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25/09/2019 | FRANCE | N°17/07200

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 25 septembre 2019, 17/07200


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07200 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LKX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 15/01996





APPELANT



Monsieur [U] [R]

[Adresse 1]

[Local

ité 1]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2]



Représenté par Me Hélène BERNARD, avocat au barreau de LILLE







INTIMEE



SAS BPIFRANCE INVESTISSEMENT

[Adresse 2]

[Localité 3]...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07200 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LKX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 15/01996

APPELANT

Monsieur [U] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2]

Représenté par Me Hélène BERNARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE

SAS BPIFRANCE INVESTISSEMENT

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 433 97 5 2 244

Représentée par Me Thierry MEILLAT du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Pascale MARTIN, Présidente

Mme Nadège BOSSARD, Conseillère

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Pascale MARTIN présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par M. Antoine PIETRI substitut général

Greffier, lors des débats : Mme Claudia CHRISTOPHE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Prorogé à ce jour

- signé par Pascale MARTIN, Présidente et par Philippe ANDRIANASOLO, greffier de la mise à disposition, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

M [U] [R] est engagé à compter du 4 juin 2012, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur Investissement , statut cadre par la société C.D.C.ENTREPRISE puis a été nommé selon avenant du 13 mai 2013, directeur du Pôle Capital Développement Mezzanine

La BPI FRANCE INVESTISSEMENT est venue aux droits de la C.D.C ENTREPRISE à compter du 31 mars 2014. Elle fait partie du groupe Bpifrance dont la mission consiste à soutenir les petites et moyennes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire et les entreprises innovantes en appui des politiques publiques de l'Etat et des régions.

Cette société est soumise au code monétaire et financier, au règlement général de l'autorité publique des marchés financiers dite AMF ainsi qu'au règlement de déontologie de l'association française de la gestion financière dite AFG.

Dans ses dernières fonctions, le salarié percevait une rémunération mensuelle de 14.057,70€ et sur les douze derniers mois de 16.493,25 € et était soumis au forfait jours.

Convoqué le 16 juin 2015 à un entretien préalable au licenciement pour le 1er juillet 2015, le salarié a été licencié par lettre recommandée du 6 juillet 2015.

Le contrat de travail a pris fin le 12 octobre 2015, après trois mois de préavis payés au salarié.

Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de CRETEIL le 24 juillet 2015 aux fins de contestation de ce licenciement et de diverses demandes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 6 avril 2017, le conseil des prud'hommes a débouté M [U] [R] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M [U] [R] a interjeté appel le 15 mai 2017.

L'affaire a fait l'objet d'un calendrier de procédure fixant la clôture au 15 janvier 2019 et les plaidoiries à l'audience du 14 février 2019.

Selon conclusions transmises par voie de rpva le 31 juillet 2017, M [U] [R] demande à la cour de :

REFORMER en tous points le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL du 6 avril 2017 ;

Et de :

1- Sur le licenciement notifié le 13 juillet 2015 :

A titre principal,

- d'ORDONNER à la Société BPIFRANCE INVESTISSEMENT la communication du justificatif de dépôt effectif du Code de déontologie de BPIFRANCE INVESTISSEMENT à l'inspection du travail et au Greffe du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL ;

A défaut de communication de cet élément :

- de CONSTATER que le Code de déontologie BPIFRANCE INVESTISSEMENT n'est pas entré en vigueur en tant qu'adjonction du règlement intérieur;

- de JUGER le Code de déontologie BPIFRANCE INVESTISSEMENT inopposable aux salariés de la société ;

- de DIRE ET JUGER le licenciement de Monsieur [R] notifié le 13 juillet 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [R] a été mis en 'uvre dans des conditions vexatoires ;

En conséquence :

- de FIXER le salaire brut mensuel de référence de Monsieur [R] à 16.493,25€;

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL du 6 avril 2017 ;

- de CONDAMNER la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT à verser des dommages et intérêts à Monsieur [R] pour le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 400.000 € ;

- de CONDAMNER la société BPI FRANCE INVESTISSEMENT au paiement de la somme de 49.479,76 € à Monsieur [R], à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires entourant le prononcé du licenciement ;

- d' ORDONNER la publication sous astreinte de 500 € par jour de retard et aux frais de la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT, de la décision à intervenir, dans un journal de presse quotidienne nationale française et pendant une période de 6 mois en premier page du site internet de la Société intimée;

A titre subsidiaire,

- de CONSTATER que les faits disciplinaires évoqués à l'appui de la mesure de licenciement sont prescrits ;

