Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 04 JUILLET 2019
(n°2019 - 234, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/13541 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3V6A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n° 14/12697
APPELANTS
Madame [R] [U]
Née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ET
Monsieur [P] [U]
Né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ET
Monsieur [A] [U]
Né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentés par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES prise en la personne de Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistés de Me Xavier Jacques BACQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1529
INTIMES
Monsieur [G] [V]
Né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 3] (BELGIQUE)
[Adresse 2]
[Adresse 2] (BELGIQUE)
ET
La SA ETHIAS ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 404 484 654
[Adresse 3]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Représentés par Me Arnaud CATESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1487
Assistés de Me Marc SNOECK, avocat au barreau de BRUXELLES substitué par Me Valérie LEJEUNE, avocat au barreau de BRUXELLES
La SNC ELLIPSE, prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 420 783 318 00033
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée de Me Martine LEGUILLE-BALLOY, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de Chambre, et Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de Chambre
Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère
Mme Marie-José BOU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Sabrina RAHMOUNI, greffière présente lors du prononcé.
***********
Le 24 août 2011, M. [A] [U] et son épouse, Mme [R] [U], ont acquis auprès de la société Ellipse la jument Bjussica T au prix de 300 000 euros, pour leur fils [P], cavalier de haut niveau, afin de lui permettre de participer à des concours de saut d'obstacles (CSO).
Ils ont confié le soin de réaliser la visite d'achat à leur vétérinaire, le docteur [V], qui y a procédé en présence des cocontractants le 16 août 2011. A l'issue de cette visite, ce vétérinaire a émis un avis favorable comme cheval de CSO, risques jugés courants pour CSO (1,45-1,50) notant dans son compte-rendu, dos : peu musclé mais bonne mobilisation, peu musclée base encolure examen dynamique (...) volte sol dur : défaut d'incurvation à main droite mais absence de boiterie ; volte sol mou, défaut de protraction de l'antérieur droit à main gauche. Il concluait à l'absence d'anomalie radiologique majeure sur les clichés des pieds, boulets, jarrets et grassets et à l'existence d'un rapprochement épineux de grade 1 de la 11ème à la 14ème vertèbre dorsale à partir d'un cliché du docteur [P], vétérinaire du vendeur, réalisé en août 2010.
Le 16 avril 2013, le docteur [R], vétérinaire, a établi une attestation aux termes de laquelle il indique avoir examiné la jument le 4 octobre 2011 et qu'elle présentait une restriction de mobilité au niveau de l'articulation sacro-illiaque gauche, l'avoir examinée à nouveau le 15 novembre 2011 et avoir constaté d'importantes dysfonctions au niveau du garot (T10, T11) sous la selle (T12, T13) en arrière de la selle (18, L1) et à la jonction cervicothoracique (articulation C7-T1) et l'avoir revue à plusieurs reprises entre le 13 décembre 2011 et le 11 septembre 2012.
Le 26 mars 2012, le cheval a été adressé par le docteur [V] au centre d'imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines (CIRALE) pour un bilan axial afin d'investiguer une raideur de l'encolure et du dos et une difficulté à travailler dans une attitude rassemblée plus marquées à main droite. Aux termes de son rapport du 28 mars 2012, le docteur [G] exerçant au CIRALE a rapporté que les investigations lésionnelles par imagerie ont révélé :
1/ sur le dos :
- une spondylose intervetébrale en T10-T11,
- des conflits de processus de grade 1 en T11-T12, T12-T13 et T13-T14,
2/en région cervicale :
- une arthropathie synoviale intervertébrale epi-axiale en C6-C7 et C7-T1,
- une discoathie intervébrale en C7-T1,
3/ sur le bassin,
- une discrète arthropathie sacro-illiaque gauche.
