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06/08/2019 | FRANCE | N°19/02553

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 06 août 2019, 19/02553


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 6 AOÛT 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 19/02553 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7GYT



Décision déférée à la cour : Jugement du 29 Janvier 2019 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2018059990





APPELANTE



La société ALPHA PETROVISION HOLDING AG IN LIQUIDATION

APV, société en liquidation amiable, agissant poursuites et diligences en la personne de son liquidateur amiable domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 1]
...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 6 AOÛT 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/02553 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7GYT

Décision déférée à la cour : Jugement du 29 Janvier 2019 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2018059990

APPELANTE

La société ALPHA PETROVISION HOLDING AG IN LIQUIDATION APV, société en liquidation amiable, agissant poursuites et diligences en la personne de son liquidateur amiable domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1] (SUISSE)

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée de Me Patricia LE MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, toque : L0294

INTIMÉS

Maître [Z] [U] ET [X] ET [F], prise en la personne de Maître [Z] [X] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société IPSA HOLDING,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

SAS IPSA HOLDING, agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 538 889 502

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112

SCP CBF ASSOCIES, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SAS IPSA HOLDING, agissant par Maître [B] [C],

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marie BOUNAIX

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Ipsa Holding a été créée en 2012 aux fins d'acquérir le 22 mars 2012 les titres de la société Ipsa, qui se trouvaient alors détenus par ACG Private Equity, qui les avaient elle-même acquis le 9 septembre 2011 d'Alpha Petrovision Holding, moyennant le prix de 1 euro, assorti d'une clause de complément de prix (earnt-out) en fonction des résultats futurs réalisés par Ipsa au cours des exercices 2012 à 2014. Par avenant tripartite du

3 juillet 2012, Ipsa Holding s'est substituée dans les droits et obligations d'AGC Private Equity.

Elle n'a qu'une activité de holding, son seul actif étant sa filiale à 100%, la SAS Ipsa, société de gestion de portefeuille agréée par l'AMF, qui gère des participations dans plusieurs FCPI et FCPR ayant vocation à être liquidés.

Par jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS Ipsa Holding, qui venait d'être condamnée, par le tribunal arbitral de Zurich le 23 décembre 2016, à payer à Alpha Petrovision Holding AG in liquidation( ci-après Alpha Petrovision Holding ) une somme de 3.310.399,16 euros au titre notamment du complément de prix, cette décision n'ayant pas à la date de l'ouverture de la sauvegarde encore reçu l'exequatur.

La Selasu David Lacombe, auquel a succédé la Scp CBF associés, prise en la personne de Maître [C], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de surveillance, et la Scp [U]-[F] comme mandataire judiciaire.

La période d'observation initiale de six mois a été renouvelée le 4 juillet 2017 pour une nouvelle période d'observation de 6 mois, puis le 23 janvier 2018, à la requête du ministère public pour à nouveau 6 mois, soit jusqu'au 9 juillet 2018.

Ipsa Holding a transmis un projet de plan le 1er juin 2018. La Scp [U]-[F] a consulté les créanciers sur les propositions d'apurement du passif le 21 juin 2018, qui a été examiné par le tribunal à l'audience du 18 septembre 2018.

Parallèlement, le 21 août 2018, la société Alpha Petrovision a déposé une requête aux fins de voir juger que le plan n'avait pas été présenté dans les délais utiles et ordonner la clôture de la procédure de sauvegarde. Cette requête a été examinée également à l'audience du 18 septembre 2018.

Par deux jugements du 2 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a:

- d'une part, arrêté le plan de sauvegarde d'une durée de 4 ans. Ce jugement ayant fait l'objet d'une tierce opposition, puis d'un appel, enregistré sous le

n°19-02553, qui est l'objet de la présente procédure,

- d'autre part, débouté Alpha Petrovision Holding de sa demande de clôture de la procédure de sauvegarde. C'est l'objet d'une procédure distincte RG n° 18-22000.

Par jugement du 29 janvier 2019, le tribunal de commerce de Paris a dit

Alpha Petrovision Holding recevable mais mal fondée en sa tierce opposition à l'encontre du jugement du 2 octobre 2018 ayant arrêté le plan de sauvegarde, a maintenu ledit jugement et condamné Alpha Petrovision Holding à payer à Ipsa Holding 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Alpha Petrovision Holding a relevé appel de cette décision le 1er février 2019.