- à défaut, CONSTATER que la faute disciplinaire n'est pas caractérisée ;

- de CONSTATER que les faits d'insuffisance professionnelle évoqués à l'appui de la mesure de licenciement ne sont pas caractérisés ;

- de DIRE ET JUGER le licenciement de Monsieur [R] notifié le 13 juillet 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [R] a été mis en 'uvre dans des conditions vexatoires ;

En conséquence :

- de FIXER le salaire brut mensuel de référence de Monsieur [R] à 16.493,25€;

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL du 6 avril 2017 ;

- de CONDAMNER la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT à verser à Monsieur [R] des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 400.000 € ;

- de CONDAMNER la société BPI FRANCE INVESTISSEMENT au paiement de la somme de 49.479,76 € à Monsieur [R] à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires entourant le prononcé du licenciement ;

2 - Sur le temps de travail :

- de DIRE ET JUGER la convention individuelle établie entre Monsieur [R] et la société BPI FRANCE INVESTISSEMENT ne satisfait pas aux conditions légalement requises pour la mise en place d'un forfait annuel en jours ;

- de DIRE ET JUGER nul le forfait annuel en jours tel que visé par le contrat de travail de Monsieur [R] ;

- de CONSTATER l'existence d'heures supplémentaires ;

- de CONSTATER le défaut de mécanisme du contrôle du temps de travail ;

- de DIRE ET JUGER l'infraction de travail dissimulé caractérisée ;

- de DIRE ET JUGER que la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT a violé son obligation de résultat en termes de protection de sa santé et sa sécurité, s'agissant notamment de la réglementation du temps de travail ;

En conséquence :

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL du 6 avril 2017 ;

- de CONDAMNER la société BPI FRANCE INVESTISSEMENT au paiement de la somme de 98.959,52 € à Monsieur [R] pour travail dissimulé ;

- de CONDAMNER la société BPI FRANCE INVESTISSEMENT au paiement de la somme de 49.479,76 € à Monsieur [R] pour violation de la réglementation relative au temps de travail ; En tout état de cause :

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL du 6 avril 2017 ;

- CONDAMNER la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT aux entiers dépens d'instance et frais éventuels d'exécution ;

- CONDAMNER la société BPIFRANCE INVESTISSEMENT au paiement d'une somme d'un montant de 4.000 € à Monsieur [R] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BPIFRANCE INVESTISSEMENT aux termes de ses écritures notifiées par voie électronique le 20 septembre 2017, demande la confirmation du jugement déféré et en conséquence de :

' Constater que le licenciement de Monsieur [R] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Constater que la procédure de Monsieur [R] n'a nullement été vexatoire ;

' Constater que la convention de forfait en jours de travail figurant au contrat de travail de Monsieur [R] est conforme à la réglementation applicable et lui est opposable;

' Dire et Juger que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué des heures supplémentaires ;

' Dire et Juger que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve d'un élément intentionnel en matière de travail dissimulé;

' Dire et Juger que Monsieur [R] ne démontre aucune violation à la réglementation relative au temps de travail.

En conséquence :

' Débouter Monsieur [R] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause :

' Le condamner à verser à la Société Bpifrance Investissement, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Le condamner aux entiers dépens.

Lors de l'audience du 14 février 2019, et après avoir communiqué au préalable son avis sollicité par la cour, le Ministère Public a considéré en conclusion "qu'au regard de sa qualité de directeur dans une société d'investissement, M [R] en refusant à plusieurs reprises, de déférer aux obligations déontologiques prévues par les dispositions du code monétaire et financier et du code de déontologie de la société, n'a pas respecté les délais qui lui étaient accordés pour se mettre en conformité avec les règles applicables au sein de l'entreprise et n'a donc pas sur ce point satisfait à ses obligations professionnelles, ce qui constitue une une cause réelle et sérieuse de licenciement."

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l' article L 1232-1 du Code du travail , tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

' Nous sommes donc au regret de devoir vous notifier votre licenciement pour les faits énoncés ci-après et constitutifs d'un non-respect du code de déontologie et d'une insuffisance professionnelle.

Vous avez été recruté le 4 juin 2012 en qualité de Directeur d'investissements de CDC Entreprises depuis lors devenue Bpifrance Investissement au sein de laquelle vous exercez la fonction de Directeur délégué Mezzanine avec pour missions principales : la direction des fonds FIC 3 et 4 ainsi que le management/gestion de 9 personnes (gérer le staffing de l'équipe de manière transparente, équilibrée et équitable, faire progresser les équipes en réalisant un suivi individualisé de chacun, en leur prodiguant des conseils et en allant au-devant de leur besoins).