Faisant valoir que la jument a présenté, environ six semaines après l'achat, des raideurs inexpliquées et que des affections, qui se sont révélées très peu de temps après la vente, rendent la jument impropre à l'usage attendu, les acquéreurs ont engagé une procédure de référé expertise au contradictoire de la société Ellipse. Par ordonnance en date du 12 juillet 2013, le professeur [K], a été désigné par le tribunal de grande instance de Paris et ses opérations ont ultérieurement été rendues communes au docteur [V], qui jusqu'alors assistait aux opérations d'expertise au côté des époux [U]. L'expert a déposé son rapport, le 28 mai 2014 concluant que la jument présente d'une part, des lésions évolutives de type dégénératif du squelette axial ayant débuté avant la vente et d'autre part, des lésions d'arthropathie interphalangienne distale du membre antérieur droit, la rendant inapte à participer à des épreuves de haut niveau (1,45 - 1,5) ; il retient que seule la spondylose vertébrale était présente avant la vente, sans doute à un degré moindre que celui constaté ; que l'arthropathie interphalangienne n'était pas présente au moment de la vente ; que, répondant également à la mission qui lui avait été confiée le 12 juillet 2013, il retient que le docteur [V] n'avait pas satisfait à son obligation (de moyens), disant qu'en l'absence d'examen radiologique récent, il aurait dû les réaliser ou s'en tenir à un pronostic réservé. Enfin, il précise que la pathologie axiale est la conséquence de l'évolution d'une arthrose vertébrale évoquée par le docteur [V] lorsqu'il retenait un rapprochement épineux de grade 1 en T 11 à T 14 ; qu'il écrit que la dégradation des résultats sportifs de la jument coïncide avec l'évolution progressive des affections dont elle souffre, soit jusqu'en mai 2012 l'arthrose touchant les sites de la colonne vertébrale, l'arthropathie inter-phalangienne ayant ensuite aggravée ces difficultés. Enfin, il admet que cette baisse des performances peut avoir pour cause le changement de cavalier et de gestion de l'entraînement, mais ne relève pas de faute particulière du cavalier ou de l'entraîneur pouvant l'expliquer.
C'est dans ce contexte que, par actes extra-judiciaires des 28 juillet et 1er août 2014, M. [A] [U], Mme [R] [U] et M. [P] [U] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Ellipse en nullité de vente du cheval Bjussica T, ainsi que le docteur [V]. Par ordonnance en date du 16 avril 2015, le juge de la mise en état a rejeté les demandes de voir ordonner un complément d'expertise ou une nouvelle expertise présentées par la société Ellipse et par le docteur [V].
Par acte du 16 juillet 2015, les consorts [U] ont attrait dans la cause la société Ethias assurances, assureur responsabilité civile du vétérinaire. Ces instances ont été jointes.
Par jugement en date du 27 avril 2017 le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Ellipse, M. [V] et la société Ethias Assurances de leurs demandes en nullité de l'expertise, de nouvelle expertise ou de complément d'expertise, a débouté les consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes ainsi que la société Ellipse et M. [V] de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, condamnant in solidum les consorts [U] à payer à la société Ellipse et à M. [V], à chacun, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Les consorts [U] ont relevé appel, le 5 juillet 2017 et aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 26 mars 2018, ils demandent à la cour, au visa des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation, 1641 et suivants du code civil, 1147 du code civil, 515-14 du code civil, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et en conséquence, de prononcer la résolution de la vente de la jument Bjussica T conclue le 24 août 2011, de débouter les défendeurs de leurs demandes et de condamner in solidum la société Ellipse, le docteur [V] et la société Ethias Assurance au remboursement intégral du prix de vente de la jument Bjussica T, soit la somme de 300 000 euros ainsi qu'au paiement de la somme de 53 428 euros en réparation de leur préjudice matériel, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2014, date de l'assignation et anatocisme, réclamant en outre la condamnation in solidum des intimés au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral, de celle de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens incluant les frais d'expertise pour un montant total de 7 072,76 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 29 mars 2018, la société Ellipse demande à la cour, au visa des articles 16, 175, 237, 245 et 263 du code de procédure civile, 6 de la CESDH, L. 211-1 et suivants du code de la consommation, 331 et 441 du code pénal, 242-38 du code rural, 1641 et suivants du code civil, 1382 et suivants du code civil, de juger que l'action de M. [P] [U] est irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir et que son action comme celle de M. et Mme [U] est prescrite, sollicitant au principal, la confirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes, y compris la demande de résolution de la vente, et en ce qu'il a jugé que M. et Mme [U] sont des professionnels qui ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation. Enfin, elle réclame la condamnation in solidum des appelants au paiement de la somme de 15 000 euros pour tous les désagréments et frais engendrés par leur action, celle de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait réformer le jugement entrepris, elle soutient la limitation des indemnisations attribuées aux consorts [U] à 150 000 euros, la cour ne devant leur attribuer aucune indemnisation pour préjudice moral, et devant rejeter leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ramener leurs prétentions à une juste mesure.