Par conclusions signifiées le 27 février 2019, Alpha Petrovision Holding demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable sa tierce opposition et en ce qu'il a débouté Ipsa Holding de sa fin de non recevoir, à titre principal, constater que le plan de sauvegarde a été arrêté après l'expiration de la période maximale d'observation et avant qu'il ne soit statué sur sa requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde, en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a dit la tierce opposition mal fondée et a maintenu le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, statuant à nouveau, annuler le jugement du 2 octobre 2018 arrêtant le plan de sauvegarde , rejeter le plan de sauvegarde présenté par Ipsa Holding, subsidiairement, constater que le tribunal a statué au vu des seules déclarations du dirigeant d'Ipsa Holding élusives, erronées ou mensongères, dire que le plan ne respecte pas les objectifs fixés par la loi, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il a dit la tierce opposition mal fondée et maintenu le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, statuant à nouveau, réformer le jugement en ce qu'il a arrêté le plan selon les modalités prévues, fixer à deux ans maximum la durée du plan, réduire les délais d'apurement du passif avec une dernière échéance fixée au 10 septembre 2020, renforcer les garanties d'exécution du plan en conditionnant son arrêté aux engagements supplémentaires suivants de M. [V] [Q], personne tenue d'exécuter le plan, s'ajoutant à ceux dont il déjà été donné acte:

- en sa qualité de président d'Ipsa, filiale à 100% d'Ipsa Holding , à ce que la société Ipsa mette en oeuvre les opérations de liquidation des cinq derniers FCPI gérés par cette dernière au plus tard le 30 juin 2019,

- en sa qualité de président d'Ipsa Holding, à ce que cette dernière décide en sa qualité d'associée unique de la société Ipsa de la distribution de dividendes conformément au plan arrêté avec mise en place d'une délégation au bénéfice des créanciers et indication de paiement entre les mains du commissaire à l'exécution du plan,

- en sa double qualité de président d'Ipsa et d'Ipsa Holding à ce que les sociétés décident d'une fusion- absorption d'Ipsa par Ipsa Holding dès que les FCPI auront été liquidés,

En tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au titre des frais irrépétibles et aux dépens, et statuant à nouveau, condamner Ipsa Holding à lui payer 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 27 mars 2019, Ipsa Holding et la Scp [C]-[J]- [G] associés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, sollicitent à titre principal, l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit recevable la tierce opposition, et statuant à nouveau de la voir déclarer irrecevable, subsidiairement, sa confirmation en ce qu'il a dit Alpha Petrovision Holding mal fondée en sa tierce opposition et en ce qu'il a maintenu le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde, en tout état de cause le rejet de toutes ses prétentions de l'appelante et sa condamnation au paiement de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Dans ses écritures signifiées le 21 mars 2019, la Scp [U]-[F], prise en la personne de Maître [X], ès qualités de mandataire judiciaire d' Ipsa Holding demande à la cour, à titre principal, de juger qu'Alpha Petrovision Holding ne justifie pas que le jugement a été rendu en fraude de ses droits, qu'Alpha Petrovision Holding n'invoque aucun moyen propre à l'appui de sa tierce opposition, en conséquence la juger irrecevable en sa tierce opposition et en son appel, subsidiairement, juger que le tribunal n'a commis aucun excès de pouvoir dans son jugement arrêtant le plan de sauvegarde, juger Alpha Petrovision Holding irrecevable et mal fondée en sa demande subsidiaire de rejet du plan de sauvegarde et de sa demande de réduction des délais de paiement et de renforcement des garanties d'exécution du plan, en conséquence confirmer le jugement du 2 octobre 2018, ayant arrêté le plan, ainsi que le jugement du

29 janvier 2019 en ce qu'il a dit la tierce opposition mal fondée, condamner

Alpha Petrovision Holding à lui payer, ès qualités, 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans son avis notifié par voie électronique le 29 mars 2019, le ministère public invite la cour, à titre principal à juger qu'Alpha Petrovision Holding n'est pas recevable en sa tierce opposition du jugement du 2 octobre 2018 et en son appel à l'encontre du jugement du 29 janvier 2019, d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a dit la tierce opposition recevable, subsidiairement, à confirmer le jugement en ce qu'il a dit la tierce opposition mal fondée.

