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24/10/2019 | FRANCE | N°18/06677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 24 octobre 2019, 18/06677


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2019



(n° 2019 - 281, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06677 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5MVG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/00372





APPELANTE



La SAS INOVA, agissant en la pers

onne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]





Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2019

(n° 2019 - 281, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/06677 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5MVG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/00372

APPELANTE

La SAS INOVA, agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée à l'audience de Me Marion MAURICE, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Karim BEYLOUNI de la SELARL KARIM BEYLOUNI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J098

INTIMES

Monsieur [P] [C]

Né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assisté à l'audience de Me Jérôme FRAUCIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0492

La société [I], prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée à l'audience de Me Caroline MECARY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0382

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Marie-Claude HERVE, conseillère

Madame Anne DE LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

Vu le jugement en date du 8 mars 2018 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté les fins de non recevoir formulées par la société [I] tirées de1'autorité de la chose jugée, du défaut de qualité, des dispositions des

articles 111 et suivants du code de procédure civile,

- déclaré irrecevable l'action en nullité de la lettre d'intention pour se heurter à la prescription de l'article L 225-42 du code de commerce ;

- débouté la société Inova de l'ensemble de ses demandes,

- débouté M. [P] [C] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour réticence dolosive,

- condamné la société Inova à payer à M. [P] [C] et à la société [I], à chacun, la somme de 8000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Inova aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'artic1e 699 du code de procédure civile, par les avocats qui en auront fait la demande,

- dit n'y avoir lieu à l' exécution provisoire ;

Vu l'appel relevé le 29 mars 2018 par la société Inova ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 décembre 2018 par lesquelles la société Inova venant aux droits de la société Ae&E Inova France SA demande à la cour de :

Vu les articles L. 225-43, L. 225-35, L. 225-251 et R. 225-28 du code de commerce,

Vu les articles 1131 à 1133 anciens, 2287-1 et 2321 du code civil,

Vu la lettre du 29 décembre 2009,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel principal ;

- confirmer le jugement du 8 mars 2018 en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir de la société [I] relatives au prétendu défaut de qualité à agir d'Inova et à l'application du principe de l'estoppel, et a débouté [P] [C] de sa demande indemnitaire ;

- infirmer le jugement du 8 mars 2018 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité de la lettre du 29 décembre 2009 « pour se heurter à la prescription de l'article L 225-42 du code de commerce », débouté de Inova de l'ensemble de ses demandes et condamné cette dernière à payer à [P] [C] et à la société [I] la somme de 8.000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens ;

A titre liminaire,

- dire et juger que l'action en nullité de la lettre du 29 décembre 2009 n'est pas prescrite ;

A titre principal,

- dire et juger que la lettre du 29 décembre 2009 est nulle car fondée sur une cause illicite ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la lettre du 29 décembre 2009 doit être qualifiée de garantie autonome ;

- dire et juger en conséquence que la lettre du 29 décembre 2009 est nulle sur le fondement de l'article L. 225-43 du code de commerce ;

A titre plus subsidiaire,

- dire et juger que, en tout état de cause, la lettre du 29 décembre 2009 constitue une garantie ;

- dire et juger en conséquence que la lettre du 29 décembre 2009 est inopposable à Inova sur le fondement des articles L. 225-35 et R. 225-28 du code de commerce ;

En conséquence,

- condamner solidairement [P] [C] et la société [I] à restituer à la société Inova les sommes perçues au titre de la lettre du 29 décembre 2009, à savoir la somme de 248.097,20 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

- rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société [I] ;

- débouter [P] [C] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réticence dolosive ;

- condamner solidairement [P] [C] et la société [I] à verser à la société Inova la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement [P] [C] et la société [I] aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2018 par voie électronique par lesquelles la société [I] devenue la société Sokar demande à la cour de :

Vu l'article 6 de la CEDH, les articles 1134 et 2322 du Code civil, l'article

L.225-42 du code de commerce, l'article L 2323-62 du code du travail, les principes généraux de bonne foi et de loyauté procédurale du droit exprimé par la maxime « non concedit venire contra factum proprium » ; les articles 122 et 700 du code de procédure civile ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la société Inova n'était pas contradictoire en ses demandes, en conséquence juger la société Inova contradictoire en ses demandes et la déclarer irrecevable ;