Reconventionnellement, elle sollicite, si la cour retenait un défaut de conformité ou un vice caché et entrait en voie de condamnation à son encontre, la condamnation du docteur [V] à la garantir pour toutes les condamnations prononcées et au paiement de la somme de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur les demandes reconventionnelles du docteur [V], elle demande à la cour d'enregistrer qu'elle ne s'y oppose pas, par principe, mais prétend, s'il devait y être fait droit, qu'elle devra ordonner le retrait de la procédure des pièces C6 et C15 du rapport d'expertise qui ne sont que des faux rédigés par le docteur [V] et produits par les appelants dans le seul but de tromper la religion de la justice.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 31 janvier 2018, le docteur [G] [V] et son assureur la SA Ethias Assurances, demandent à la cour, au visa des articles 16, 331 et 175 du code de procédure civile, de déclarer l'appel principal recevable mais mal fondé et en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leurs demandes et les a condamnés au paiement de la somme de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sollicitant leur condamnation à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A titre subsidiaire, si la cour retenait une faute du docteur [V] et un préjudice des consorts [U] d'évaluer celui-ci à moins de 105 039,04 euros, de tenir compte de la valeur résiduelle du cheval qui ne peut être inférieure à 50 000 euros et d'une perte de chance qui doit être indemnisée à 30 % de l'évaluation retenue et concernant la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, en limiter le quantum à 5 000 euros. S'agissant de la demande formulée par la société Ellipse à l'encontre du docteur [V], ils demandent à la cour de l'en débouter et de la condamner aux entiers dépens de l'instance et à payer, à chacun une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, sur l'appel en garantie formulée par la société Ellipse, ils demandent à la cour de juger qu'elle ne justifie pas de sa demande de dommages intérêts évaluée à 5 000 euros et l'en débouter, et de ramener à de plus justes proportions sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Ils forment appel incident, demandant à la cour de le déclarer recevable et bien fondé, et en conséquence, de prononcer la nullité de la mesure d'expertise ordonnée à l'encontre du docteur [V] et à titre subsidiaire, de désigner un nouvel expert, avec mission de recommencer l'expertise et subsidiairement, d'ordonner un complément d'expertise, avec mission de répondre aux questions qu'ils précisent.
La clôture est intervenue le 17 avril 2019.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société Ellipse soutient des fins de non-recevoir, contestant en premier lieu la qualité et l'intérêt à agir de M. [P] [U] qui n'est pas l'acquéreur de la jument Bjussica T et n'en était pas propriétaire à la date d'introduction de l'action ; qu'aucun moyen n'est soutenu en défense ;
Considérant que l'action des appelants est exclusivement contractuelle, tant à l'encontre de la société Ellipse que du docteur [V] puisque fondée sur la garantie de conformité de l'article L. 211-1 du code de la consommation et, à titre subsidiaire, sur celle des vices cachés ;
Qu'ainsi que le relève la société Ellipse, M. [P] [U] revendique le fait qu'il est étranger à la vente conclue avec ses parents ; qu'il n'a nullement la qualité de sous-acquéreur, l'animal lui ayant été donné et au 28 janvier 2015, il n'en était plus propriétaire, ainsi qu'il ressort des certificats d'immatriculation produits, la jument, enregistrée au fichier national des équidés comme sa propriété et celle de sa mère, le 4 mai 2013 a été enregistrée le 14 mai 2013, comme propriété de ses père et mère ; que dès lors, il est dépourvu de toute qualité nécessaire pour exercer une action en garantie et il sera déclaré irrecevable à agir contre la société Ellipse ;
Considérant que la société Ellipse soutient en second lieu, que M. [P] [U] ne peut pas se prévaloir de l'effet interruptif de l'action en référé et de l'expertise engagée par ses parents n'y étant pas partie, et en déduit la prescription de l'action en garantie des vices cachés engagée conjointement par celui-ci et ses parents ; que les appelants ne développent aucune argumentation à l'encontre de cette fin de non-recevoir ;