SUR CE,

- Sur la recevabilité de l'appel à l'encontre du jugement du 29 janvier 2019

Il résulte de l'article L 661-3 du code de commerce, que les décisions arrêtant le plan de sauvegarde sont susceptibles de tierce opposition et que le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.

C'est dès lors vainement que la Scp [U]-[F], soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par Alpha Petrovision Holding à l'encontre du jugement du 29 janvier 2019 ayant rejeté sa tierce opposition.

- Sur la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre du jugement du 2 octobre 2018 ayant arrêté le plan

Les intimés contestent le jugement en ce qu'il a dit recevable la tierce opposition formée par Alpha Petrovision Holding à l'encontre du jugement ayant arrêté le plan.

Pour déclarer Alpha Petrovision Holding recevable en sa tierce opposition, le tribunal a relevé que ce recours avait été formé dans le délai de 10 jours de l'article R661-2 du code de commerce, que les créances déclarées par Alpha Petrovision Holding au passif de la sauvegarde à hauteur de 7.040.405 euros représentait 94,7% du passif total, qu'Alpha Petrovision Holding était le seul créancier directement ou indirectement indépendant d'Ipsa Holding, que seules ses créances étaient contestées, et qu'en cet état, Alpha Petrovision Holding justifiait de sa qualité de tiers et mettait en oeuvre des moyens propres différents des autres créanciers.

Il n'est pas contesté que, conformément à l'article R 661-2 du code de commerce, la tierce opposition a été formée dans le délai de 10 jours du jugement.

La tierce opposition à l'encontre du jugement arrêtant un plan de sauvegarde est également soumise aux dispositions de l'article 583 du code de procédure civile selon lesquelles 'Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants-cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.'

Il résulte de la combinaison des articles L 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde que s'il invoque un moyen qui lui est propre ou une fraude à ses droits.

Alpha Petrovision Holding expose que n'ayant pas été partie au jugement du

2 octobre 2018, elle a qualité pour former tierce opposition, ainsi qu' intérêt à agir en ce que, d'une part, le jugement a été rendu en fraude de ses droits, le tribunal ayant arrêté le plan avant qu'il ne soit statué sur sa requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde et sur la foi des seules déclarations du dirigeant d'Ipsa Holding dévoyant la procédure collective pour retarder au maximum le paiement des sommes auxquelles elle a été condamnée, et en ce que, d'autre part, elle invoque des moyens propres, étant le quasi unique créancier d'Ipsa Holding, en tout cas le seul non lié directement ou indirectement à Ipsa Holding et à avoir contesté le plan en invoquant le fait qu'il ne respectait pas les objectifs fixés par la loi et qu'il a été arrêté après l'expiration de la période d'observation.

Les intimés contestent tant l'existence d'une fraude aux droits d'Alpha Petrovision Holding lors de l'adoption du plan de sauvegarde, que l'existence de moyens propres, tout créancier étant nécessairement tiers indépendamment de liens directs ou indirects avec la société sous procédure, la contestation de la créance tout comme l'opposition au plan ne caractérisant pas l'existence de moyens propres.

- sur la fraude aux droits d'Alpha Petrovision Holding

Alpha Petrovision Holding considère tout d'abord avoir été privée de son droit à un procès équitable en ce que le jugement arrêtant le plan a été rendu avant qu'il n'ait été statué sur sa requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde.

Il ressort des pièces au débat que le projet a été déposé au tribunal le 7 juin suivant, qu'Ipsa Holding a communiqué au mandataire judiciaire son projet de plan le 1er juin 2018, que Maître [X] a consulté les créanciers, par courrier du 21 juin 2018, reçu par le conseil d'Alpha Petrovision Holding le 22 juin suivant. En réponse, le 23 juillet 2018, Alpha Petrovision Holding , par l'intermédiaire de son avocat, s'est opposée à l'adoption du plan, en invoquant sa présentation tardive, le dépassement de la période d'observation, le non respect des objectifs fixés par la loi, le caractère inapproprié de la procédure de sauvegarde et subsidiairement, la nécessité de réduire les délais du plan compte tenu de la capacité d'Ipsa Holding à désintéresser ses créanciers dans des délais plus courts et de renforcer les garanties d'exécution.

Par courrier du 8 juin 2018, le tribunal a convoqué Ipsa Holding et les organes de la procédure pour l'audience du 10 septembre 2018 afin d'examiner le projet de plan de sauvegarde.

