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11/09/2019 | FRANCE | N°18/00616

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 septembre 2019, 18/00616


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00616 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YFV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/00143





APPELANTE



Madame [S] [P]

née le [Date n

aissance 1] 1952 à [Localité 1] (72)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée et plaidant par Me Anne-Constance COLL du CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653







INTIMÉE


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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00616 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YFV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/00143

APPELANTE

Madame [S] [P]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] (72)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me Anne-Constance COLL du CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653

INTIMÉE

Madame [B] [N]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocat plaidant Me Lorraine DELVA, avocat au barreau de PARIS, toque : J121

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Catherine GONZALEZ dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[R] [N] est décédé le [Date décès 1] 2016 laissant pour lui succéder sa fille unique, Mme [B] [N].

Il a été placé sous sauvegarde de justice par ordonnance du 10 décembre 2008 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 15ème, puis sous curatelle renforcée par jugement rendu le 23 juin 2009 par le juge des tutelles du même tribunal pour une durée de 60 mois, soit 5 ans.

Cette mesure de curatelle renforcée a été maintenue, par jugement rendu le 16 avril 2013 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 15ème, pour une durée de 120 mois, soit 10 ans.

Par ordonnance du 24 juin 2010, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 15ème n'a pas donné à [R] [N] l'autorisation de se marier avec Mme [P], estimant ce projet contraire à l'intérêt du majeur protégé. Cette ordonnance a été confirmée par la cour d'appel de céans à la suite de l'appel interjeté par [R] [N].

Par testament authentique, reçu le 11 janvier 2010 par Maître [N] [E], notaire à Paris, [R] [N] a indiqué :

'Je lègue la quotité disponible de ma succession à ma future et bientôt épouse Mademoiselle [S] [P], née le [Date naissance 1] 1952 au [Localité 1], à charge pour elle de remettre les biens suivants à mon neveu [E] [Q], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 5], habitant [Adresse 3], les deux maisons m'appartenant, [Adresse 4] avec le petit jardin attenant d'environ 49 m², ainsi que les deux terrains au lieudit '[Localité 6]'. Ces legs sont faits nets de frais, droits et honoraires.

Je veux que Mademoiselle [P] donne à l'association de la Fraternité Saint-Jean Baptiste, [Adresse 5] (Président : Père [W] [J]) la somme de quinze mille euros (15.000€).

Si je ne pouvais me marier avec Mademoiselle [P], le legs serait néanmoins maintenu.'

Par testament authentique reçu le 25 septembre 2013 par le même notaire, [R] [N] a indiqué :

'Je confirme mon testament du 11 janvier 2010, mais révoque le legs que j'avais consenti à mon neveu [E] [Q].

Je maintiens toutes les autres dispositions'.

Par acte d'huissier de justice délivré à Mme [P] le 20 décembre 2016, Mme [B] [N] a saisi le tribunal de grande instance de Paris afin de voir prononcer la nullité des deux testaments au visa de l'article 901 du code civil, à titre principal pour cause d'insanité d'esprit et, à titre subsidiaire, pour dol.

Par jugement rendu le 27 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé la nullité des testaments authentiques de [R] [N] reçus par Maître [E], notaire à Paris, datés des 11 janvier 2010 et 25 septembre 2013,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme [S] [P] aux dépens dont distraction au profit de Maître Lorraine Delva, avocate, pour ceux dont elle aurait fait avance sans recevoir provision.

