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22/11/2019 | FRANCE | N°17/18741

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 22 novembre 2019, 17/18741


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2







ARRET DU 22 NOVEMBRE 2019



(n°161, 10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 17/18741 - n° Portalis 35L7-V-B7B-B4HCH



Jonction avec le dossier 17/19195



Décision déférée à la Cour : jugement du 07 septembre 2017 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre

1ère section - RG n°16/08680







APPELANTES





S.A.R.L. AZILIS, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculé...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2019

(n°161, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 17/18741 - n° Portalis 35L7-V-B7B-B4HCH

Jonction avec le dossier 17/19195

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 septembre 2017 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°16/08680

APPELANTES

S.A.R.L. AZILIS, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Compiègne sous le numéro 519 251 359

Mme [F] [E] - agissant en sa qualité de liquidatrice amiable de la S.A.R.L. CDE4 ayant son siège social situé [Adresse 2] - demeurant

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentées par Me Erick LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque D 0786

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN REPRISE D'INSTANCE et comme telle APPELANTE et INTIMEE

Mme [U] [C] [J] veuve [A], agissant en sa qualité d'héritière de [H] [A]

Née le [Date anniversaire 1] 1948 à Chambéry (73000)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Loïc DUSSEAU de la SELEURL DUSSEAU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P 0187

Assistée de Me Alain MARTER, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMES

M. [X] [W]

Né le [Date anniversaire 2] 1932 à [Localité 1]

De nationalité française

Exerçant la profession d'auteur

Demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Sophie VIARIS DE LESEGNO de la SELARL CABINET PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, toque L 0166

M. [E] [C]

Né en [Date anniversaire 3] à [Localité 2]

Demeurant [Adresse 7]

M. [P] [V]

Né le [Date anniversaire 4] 1960

Demeurant [Adresse 8]

Non assignés et n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme [U] GABER, Présidente de chambre

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Par défaut

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme [U] GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 7 septembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu les appels de ce jugement interjetés par M. [H] [A] le 11 octobre 2017 et par les sociétés Azilis et CDE4 le 18 octobre 2017,

Vu l'ordonnance de jonction de ces procédures en date du 18 janvier 2018,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 24 juin 2019 de Mme [U] [C] [J] veuve [A] agissant aux droits de M. [H] [A] décédé postérieurement au jugement le 26 mai 2018 qui était appelant et intimé,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 12 juillet 2019 des sociétés Azilis et CDE 4, cette dernière société, dissoute depuis le 11 novembre 2016 dans le cadre d'une liquidation amiable, représentée par Mme [F] [E], appelantes,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 11 juillet 2019 de M. [X] [W], intimé et appelant incident,

Vu l'absence de constitution de MM. [C] et [V], régulièrement intimés,

Vu l'ordonnance de clôture du 5 septembre 2019,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que M. [W] est le dessinateur et le scénariste de nombreuses bandes dessinées françaises et a participé en qualité de dessinateur pour des journaux de bandes dessinées tels Pilote, [X], Le Journal de Tintin, Pif Gadget ou le Journal de Spirou.

M. [A] était également un dessinateur et un scénariste de bandes dessinées de renom qui a collaboré avec plusieurs journaux et maisons d'édition en Europe.

MM. [C] et [V] sont des dessinateurs de bandes dessinées.

La société Azilis exploite une galerie à l'enseigne «Galerie Napoléon'' proposant à la vente des planches originales de bandes dessinées ainsi qu'un site internet galerienapoleoncom.

La société CDE4 exploitait, jusqu'à sa dissolution du 11 novembre 2016 dans le cadre d'une liquidation amiable assurée par Mme [E], le site internet bddirect.com sur lequel elle proposait des planches originales de bandes dessinées.

MM. [W] et [A], qui ont collaboré au journal Pilote, sont les coauteurs de la bande dessinée Le Vagabond des Limbes, le premier en qualité de scénariste et d'auteur des textes, et le second. en qualité de dessinateur.

MM. [C] et [V] ont respectivement réalisé les décors des planches des albums 16 à 25 et les décors de l'album 26.

La série, dont le premier tome est paru en 1975, compte 31 volumes, publiés par les éditions [T] sous forme classique jusqu'en 2003 et sous forme d'intégrales jusqu'en juillet 2007, et un 32ème volume à ce jour inédit.