Ultérieurement, le 21 août 2018, Alpha Petrovision Holding a déposé une requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde pour défaut de présentation d'un plan dans les délais utiles, que le tribunal a audiencée à la même date que celle prévue pour l'examen du plan.

Rien ne s'opposait à ce qu'il soit statué le même jour sur les deux demandes et il ne saurait être déduit de cette seule circonstance, le fait qu'Alpha Petrovision Holding aurait été privée de son droit à un procès équitable.

Il ressort du jugement statuant sur la requête aux fins de clôture qu'Alpha Petrovision Holding était représentée par son avocat et a déposé des conclusions. La décision statuant sur la requête aux fins de clôture de la procédure, tout comme celle arrêtant le plan, n'a pas été rendue sur le siège, mais mise en délibéré au 2 octobre 2018, de sorte le tribunal a bien eu connaissance des observations d'Alpha Petrovision Holding sur sa propre requête avant de rendre sa décision sur le plan de sauvegarde.

La mention qui figure dans l'exposé des faits du jugement, selon laquelle le tribunal a statué le jour même sur le plan, n'est pas de nature à caractériser une fraude aux droits de la requérante, dès lors qu'elle se borne à viser un fait constant et n'établit pas que le tribunal a adopté le plan avant d'examiner la requête aux fins de clôture. Le tribunal ne motive d'ailleurs pas le rejet de la requête par l'adoption du plan, mais sur la circonstance qu'un plan a été déposé dans les délais utiles au sens de l'article R626-18 du code de commerce, ce qu'Alpha Petrovision Holding n'ignorait pas pour avoir été consultée sur ce plan le 22 juin 2018, avant le dépôt de sa requête.

Le jugement arrêtant le plan fait d'ailleurs état du refus opposé par Alpha Petrovision Holding, des motifs de ce refus, ainsi que des contre propositions de ce créancier, le tribunal ayant décidé de passer outre, considérant que le refus du principal créancier n'était pas fondé sur l'incapacité d'Ipsa Holding à honorer ses engagements d'apurement du passif et qu'Ipsa Holding avait pris l'engagement de provisionner annuellement les dividendes du plan correspondant aux créances contestées afin de garantir le règlement du passif en cas d'admission définitive.

Alpha Petrovision Holding soutient ensuite que la fraude résulte de ce que le plan a été arrêté sur la foi des seules déclarations du dirigeant d'Ipsa Holding, du dévoiement de la procédure de sauvegarde dont le seul but était d'échapper au paiement des créances du quasi unique créancier, de l'abus qui a été fait de la procédure de sauvegarde, en outrepassant la durée légale de la période d'observation, en contestant ses créances, puis en obtenant une durée du plan de 4 années, largement supérieure à la durée de vie des Fonds gérés.

L'ouverture de la procédure de sauvegarde faisant l'objet d'un jugement définitif, Alpha Petrovision Holding ne peut se prévaloir, à l'occasion de sa tierce opposition portant sur l'adoption du plan de sauvegarde, d'une éventuelle fraude commise lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, ni de la durée maximale de la période d'observation, qui résulte de jugements de prorogation. A ce stade, seule une fraude commise lors de l'adoption du plan peut être utilement invoquée.

Le plan a été arrêté avec deux options:

-option 1: réglement des créanciers à hauteur de 100% en 4 annuités de chacune 25% ( au 30 juin des années 2019/2020/2021/2022),

-option 2: remboursement de 40% de la créance dès l'arrêté du plan et abandon du solde de la créance,

Il a par ailleurs déclaré inaliénables les titres de la société Ipsa (filiale de Ipsa Holding), désigné M.[V] [Q], président d'Ipsa Holding, chargé d'exécuter le plan, dit qu'il devra avancer les échéances du plan au 30 juin de chaque année, informer le commissaire à l'exécution du plan de la cession des participations, consigner les fonds perçus lors des cessions des participations, déduction faite des frais de fonctionnement d'Ipsa Holding s'élevant à 150.000 euros HT par an, subordonner le remboursement des créances de compte courant d'associé des actionnaires et de la filiale à la complète exécution du plan, ne devra pas céder les titres de la SAS Ipsa sans autorisation expresse du tribunal.