Votre contrat de travail stipule expressément que vous vous engagez à respecter les règles et les principes figurant dans le code de déontologie.

- Non-respect du règlement intérieur en vigueur au sein de Bpifrance Investissement et plus particulièrement du Code de déontologie

Le nouveau Code de déontologie au sein de Bpifrance Investissement est entré en vigueur le 1er octobre 2014 après avoir fait l'objet :

- D'une consultation du Comité d'entreprise

- D'une consultation auprès du CHSCT

- Ainsi que d'un dépôt en bonne et due forme auprès l'inspection du travail en tant qu'annexe au règlement intérieur.

Le Code de déontologie prévoit, conformément à la réglementation en vigueur, la production par chacun des collaborateurs de ses relevés de compte titres afin de permettre à la Direction en charge de la conformité et du contrôle permanent de procéder aux vérifications utiles avant les opérations sur titres opérées à titre personnel.

Depuis l'entrée en vigueur du Code de déontologie, chacun des collaborateurs de l'entreprise a été contacté afin de se mettre en conformité avec celui-ci et notamment remettre les relevés comptes titres expressément requis. Des relances systématiques ont eu lieu afin d'assurer la bonne information des salariés et le respect du Code.

Faute de retour de votre part suite aux relances effectuées les 10, 14 et 24 avril 2015 (notamment par la directrice du contrôle permanent et de la conformité par courriels) et à vos propos indiquant que vous ne fourniriez pas les documents demandés, vous avez été reçu, à votre demande (courriel du 24 avril 2015) par la Directrice du contrôle permanent et de la conformité le 6 mai 2015 à ce sujet. Par courriel du 11 mai 2015, avez reconnu n'avoir toujours pas retourné dument signé le code déontologie qui m'a été transmis en novembre dernier.

Par courriel du 4 juin 2015, la Directrice du contrôle permanent et de la conformité vous a demandé de retourner sous huitaine l'attestation relative au code de déontologie ainsi que les relevés nécessaires.

Malgré ce rappel et le délai donné, vous n'avez toujours pas fourni les documents exigés dans les délais et avez par courriel du 12 juin 2015 indiqué vous interroger sur le caractère cohérent et proportionné dudit Code alors même que celui-ci était pleinement applicable à l'ensemble des collaborateurs. Vous n'avez donc pas respecté les délais donnés pour vous mettre en conformité avec les règles applicables au sein de l'entreprise.

Par courriel du 15 juin 2015, la Directrice du contrôle permanent et de la conformité vous a de nouveau intimé de vous soumettre aux règles de la maison sans plus tarder et de « lui » répondre positivement ce jour.

De nouveau, aucune réponse de votre part n'est intervenue dans le délai imparti.

La régularisation tardivement intervenue le 19 juin, alors que vous saviez avoir été convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, ne saurait justifier votre attitude qui relève de l'insubordination et du non-respect de vos obligations professionnelles, ce d'autant moins qu'il vous avait été clairement fixé comme objectifs pour l'année d'être exemplaire en interne comme externe.

- Un management déficient, avéré et également persistant, de vos équipes

En charge de 9 collaborateurs et en qualité de Directeur délégué vous avez en charge de:

- faire progresser les équipes en réalisant un suivi individualisé de chacun,

- leur prodiguer des conseils en allant au-devant de leur besoins.

Force est de constater que votre mode de management se révèle conflictuel, inutilement autoritaire, voire velléitaire et très solitaire, plusieurs des collaborateurs de votre équipe ainsi que des équipes voisines de bureau s'en étant fait l'écho. Le ton particulièrement inadéquat que vous employez avec vos équipes ne saurait plus longtemps être toléré.

Par ailleurs, sur plusieurs dossiers, vous avez laissé seuls les collaborateurs juniors gérer les aspects complexes des dossiers alors même que l'essence de votre fonction est de leur apporter assistance et expertise pour ces aspects.

En outre, vous véhiculez une image non professionnelle de l'équipe à certaines réunions (exemple de la formation ARE où vous avez lu le journal pendant la séance, fait qui s'est reproduit à la formation sur les procédures LBCFT).

L'ensemble de ces faits nous contraignent à devoir vous notifier votre licenciement.'

Le salarié considère que le code de déontologie de la société ne lui est pas opposable comme étant entré en vigueur le 1er août 2015 et estime que les premiers juges ont occulté ce débat.