Considérant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre la découverte du vice allégué, le 26 mars 2012 (et même la vente) et l'assignation en référé en date du 27 mai 2013, qui a, en application de l'article 2240 du code civil, interrompu une prescription, dont le cours a ensuite été suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, le 28 mai 2014 ; que dès lors, l'action engagée par M. et Mme [U] le 28 juillet 2014, soit moins de deux ans après l'assignation en référé, est recevable et n'est nullement affectée par une éventuelle prescription de l'action introduite par leur fils, qui plus n'est nullement acquise, celui-ci étant volontairement intervenu à la procédure de référé expertise, moins de deux ans après la découverte du vice allégué (et même de la vente), ainsi qu'il ressort de l'indication des parties de l'ordonnance du 12 juillet 2013 ;
Considérant que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;
Considérant au fond, que M. et Mme [U] critiquent, en premier lieu, le jugement déféré qui a refusé de leur reconnaître la qualité de consommateur ou de non professionnel, faisant valoir que la finalité de l'opération - un cadeau destiné à leur fils, cavalier émérite - exclut qu'il puisse être retenu un achat pour les besoins d'une activité professionnelle qui n'est nullement la leur ; que, pour soutenir la confirmation du jugement de ce chef, la société Ellipse retient que M. [P] [U] est un cavalier professionnel, qu'il est entraîneur et responsable des Ecuries du Vert espoir, Mme [U] étant de son côté présidente de la SAS Ecurie de l'Orangerie, en déduisant qu'il s'agit d'une vente entre professionnels, dès lors que les consorts [U] ont une activité d'élevage, d'entretien et d'entraînement de chevaux engagés dans des concours d'obstacles ;
Considérant que M. et Mme [U] revendiquent l'application des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation (dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005) relatifs à la garantie légale de conformité, celle-ci étant due en application de l'article L. 211-3 par le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale à l'acheteur agissant en qualité de consommateur ;
Que le consommateur, personne physique, doit agir pour ses besoins personnels ou ceux de sa famille et non à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle ;
Qu'en l'espèce, la finalité de l'achat était d'en faire don à M. [P] [U] et dès lors, le fait que Mme [U] soit présidente de la SAS Ecurie de l'orangerie ne peut pas la priver de la protection du code de la consommation, n'ayant pas agi pour les besoins de cette entreprise ;
Que la société Ellipse ne peut pas rechercher cette finalité dans une activité prétendument professionnelle du donataire qui n'était pas partie au contrat ; qu'il convient également de relever que l'allégation d'une activité professionnelle de M. [P] [U] comme dirigeant des Ecuries du Vert espoir n'est nullement établie à la date de la cession, la société Ellipse se prévalant d'éléments postérieurs à celle-ci ;
Considérant que dès lors, M. et Mme [U] peuvent revendiquer la garantie légale de conformité étendue par l'article L. 211-5 du code de la consommation aux caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté, les défauts de conformité apparaissant dans un délai de six mois à partir de la délivrance étant présumés exister au moment de la délivrance en application de l'article L. 211-7 ;
Qu'en l'espèce, il était précisé au compte-rendu de visite d'achat effectuée en présence des acquéreurs et vendeur, que la jument Bjussica T était apte à avis favorable comme cheval de CSO, risques jugés courants pour CSO (1,45-1,50 ; qu'à compter de la vente et jusqu'à la fin de l'année 2012, elle a été engagée dans 57 compétitions (page 4 du pré-rapport) et aucun des examens réalisés entre la vente, le 24 août 2011 et le 24 février 2012, terme du délai permettant aux appelants de se prévaloir de la présomption d'antériorité, ne vient caractériser un défaut de conformité ; que la jument Bjussica T a d'ailleurs été engagée vingt et une fois, entre la vente et la fin de l'année 2011, puis trente-six fois en 2012, y compris après le diagnostic de la spondylose intervertébrale T10-T11 le 28 mars 2012, le CIRALE émettant un pronostic favorable à la poursuite de sa carrière en CSO au niveau antérieur, le 14 novembre 2012 ;