Par déclaration en date du 26 décembre 2017, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions signifiées le 25 avril 2019, Mme [P] demande à la cour de :

Vu les articles 901, 971 et 470 du code civil,

Vu les articles 32-1 et 700 du code de procédure civile,

- la dire et juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 novembre 2017,

Et, statuant de nouveau :

- dire et juger que [R] [N] était capable au jour de la rédaction des deux testaments authentiques,

- dire et juger que les deux testaments authentiques sont valables,

- dire et juger que le jugement n'est pas motivé en ce qu'il a prononcé la nullité du second testament en date du 25 septembre 2013,

- condamner Mme [N] au paiement à son profit d'une amende civile d'un montant de 5.000 euros du fait de la procédure abusive diligentée,

- condamner Mme [N] au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 3 mai 2019, Mme [N] demande à la cour de :

Vu l'article 901 du code civil,

- confirmer le jugement du 27 novembre 2017 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- dire qu'il est établi par les pièces du dossier, et, notamment, par le certificat médical établi par le Docteur [A], le 18 janvier 2010, que [R] [N] souffrait à la date de rédaction des testaments des 11 janvier 2010 et « 23 septembre 2013 » (sic), de troubles mentaux exclusifs de toute manifestation d'un consentement éclairé,

- déclarer, en conséquence, nul et de nul effet, par application de l'article 901 du code civil, les testaments en cause,

Subsidiairement,

- constater que le consentement de [R] [N] a été vicié par le dol et annuler les testaments susvisés,

Y ajoutant,

- déclarer, par suite, Mme [P] irrecevable et mal fondée en toute demande de délivrance de legs qu'elle pourrait former et l'en débouter,

- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [P] à lui verser au titre des dommages et intérêts la somme de 15.000 euros compte tenu de la procédure dilatoire sans apport d'éléments supplétifs alors que les biens immobiliers se dégradent depuis 2016,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

1°) Sur la capacité de [R] [N] à tester les 11 janvier 2010 et 25 septembre 2013 :

Mme [P] soutient que le défunt a testé en pleine capacité, et estime qu'aucun élément ne justifie ni ne vient motiver les raisons du prononcé de la nullité du testament authentique du 25 septembre 2013.

Mme [N] répond, à titre principal, que l'insanité d'esprit de son père ne lui permettait pas de tester valablement en janvier 2010 et en septembre 2013 compte tenu de son historique médical.

Aux termes des dispositions de l'article 901 du code civil, 'Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence'.

L'insanité d'esprit visée par les dispositions précitées comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée. La charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en nullité du testament.

Soulignant que le docteur [K] est le seul médecin à avoir envisagé un placement sous tutelle de [R] [N], Mme [P] critique les certificats de ce médecin et du docteur [A], affirmant qu'ils diffèrent des conclusions du collège de médecins désigné par la cour d'appel de céans par arrêt avant dire droit du 24 février 2014. Elle reproche également au tribunal d'avoir écarté le rapport du collège d'experts désignés en 2014, et de s'être fondé sur des éléments plus éloignés dans le temps que ce rapport.

Selon le jugement rendu le 23 juin 2009 par le juge des tutelles, le certificat établi le 25 novembre 2008 par le docteur [K] (dont le seul extrait produit en pièce 20 de l'intimée n'est pas signé de son auteur) a conduit au placement sous curatelle renforcée de [R] [N], le juge relevant que ce médecin, qui avait examiné [R] [N] à la demande de sa fille, avait estimé que celui-ci était 'atteint d'une altération de ses facultés mentales et a besoin d'être représenté de manière continue dans les actes de la vie civile, et qu'il a préconisé en conséquence l'instauration d'une mesure de tutelle' et que ce médecin 'avait préalablement constaté un affaiblissement franc de ses capacités personnelles lié à un processus détérioratif de type probablement de démence à corps de Lewy, cette problématique étant majorée par des conduites alcooliques anciennes' et 'qu'il avait également fait état d'une forte suspicion de spoliation à son égard et de sa suggestibilité qui risque à court terme de le mettre en danger réel'.