Les auteurs ont récupéré l'intégralité de leurs droits de publication sur les albums composant la série auprès des éditions [T] en 2012.

MM. [W] et [A] ont également réalisé ensemble respectivement comme scénariste et dessinateur, une série de bandes dessinées intitulée Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes dont le premier tome est paru en 1985.

Expliquant avoir découvert l'offre en vente à un prix moyen de 1 400 euros, sans son autorisation et sans mention de son nom, de planches originales d'albums des séries Le Vagabond des Limbes et Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes sur les sites internet galerienapoleonfr (tome 1, planche 3 ; tome 2, planche 19 ; tome 3, planche 42 ; tome 4, planches 32, 33, 35 et 38 ; tome 5, planche 37 ; tome 7, planches 11 et 12 ; tome 8, planche 15 ; tome 9, planche 20 ; tome 11 planches 16 et 26 ; tome 12, planches 4 et 39 ; tome 15, planche 18 ; tome 16, planches 3 et 31 ; tome 19, planche 35 ; tome 32 planche 32 ; l'internaute étant en outre invité à contacter la galerie pour d'autres planches) et sur bddirectcomn (tome 5, planche 11 ; tome 7, planche 46 ; tome 8, planche 24 ; tome 9, planches 4 et 49 ; tome 12, planche 23), M. [W] a fait dresser par huissier de justice le 28 janvier 2016 deux procès-verbaux de constat sur ces deux sites internet.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2015, M. [W] sollicitait un partage des bénéfices retirés des ventes des planches à hauteur de 65 % pour M. [A] et de 35 % pour lui. Cette lettre étant restée sans réponse, il mettait en demeure ce dernier, par courrier de son conseil du 19 novembre 2015, de cesser ses agissements et de lui reverser la moitié des recettes.

M. [W] a, par actes d'huissier de justice des 28, 29 avril 2016 et 6 et 13 mai 2016, fait assigner M. [A], la société Azilis, la société CDE 4, M. [C] et M. [V] devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le jugement déféré a :

- Constaté que les 'ns de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à agir de M. [W] pour le compte de MM. [E] [C] et [P] [V] sont sans objet ;

- Dit que les planches originales en noir et blanc réutilisées en couleurs dans les séries Le Vagabond des Limbes et Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes dessinées par M. [A] et reproduisant le scénario et les textes de M. [W] sont des 'uvres de collaboration ;

- Dit que MM. [A] et [W] sont copropriétaires indivis de ces planches à hauteur de la moitié chacun ;

- Dit qu'en autorisant sans l'accord de M. [W] l'offre en vente et la vente de ces planches, M. [A] a commis une faute concourant au préjudice que lui ont causé les actes de contrefaçon commis par la société Azilis et la société CDE4 sur les sites internet galerienapoleon.com et bddirectcom qu'elles exploitent et sur lesquels elles ont respectivement représenté 31 planches (série Le Vagabond des Limbes : tome 1, planche 3 ; tome 2, planches 19 et 32 ; tome 3, planche 42 ; tome 4, planches 32, 33, 35 et 38 ; tome 5, planche 37 ; tome 7, planches 11, 12, 23 et 44 ; tome 8, planches 4 et 15 ; tome 9, planche 20 ; tome 11, planches l6, 26 et 30 ; tome 12, planches 4, 30 et 39 ; tome 14, planche 6 ; tome l5, planche 18 ; tome16, planches 3 et 31 ; tome 19, planches 31 et 35 ; tome 24, planche 42 ; tome 26, couverture ; et série Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes : tome 4, planche 4) et 6 planches (série Le Vagabond des Limbes : tome 5, planche 11 ; tome 7, planche 46 ; tome 8, planche 24 ; tome 9, planches 4 et 49 ; tome l2, planche 23) sans mention du nom de M. [W], portant ainsi atteinte à ses droits patrimoniaux et à son droit à la paternité ;

- Rejeté la demande de M. [W] au titre de la divulgation de la planche 32 de l'album n°32 inédit de la série Le Vagabond des Límbes faute de preuve de la divulgation ;