- juger que la société Inova ayant admis dans le cadre de l'instance de fixation être irrecevable à ses prétentions de restitution d'honoraires à l'égard de la société [I], devenue Sokar, est également irrecevable comme contradictoire en ses demandes à l'égard de la société [I] devenue Sokar ;

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la société Inova avait qualité à agir en restitution d'honoraires à l'encontre de la société [I], alors que la seule relation contractuelle en cause est celle entre la société Inova et M. [C], en conséquence juger la société Inova irrecevable à l'encontre de la société [I] ;

Subsidiairement mettre hors de cause la société [I] ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé l'action en nullité de la société Inova prescrite et en conséquence la déclarer irrecevable ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Inova de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Inova à payer à la société [I] devenue Sokar la somme huit mille euros au titre des frais irrépétibles ;

Y ajoutant ,

- condamner la société Inova à payer à la société [I] devenue Sokar la somme dix mille euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

- condamner Inova aux entiers dépens dont distraction ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2018 par lesquelles M. [P] [C] demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception du chef expressement critiqué par l'appel incident ;

Subsidiairement :

- juger que l'engagement pris par la société Inova le 23 mars 2010 n'est pas fondé sur une cause illicite ;

- débouter la société Inova de sa demande tendant à ce que la nullité de l'engagement soit prononcée ;

- juger que l'engagement de la société Inova a été adopté et ratifié dans les conditions requises par les dispositions applicables ;

- débouter la société Inova de sa demande tendant à ce que son propre engagement lui soit declaré inopposable ;

Plus subsidiairement et à titre reconventionnel :

- dire que les faits pour lesquels M. [C] est mis en examen dans une procédure pénale belge se sont produits à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;

- juger que la société Inova est tenue par une obligation de protection juridique de M. [C];

- condamner la société Inova à faire l'avance des honoraires d'avocats exposés par M. [C] dans le cadre de sa défense pénale ;

- dire que les sommes déjà versées par la société Inova l'ont été au titre de cette obligation, et n'y avoir lieu à répétition par la SELARL [I] ;

- débouter la société Inova de ses demandes à cette fin ;

Sur l'appel incident :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que M. [C] ne justifiait pas d'un préjudice du fait de la réticence dolosive de la société Inova,

- condamner la société Inova a la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi par M.[C] du fait de sa réticence dolosive ;

En tout état de cause :

- condamner la société Inova à la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens dont distraction ;

SUR CE, LA COUR

Considérant que la société Inova, anciennement dénommée AE&E Inova France, est spécialisée dans l'étude, la préparation, la réalisation de travaux et d'installations destinées au traitement de déchets d'origine ménagère industrielle ;

Que selon contrat du 1er juillet 1983 M. [P] [C] a été embauché par la SAS Inova ; qu'il a exercé, outre des fonctions salariées, les mandats de directeur général de la société, puis de président jusqu'au 8 octobre 2012, date à laquelle M. [P] [L] lui a succédé ; qu'il a été licencié pour faute grave le 5 décembre 2013 ; que par décision du 22 septembre 2017, le conseil des prud'hommes de Nanterre a jugé ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué diverses sommes ; qu'appel a été interjeté de cette décision ;

Qu'en 2005 '2006 la candidature de la société Inova a été retenue dans le cadre d'un appel d'offres lancé par Intradel, organisme public intercommunal belge, en vue de la construction d'une usine de valorisation énergétique de déchets ; que courant 2007, les conditions d'attribution de ce marché ont été remises en cause à la suite d'une dénonciation anonyme et d'une suspicion de versement de commissions occultes à des responsables politiques locaux ;

Que le 31 juillet 2008, une information judiciaire a été ouverte du chef de corruption active de fonctionnaires et recels visés à l'article 42.3° du code pénal ;

Que M. [C] a été entendu par les services de police belge les 24 octobre et 17 novembre 2008 ;

Que le 29 décembre 2009, [S] [T], président du conseil d'administration de la société Inova, a adressé à M. [C], directeur général de la société, une lettre relative notamment à la prise en charge par la société de ses honoraires d'avocat et de toute condamnation pécuniaire prononcée dans le cadre de l'action civile ;

Que le 23 mars 2010, le conseil d'administration de la société a confirmé la prise en charge des frais de défense de M. [C] ;