Contrairement à ce que soutient Alpha Petrovision Holding, le tribunal n'a pas arrêté le plan sur la base des seules allégations du dirigeant d'Ipsa Holding, mais également au vu de l'avis des organes de la procédure, du ministère public, et en connaissance des motifs du refus opposé par Alpha Petrovision Holding.

La contestation des créances d'Alpha Petrovision Holding ne constitue pas en soi la preuve d'un dévoiement, dès lors qu'un projet de plan doit prendre en considération le passif contesté et qu'Ipsa Holding s'est engagée à provisionner les échéances correspondant aux créances contestées.

Ne caractérise pas davantage une fraude aux droits du principal créancier, le fait de présenter un plan de sauvegarde prévoyant, dans un délai raisonnable de 4 ans, le paiement à 100% des créanciers, par tranches égales de 25%, sachant qu'Ipsa Holding, qui n'a d'autre activité que de gérer sa participation dans sa filiale, est financée par les remontées de dividendes d'Ipsa, ce qui suppose d'attendre non seulement la clôture progressive des Fonds, mais aussi de tenir compte des aléas de gestion liés aux contentieux ou réclamations d'un certain nombre de porteurs de parts, sachant que les capacités d'

Ipsa Holding à respecter un tel échéancier ne sont pas remises en cause, Alpha Petrovision Holding estimant en effet que la société débitrice a les moyens de la désintéresser sur une durée beaucoup plus courte.

Aucun des éléments invoqués par Alpha Petrovision Holding n'est de nature à caractériser une fraude à ses droits susceptible de rendre recevable sa tierce-opposition.

-sur les moyens propres

Le moyen propre dont découle la recevabilité de la tierce opposition d'un créancier, s'entend d'un moyen distinct de celui des autres créanciers.

Alpha Petrovision Holding argue de sa qualité de quasi unique créancier d'Ipsa Holding, sa créance représentant plus de 94% du passif déclaré, de ce que seules ses créances sont contestées, de ce qu'elle seule s'est opposée au projet de plan et de ce qu'étant l'unique créancier non lié directement ou indirectement à la société sous sauvegarde, elle est la seule à avoir intérêt à contester le plan aux motifs qu'il ne respecte pas les objectifs fixés par la loi et qu'il a été arrêté après l'expiration de la période d'observation.

Cependant, ainsi que le soutient le mandataire judiciaire, Alpha Petrovision Holding, subit les effets de la procédure de sauvegarde et du plan dans les mêmes conditions que les autres créanciers, à savoir la suspension des poursuites et les délais de règlement. La circonstance que les autres créances déclarées, non contestées, émanent de la filiale, des associés, du conseil juridique et du commissaire aux comptes de la société débitrice n'interfère en rien sur les effets de la sauvegarde. Le plan adopté ne comporte pas de dispositions spécifiques ou dérogatoires relativement au remboursement des créances déclarées par Alpha Petrovision Holding.

Le fait, qu'en l'espèce, Alpha Petrovision Holding soit le seul créancier à contester la tardiveté et les modalités du plan, ainsi que son adoption après l'expiration de la période d'observation et à soutenir qu'il ne respecte pas les objectifs fixés par la loi, ne suffit pas à lui conférer un intérêt distinct de celui de la collectivité des créanciers.

Il s'ensuit qu'Alpha Petrovision Holding n'invoque aucun moyen propre au soutien de son recours.

En conséquence, la tierce opposition formée par Alpha Petrovision Holding est irrecevable, le jugement étant infirmé en ce sens.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné Alpha Petrovision Holding aux dépens et à payer une indemnité de 5.000 euros à Ipsa Holding.

Y ajoutant, la société Alpha Petrovision Holding sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société Ipsa Holding 1.500 euros et à la Scp [U]-[F], ès qualités,

1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Reçoit la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation en son appel à l'encontre du jugement du 29 janvier 2019,

Infirme le jugement du 29 janvier 2019, sauf en ce qu'il a condamné la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation à payer 5.000 euros à la société Ipsa Holding sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la tierce opposition formée par la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation à l'encontre du jugement du 2 octobre 2018 arrêtant le plan de sauvegarde de la société Ipsa Holding,

Y ajoutant,

Condamne la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation à payer à la société Ipsa Holding 1.500 euros et à la Scp [U]-[F], ès qualités, 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation aux entiers dépens

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/02553
Date de la décision : 06/08/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°19/02553 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-08-06;19.02553 ?
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