- Interdit en conséquence à M. [A], à la société Azilis et à Mme [E] prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CDE4, sous astreinte de 3 000 euros par infraction constatée pendant un délai de 3 mois courant à compter de l'expiration d'un délai de 10 jours courant dès la signification du jugement, de représenter, reproduire, offrir en vente et vendre, sans l'accord préalable et écrit de M. [W], les planches originales en noir et blanc réutilisées en couleurs dans les séries Le Vagabond des Limbes et Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes dessinées par M. [A] et reproduisant le scénario et les textes de M. [W] ;

- Rejeté la demande de retrait des sites internet galerienapoleon.com et bddirect.com privée d'objet par l'interdiction prononcée ;

- Enjoint à la société Azilis de communiquer à M. [W], sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 3 mois courant à compter de l'expiration d'un délai de 21 jours courant dès la signification du jugement, un document certifié conforme par un expert-comptable indépendant précisant le nombre de planches originales en noir et blanc réutilisées en couleurs dans les séries Le Vagabond des Limbes et Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes dessinées par M. [A] et reproduisant le scénario et les textes de M. [W] acquises auprès de M. [A], vendues et conservées en dépôt ainsi que pour chaque planche son prix de vente ;

- Condamné in solidum M. [A] et la société Azilis à payer à M. [W], en réparation du préjudice causé par le défaut de rémunération au titre des ventes et sur la base des éléments dont la communication a été ordonnée, la moitié du prix de vente HT pour chaque planche vendue sans déduction de l'éventuelle commission de la société Azilis ;

- S'est réservé la liquidation des astreintes prononcées ;

- Condamné la société Azilis à payer à M. [W] la somme totale de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par ses atteintes à son droit de représentation et à son droit à la paternité ;

- Condamné Mme [E] prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CDE4 à payer à M. [W] la somme totale de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par ses atteintes à son droit de représentation et à son droit à la paternité ;

- Rejeté les demandes de publications judiciaires présentées par M. [W] ;

- Rejeté les demandes de M. [A], de la société Azilis et de Mme [E] prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CDE4 au titre des frais irrépétibles ;

- Condamné in solidum M. [A], la société Azilis et Mme [E] prise en sa qualité de liquidatrice de la société CDE4 à payer à M. [W] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solídum M. [A], la société Azilis et Mme [E] prise en sa qualité de Iiquidatrice amiable de la société CDE4 à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés directement par la Selarl Pierrat conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [A] est décédé le [Date décès 1] 2018 laissant pour lui succéder, en l'absence d'héritiers directs, son épouse Mme [U] [J] dont il a par ailleurs fait sa légataire universelle aux termes d'un testament notarié établi le 30 décembre 1988.

A titre liminaire, la cour constate qu'il n'est pas demandé l'infirmation par l'une ou l'autre des parties à la procédure du jugement en ce qu'il a rejeté les 'ns de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à agir de M. [W] pour le compte de MM. [C] et [V] pour défaut d'objet. Le jugement sera dès lors confirmé de ces chefs.

Sur la recevabilité des conclusions de M.[A] et de Mme [J]

M. [W] soutient que la déclaration d'appel en date du 11 octobre 2017 de M. [H] [A] ne mentionne pas les chefs de jugements critiqués celui-ci se bornant à solliciter un appel partiel du jugement et en déduit que ses premières conclusions d'appel notifiées par RPVA le 8 janvier 2018 ne respecteraient pas l'article 954 du code de procédure civile qui dispose en son second alinéa que «les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte».

La cour observe cependant qu'était annexée à la déclaration d'appel régularisée le 11 octobre une pièce jointe précisant qu'elle fait corps avec la déclaration d'appel mentionnant précisément 12 chefs du jugement critiqués.

Ainsi, les conclusions du 8 janvier 2018 qui, dans leur dispositif, sollicitent la réformation, qu'il faut comprendre comme l'infirmation, du jugement et énoncent des prétentions relatives aux chefs du dispositif du jugement entrepris qui avaient été visés par l'acte d'appel satisfont pleinement aux exigences du code de procédure civile et notamment des articles 901 et 954 dans leurs versions applicables depuis le 1er septembre 2017.

M [W] argue également d'une violation de l'article 901-4 du code de procédure civile relatif à la nécessaire concentration des moyens dès les premières écritures.

