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24/10/2019 | FRANCE | N°18/03314

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 24 octobre 2019, 18/03314


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2019



(n° 2019 - 288, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03314 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5A66



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015048690





APPELANTE



La SARL LUCIEN GEORGELIN, agissant

en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 382 510 816

'[Adresse 2]'

[Localité 1]





Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2019

(n° 2019 - 288, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03314 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5A66

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015048690

APPELANTE

La SARL LUCIEN GEORGELIN, agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 382 510 816

'[Adresse 2]'

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience de Me Amanda N'DOUBA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2207, substituant à l'audience Me Thierry EGEA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMÉE

AG2R REUNICA ARRCO, institution de retraite complémentaire, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assistée à l'audience de Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

Madame Anne DE LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

EXPOSE DU LITIGE

Suivant exploit d'huissier de justice du 26 juin 2015, l'institution de retraite complémentaire AG2R retraite ARRCO (ci-après AG2R Retraite ARRCO), anciennement dénommée AG2R Réunica, a fait assigner la société Lucien Georgelin devant le tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamnée à lui verser la somme totale de 19.606,17 euros se décomposant comme suit :

- 18.596,97 euros au titre de cotisations dues pour le 3ème trimestre 2014,

- 1.004,20 euros au titre de majorations de retard réglementaires dont les modalités sont fixées par l'article 12.1 de l'Annexe A à l'accord interprofessionnel du 8 décembre 1961,

- 5 euros au titre de frais.

En cours de procédure, la société Lucien Georgelin a payé à AG2R Retraite ARRCO la somme de 19.606,17 euros au titre de l'arriéré de cotisations pour le 3ème trimestre 2014 et s'est engagée à régler celui des années 2015 et 2016.

Par jugement rendu le 19 septembre 2017, le tribunal de commerce de Paris, après avoir relevé que l'action de la société Lucien Georgelin était prescrite, a :

- débouté la société Lucien Georgelin de sa demande de lui donner acte de son règlement au titre des cotisations antérieures au 4 ème trimestre 2014,

- débouté AG2R Réunica et la société Lucien Georgelin de leurs demandes de leur donner acte de l'engagement de la société Lucien Georgelin de s'acquitter du solde de l'arriéré de cotisations pour 2015 et 2016,

- débouté la société Lucien Georgelin de sa demande reconventionnelle de 600.000 euros,

- condamné la société Lucien Georgelin à payer à AG2R Réunica la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Lucien Georgelin aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 8 février 2018, la société Lucien Georgelin a relevé appel de la totalité des chefs de ce jugement.Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 9 septembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Lucien Georgelin, appelante, demande, au visa des articles L.922-2 du code de la sécurité sociale et 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur au jour du litige, et 2224 du code civil, à la cour de:

- réformer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 19 septembre 2017,

- dire que son action en responsabilité n'est pas prescrite,

- déclarer que l'institution AG2R Retraite ARRCO a engagé sa responsabilité contractuelle,

- déclarer l'institution AG2R Retraite ARRCO responsable du préjudice qu'elle a subi,

- condamner l'institution AG2R Retraite ARRCO à lui payer la somme de 972.000 euros, montant correspondant à la prise en charge de la contribution de maintien des droits des salariés afin de mettre en conformité le paiement de ses cotisations avec la convention collective qui lui est normalement applicable,

- dire et juger qu'il y aura lieu à réactualisation du préjudice tant que le bon taux ne lui sera pas appliqué, préjudice qui devra comprendre le maintien des droits des salariés jusqu'à régularisation,

- débouter AG2R Retraite ARRCO de son appel incident tendant à la voir condamner à lui verser une indemnité de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

- condamner l'institution AG2R Retraite ARRCO au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'institution AG2R Retraite ARRCO aux dépens d'appel et de première instance,

- dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexsavoue Paris-Versailles en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 juin 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, AG2R Retraite ARRCO, intimée, demande à la cour de :

- constater l'accord de la société Lucien Georgelin pour régler les cotisations dues au titre du bulletin d'adhésion de 1993 au taux de 8 % contractuel soit 10 % appelé,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé le point de départ de la prescription à l'année 1993 et dit prescrite la demande de la société Lucien Georgelin visant à sa condamnation à lui verser des dommages-intérêts en raison d'un prétendu manquement à une obligation de conseil,

- subsidiairement, dire qu'elle n'a pas commis de faute au préjudice de la société Lucien Georgelin et débouter la société Lucien Georgelin de toutes demandes, fins et conclusions,

- encore plus subsidiairement, constater que le préjudice prétendument subi serait consécutif à une perte de chances et ramener à de plus justes proportions le montant des condamnations,

- en toute hypothèse, condamner la société Georgelin au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action en responsabilité contractuelle formée par la société Lucien Georgelin

AG2R Retraite ARRCO soutient qu'en application des dispositions des articles 2222 et 2224 du code civil la demande reconventionnelle de condamnation formée par la société Lucien Georgelin à son encontre introduite dans ses conclusions n°2 du 27 octobre 2016 devant le tribunal de commerce de Paris est prescrite, depuis le 19 juin 2013. Elle affirme que la société Lucien Georgelin pouvait connaître au moment de son adhésion au régime ARRCO (association pour le régime de retraite complémentaire des salariés), en 1993, le différentiel de taux de cotisations entre le régime légal et le régime choisi par elle dès lors que le contrat d'adhésion du 15 avril 1993, signé par l'appelante, mentionne les taux de cotisation résultant de la convention collective nationale n° 3224 des détaillants et détaillants-fabricants de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie du 1er janvier 1984, étendue par arrêté du 2 octobre 1984, dont l'appelante conteste l'application plus de 25 ans après la signature du contrat d'adhésion.

