RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 11
L. 552-10 du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 18 NOVEMBRE 2019
(5786 - 1 pages)
Numéro d'inscription au numéro général : B N° RG 19/05766 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5U3
Décision déférée : ordonnance rendue le 15 novembre 2019, à 10h58, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris
Nous, Patricia Dufour, conseiller, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Coralie Bonneau, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANTS :
1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS,
MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Anne Bouchet, avocat général,
2°) LE PRÉFET de police,
représenté par Me Sarah Nhari de la Selas Arco - Legal, avocats au barreau de Paris
INTIMÉ :
M. [Z] [K]
né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 2], de nationalité algérienne
RETENU au centre de rétention de [Localité 3] / [Localité 4],
non comparant, selon courriel du centre de rétention reçu au greffe le 18 novembre 2019 à 09h43 indiquant que le retenu est hospitalisé
représenté par Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris
ORDONNANCE :
- contradictoire,
- prononcée en audience publique,
- Vu l'ordonnance du 15 novembre 2019, à 10h58 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnant la jonction des deux procédures, constatant l'irrégularité de la procédure, disant n'y avoir lieu à statuer sur la requête en contestation de la décision de placement en rétention, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle, rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national et l'informant qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de 10 heures ;
- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 15 novembre 2019 à 15h02 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, avec demande d'effet suspensif ;
- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 18 novembre 2019, à 10h02 réitéré à 10h10, par le préfet de police ;
- Vu l'ordonnance du 16 novembre 2019 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;
- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;
- Vu les observations :
- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 28 jours ;
- de M. [Z] [K], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
La cour considère que c'est à tort que le premier juge a retenu une irrégularité quant à la durée de la garde à vue dès lors que celle-ci n'a pas excédé le délai légal de 24h, le procureur ayant simplement donné instruction de procéder à un classement 61 sans ordonner de donner immédiatement main levée de la garde à vue le moyen ne peut qu'être rejeté et l'ordonnance infirmée sur ce point
Sur les autres moyens soutenus, la cour considère que:
- sur le 1er moyen tiré d'un délai de transfert excessif, que si ce délai apparaît en effet conséquent, il suffit de se reporter au courriel de rapport d'incident du 14 novembre 2019 à 14h06 pour constater que suffisamment de justifications dudit délai sont données, l'intéressé ayant, le 13 novembre 2019 à 20h menacé de se suicider à l'aide d'une cuillère en plastique cassée, il a été nécessaire de le transporter à l'hôpital (HEGP); dès lors, les explications et justifications du délai figurant suffisamment en procédure, il convient de rejeter le moyen;
- sur le 2ème moyen tiré d'une irrégularité de notification de garde à vue, qu'il suffit de se reporter au procès verbal de notification de la mesure et des droits afférents pour constater que le procès verbal ne souffre d'aucune critique, les infractions de vol en réunion, tentative de vol en réunion étant clairement et dûment mentionnées , le moyen est rejeté;
- sur le 3ème moyen tiré d'un inexercice du droit de communiquer en garde à vue, qu'il résulte du procès verbal du 12 novembre 2019 à 21h07 que Mme [U] [K] a été informée de la garde à vue de son mari, que si en effet, rien au dossier ne permet de s'assurer que l'intéressé ait pu communiquer lui même avec son épouse, faute pour l'intéressé de caractériser une atteinte à ses droits qui découlerait de cette absence de communication directe, le moyen ne peut qu' être rejeté,
- sur le 4ème moyen tiré d'une tardiveté d'avis à avocat, que la tardiveté n'est pas constituée la notification des droits étant intervenue à 20h55 et l'avis à 21h42, le moyen est rejeté,
- sur le 5ème moyen tiré d'une notification simultanée des décisions, que la mention de 19h ne concerne que l'heure à laquelle l'ensemble des documents ont été présenté à la signature de l'intéressé, la fin de garde à vue ayant été notifiée à compter de 18h50, le moyen est rejeté,