Il invoque subsidiairement la prescription , le défaut de motivation de la lettre de licenciement, l'ensemble des documents relatifs à la déontologie ayant été signés au 13 juillet 2015 .

Concernant le grief d'insuffisance professionnelle, il fait état de son professionnalisme et de son passé vierge de tout reproche et de conditions de travail difficiles.

La société rappelle qu'elle avait l'obligation de mettre en place des règles et procédures internes notamment concernant les transactions personnelles de ses salariés, indique que le code de déontologie est entré en vigueur le 1er octobre 2014 , est une annexe du règlement intérieur et qu'elle a effectué toutes les démarches requises à cette fin.

Elle indique que ce n'est que suite à son mail du 12 juin 2015 , qu'elle a eu une connaissance exacte de la réalité, de l'ampleur des manquements du salarié et que la lettre de licenciement est précise .

Elle estime que le management de M [U] [R] était déficient comme insuffisamment orienté sur la montée des compétences de ses collaborateurs et considère non établis les arguments adverses.

1-Sur le 1er grief

Il résulte des pièces déposées aux débats que :

- le code de déontologie a été présenté de façon informelle au comité d'entreprise en mai 2014 et que les nouveaux élus ont été consultés pour avis lors du comité d'entreprise tenu le 24 juillet 2014 , puis le CHST a également rendu son avis, le document étant transmis à la Direccte le 30 juillet 2014 et le 1er août 2014 au conseil des prud'hommes de [Localité 4] (accusé de réception signé le 01/08/2014),

- lors du comité d'entreprise du 25 juin 2015, il a été rappelé que ce document rentré en application depuis le 1er octobre 2014 constituerait l'annexe la plus importante du règlement intérieur lequel devait être refondu et était présenté en projet aux élus,

- le dépôt du règlement intérieur est intervenu le 2 juillet 2015 .

C'est en vain que M [U] [R] tente de dire que le document ne lui est pas opposable alors que d'une part, il en a eu connaissance comme l'ensemble des salariés par lettre circulaire et que d'autre part, son accord n'était pas requis mais il lui était seulement demander dans le document (pièce 7) à renvoyer avant le 30 novembre 2014 d'attester de sa réception en s'engageant à en respecter les règles.

Comme l'a indiqué le ministère public dans son avis écrit, la force obligatoire du code de déontologie provient des règles générales s'imposant aux entreprises du secteur bancaire à la fois régies par les dispositions du code monétaire financier et le règlement général de l'AMF .

Les règles à caractère déontologique même ne figurant pas encore dans le règlement intérieur au moment de l'entretien préalable s'imposaient à titre particulier à M [U] [R] eu égard à sa connaissance du document et au regard des obligations professionnelles édictées dans son contrat de travail en clause D, le salarié s'engageant à respecter les règles et principes figurant dans le code de déontologie.

Au surplus, il sera relevé que les règles édictées par le document querellé sont la simple transcription des obligations, procédures et bonnes pratiques à adopter de la part des salariés, avec contrôle de la part de la direction de la conformité et du contrôle interne, dans le secteur sensible et exposé de la profession bancaire, devoirs figurant également au règlement de déontologie de l'association française de la gestion financière du 10 décembre 2009, et que le salarié n'avait pas le pouvoir de façon individuelle de s'ériger en juge de leur licéité.

En conséquence, le libellé de la lettre de licenciement visant "le non respect du règlement intérieur et plus particulièrement du code de déontologie" s'il était maladroit n'a pas pour effet de rendre imprécis le motif du licenciement.

Ainsi que l'a relevé le conseil des prud'hommes, les faits reprochés à M [U] [R] se sont succédé dans le temps et ce n'est que par le mail du 12 juin 2015 que la société acquis la certitude de l'ampleur du fait fautif à savoir le refus délibéré du salarié de se conformer à ses obligations c'est à dire de retourner l'attestation relative au code de déontologie et de procéder à la déclaration relative aux transactions personnelles.

En retenant dans la lettre de licenciement l'insubordination et le non-respect des obligations professionnelles, la société a entendu sanctionner le caractère répété des agissements de M [U] [R] de novembre 2014 à juin 2015, lequel est resté taisant dans un premier temps aux mails de relance pour ensuite refuser de se conformer au code de déontologie, alors que lors d'un entretien en mai 2015, il avait reçu toutes les informations utiles, et encore le 4 juin 2015, par l'envoi des extraits de textes.