Ce même jugement du juge des tutelles qui vise le certificat médical établi le 14 mars 2009 par le docteur [G] [A] (dont le seul extrait produit en pièce 21 de l'intimée n'est pas signé de son auteur), mentionne que ce médecin 'mandaté par le tribunal, a relevé [selon] que M. [R] [N] présente incontestablement des troubles intellectuels : troubles de la mémoire récente, perte de maîtrise des repères chronologiques, perte de maîtrise des réalités financières contemporaines et de sa situation financière en particulier ; qu'après avoir fait état de 'long passé alcoolique' de M. [R] [N], il a conclu au retentissement des troubles neuro-intellectuels de façon patente sur ses capacités de gestion et à la nécessité de mettre en place, de manière urgente, une mesure de curatelle renforcée' (pièce 3 de l'intimée).

Par rapport médical établi le 28 juin 2012, le docteur [K], psychiatre, sollicité par la fille du défunt aux fins de 'préciser essentiellement la constatation ou non d'une altération de ses facultés mentales et la nécessité ou non de modifier l'actuel régime de protection dans les actes de la vie civile', a également conclu que [R] [N] était atteint d'une maladie mentale altérant durablement ses facultés mentales, qu'il avait besoin d'être représenté de façon continue pour ses biens et sa personne dans les actes de la vie civile et que l'altération de son état de santé était définitive et ne pourrait faire l'objet d'aucune amélioration significative. Il est précisé qu'il présentait alors 'un affaiblissement franc de ses capacités personnelles lié à un processus détérioratif de type probablement démence. Sa problématique est évidemment majorée par des conduites alcooliques anciennes et toujours actuelles' (pièce 27 de l'intimée).

Les constatations médicales des docteurs [K] et [A] sont corroborées par celles résultant du rapport du collège d'experts de 2014, désigné par la cour de céans à la suite de l'appel interjeté par Mme [B] [N] à l'encontre du jugement rendu le 16 avril 2013 par lequel le juge des tutelles a rejeté sa demande d'aggravation de la mesure de protection judiciaire de son père et maintenu la mesure de curatelle renforcée.

Mme [P] s'appuie sur la partie du rapport dudit collège extraite de l'arrêt de la cour d'appel précité qu'elle produit en pièce 4, selon laquelle 'le discours est cohérent, l'orientation correcte de même que l'attention et la concentration et ne mettent pas en évidence de troubles majeurs du jugement et du raisonnement. Ils précisent que l'intéressé invoque ses difficultés avec sa fille adoptive et se plaint d'une mémoire défaillante sans cependant que l'examen d'évocation ou de la fixation ne retrouve de déficit massif objectif, qu'ainsi la mémoire autobiographique et les souvenirs scolaires sont préservés, qu'il peut citer le nom du Président de la République, qu'il connaît le montant global de son patrimoine qu'il estime à 80 millions d'euros et sait qu'il est divisé entre immobilier et valeur, enfin que les fonctions exécutives ne sont pas effondrées ».

Or, aux termes de cet arrêt, il est également mentionné que ce collège d'experts a conclu que 'M. [R] [N] souffre d'un déficit cognitif léger, mais indubitable sans effondrement massif des fonctions intellectuelles, mais un émoussement de celles-ci entravant la pleine autonomie sociale du sujet, l'efficience intellectuelle pouvant être fluctuante dans le temps, le trouble pouvant être lié à un ancien abus d'alcool, à la maladie de Parkinson ou à un processus neurodégénératif associé', préconisant 'une mesure de curatelle renforcée en raison de ce trouble et de son incapacité à gérer efficacement ses affaires'. La cour en a alors déduit qu''une mesure de protection reste nécessaire au regard des altérations médicalement constatées mais que tous deux préconisent une mesure de curatelle renforcée ; que lesdites altérations avaient déjà été constatées par les autres médecins qui avaient examiné antérieurement M. [R] [N] sauf celui établi par le docteur [Y] [H] le 9 octobre 2012 ; qu'ainsi, seul le docteur [K], aujourd'hui décédé, concluait en 2008 et 2012, à la nécessité d'une mesure de tutelle'.