Pour autant la cour constate que le dispositif des dernières conclusions notifiées le 24 juin 2019 par Mme [J] venant aux droits de M. [A] est identique aux premières conclusions d'appel du 8 janvier 2018 quant aux prétentions du dispositif nonobstant la précision des textes codifiés sur lesquels elles s'appuient.

Dès lors, l'exigence de concentration des moyens a elle aussi été respectée et la demande d'irrecevabilité formée par M. [W] sera rejetée.

Sur la propriété incorporelle des planches

La cour constate, comme l'avait fait le tribunal, que ne sont communiquées aux débats ni les bandes dessinées telles que publiées, ni des planches originales telles qu'elles ont été offertes à la vente mais qu'au vu des constats établis par huissier de justice les planches litigieuses en noir et blanc sont différentes de celles finalement publiées qui sont en couleur. Le débat ne porte donc pas sur ces dernières mais sur des 'uvres distinctes.

Comme l'a retenu le tribunal, il n'est pas contesté que les planches proposées à la vente ont été dessinées par M.[A] et sont constituées de pages entières comprenant non seulement des dessins mais des dialogues et des textes et reproduisent ainsi le scénario, qui détermine l'ordre des vignettes, leurs contenus et leurs compositions, ainsi que les textes écrits par M. [W], ce dernier produisant en outre les scénarios des tomes 13 et 29 à 32 de la série Le Vagabond des Limbes qui révèlent qu'il donnait au dessinateur des instructions précises et détaillées sur la composition des planches, le contenu et la forme des cases, les expressions et positions des personnages et les décors.

Ainsi, le jugement doit être approuvé en ce qu'il a dit que ces planches doivent être qualifiées d''uvres de collaboration au sens de l'article L 113-2 du code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, le droit d'auteur sur ces planches est la propriété commune de MM [A] et [W] et leur exploitation nécessite leur accord commun dans les termes de l'article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle.

L'article L 122-4 du même code interdit toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle de l''uvre faite sans le consentement de l'auteur et l'article L 335-3 qualifie de contrefaçon toute reproduction illicite.

Ainsi la reproduction sur les sites internets galerienapoleon.fr de la société Azilis et bddirect.com de la société CDEA sont constitutives de contrefaçon des droits d'auteurs de M. [W] qui n'avait pas autorisé cette mise en ligne et dont le nom n'était pas mentionné, étant au surplus observé qu'aucune des exceptions au droit d'auteur définies à l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle n'est excipée par les appelants.

Elles constitue également une atteinte au droit de paternité de M. [W] sur les 'uvres en vertu de l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle dès lors que son nom et sa qualité d'auteur ne sont pas mentionnés, les planches étant présentées à la vente sous le seul nom de M. [A].

Ainsi, la société Azilis a commis des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité au préjudice de M. [W] en offrant à la vente sur le site internet galerienapoleon.fr qu'elle édite les planches suivantes :

* de la série Le Vagabond des Limbes : tome l, planche 3 ; tome 2, planches 19 et 32 ; tome 3, planche 42 ; tome 4, planches 4, 32, 33, 35 et 38 ; tome 5, planche 37 ; tome 7, planches ll, 12, 23 et 44 ; tome 8, planches 4 et 15 ; tome 9, planche 20 ; tome 11 planches 16, 26 et 30 ; tome 12, planches 4, 30 et 39 ;tome 14, planche 6 ; tome 15, planche 18 ; tome 16, planches 3 et 31 ; tome 19, planches 31 et 35 ; tome 24, planche 42 ; tome 26, couverture ;

* de la série Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes : tome 4, planche 4.

La société CDEA sera de même condamnée pour des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité au préjudice de M. [W] en offrant à la vente sur son site internet bddirectcom les planches suivantes :

* de la série Le Vagabond des Limbes : tome 5, planche 11 ; tome 7, planche 46 ; tome 8, planche 24 ; tome 9, planches 4 et 49 ; tome 12, planche 23.

Il sera relevé que les premiers juges ont justement retenu que M. [A] qui a autorisé ces ventes et ces mises en ligne a concouru à la réalisation des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité, étant cependant observé qu'aucune demande de condamnation n'a été formulée à son encontre par M. [W] de ces chefs de préjudice.