Eu égard au niveau élevé de hiérarchie du salarié et considérant qu'une des obligations mises à sa charge dans sa dernière évaluation datant de février 2015, était d'être exemplaire tant en externe qu'en interne, le grief était fondé .

Le fait que M [U] [R] a finalement signé l'attestation requise et transmis sa déclaration le 19 juin 2015 n'a pu avoir pour effet de gommer le comportement réitéré pendant plus de six mois du salarié correspondant au non respect de ses obligations notamment déontologiques et justifiant le licenciement , qui doit être déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse .

2 -Sur le 2ème grief

Il est constant que dans le cadre de son évaluation de l'année 2014, effectuée en février 2015, et signée par lui, les missions principales du salarié étaient rappelées, et il a été exposé et précisé les faits suivants concernant le management : "plusieurs retours relatifs à la dureté de ton, à l'agressivité et au manque de tact envers des membres de l'équipe et des parties prenantes de Bpifrance.", les recommandations pour 2015 étant "de travailler fortement les aspects de management et de communication qui sont vitaux pour le poste de Directeur de fonds".

Le salarié n'apporte pas de contradiction à ces reproches , le fait que sa rémunération ait été augmentée et sa prime variable également en mars 2015 correspondant à l'atteinte d'objectifs chiffrés ; par ailleurs, il ne prouve pas la prétendue surcharge de travail , le constat fait par lui en août 2012 n'étant plus d'actualité à la date du licenciement.

Cependant, la cour constate à l'instar du ministère public qu'il n'est pas apporté par l'employeur d'éléments supplémentaires postérieurs à cette évaluation caractérisant suffisamment l'insuffisance professionnelle dénoncée, étant précisé que le salarié n'avait pu suivre la formation dédiée au management pour des raisons de calendrier mais étant prêt à le faire en 2015.

En conséquence, la cour décide de dire que le deuxième grief n'est pas établi.

Le licenciement étant déclaré fondé , M [U] [R] doit être débouté de sa demande principale et subsidiaire de dommages et intérêts à hauteur de 400.000 €.

Sur la demande relative aux conditions vexatoires du licenciement

Le salarié précise qu'après l'entretien préalable du 1er juillet 2015, il a appris par un de ses collaborateurs le 16 juillet 2015 que sa ligne de téléphone portable à usage professionnel et personnel avait été suspendue et que son conseil a écrit une lettre dès le lendemain à son employeur pour faire cesser ce comportement particulièrement déloyal.

La société indique avoir expliqué à M [U] [R] qu'il ne s'agissait que d'un problème technique de l'opérateur téléphonique qui s'est rétabli rapidement et que le salarié ne justifie pas d'un préjudice .

S'il est exact que le conseil du salarié a écrit sur ce point à l'employeur dès le 17 juillet 2015, il n'est pas établi que cette suspension de la ligne téléphonique soit en lien avec le licenciement et en tous cas, alors que M [U] [R] avait été dispensé de son préavis de trois mois et faisait donc partie de l'effectif jusqu'au 12 octobre 2015, le salarié n'invoque pas avoir été privé de l'usage de son téléphone portable pendant cette longue période, de sorte que sa demande ne peut prospérer.

Sur la convention de forfait jours

Le salarié demande l'annulation du forfait jours auquel il a été soumis depuis 2012 , considérant que ni l'accord collectif applicable ni la convention individuelle ne font référence aux articles L.3121-43 & suivants du code du travail , ne rappellent le respect impératif par le salarié des règles applicables en matière de repos hebdomadaire, et ne précisent les modalités de suivi des journées ou demi-journées travaillées.

Il évalue son temps de travail effectif à 50h par semaine, sans compter les déplacements à l'étranger et l'envoi de mails le soir et considérant que l'employeur lui a imposé un dispositif irrégulier d'aménagement du temps de travail, il réclame une indemnité équivalente à trois mois de salaire pour manquement à l'obligation de résultat en terme de protection de son état de santé et de sa sécurité et une somme correspondant à six mois de salaire pour travail dissimulé.

La société indique que les conventions de forfait jours ont été signées conformément aux accords collectifs existants ; elle indique que M [U] [R] n'apporte aucun élément à l'appui d'un horaire constant de 50 h par semaine, précisant d'une part qu'il bénéficiait d'une très grande liberté dans l'organisation de son temps de travail et a d'ailleurs acquis des jours mis sur son compte épargne temps et d'autre part n'a jamais émis aucun grief pendant la relation de travail, le montant de sa rémunération tenant compte des heures supplémentaires accomplies.