Ainsi, à l'exception du docteur [H], tant les docteurs [K] et [A] que le collège d'experts ont constaté que [R] [N] présentait des altérations médicalement constatées ayant des conséquences directes sur ses capacités intellectuelles, ce qui était d'ailleurs relevé au moins depuis 2007 comme cela ressort des éléments médicaux produits par Mme [N] et qui ne sont pas remis en cause par le collège d'experts précité qui relève le caractère fluctuant dans le temps de l'efficience intellectuelle de l'intéressé au regard de la multiplicité des facteurs identifiés comme étant à l'origine du déficit cognitif (pièce 4 de l'appelante, page 2).

A ce titre, il appert des autres éléments médicaux que [R] [N] s'était plaint de difficultés de mémoire dès son hospitalisation du 13 au 25 août 2005, intervenue à la suite d'une hémorragie méningée post traumatique. Son bilan neurologique ne montrait alors aucun trouble mnésique à proprement parler, mais un ralentissement psychomoteur avec un déficit de maintien d'attention, des difficultés praxiques et un syndrome dysexécutif, et un profil de type sous cortico-frontal. Il était également précisé que ces anomalies pouvaient être en partie liées à une exogénose qu'il avait interrompue pendant plusieurs années mais qu'il avait reprise depuis un an de façon assez importante, ainsi qu'à une probable iatrogénie avec une surmédication. Le suivi de l'évolution de ces troubles était préconisé (pièce 13 de l'intimée).

Un examen IRM cérébral pratiqué le 16 novembre 2006 a confirmé l'existence d'anomalies importantes visibles au niveau fronto-polaire supérieur, à prédominance droite, ainsi qu'au sein du tronc cérébral (pièce 14 de l'intimée).

Selon un certificat établi le 30 novembre 2006 en vue de l'ouverture d'une mesure de tutelle pour l'épouse du défunt, le docteur [U] a indiqué que [R] [N] semblait également être atteint de troubles cognitifs sévères (pièce 15 de l'intimée).

Le 12 septembre 2008, [R] [N] a fait l'objet d'une nouvelle hospitalisation. Le compte-rendu d'hospitalisation du service de médecine interne établi pour la période du 12 septembre 2008 au 18 septembre 2008, relève concernant ses antécédents notamment une dégénérescence maculaire liée à l'âge avec un déficit visuel important, un alcoolisme chronique sans complication, une hémorragie méningée avec défaut de la mémoire immédiate séquellaire (pièce 18 de l'intimée).

Le 15 avril 2010, il a également été hospitalisé pour des crises convulsives dans un contexte de sevrage alcoolique, autoprescrit, et avec séquelle d'hématome frontal ancien. Il était alors mentionné au titre de ses antécédents, l'existence de troubles mnésiques très importants depuis 2007 (pièce 25 de l'intimée).

Le 10 novembre 2008, le docteur [F], en médecine générale, a certifié que [R] [N] présentait une altération des fonctions supérieures avec troubles cognitifs, profil de type cortico-frontal, liés en partie à son exogénose (pièce 19 de l'intimée).

Commis à nouveau par ordonnance rendue le 21 décembre 2009 par le juge des tutelles en vue de donner un avis dans le cadre de la mesure de protection, le docteur [A] a conclu par certificat du 18 janvier 2010, après avoir examiné [R] [N] le 15 janvier 2010, qu'il avait la capacité de consentir à son mariage, mais qu'il n'avait pas la capacité de maîtriser les conséquences de son consentement au niveau de ses biens et de ses finances, précisant que les troubles concernaient 'toujours la mémoire récente, le maniement des données financières et surtout le jugement' et que ce trouble de jugement expliquait 'aussi ses graves erreurs de gestion [...] et 's'illustre de façon flagrante en ce qui concerne son projet d'union avec sa compagne [...] mélangeant testament et contrat de mariage, sa non prise en compte des conséquences patrimoniales d'un mariage voire d'une union civile dont il ne sait rien' (pièce 23 de l'intimée).