- sur la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention, 8 moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, la violation du droit à être entendu, à être assisté d'un avocat, du caractère contradictoire de la procédure, le défaut de motivation et d'examen concret, de prise en compte de la vulnérabilité, du principe de proportionnalité, des garanties présentées et l'erreur d'appréciation:
1) que s'agissant de l'incompétence du signataire de l'acte, il résulte des dispositions de l'article 16 de l'arrêté n°2019-00832 accordant délégation de signature préfectorale au sein de la direction de la police nationale pris par le préfet de police le 18 octobre 2019, document communiqué contradictoirement avant l'audience au conseil de Monsieur [K] que l'arrêté de placement en rétention a été dûment signé par personne ayant délégation de signature pour ce faire, en l'espèce, Madame [X] [O], subdélégataire de Monsieur [N], sous-directeur de l'administration des étrangers à la Préfecture de Police de Paris, dont les compétences résultent de l'arrêté préfectoral 2018-694 du 23 octobre 2018 relatif aux missions et compétences de l'administration concernée, arrêté expressément visé en référence dans l'arrêté figurant en procédure, auquel il convient de se reporter aux fins d'examen des missions, prérogatives et pouvoirs de ladite administration parmi lesquels figure notamment la mission 'd'assurer le traitement des procédures judiciaires aux fins de prolongation de la rétention' tant auprès du TGI que de la cour d'appel, sans que, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, l'intéressé ne vienne démontrer que les arrêtés concernés ne s'appliqueraient pas alors même que ceux-ci sont régulièrement publiés et consultables, notamment par voie informatique,
2) que les garanties procédurales du chapitre III de la directive retour (2008/115/CE ) ne s'appliquent pas à la décision de placement en rétention, mais aux décisions d'éloignement dont la contestation ne relève pas de la compétence de l'autorité judiciaire, qu'il résulte d'une combinaison des articles L 121-1, L 211-2 et L 121-2 3°du code des relations entre le public et l'administration et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , que les dispositions des articles précités ne trouvent à s'appliquer que dans le cadre fixé par l'article L 313-5-1 du code précité, ce qui n'est pas le cas d'espèce,
3) qu'étant rappelé que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, il y a lieu de constater que l'arrêté de placement, est notamment motivé par le défaut de document d'identité ou de voyage en cours de validité et le défaut de justification de résidence effective, la soustraction à deux précédentes mesures d'éloignement ((4 janvier 2018, 3 avril 2019 cette dernière sans délai) que dès lors il s'en déduit que ledit arrêté est régulièrement motivé au regard de la situation personnelle caractérisée de l'intéressé,
4) sur la prise en compte de la vulnérabilité, qu'outre le fait qu'aucune pièce n'est produite concernant une prétendue vulnérabilité, que l'intéressé ne rapporte pas la preuve qu'il ait informé de quelque difficulté de santé avant que la décision préfectorale ne soit prise.
5) qu'il résulte de la motivation de la décision qu'aucune erreur d'appréciation ni violation du principe de proportionnalité ne sont caractérisées aucune mesure moins coercitive n'étant envisageable compte tenu de l'absence de garantie présentée;
6) que pour ce qui est de la compatibilité entre l'état de santé de l'intéressé et la mesure de rétention, il est établi que par certificat en date du 14 novembre 2019, le médecin de l'OFII l'état de santé de Monsieur [K] lui permettait de voyager sans risque vers le pays de renvoi, qu'il en résulte la compatibilité avec la mesure de rétention et qu'en tout état de cause, l'intéressé fait l'objet d'un suivi et d'une prise en charge médicale puisqu'il a été hospitalisé en urgence. En conséquence, à ce stade de la procédure, la demande d'examen médical telle que sollicitée est rejetée.
qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance querellée et de déclarer les deux requêtes du préfet recevables, de rejeter la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention et d'ordonner la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
Statuant a nouveau,
DÉCLARONS recevable la requête en contestation du placement en rétention, la rejetons,
DÉCLARONS recevable la requête du préfet de police,
REJETONS les moyens de nullité,
ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [Z] [K] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 18 novembre 2019 à
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant
L'avocat de l'intéresséL'avocat général