles'.

Le directeur de l'INPI a rejeté la demande de brevet au motif que la solution proposée, malgré l'intitulé des revendications, ne comporte aucune caractéristique technique spécifique mais se contente d'exposer une méthode permettant de conduire des opérations intellectuelles mises en oeuvre par des moyens de calcul génériques, qu'en conséquence l'objet des revendications 1 à 6 de ladite demande concerne une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles qui ne peut être considérée comme une invention brevetable.

Il résulte cependant de la demande de brevet litigieuse telle que déposée dont l'étendue de la protection est déterminée par les revendications, la description et les dessins servant à interpréter les revendications, qu'elle porte sur un terminal pour l'établissement de communications comprenant un microprocesseur, des moyens de stockage tels qu'un disque dur ou une carte mémoire, une interface de communication et un écran, de sorte que l'objet de la demande ne concerne pas qu'une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles en tant que telle au sens de l'article L. 611-10 susvisé.

Pour prétendre que cette demande rentre pourtant dans les exclusions non brevetables, le directeur de l'INPI soutient que l'invention ne répond pas à un problème technique, ne comporte aucune caractéristique technique spécifique et se contente d'exposer une méthode permettant de conduire des opérations intellectuelles mises en oeuvre par des moyens de calcul génériques.

Il est toutefois exposé (pages 1 et 2) que l'invention qui se situe dans le domaine des dispositifs de communication et en particulier celui devant maximiser un ratio information/surface comportant une pluralité d'utilisateurs, plus particulièrement destinée aux terminaux transportables tels que ceux qui sont utilisés sur les théâtres d'opération militaire, propose un mode de visualisation globale, en un écran, d'un aspect d'une situation, afin de pallier le problème de l'état de la technique antérieur dans lequel les combattants sont dotés de systèmes d'informations permettant d'afficher pour chaque combattant son identifiant, sa mission et ses capacités opérationnelles mais ne donnant pas la vision pour une unité comportant plusieurs combattants, de sorte qu'en situation de stress au combat il n'est pas possible de retenir l'information correspondante pour chaque combattant. Il en résulte que le problème technique posé est celui de la visualisation globale d'une situation pour une unité comportant plusieurs combattants et non celui de la mémorisation en situation de stress, qui est en effet un problème de nature cognitive qui n'est pas celui que se propose de résoudre l'invention. Il ne peut donc être considéré à ce stade que l'invention ne propose pas une solution technique à un problème technique.

Le directeur de l'INPI prétend en outre que les moyens d'association par l'utilisation de tables de valeurs ( page 4 ligne 29 à la page 5 ligne3) sont caractérisés par leur fonction et non sur un plan technique, que les moyens d'espace mémoire dédiés au stockage de données ne sont caractérisés que par les données qui y sont contenues, que les moyens d'association des données sont caractérisés seulement par leur fonction, que la mise à jour de la valeur de l'état courant en fonction d'une saisie utilisateur est une comparaison intellectuelle de données non techniques, que l'adaptation de l'affichage (décrite page 5 ligne 32 à page 6 ligne 2) mentionne de façon vague et non caractérisée techniquement la 'division d'une zone prédéterminée de l'écran par le nombre d'utilisateurs dans le groupe actif' ainsi que la 'zone prédéterminée de l'écran', et que les moyens mentionnés (mémoires, microprocesseur, écran) ne sont caractérisés que par les fonctions qui leur sont dévolues et consistent en une gestion des informations stockées dans une mémoire générique programmable non spécifique techniquement s'agissant d'outils informatiques basiques et usuels.

La cour rappelle cependant que l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle n'exclut la brevetabilité, notamment des méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles prévue au c) de cet article, que lorsque ladite demande ne concerne qu'une ou plusieurs de ces méthodes, en tant que telles. Ainsi l'utilisation de moyens techniques pour mettre en oeuvre une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles, en excluant totalement ou en partie l'intervention humaine, peut conférer à ladite méthode un caractère technique et donc permettre de la considérer comme une invention, tout comme il est admis la brevetabilité d'un mélange de caractéristiques techniques et non techniques.

La cour observe en outre que le directeur de l'INPI qui peut rejeter une demande de brevet au motif de l'absence de nouveauté manifeste, et qui fait valoir que l'examinateur de l'OEB sollicité pour le rapport de recherche a indiqué que les techniques informatiques employées sont universellement connues et largement répandues de sorte que la notoriété d'un tel art antérieur ne peut être raisonnablement contestée, n'a pas fondé sa décision de rejet sur le défaut de nouveauté manifeste mais sur l'article L. 612-12 5° lequel ne permet d'exclure la brevetabilité que lorsque l'objet de la demande de brevet ne peut 'manifestement pas être considéré comme une invention au sens de l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle' sans que puisse être pris en compte en application de ce texte, les conditions de suffisance de description, de nouveauté et d'activité inventive.

En l'état de ces constatations, la cour considère que l'objet de la revendication 1 relative à un terminal pour l'établissement de communications comportant différents moyens techniques en interaction les uns avec les autres ne concerne pas une méthode dans le domaine des activités intellectuelles en tant que telle. Elle n'est pas donc pas exclue à ce titre de la brevetabilité.

Les revendications 2 à 6, dépendantes de la revendication 1, ne sont en conséquence pas non plus exclues de la brevetabilité de ce chef.

Ainsi, l'INPI ne pouvait sur le fondement des seuls articles L. 611-10-2c) et L. 612-12 5° rejeter la demande de brevet présentée par la société Bull.

La décision du directeur de l'INPI sera donc annulée.

Il ne sera pas fait droit à la demande formée par la société Bull au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'INPI n'étant pas partie à la procédure.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Annule la décision rendue le 21 août 2018 par le directeur général de l'INPI,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la présente décision sera notifiée, par lettre recommandée avec accusé de réception et par les soins du greffe, à la société Bull ainsi qu'au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/21161
Date de la décision : 22/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°18/21161 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-22;18.21161 ?
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