M. [W] reproche également une atteinte à son droit de divulgation de son 'uvre en ce qu'il aurait été proposé à la vente une planche numérotée 32 du tome 32, album qui n'a jamais été édité, ni même terminé, les auteurs ne s'étant pas accordés sur une version définitive.

Pour autant c'est à juste titre que le tribunal a retenu que si la planche a bien été proposée à la vente, elle n'a pas été reproduite sur le site internet du vendeur et ne semble pas avoir été vendue. Au surplus la teneur réelle de cette planche n'est pas connue de la cour.

Le jugement sera dès lors confirmé des chefs ci-dessus examinés relatifs au droit d'auteur de M. [W].

Sur la réparation des préjudices subis du fait des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité

Au vu des éléments produits par les parties, la cour constate que le tribunal a fait une juste appréciation des préjudices subis par M. [W] du fait des actes de contrefaçon commis d'une part par la société Azilis en la condamnant au paiement d'une somme de 5 000 euros et d'autre part par la société CDE4 en la condamnant au paiement d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle.

Le jugement mérite également confirmation en ce qu'il a fixé des dédommagements à hauteur de 5 000 euros à la charge de la société Azilis et de 1 000 euros à la charge de la société CDE4 pour atteintes au droit de paternité de M. [W].

M. [W] ne forme à l'encontre de Mme [J] venant aux droits de M. [A] aucune demande de condamnation des chefs des actes de contrefaçon et des atteintes à son droit de paternité.

Les sociétés Azilis et CDE4 demandent quant à elles à la cour, à titre subsidiaire, de «dire et juger (qu'elles) auront la faculté d'obtenir la garantie de [A] sur tout ou partie des sommes auxquelles elles seraient condamnées».

Outre qu'une telle demande ne peut être accueillie en tant qu'elle ne sollicite pas la garantie mais seulement la faculté de demander la garantie, force est de constater que les sociétés Azilis et CDE4 sont spécialisées dans la commercialisation des 'uvres issues de la bande dessinée et qu'elles ne sauraient de ce fait obtenir la garantie de M. [A], dessinateur, ou de son ayant droit.

Elles seront dès lors déboutées de leur demande de ce chef.

Par ailleurs le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité étant entièrement réparé par l'allocation des indemnités ci-dessus fixées et la proposition de vente en ligne constitutive des contrefaçons et d'atteintes au droit de paternité ayant cessé, il n'y a pas lieu d'ordonner de mesures d'interdiction, telles que prononcées par le jugement qui sera infirmé sur ce point, ni de faire droit à la demande de publication et de retrait des sites internet.

Sur la propriété matérielle des planches

Le jugement doit être approuvé en ce qu'il a rappelé que la vente des planches originales s'analyse en une cession du support des 'uvres, de l'objet matériel dans lequel elles s'incarnent, et non des droits incorporels des auteurs et qu'il convient de rechercher qui est propriétaire du support, c'est-à-dire des planches elles-mêmes, sans référence à la qualification d''uvre de collaboration retenue pour les droits de propriété intellectuelle des auteurs.

L'article 2276 du code civil dispose que :

« En fait de meubles, la possession vaut titre.

Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.».

Il n'est pas contesté que M. [A] est le détenteur des planches litigieuses qu'il a décidé de vendre par l'intermédiaire des sociétés Azilis et CDEA.

M. [W] n'argue d'aucune perte, ni vol de ces planches tels que prévus à l'alinéa 2 du dit article.

Il fait état de correspondances qu'il aurait adressées à M. [A] à compter de 2015 quand il indique s'être aperçu de la mise en vente litigieuse par celui-ci des planches qu'il détenait.

Il ne produit aucun contrat conclu avec les éditeurs ou entre eux réglant le sort de la propriété des planches en tant qu'objets matériels.

La mention dans un contrat unique conclu en 1990 entre les auteurs, à savoir MM. [W] et [A], et M. [C], en qualité d'assistant qui précise seulement que «l'assistant (M.[C]) s'engage à remettre à l'auteur (MM. [W] et [A]), au fur et à mesure des besoins exprimés par lui, ses illustrations définitives et complètes. Les planches originales conçues par l'auteur resteront sa propriété pleine et entière» ne permet pas de retenir un accord des auteurs sur une copropriété entre eux des planches litigieuses.