Il est constant qu'aucune convention individuelle n'avait été signée lors du contrat de travail initial du 4 juin 2012 , de sorte qu'en l'absence d'accord exprès de M [U] [R] pour un forfait jours, la disposition n'est pas nulle mais ne peut être opposée au salarié.

Dès lors, celui-ci serait en droit de prétendre à des heures supplémentaires mais il n'a fait aucune demande de ce chef.

Pour la période subséquente soit à compter du 1er janvier 2015 , le salarié a signé une convention le 1er décembre 2014 conçue en ces termes :

" Du fait de la nature des fonctions que vous occupez, des responsabilités que vous exercez et du degré d'autonomie dont vous disposez dans l'organisation de votre emploi du temps et en application du chapitre 5 de l'accord du 30 octobre 2014 relatif à l'aménagement du temps de travail au sein de Bpifrance Investissement, vous bénéficiez du dispositif d'aménagement du temps de travail prévu pour les cadres autonomes.

La présente convention de forfait fixe le nombre de jours de travail que vous devez effectuer dans l'exercice de votre contrat de travail et pour votre rémunération annuelle.

La présente convention se substitue à toute convention antérieure en vigueur traitant de forfait (forfait annuel en jours ou forfait hebdomadaire).

Ce nombre de jours, pour une année civile complète d'activité, est plafonné à 213 jours intégrant la journée de solidarité.

Outre les repos hebdomadaires, vous bénéficiez :

- de jours de congés payés,

- des jours fériés,

- de jours de réduction du temps de travail, dont le nombre sera déterminé chaque année afin d'atteindre le forfait de jours de travail ci-dessus mentionné.

Les règles en vigueur dans l'entreprise pour le calcul des droits à congés payés et à jours de réduction du temps de travail vous sont applicables. En cas d'absence(s) ou d'année incomplète d'activité, l'application de ces règles pourrait réduire vos droits à jours de repos (congés payés et/ou jours de réduction du temps de travail).

Du fait de l'autonomie dont vous disposez dans l'organisation de votre travail, les jours de réduction du temps de travail sont pris à votre initiative, par journée(s) ou demi-journée(s), à des dates que vous choisissez en considération des obligations liées à vos missions, en concertation avec votre responsable hiérarchique.

En cas de dépassement du forfait annuel au 31 décembre d'une année, déduction faite du nombre de jours éventuellement affectés sur le compte épargne temps en vigueur dans l'entreprise, les jours excédentaires doivent être pris dans les 3 mois, soit avant le 31 mars de l'année suivante. Ces jours viennent alors en déduction du nombre de jours travaillés compris dans le forfait de l'année.

La présente convention étant liée à la nature des fonctions que vous occupez, elle cessera de produire effet si par suite d'un changement de fonction vous ne releviez plus du dispositif d'aménagement du temps de travail prévu pour les cadres autonomes."

Le salarié n'explicite nullement ses griefs à l'encontre de la convention de forfait signée ou de l'accord du 1er décembre 2004, ces documents comportant bien un dispositif de contrôle et de suivi.

En tout état de cause, de la même façon, il ne forme aucune demande à titre d'heures supplémentaires .

Le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, puisqu'il n'établit pas l'intention de la société de ne pas payer des heures supplémentaires accomplies dont le quantum n'est pas démontré par le salarié, étant précisé que la rémunération perçue pendant les années concernées et rappelée dans les écritures de la société page 35, tenait manifestement compte des sujétions liées à ses fonctions de directeur et notamment de l'accomplissement d'heures supplémentaires.

L'appelant qui prétend que l'employeur aurait violé son obligation de résultat en terme de protection de sa santé et de sa sécurité, n'établit d'aucune façon le préjudice qu'il a subi, lequel n'est pas de principe, ne fournissant aucun planning, aucun élément médical de nature à démontrer une surcharge de travail mal contrôlée, alors qu'il résulte au contraire des éléments produits par l'employeur que M [U] [R] a pu de façon importante placer des jours sur son compte épargne temps.

Dès lors, le salarié doit être débouté de sa demande.

Sur les frais et dépens

L'appelant qui succombe devra s'acquitter des dépens d'appel, sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et devra payer à ce titre à la société intimée la somme de 1.500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute M [U] [R] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M [U] [R] aux dépens d'appel et à payer à la SA BPIFRANCE INVESTISSEMENT la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/07200
Date de la décision : 25/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°17/07200 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-25;17.07200 ?
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