Les troubles de la mémoire et d'attention ont également été mentionnés au titre des arguments cliniques exposés par le médecin traitant de [R] [N], le 20 janvier 2010, aux fins de prise en charge au titre de 'polypathologie invalidante' (pièce 24 de l'intimée).

L'ensemble de ces éléments médicaux suffisent à caractériser l'existence de troubles substantiels des capacités intellectuelles de [R] [N] à une date proche du testament du 11 janvier 2010, ne lui permettant pas de prendre avec discernement et en pleine conscience de sa portée une telle décision testamentaire.

Enfin, le rapport médical établi le 13 janvier 2013 par le docteur [T], psychiatre, commis le 20 décembre 2012 par le juge des tutelles, indique que [R] [N] présentait alors une altération de ses capacités psychiques par une maladie de type déficit cognitif secondaire à une atteinte cérébrale et due à l'âge, comportant une atteinte de ses capacités, en particulier, pour connaître l'état de son patrimoine et savoir gérer son budget, précisant que ses capacités à ce titre étaient très limitées par le déficit et rendait impossible cette possibilité, tout comme son fonctionnement cognitif global, son langage, sa mémoire et son fonctionnement praxique et gnosique étaient maintenus mais laissaient persister un déficit important (pièce 30 de l'intimée).

Les éléments médicaux résultant de ce rapport établissent l'existence de troubles des capacités intellectuelles de [R] [N] à une date proche du 25 septembre 2013, aucun autre élément médical contraire n'étant produit pour cette période.

Le fait que Mme [P] affirme que de nombreux éléments concomitants à la rédaction des testaments, sans autre précision ni preuve de ces allégations, démontrent une distance entre le père et la fille justifiant le choix assumé par le testament, ne peut suffire à remettre en cause les éléments médicaux précités, la cour observant en outre que le seul certificat médical produit par Mme [P] en pièce 5, établi le 25 juin 2015 par le docteur [F], relatif aux seules constatations consécutives à une chute de [R] [N] et à l'absence de plainte pour maltraitance de ce dernier n'apporte aucun élément utile au litige. Dans ces conditions. Mme [P] ne peut reprocher au jugement entrepris de n'avoir pas tenu compte des éléments qu'elle avait apportés.

En conséquence, le jugement entrepris qui a prononcé la nullité des testaments authentiques de [R] [N] reçus par maître [E] datés des 11 janvier 2010 et 25 septembre 2013, sera confirmé de ce chef.

2°) Sur la demande de condamnation à une amende civile pour procédure abusive :

Mme [P] soutient que Mme [N] est 'une habituée des procédures', ayant attrait son propre père de nombreuses fois en justice.

Mme [N] ne répond pas sur ce point.

Si aux termes des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés, une partie n'a pas qualité pour demander la condamnation d'une autre partie à une amende civile qui profite à l'Etat.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de Mme [P] tendant au prononcé d'une amende civile, ce d'autant que la solution donnée au litige montre le bien fondé de l'action de Mme [N].

3°) Sur la demande de condamnation au titre des dommages et intérêts :

Mme [N] ne présente aucun développement sur sa demande de dommages-intérêts, se contentant d'indiquer dans le dispositif de ses dernières conclusions qu'elle sollicite la condamnation de Mme [P] de ce chef « au titre des dommages et intérêts la somme de 15 000€ compte tenu de la procédure sans apport d'éléments supplétifs alors que les biens immobiliers se dégradent depuis 2016 ».

Mme [P] ne répond pas à cette demande.

Mme [N] ne mettant pas la cour en mesure de vérifier le bien-fondé de sa prétention, elle en sera déboutée.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de Mme [S] [P] tendant au prononcé d'une amende civile à l'encontre de Mme [B] [N] ;

Déboute Mme [B] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rejette des demandes formées par Mmes [S] [P] et [B] [N] ;

Condamne Mme [S] [P] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/00616
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°18/00616 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;18.00616 ?
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