Considérant qu'en l'absence de démonstration d'un défaut constituant une impropriété à la destination convenue qui se serait manifesté dans les six mois de la vente, M. et Mme [U] ne peuvent pas se prévaloir de la présomption de l'article L. 211-7 du code de la consommation et il leur appartient, dès lors, de prouver l'antériorité du défaut de conformité de la jument Bjussica T à la destination convenue ; or, ils se contentent d'affirmer (page 13 dernier §) que le jugement doit être infirmé afin de faire droit à leurs demandes au titre des dispositions de l'article L 211-4 du code de la consommation ; qu'ils seront déboutés de leur action fondée sur la garantie légale de conformité ;
Considérant que M. et Mme [U] recherchent, à titre subsidiaire, la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil, dans sa version applicable aux faits de la cause, s'appuyant sur les conclusions de l'expert judiciaire pour établir l'antériorité à la vente de la spondylose, pathologie dégénérative, dont souffre la jument Bjussica T ; que, s'appuyant sur les avis qu'elle produit, la société Ellipse critique les conclusions de l'expert, l'impropriété de la jument à concourir étant consécutive à l'arthropathie inter-phalangienne distale antérieure qui s'est manifestée après une entorse survenue lors de sa participation à une épreuve, à [Localité 4], en mai 2012 ; qu'elle avance qu'aucun texte de référence ou de la littérature scientifique ne décrit un lien évolutif entre les conflits de processus épineux dont souffrait la jument et la spondylose et qu'elle relève l'absence de preuve d'une lésion de cette nature avant la vente ;
Considérant que l'article 1641 du code civil énonce que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
Considérant que le professeur [K] écarte l'antériorité de l'arthropathie inter-phalangienne distale antérieure et conclut que la jument présente des lésions évolutives de type dégénératif du squelette axial, ayant débuté avant la vente ; qu'il écrit que la spondylose était présente avant la vente, sans doute à un degré moindre que celui qu'il a constaté (pages 57 de son rapport) précisant plus avant que la pathologie axiale est la conséquence d'une arthrose vertébrale évoquée dans le compte-rendu du docteur [V] par la phrase rapprochement épineux grade I en T11-T14 ;
Que le compte rendu de la visite d'achat informait les acquéreurs des défauts suivants : dos peu musclé mais bonne mobilisation, bas de l'encolure peu musclée, à l'examen dynamique ; volte sol dur : défaut d'incurvation à main droite mais absence de boiterie et volte ; sol mou, défaut de protraction de l'antérieur droit à main gauche ainsi que de l'existence d'un rapprochement épineux de grade 1 de la 11ème à la 14ème vertèbre dorsale, et ce, à partir d'un cliché du docteur [P], vétérinaire du vendeur, réalisé en août 2010 ;
Que, nonobstant la connaissance par les acquéreurs du rapprochement épineux (de stade 1) et des constatations cliniques sus-mentionnées sur lequel l'expert s'appuie pour conclure à une spondylose présente au jour de la vente, celui-ci est dans l'incapacité de préciser l'extension exacte de l'affection à la date de la vente en l'absence de cliché radiologique (page 39 de son rapport) ; que malgré le dire récapitulatif de la société Ellipse sur ce point, étayé par l'avis d'un sachant, l'expert a continué à affirmer une spondylose déclarée en août 2011, sans pour autant compléter son rapport par des éléments de littérature de médecine vétérinaire ou procéder à une démonstration ; qu'il en est de même de l'allégation que les clichés du 28 mars 2012 révéleraient des lésions anciennes de plus d'une année comme d'ailleurs de l'argument d'une quasi-certitude ou d'une fréquence significative de l'évolution des rapprochements épineux en spondylose qui sous-tend ses conclusions ;
Qu'au surplus, en page 24 de son pré-rapport, le professeur [K] regrettait l'absence d'étude radiologique complète puis écrivait qu'il aurait été utile de savoir si les anomalies portaient sur les seules apophyses épineuses ce qui pouvait être considéré comme un élément de risque courant ou si des anomalies du squelette axial étaient présentes ;
Que dès lors, l'antériorité du vice demeure hypothétique et M. et Mme [U] seront déboutés de leurs demandes fondées sur la garantie des vices cachés ;