Pas plus que la mention dans un contrat unique que ces derniers ont conclu en 1991 avec la société [T] stipulant qu'ils déclarent être pleinement propriétaires des films de photogravure correspondant aux planches de chacun des titres de chacune des séries ne permet pas de conclure à leur accord sur une co-propriété matérielle des dites planches.

La possession des planches par M. [A] a bien dès lors été exercée en qualité de propriétaire.

M. [W] avait d'ailleurs demandé expressément à M. [A] le 13 juin 2015 de lui offrir entre trois et cinq planches par album, car il était, selon lui, d'usage qu'un dessinateur offre une telle quantité de planches à son scénariste. M. [A] a, ensuite de ce courrier, par l'intermédiaire de la société Azilis, cédé deux planches originales à M. [W].

Ainsi, c'est à tort que le tribunal a écarté l'application de l'article 2276 du code civil, alors que la possession paisible en qualité de propriétaire n'était contredite par aucune des pièces communiquées aux débats par les parties.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a jugé MM. [A] et [W] copropriétaires indivis de ces planches à hauteur de la moitié chacun et en ce qu'il a enjoint à la société Azilis de communiquer à M. [W], sous astreinte, un document certifié d'un expert-comptable indépendant précisant le nombre de planches originales acquises auprès de M. [A], vendues et conservées en dépôt ainsi que pour chaque planche son prix de vente.

Dès lors, la demande additionnelle présentée par M. [W] de voir évoquer en cause d'appel la liquidation de l'astreinte qui avait été prononcée par le tribunal à hauteur de de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 3 mois courant à compter de l'expiration d'un délai de 21 jours courant dès la signification du jugement, devient sans objet du fait de l'infirmation du jugement de ce chef.

Sur les autres demandes

Les condamnations au titre des dépens et des frais irrépétibles de première instance tels que prononcées par le jugement seront confirmées.

Les dépens d'appel seront à la charge des sociétés Azilis et CDEA et les parties seront toutes déboutées de leurs demandes fondées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette les conclusions d'irrecevabilités soulevées par M. [X] [W] et déclare recevables les conclusions de Mme [U] [C] [J] veuve [A], agissant aux droits de M. [H] [A], et des sociétés Azilis et CDE 4,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- Constaté que les 'ns de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à agir de M. [W] pour le compte de MM. [E] [C] et [P] [V] sont sans objet ;

- Dit que les planches originales en noir et blanc réutilisées en couleurs dans les séries Le Vagabond des Limbes et Chroniques du temps de la Vallée des Ghlomes dessinées par M. [A] et reproduisant le scénario et les textes de M. [W] sont des 'uvres de collaboration ;

- Rejeté la demande de M. [W] au titre de la divulgation de la planche 32 de l'album n°32 inédit de la série Le Vagabond des Límbes faute de preuve de la divulgation ;

- Rejeté la demande de retrait des sites internet galerienapoleon.com et bddirect.com ;

- Jugé que M. [A] a concouru à la réalisation des actes de contrefaçon et d'atteinte au droit de paternité ;

- Condamné la société Azilis à payer à M. [W] la somme totale de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par ses atteintes à son droit de représentation et à son droit à la paternité ;

- Condamné Mme [E], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CDE4, à payer à M. [W] la somme totale de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par ses atteintes à son droit de représentation et à son droit à la paternité ;

- Rejeté les demandes de publications judiciaires présentées par M. [W] ;

- Condamné in solídum M. [A], la société Azilis et Mme [E], prise en sa qualité de Iiquidatrice amiable de la société CDE4, à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl Pierrat conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Rejeté les demandes de M. [A], de la société Azilis et de Mme [E], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CDE4, au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que Mme [J] veuve [A], agissant aux droits de M. [H] [A], est, en application de l'article 2276 du code civil, propriétaire des planches litigieuses,

Dit n'y avoir lieu à mesure sous astreinte d'interdiction, ni de communication, et n'y avoir lieu en conséquence à condamnation pour défaut de rémunération au titre de ventes ni à liquidation d'astreinte,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne les sociétés Azilis et CDE 4 aux dépens d'appel avec distraction au profit de la Selarl [Personne physico-morale 1].

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/18741
Date de la décision : 22/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°17/18741 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-22;17.18741 ?
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