La société Lucien Georgelin réplique qu'elle entend voir engagée la responsabilité contractuelle d'AG2R Retraite ARRCO pour manquement à ses obligations de conseil, d'information et de bonne foi. Elle soutient qu'AG2R Retraite ARRCO l'a rattachée par erreur, dès 1993, à la convention collective nationale n° 3224, alors qu'exerçant l'activité de transformation et de conservation de fruits, référencée sous le code NAF 1039B, elle relève, depuis sa création en 1991, du champ d'application de la convention collective nationale n° 3270 des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l'enfance, et de la diététique, préparations pour entremets et desserts ménagers, remplacée le 21 mars 2012 par la convention collective nationale alimentaire n° 3384 : industries alimentaires diverses - 5 branches. Elle allègue qu'elle ne s'est aperçue de l'erreur commise qu'au début de l'année 2015, puis à compter de l'année 2014, au moment du changement de son logiciel comptable, alors que si AG2R Retraite ARRCO avait respecté, en 1993 et 1994, dates des contrats d'adhésion, ses obligations de conseil et d'information, elle aurait pu se rendre compte de l'erreur commise et demander la rectification des taux. Elle en déduit qu'en conséquence, contrairement à ce que prétend l'intimée, son action n'est pas prescrite.

L'article 2262 ancien du code civil, en vigueur le 15 avril 1993, jour de la signature du contrat d'adhésion litigieux, prévoyait que les actions personnelles se prescrivaient par trente ans.

Ces actions relèvent désormais de la prescription quinquennale, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, instaurée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, laquelle est applicable à compter du 19 juin 2008 date de son entrée en vigueur, conformément aux dispositions transitoires prévues à l'article 26-II, dès lors que le délai de prescription trentenaire n'était pas expiré à cette date et sans que la durée totale puisse excéder la durée de 30 ans prévue par la loi antérieure.

Le délai de prescription commençait à courir, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 précitée, à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il était révélé à la victime si celle-ci établissait qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance et, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, ce délai court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la société Lucien Georgelin reproche à AG2R Retraite ARRCO des manquements à ses obligations de conseil, d'information et de bonne foi, lors de la signature du contrat d'adhésion du 15 avril 1993.

Le dommage en résultant consiste, selon l'appelante, à devoir verser une contribution pour démissionner avec annulation de droits ou résilier avec maintien de droits afin de se voir appliquer le taux de cotisations conforme à la convention collective dont elle dépendrait.

Il se manifeste, au cas particulier, dès le 15 avril 1993, date du contrat d'adhésion signé par la société Lucien Georgelin précisant expressément les taux de cotisations applicables, sauf pour l'appelante à démontrer qu'elle ait pu légitimement les ignorer.

L' appelante, alors qu'elle entend voir reporter le point de départ de la prescription de son action à la date du changement de son logiciel comptable, date à laquelle elle aurait eu connaissance du dommage allégué, ne produit aucune pièce justifiant d'un changement de logiciel, étant de surcroît observé qu'elle se contredit dans ses écritures sur la date de ce changement, puisqu'elle prétend qu'il aurait eu lieu au début de l'année 2015, puis qu'il serait intervenu 'à compter de l'année 2014'.

En tout état de cause, le taux contractuel de 8 % litigieux est mentionné au bulletin d'adhésion. Il a été appliqué pendant plus de 22 ans et il n'est pas contesté que la société Lucien Georgelin dispose d'un service comptable. Le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité doit donc être fixé au 15 avril 1993, date du contrat d'adhésion.

Dans ces conditions, force est de constater que l'action en responsabilité contractuelle de la société Lucien Georgelin et sa demande d'indemnisation subséquente, comme la demande en découlant 'de voir dire et juger qu'il y aura lieu à réactualisation du préjudice tant que le bon taux ne sera pas appliqué' sont irrecevables car prescrites, le délai d'action ayant expiré le 19 juin 2013, soit antérieurement à ses conclusions n°2 du 27 octobre 2016 en vue de l'audience du tribunal de commerce de Paris du 31 octobre 2016.

C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce de Paris a relevé dans la motivation du jugement déféré que l'action de la société Lucien Georgelin est prescrite.

Cependant, la cour infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Lucien Georgelin de sa demande reconventionnelle d'indemnisation de 600.000 euros, laquelle est irrecevable comme prescrite.

Sur la demande d'AG2R Retraite ARRCO de voir constater l'accord de la société Lucien Georgelin pour régler les cotisations au taux contractuel de 8 %

La demande de constat ne constitue pas une prétention. De surcroît, il y a lieu de relever que la société Lucien Georgelin conteste l'application de ce taux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Lucien Georgelin, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Christophe Pachalis conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La société Lucien Georgelin sera condamnée à payer à AG2R Retraite ARRCO la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 septembre 2017 sauf en ses dispositions relatives aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité formée par la société Lucien Georgelin à l'encontre de l'institution de retraite complémentaire AG2R Retraite ARRCO ;

Condamne la société Lucien Georgelin à payer à l'institution de retraite complémentaire AG2R Retraite ARRCO la somme de 5.000 euros, tant pour la procédure de première instance que d'appel, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lucien Georgelin aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Christophe Pachalis en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/03314
Date de la décision : 24/10/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°18/03314 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-24;18.03314 ?
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