Considérant les consorts [U] recherchent la responsabilité contractuelle du docteur [V] affirmant que celui a manqué à son obligation de moyens en ne procédant pas aux examens radiologiques qui s'imposaient, ce que le vétérinaire et son assureur contestent disant qu'il n'existe aucun protocole définissant les examens à réaliser et que l'expert ne définit pas les bonnes pratiques mais affirme leur nécessité du fait du prix ; qu'ils relèvent que l'arthropathie n'était pas décelable sur les clichés 2010, contestant qu'elle ait pu être décelée sur des clichés en 2011 ; que, formant appel incident, le docteur [V] et son assureur affirment la nullité de l'expertise, menée en violation du principe du contradictoire, le docteur [V] ayant été tardivement mis en cause et l'opinion de l'expert arrêtée dans son pré-rapport, soit à un moment où le vétérinaire participait aux opérations d'expertise en tant que conseil des consorts [U] ;
Considérant qu'il convient, dès à présent, de relever qu'il n'existe aucun lien contractuel entre le vétérinaire et M. [P] [U], la visite d'achat ayant été facturée aux acquéreurs ;
Considérant que la société Ethias assurances n'était pas partie à l'expertise ordonnée en référé et qu'elle n'a été attraite à la procédure que par acte du 16 juillet 2015, soit après le prononcé de l'ordonnance du 16 avril 2015 rejetant les demandes de contre-expertise ou de complément d'expertise ; que par conséquent, elle a la possibilité de faire sanctionner la méconnaissance par l'expert du principe de l'impartialité en sollicitant la nullité de l'expertise ;
Considérant que l'expert doit être intrinsèquement impartial, mais encore, les circonstances dans lesquelles il intervient ne doivent pas être de nature à faire naître chez les parties un soupçon légitime de partialité ;
Que les consorts [U], alors qu'ils avaient sollicité et obtenu le 12 juillet 2013, la commission d'un expert dont la mission était notamment de dire si la visite vétérinaire d'achat de la jument et le compte-rendu du 16 août 2011 sont compatibles avec les usages, les obligations et l'état actuel de la science vétérinaire, se sont fait assister par le docteur [V], aux opérations d'expertise réalisées avant qu'elles lui soient déclarées communes, le 16 avril 2015 ;
Or, dans son pré-rapport d'expertise du 25 novembre 2013, le professeur [K] analyse le compte-rendu de la visite d'achat du 16 août 2011 qu'il qualifie de sommaire, commente et analyse ce document puis qualifie d'imprudentes les conclusions du docteur [V] en l'absence de clichés radiologiques récents du dos, ajoutant que si ces investigations techniques étaient impossibles, elles auraient dû être conseillées s'agissant d'un cheval vendu 300 000 euros et en l'absence de cet examen complémentaire, la conclusion du docteur [V] aurait dû être réservée et non pas favorable (...) Le certificat du docteur [V] ne précise pas les conditions de travail du cheval avant l'examen. Il ne précise par non plus avoir proposé à l'acheteur une prise de sang pour rechercher d'éventuels résidus médicamenteux capables de masquer une éventuelle anomalie locomotrice. A titre indicatif, non joignons à ce rapport un formulaire de visite d'achat utilisé par certaines cliniques vétérinaires qui montre ce que nous considérons comme étant une visite d'achat effectuée selon les normes de la profession. Ce formulaire permet, en effet, d'indiquer de manière expresse les éléments vérifiés et les éléments non vérifiés ainsi que les résultats des investigations ;
Qu'au-delà de la déloyauté procédurale qui consiste à se faire assister par une personne dont la responsabilité est recherchée, il ressort de ce qui précède que l'expert, ainsi que l'invitait la mission qui lui était confiée, a émis un avis circonstancié et étayé par des documents qu'il annexait à son rapport ; que dès lors, le docteur [V] et son assureur pouvaient légitimement s'interroger sur la partialité de l'expert, lorsque après avoir repris ses opérations et entendu le vétérinaire, il reprenait ses premières conclusions dans des termes et pour des motifs identiques ;
Qu'il convient, par conséquent, d'annuler les opérations et les conclusions du professeur [K], mais uniquement en ce qu'elles se rapportent aux investigations menées par le docteur [V] à l'occasion de la visite d'achat, seules menées en violation du principe d'impartialité ;
Considérant que, sur la faute imputée au docteur [V], les consorts [U] reprennent les conclusions de l'expert judiciaire, qui sont annulées ; qu'ils retiennent également ce qu'ils qualifient d'aveu du docteur [V], lorsque celui-ci a conclu qu'il n'existe aucun élément objectif qui vienne attester de l'existence d'une spondylose au moment de l'achat en août 2011, faute d'avoir effectué une radio du dos ;