Que le 16 novembre 2011, M. [C] a été inculpé des chefs de corruption, faux et usage de faux et blanchiment, puis ultérieurement des chefs d'abus de biens sociaux et d'escroquerie ;

Que le 21 mars 2014, la société Inova s'est constituée partie civile ;

Que la société d'avocats [I] a établi plusieurs factures d'honoraires au titre de la défense pénale de M. [P] [C], adressées à la société Inova :

- le 4 décembre 2009 pour la somme de 7893,60 euros TTC, réglée le 25 février 2010 ;

- le 5 janvier 2010 pour la somme de 47'840 euros TTC, réglée le 9 mars 2010 ;

- le 22 novembre 2011 pour la somme de 12 154 eurosTTC, réglée le 13 décembre 2011 ;

- le 13 décembre 2011 pour la somme de 59 800 euros TTC, réglée le 14 décembre 2011 ;

- le 23 février 2012 pour la somme de 6429,60 euros TTC, réglée le 6 mars 2012,

- le 3 juin 2012 pour la somme de 59 800 euros TTC, réglée le 5 juin 2012 ;

- le 25 avril 2013 pour la somme de 53 820 euros TTC non réglée ;

Qu'après plusieurs réclamations au mois de juillet , août, novembre 2013, la société [I] a fait assigner en référé, suivant acte d'huissier du 13 décembre 2013, la société Inova aux fins de paiement sous astreinte de la facture du 25 avril 2013 ;

Que par ordonnance du 13 janvier 2014, le président du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à sa demande eu égard au caractère non sérieusement contestable de la créance ;

Que par arrêt du 15 septembre 2015, la décision a été confirmée ;

Que par arrêt du 11 janvier 2017, le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt a été rejeté par la Cour de cassation ;

Que parallèlement à la procédure de référé, le 27 décembre 2013, la société Inova a engagé une procédure de contestation des honoraires de la société [I] devant le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, lequel par décision du 24 juillet 2014 a dit la demande irrecevable en ce que la société Inova n'est pas la cliente de la société [I] ;

Que par actes d'huissier des 6 et 24 décembre 2014, la SAS Inova a fait assigner la société [I] et M. [P] [C] afin d'obtenir leur condamnation in solidum à lui rembourser tous les paiements effectués au profit de la société [I], soit la somme de 193 917,20 euros, avec intérêts, et ce, sous astreinte ;

Que par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société [I], déclaré irrecevable l'action en nullité de la lettre d'intention comme prescrite, débouté la société Inova de l'ensemble des ses demandes, et débouté M. [C] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour réticence abusive ;

Qu'au mois de mars et avril 2018 des nouvelles factures d'honoraires ont été présentées à la société Inova ;

Que le 27 juin 2018 , la société Inova a déposé plainte contre X des chefs d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux, tentative de chantage, escroquerie et tentative d'escroquerie ;

Sur le défaut de qualité à agir

Considérant que la société [I] devenue Sokar invoque le défaut de qualité à agir de la société Inova en ce qui concerne la demande de restitution d'honoraires tout en admettant sa qualité à agir en nullité de la lettre litigieuse ;

Mais considérant que, ainsi que le relève l'appelante, la demande de restitution d'honoraires s'inscrit dans le prolongement de la demande de nullité de sorte qu'elle a qualité pour agir ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Sur l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui

Considérant que la société [I] devenue Sokar invoque la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel ; qu'elle soutient que la société Inova se contredit selon qu'elle plaide devant le conseil des prud'hommes ou devant le tribunal de grande instance ou selon qu'elle plaide en matière de référé ou au fond ;

Mais considérant que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ;

Qu'en l'espèce, l'intimée n'allègue ni ne démontre les positions contraires de la société Inova au cours de la présente instance ;

Que dans ces conditions, la fin de non-recevoir ne saurait être accueillie ;

Sur la recevabilité de l'action en nullité

Considérant que la société Inova soutient que la lettre du 29 décembre 2009 ne relève pas du régime applicable aux conventions réglementées en l'absence de contrat conclu entre la société et son mandataire social ; qu'elle affirme que ladite lettre doit être qualifiée de garantie, et que par suite, l'action en nullité se prescrit selon les règles de droit commun conformément à l'article 2224 du code civil ;

Qu'elle soutient, à titre principal, la nullité de l'engagement fondée sur une cause illicite, et à titre subsidiaire, la qualification de garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil de la lettre du 29 décembre 2009 ; qu'elle fait valoir que la société a souscrit une obligation de verser une somme au cabinet [I], obligation qu'elle a respecté à première demande dès lors que le cabinet d'avocats lui a adressé ses factures ; qu'elle affirme que l'engagement est autonome du contrat conclu entre M. [C] et le cabinet [I] ;

Considérant que la société [I] devenue Sokar réplique la lettre d'intention a été exactement qualifiée par le jugement attaqué et qu'une obligation de faire a été mise à sa charge, qui plus est de résultat ; qu'elle invoque la prescription de l'action ; qu'elle rappelle que le conseil d'administration de la société Inova France a confirmé à l'unanimité la prise en charge des frais de défense de M. [C] concernant les procédures engagées à l'encontre de la société ou à son encontre, que le rapport du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées de l'exercice clos le 31 décembre 2010 a constaté que la convention de prise en charge des frais de défense du représentant légal a été exécutée par la société Inova France, et que le 6 avril 2011 une assemblée générale mixte de la société Inova France a approuvé les comptes de l'exercice 2010 pour transformer la société en SAS et nommer M. [C] en qualité de président de la société ; qu'elle relève que AltaWest, actionnaire unique de la société AE&E Inova France, représentée par M. [P] [L], a approuvé l'engagement souscrit par la société au profit de M. [C] ; qu'elle souligne que dans un premier temps la société Inova a exécuté la lettre de confort et payé les honoraires d'avocat ;

Qu'elle soutient que la lettre du 29 décembre 2009 s'analyse comme l'engagement de la société Inova France de prendre en charge les honoraires d'avocat nécessaires à la défense des intérêts de M. [C] et que son exécution ne dépend d'aucune circonstance extérieure, la seule limite étant que la société pourra choisir un autre cabinet d'avocats pour la défense de ses propres intérêts ;

Que M. [C] invoque également la prescription de l'action en nullité ;

Considérant que l'argumentation de l'appelante relative à la cause illicite suppose qu'il soit statué d'abord sur la recevabilité de son action en nullité ;

Considérant que la lettre du 29 décembre 2009, adressé à M. [C] pris en sa qualité de directeur et signée par M. [S] [T], président du conseil d'administration de la société Inova France SA est ainsi rédigée :

« En tant que collaborateur au sein de Inova France (la Société), vous avez la responsabilité d'exercer les missions résultant de votre contrat de travail ainsi que les fonctions qui vous sont dévolues au titre de vos délégations dans l'intérêt de la société.

Dans ce cadre, nous vous confirmons qu'en cas de litiges du fait de vos actes dont l'origine se situe pendant notre collaboration, et après le 01.01.2003 :

' vous êtes libre du choix des cabinets d'avocats qui sont amenés à vous assister ;

' les honoraires d'avocats sont, et seront, pris en charge par la Société ; étant entendu que la Société ou le Groupe pourra choisir à sa convenance d'autres cabinets d'avocats pour la défense de ses propres intérêts ;

' toutes condamnations pécuniaires y inclus les condamnations prononcées dans le cadre de l'action civile d'une instance pénale, seront prises en charge par la Société

Ces engagements perdureront jusqu'au terme de toute éventuelle action qu'elle que soit votre situation à l'égard de la Société.'

Considérant qu'en application de l'article 2322 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ;

Qu'il ressort des termes de la lettre susvisée que la société Inova n'a pas entendu se substituer à M. [C] dans le paiement de ses honoraires d'avocat ; qu'en revanche, elle s'est engagée à prendre en charge lesdits honoraires et a mentionné la liberté du choix du cabinet d'avocats qui était laissée à M. [C] ;

Qu'il s'agit d'une lettre d'intention au sens des dispositions précitées et non d'une garantie autonome ;

Que par ailleurs, la lettre entraîne une charge financière sans contrepartie de sorte que s'appliquent les dispositions de l'article L225-38 du code de commerce relatives aux conventions réglementées, comme l'ont retenu, à bon droit, les premiers juges ;

Qu'aux termes de l'article L 225-42 du code de commerce, les conventions visées à l'article L 225-38 et conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration peuvent être annulées si elles ont conséquences dommageables pour la société. L'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention. Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de prescription est reporté au jour ou elle a été révélée ;

Que, la prescription de l'action en nullité de la lettre du 29 décembre 2009 a été acquise le 30 décembre 2012 ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Inova irrecevable en sa demande de nullité ;

Sur l'opposabilité de la lettre d'intention

Considérant que la société Inova fait valoir que la lettre du 29 décembre 2009 est une garantie et que le régime applicable en matière de garantie résultant de l'application de l'article L225-35 alinéa 4 du code de commerce et de l'article R 225-38 du même code n'a pas été respecté ; qu'elle invoque l'absence d'autorisation préalable du conseil d'administration puisque l'autorisation donnée par le conseil d'administration est postérieure de trois mois ; qu'elle relève que l'engagement ne fixe aucune limite du montant de la garantie et n'a jamais été renouvelé annuellement ;

Que la société [I] s'oppose à son argumentation et se prévaut de la licéité de la lettre d'intention ;

Que M. [C] fait valoir que le conseil d'administration a adopté le 23 mars 2010 le projet de résolution rédigé le 29 décembre 2009, et que la convention réglementée, ratifiée le 6 avril 2011 par l'assemblée générale, a été exécuté à six reprises entre 2010 et 2012 ; qu'il conclut à la licéité et à l'opposabilité de la lettre d'intention ;

Considérant que la lettre du 29 décembre 2009 relève du régime des conventions réglementées ainsi qu'il a été dit ;

Que le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 23 mars 2010 de la société Inova France mentionne l'autorisation donnée à l'unanimité à la société de consentir à la prise en charge des frais de défense de M. [C] par la société Inova France SA concernant les procédures engagées à l'encontre de la société ou à l'encontre de M. [C], celle-ci intervenant dans le cadre de ses activités et de ses fonctions au sein de la société Inova France SA, et ce, dans les limites et conditions du courrier présenté au conseil d'administration, ainsi que l'autorisation donnée à M. [S] [T] en sa qualité de président du conseil d'administration de la société Inova France SA de signer le courrier ;

Que le conseil d'administration a donc autorisé, et non opéré une régularisation a posteriori, la société à consentir à la prise en charge des frais d'avocat dans les conditions de la lettre du 29 décembre 2009 ;

Que le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées relatif à l'exercice clos le 31 décembre 2010 indique que la convention de prise en charge des frais de la défense de M. [C], approuvée par le conseil d'administration le 23 mars 2010, est soumise à l'approbation de l'assemblée générale ;

Que le procès-verbal des décisions délibérations de l'assemblée générale du 6 avril 2011 fait ressortir que l'assemblée, après avoir entendu la lecture du rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées de l'article L225-38 et suivants du code de commerce, prend acte de ce rapport et approuve les conventions et leurs effets ; que par ailleurs, M. [C] est nommé président de la société transformée en SAS ;

Que la société Inova a honoré son engagement, régulièrement autorisé par le conseil d'administration et validé dans les conditions ci-dessus rappelées, jusqu'au mois d'avril 2013 ;

Que la société Inova invoque vainement les dispositions de l'article R 225-28 du code de commerce relatives aux cautions, avals ou garanties au nom de la société de sorte que son argumentation quant à l'absence de limitation dans le montant et dans le temps de l'obligation souscrite est inopérante ;

Qu'il s'ensuit que la lettre du 29 décembre 2009 est opposable à la société Inova ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes

Considérant que la cour doit statuer dans les limites du présent litige, sans qu'il y ait lieu de se prononcer davantage sur les demandes de Monsieur [C] au titre de sa défense pénale ;

Considérant que M. [C] sollicite la somme de 15'000 euros en réparation du préjudice causé par la réticence dolosive de la société Inova ; qu'il formule des observations sur le dossier pénal et fait valoir que la société Inova multiplie depuis plus de cinq ans les arguties et les démarches intimidantes pour se soustraire à un engagement pris en connaissance de cause ;

Mais considérant qu'il ne caractérise ni la réticence dolosive alléguée ni le préjudice dont il réclame réparation ; que le jugement doit être confirmé sur le rejet de la demande ;

Considérant que l'équité justifie confirmer le jugement au titre des frais irrépétibles de première instance et d'allouer à chacun des intimés la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Inova à verser à la société [I] devenue Sokar la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société Inova à verser à M. [P] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Inova aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/06677
Date de la décision : 24/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°18/06677 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-24;18.06677 ?
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