Que, contrairement aux allégations des consorts [U], cette phrase ne constitue que le constat d'un état de fait et non l'aveu de la faute qu'ils y voient ;
Que le rapprochement épineux ainsi que les autres défauts de la jument sont décrits au compte-rendu de la visite d'achat, ce qui justifiait d'ailleurs un avis faisant état de risques courants, ce que les consorts [U] ne pouvaient pas assimiler à une absence de risque significatif, dans la mesure où ils ne sont nullement des acquéreurs néophytes puisqu'ils montaient et avaient acquis de nombreux chevaux et qu'ils étaient particulièrement impliqués dans la discipline équestre du concours de saut d'obstacles ;
Que certes, l'absence de réalisation d'un examen radiologique récent du dos est critiquable, mais il n'est nullement démontré que des anomalies portant sur les seules apophyses épineuses ne pouvaient pas être considérées comme un élément de risque courant, et ainsi que est retenu ci-dessus, il n'est nullement fait la démonstration d'une évolution péjorative du rapprochement épineux entre la réalisation de clichés en août 2010 et la vente en août 2011 ; que dès lors, les appelants ne peuvent arguer du fait, qu'informés d'une spondylose, ils n'auraient pas acquis la jument Bjussica T ;
Qu'au surplus, les appelants d'une part, sollicitent l'indemnisation de leur entier préjudice, alors que l'absence de réalisation de l'examen radiologique pourrait tout au plus être à l'origine d'une perte de chance de voir révéler l'apparition d'une spondylose et d'autre part, réclament au vétérinaire, non l'indemnisation de leur préjudice en lien avec la faute commise mais les restitutions consécutives à l'anéantissement du contrat de vente ; qu'enfin, s'agissant de leur préjudice moral, ils se contentent d'affirmer qu'ils avaient mis tous leurs espoirs dans la jument Bjussica T, sans pour autant caractériser ce préjudice comme son lien avec la faute imputée au vétérinaire ; qu'ils sont tout aussi défaillants dans la preuve qui leur incombe, que l'abandon de la compétition par M. [P] [U] trouverait sa cause dans l'impossibilité de monter Bjussica T ;
Que dès lors, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle déboute les consorts [U] de leurs demandes à l'encontre du docteur [V] et de son assureur ;
Considérant enfin, que la société Ellipse réclame une somme de 15 000 euros pour tous les désagréments et frais engendrés par l'action des appelants, sans pour autant alléguer ou caractériser une faute des consorts [U] dans l'exercice de leur droit de soumettre le litige au juge et sans démontrer l'existence d'un préjudice, au-delà des frais indemnisés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les consorts [U] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à rembourser les frais engagés par leurs adversaires pour assurer leur défense en cause d'appel, dans la limite de 5 000 euros à la société Ellipse d'une part, et de 5 000 euros au docteur [V] et à son assureur d'autre part ; que les dispositions du jugement entrepris sur la charge des frais répétibles et irrépétibles sera confirmée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 avril 2017 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'expertise judiciaire du professeur [K] et en ce qu'il a, afin de débouter les consorts [U] de leurs demandes fondées sur les dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation, dit qu'il n'avait pas la qualité de consommateur et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Annule les opérations et les conclusions du professeur [K] mais uniquement en ce qu'elles se rapportent aux investigations menées par le docteur [V] à l'occasion de la visite d'achat ;
Déclare M. [P] [U] irrecevable à agir sur le fondement de la garantie de conformité de l'article L. 211-1 du code de la consommation et en garantie des vices cachés ;
Dit que M. [A] [U] et Mme [R] [U] ont la qualité de consommateur au sens de l'article L. 211-1 du code de la consommation ;
Déboute M. [A] [U] et Mme [R] [U] de leur action fondée sur les articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation ;
Condamne in solidum MM. [A] et [P] [U] et Mme [R] [U] à payer d'une part, à la société Ellipse la somme de 5 000 euros et d'autre part, au docteur [V] et à la société Ethias assurances la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE