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04/07/2019 | FRANCE | N°17/07928

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 04 juillet 2019, 17/07928


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 04 JUILLET 2019



(n° 2019 - 228, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07928 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3D74



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07975





APPELANTS



Monsieur [G] [H]

Agissant

en qualité d'héritier de [W] [I], veuve [H], décédée le [Date décès 1] 2015

Né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



ET



Monsieur [Z] [H]

Agissant en qual...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 04 JUILLET 2019

(n° 2019 - 228, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07928 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3D74

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07975

APPELANTS

Monsieur [G] [H]

Agissant en qualité d'héritier de [W] [I], veuve [H], décédée le [Date décès 1] 2015

Né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

ET

Monsieur [Z] [H]

Agissant en qualité d'héritier de [W] [I], veuve [H], décédée le [Date décès 1] 2015

Né le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistés à l'audience de Me Daphné BES DE BERC de la SELEURL DAPHNE BES DE BERC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0030

INTIMES

Monsieur [J], [E], [B], [A] [H]

Né le [Date naissance 1] 1939 à PARIS

[Adresse 3]

[Localité 3]

ET

Madame [D], [S], [E], épouse [V], née [H]

Née le [Date naissance 1] 1944 à PARIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

ET

Madame [H], [E], [Q], épouse [L], née [H]

Née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistés à l'audience de Me Pierre-françois VEIL de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

La SARL MICHEL TIROUFLET CONSEIL SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 351 890 785 00055

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée à l'audience de Me Thibault DE MONTBRIAL de la SELAS MI2 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0864

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Patricia LEFEVRE, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI greffière présente lors du prononcé.

**************

Suite au décès survenu en 1984 de M. [F] [H], actionnaire historique et président directeur général jusqu'en 1977 de la société de courtage en assurances [D] [N], son épouse Mme [W] [I] née le [Date naissance 3] 1916, recevait des actions de cette société en pleine propriété. En 1988, elle a fait donation partage de la nue propriété de la quasi-totalité des actions qu'elle détenait à ses cinq enfants, [J], [G], [Z], [H] et [D] [H], ceux-ci recevant chacun, des droits démembrés de 2 206 actions.

La société [D] [N], alors présidée par M. [J] [H], a été restructurée en 1992 pour devenir la société [D] [N] & Cie. A cette occasion, Mme [W] [H] a cédé la quasi-totalité des titres qu'elle restait détenir en pleine propriété. Deux de ses fils, MM. [G] et [Z] [H], ont également vendu leurs actions, désintéressant leur mère de son usufruit sur la base du barème fiscal applicable aux mutations à titre onéreux.

A l'issue de cette opération, Mme [W] [H] conservait trois actions en pleine propriété de la société [D] [N] & Cie, ainsi que 6 618 actions en usufruit, dont la nue propriété appartenait par tiers à ses enfants [J], [D] et [H] [H].

En 2009, la société Astorg Partners, société de capital investissement est entrée au capital de la société [D] [N] à hauteur de 31,8%, le groupe faisant alors l'objet d'une restructuration avec la mise en place d'un financement de type LBO (leverage buy out) consistant à faire racheter l'ancienne société par la nouvelle structure, le recours à l'emprunt conduisant à une nouvelle répartition du capital entre les familles [D] et [H], actionnaires historiques de l'entreprise et les sociétés Willis et Astorg Partners entrées au capital.

La société Michel Tirouflet Conseil, société de conseil en gestion de patrimoine, qui dit avoir été approchée par [D], [H] et [J] [H] pour conseiller leur famille dans le cadre de cette opération, a établi à l'intention de Mme [W] [H] deux notes datées des 19 février et 16 novembre 2009 relatives à cette opération et aux placements envisagés, puis elle lui a adressé, à la suite d'un entretien du 20 décembre 2010, un courrier explicitant les termes de l'opération.

Dans le cadre de cette restructuration, les 6 618 actions de [D] [N] & Cie détenues par [W] [H] en usufruit avec ses trois enfants, d'une valeur de l'ordre de 68 millions d'euros, ont fait l'objet des opérations suivantes :

- la moitié d'entre elles, soit 3 309 actions d'une valeur de l'ordre de 34 millions d'euros, était apportée le 16 décembre 2009 à une société luxembourgeoise, Lucaslux, composée des membres de la famille [H], dont [W] [H] devenait usufruitière, laquelle société apportait le 17 décembre 2009, les actions [D] [N] & Cie ainsi reçues à la société holding française GS & Cie Groupe en contrepartie d'actions de cet holding et d'obligations convertibles en actions, rémunérées par un intérêt de 10 % l'an et capitalisé ;

- les 3 309 autres actions [D] [N] & Cie détenues par [W] [H] en usufruit étaient vendues aux sociétés GS & Cie Groupe et GS Financière pour un prix de 10 225,65 euros par action, soit 33,8 millions d'euros au total et sur la somme tirée de cette cession :

- celle de 21,7 millions d'euros était prêtée, dans le cadre d'un crédit vendeur rémunéré à un taux de 6 % l'an ;

- le solde a été utilisé de la manière suivante : 9 912 077 euros étaient réinvestis dans des sociétés civiles créées par chacun des trois enfants nus propriétaires de [W] [H], à savoir [J], [D] et [H] [H] et leurs propres enfants, dont [W] [H] détenait l'usufruit des parts, 1 361 000 euros servaient à payer l'impôt dû sur la plus-value et 869 000 euros étaient affectés à la souscription d'actions de la société Dream Management 2.

Le 17 juillet 2012, MM. [Z] et [G] [H] ont déposé une requête en ouverture d'une procédure de protection des majeurs devant le juge des tutelles de Courbevoie qui, le 13 août 2012, a placé Mme [W] [H] sous sauvegarde de justice, puis sous tutelle le 11 juin 2013. Son fils [G] a été désigné tuteur, son mandat ayant été limité ensuite à la tutelle à la personne, M. [M] [R], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ayant été désigné tuteur aux biens.

C'est dans ce contexte que, par acte extra-judiciaire en date du 7 novembre 2013, Mme [W] [H], alors représentée par M. [G] [H] en sa qualité de tuteur, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, [J], [H] et [D] [H], leurs enfants et les sociétés civiles constituées entre ceux-ci, dans lesquelles une partie du prix de cession des actions [D] & [N] et Cie qu'elle détenait en usufruit avait été investie. La société Michel Tirouflet Conseil a également été mise en cause. Cette action tendait principalement à obtenir l'annulation des sociétés civiles constituées et l'indemnisation du préjudice financier subi par [W] [H] qui n'en percevait pas les revenus. En cours d'instance, un protocole d'accord a été établi entre les membres de la famille [H] mais Mme [W] [H] est décédée, le [Date décès 1] 2015, avant que cette transaction ne soit autorisée par le juge des tutelles. MM. [Z] [H] et [G] [H] ont notifié le décès de leur mère, indiquant reprendre cette procédure, le 9 avril 2015, en leur qualité d'héritiers de [W] [H]. Par un jugement définitif du 17 novembre 2016, Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] ont été condamnés à rapporter à la succession diverses sommes pour un montant total de plus de 1,5 millions d'euros, MM. [G] et [Z] [H] devant rapporter des prêts consentis par la défunte à hauteur de 130 000 euros chacun.

Par un acte extra-judiciaire du 3 juin 2015, MM. [Z] [H] et [G] [H] ont, en leur qualité d'héritiers de [W] [I] veuve [H], fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [J] [H], Mme [H] [H] épouse [L], Mme [D] [H] épouse [V] et la société Michel Tirouflet Conseil à titre principal, en nullité pour dol des conventions conclues dans le cadre de la restructuration de 2009, soit les conventions de quasi-usufruit du 10 juillet 2010 et des contrats de prêt du 15 juillet 2010, sollicitant la restitution en valeur de l'usufruit et des dommages et intérêts et subsidiairement en responsabilité.

Par jugement en date du 2 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté la demande de Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] tendant à voir déclarer irrecevable la pièce portant le n°78 du bordereau de communication de pièces de MM. [G] et [Z] [H] ;

- rejeté l'ensemble des demandes de MM. [G] et [Z] [H] ;

- rejeté les demandes reconventionnelles en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive de Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] et de la société Michel Tirouflet Conseil ;

- condamné in solidum MM. [G] et [Z] [H] aux dépens autorisant les conseils à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum MM. [G] et [Z] [H] à payer la somme de 3 000 euros chacun à Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] ainsi que la somme de 5 000 euros à la société Michel Tirouflet Conseil au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MM. [G] et [Z] [H] ont interjeté appel, le 12 avril 2017 et aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 28 mars 2019, ils demandent à la cour de les recevoir en leur appel et le déclarer bien fondé, et, au visa des articles 582, 599, 1108, 1109, 116, 1134 et 1382 du code civil, à titre liminaire de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la pièce n°78 qu'ils produisent et, y ajoutant, de juger qu'elle peut être prise en considération à titre de preuve d'un fait juridique et, à titre principal d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté le dol et statuant à nouveau, sous divers dire et juger reprenant leurs moyens, de :

- sur l'apport des actions [D] [N] & Cie à la société GS & Cie Groupe via la société Lucaslux, condamner in solidum M. [J] [H], Mme [D] [V], Mme [H] [L] et la société Tirouflet Conseil à payer à la succession de [W] [H] la somme de 12 392 602 euros ou, à tout le moins, celle de 6 200 456, 55 euros, à titre de dommages-intérêts ;

- sur l'emploi des sommes provenant de la cession des actions [D] [N] & Cie, condamner in solidum M. [J] [H], Mme [D] [V], Mme [H] [L] et la société Michel Tirouflet Conseil à payer à la succession de [W] [H], à titre de dommages-intérêts, les sommes de 159 241,27 euros et de 337 078, 59 euros (soit 249 398,59 + 87 680 euros) ;

A titre subsidiaire, ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté la faute et sous divers dire et juger, ils réclament la condamnation in solidum des intimés au paiement des sommes sus-mentionnées.

En tout état de cause, ils demandent à la cour de débouter M. [J] [H], Mme [D] [V] et Mme [H] [L] de leur demande en paiement de dommages et intérêts et de condamner in solidum les parties succombantes à leur payer une indemnité de 35 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de condamner in solidum les intimés aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 8 septembre 2017, Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] demandent à la cour, au visa des articles 1222 et suivants du code de procédure civile et 1116 et 1382 du code civil, à titre liminaire, d'ordonner le rejet des débats de la pièce n°78 produite par MM. [G] et [Z] [H] et la suppression dans leurs écritures de toutes références à cette pièce.

Au fond, ils sollicitent la confirmation l'ensemble de ses dispositions du jugement entrepris, non contraires au dispositif de leurs écritures et que MM. [G] et [Z] [H] soient déboutés de leurs prétentions et condamnés in solidum à leur payer, à chacun, la somme de 15 000 euros à titre dommages intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à chacun une indemnité de procédure de 25 000 euros et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 8 novembre 2017, la société Michel Tirouflet Conseil, demande à la cour, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, sous divers dire et juger reprenant ses moyens, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes tant sur le fondement du dol que de la faute professionnelle et, recevant son appel incident, de le déclarer bien fondé et, infirmant le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, de condamner in solidum MM. [G] et [Z] [H] au paiement de la somme de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral. Elle s'en rapporte à la sagesse du tribunal sur l'appel incident de Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] et réclame, en tout état de cause, la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné les appelants à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation au paiement d'une somme de 20 000 euros sur ce même fondement à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 17 avril 2019.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'en premier lieu, MM. [G] et [Z] [H] critiquent la décision en ce qu'elle a, bien que jugeant régulière la production, en pièce 78, de la retranscription des auditions de Mme [W] [H] par le juge des tutelles, déclaré cette pièce dépourvue de valeur probante ; qu'ils affirment qu'elle doit être retenue comme preuve, les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité et, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une attestation, mais d'une retranscription, l'identité de son auteur n'ayant pas d'incidence sur sa validité ; que les intimés objectent que la production de cette retranscription contrevient aux dispositions de l'article 1223 du code de procédure civile ;

Considérant que les articles 1222 à 1224 du code de procédure civile organisent la consultation du dossier de tutelle et la délivrance de copie, l'article 1223 énonçant que l'avocat du majeur à protéger ou protégé peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier. Il ne peut communiquer les copies ainsi obtenues ou leur reproduction à son client ou à un tiers ; que l'article 1223-1 précise notamment qu'après le prononcé de la mesure de protection le juge des tutelles peut autoriser, sur justification d'un intérêt légitime, la délivrance d'une copie d'une ou plusieurs pièces du dossier au majeur protégé ou à la personne chargée de la mesure de protection ;

Considérant que la loyauté dans l'administration de la preuve fondée sur les dispositions de l'article 9 du code de procédure civile aux termes duquel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, ainsi que l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'ils puissent être produit aux débats et retenus des éléments de preuve obtenus en violation des articles 1222 à 1224 du code de procédure civile ;

Or en l'espèce, en l'absence de désignation par les parties intimées de l'auteur probable de cette retranscription, il ne peut être retenu qu'elle émanerait du conseil de Mme [W] [H] seul soumis à l'interdiction de communiquer les copies d'actes qui lui ont été délivrées ;

Qu'en revanche, tant l'absence d'identification du rédacteur de ce document qui exclut qu'il puisse être vérifié s'il pouvait ou non accéder au dossier de tutelle que le fait qu'il est impossible de vérifier la fidélité de cette prétendue transcription excluent, ainsi que l'a retenu le tribunal, qu'il puisse être conféré à ce document la moindre valeur probante, la décision déférée devant être confirmée en ce qu'elle rejette la demande tendant à voir écarter cette pièce des débats ;

Considérant au fond, que MM. [G] et [Z] [H] affirment l'existence d'un dol déterminant, constitué par le silence volontairement gardé par leurs frère et soeurs, corroboré par l'intervention de la société Michel Tirouflet Conseil, des modalités de rémunération de l'apport en nature des actions de la société [D] [N] ; qu'ils affirment la violation par M. [J] [H] de son obligation d'information, relevant qu'il a signé les actes à titre personnel, comme représentant de la famille et gérant de la société [H]lux et à ce titre, il était débiteur d'une obligation d'information ; qu'ils relèvent les omissions commises par la société Michel Tirouflet Conseil et l'absence de conseils au côté de Mme [W] [H] ; qu'ils critiquent également l'attitude de leurs frère et soeurs à l'occasion du remploi des sommes devant être réinvesties et générer des revenus au profit de Mme [W] [H] ;

Que les intimés contestent l'existence d'une dissimulation, d'une tromperie qui leur serait imputable, disant que Mme [W] [H] a été informée de l'opération de LBO et a consenti en connaissance de cause à sa réalisation, opération dont ils affirment la nécessité ; qu'ils allèguent que M. [J] [H], dirigeant de la société [D] [N] a participé à l'opération de LBO à titre personnel et qu'il a d'ailleurs fourni à sa mère les informations sur la rémunération des apports, celle-ci ayant formulé pour seule exigence que ses revenus soient maintenus et sécurisés, comme ils l'étaient avant ; qu'ils avancent que leur mère devait percevoir, tant que la LBO était en cours, aux lieu et place de ses dividendes, les intérêts du crédit-vendeur au taux de 6 ,soit la somme annuelle de 1 304 000 euros puis, lorsque la LBO serait débouclée, les intérêts annuels des obligations, ajoutant qu'elle a été conseillée et informée par la société intimée ;

Considérant l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause, énonce que : le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Que les appelants doivent donc établir la réalité des agissements qui auraient provoqué l'erreur de Mme [W] [H], le caractère intentionnel du comportement des intimés et le caractère déterminant du dol allégué ;

Considérant que le défaut d'information stigmatisé par les appelants porte sur deux aspects de la restructuration de la société [D] [N] & Cie, soit, d'une part, la rémunération de l'apport en nature de la moitié des obligations sur lequel s'exerçait l'usufruit de Mme [W] [H] et, d'autre part, les revenus attendus des investissements du prix de cession de l'autre moitié des actions ;

Considérant qu'il est constant qu'en contrepartie de l'apport en nature de la moitié des obligations sur laquelle s'exerçait l'usufruit de Mme [W] [H] avec l'interposition de la société holding familiale Lucaslux, créée à cette occasion, cette société recevait des obligations convertibles en actions rapportant des intérêts au taux de 10 % l'an, qui ne seraient pas distribués mais capitalisés et versés au dénouement de la LBO ;

Considérant en premier lieu, que la société Michel Tirouflet Conseil a été approchée par Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H], ainsi qu'il ressort de ses conclusions et sa pièce n°7, afin de les conseiller ; que l'un des aspects de cette mission consistait à informer Mme [W] [H] des conséquences patrimoniales et fiscales pour elle de l'opération de restructuration LBO envisagée (...), la société précisant que les instructions de [H], [D] et [J] [H] ont été formelles : préparer une explication limpide des opérations prévues de façon que Mme [W] [H] en ait une idée aussi claire que possible et travailler sur le ou les schémas permettant à Mme [W] [H] de disposer de revenus semblables à ceux qu'elle percevait avant l'opération de façon à éviter toute contestation possible de la part de leurs frères [G] et [Z] ;

Qu'il en ressort également que la société Michel Tirouflet Conseil a rédigé après la réalisation de l'opération de LBO, les conventions de quasi-usufruit et les contrats de prêts signés, les 10 et 15 juillet 2010, entre Mme [W] [H] et ses enfants ;

Que la première note, datée du 19 février 2009, décrit l'opération et précise que l'opération de restructuration fera qu'il n'y aura probablement pas de dividendes distribués aux détenteurs des nouveaux titres puisque le résultat de la société sera en priorité affecté au remboursement de la dette contractée par le holding pour acheter la société ainsi que les conséquences fiscales de l'opération ; qu'elle informe également sa destinataire sur la substitution aux dividendes perçus jusqu'alors des intérêts sur le prix de la vente à terme et les revenus des placements, examinant ces deux opérations dans la perspective d'un apport et d'une cession portant chacune sur un tiers de ses actions, la société Michel Tirouflet Conseil envisageant ensuite plusieurs pistes pour définir le devenir du reste des actions ;

Que la seconde note au mois de novembre 2009, décrit sommairement l'opération qui sera réalisée ensuite et la rémunération attendue d'une part du crédit vendeur (1,43 millions d'euros) et d'autre part, du réinvestissement du prix de cession (340 000 euros) ;

Que force est de constater que, si la société Michel Tirouflet Conseil explique clairement l'apport réalisé de la moitié des actions de la société [D] [N] à une société holding représentant les intérêts de la famille qui les apportera à une nouvelle entité, elle ne délivre aucune information quant au fait que les obligations convertibles attribuées en contrepartie de cet apport étaient assorties d'intérêts au taux de 10 % l'an et que ces intérêts, capitalisés, seraient versés au débouclage de la LBO prévue en 2029 ;

Que M. [J] [H] en tant que gérant de la société holding familiale (Lucaslux) était tenu à une information complète sur cet aspect de l'opération, et force est de constater qu'aucune pièce ne vient conforter ses allégations quant à l'information de sa mère sur la rémunération de l'apport de la société Lucaslux au travers des intérêts des obligations convertibles ;

Que dès lors, l'interposition d'une société de conseil pour délivrer l'information due à Mme [W] [H] apparaît comme une manoeuvre, tant de M. [J] [H] que de Mme [H] [L] et de Mme [D] [V], la définition de la mission qu'ils ont tous trois confiée à la société Michel Tirouflet Conseil mettant l'accent sur le maintien des revenus de l'usufruitière et faisant que le conseil s'est contenté d'une description schématique de l'opération de LBO, sans entrer dans le détail des conditions des apports successifs des titres sur lesquels s'exerçait l'usufruit de Mme [W] [H] ;

Qu'en revanche et ainsi que l'a retenu le tribunal, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'avisée des modalités de rémunération de l'apport en nature, Mme [W] [H] aurait refusé de souscrire à l'opération, alors que celle-ci lui assurait, ainsi qu'il ressort de la présentation qui en était faite, des revenus fixes, dont le montant et le versement n'étaient plus affectés par les aléas de la vie économique et qui de plus, étaient supérieurs à ceux qu'elle recevait jusqu'alors ;

Que l'inadéquation, entre le montant de son usufruit qui ne s'exerçait plus que sur la moitié de son capital alors qu'elle devait régler la totalité de l'impôt sur la fortune, dénoncée par Mme [W] [H] dans les courriers adressés à son fils au mois d'octobre 2011, n'a nullement été dissimulée, dès lors que Mme [W] [H] était en mesure d'en faire le constat à la lecture des notes de la société Michel Tirouflet Conseil ;

Que, s'agissant de la rémunération des investissements réalisés en remploi du prix de cession de 3 309 actions de la société [D] [N], tant les manoeuvres alléguées que la faute de la société Michel Tirouflet Conseil ne reposent sur aucune argumentation pertinente ; qu'en effet, les appelants mettent en exergue le contenu des notes sus-mentionnées sans établir que les actes juridiques - statuts des sociétés, conventions de quasi-usufruit - ne permettaient pas la réalisation des promesses faites par Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] quant aux revenus attendus de ces placements ; qu'en réalité et ainsi que le font remarquer MM. [G] et [Z] [H], l'atteinte aux droits de Mme [W] [H] dont ils se plaignent est consécutive non aux conventions régularisées mais à des actes postérieurs, soit les décisions prises par les gérants des sociétés civiles et les prêts consentis à ses enfants par Mme [W] [H] ;

Que dès lors, en l'absence de preuve du caractère déterminant de l'erreur provoquée s'agissant du premier grief et de manoeuvres dolosives avérées s'agissant du second, le dol doit être écarté et MM. [G] et [Z] [H] seront déboutés de leurs demandes sur ce fondement ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, MM. [G] et [Z] [H] recherchent la responsabilité quasi-delictuelle de Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] et de la société Michel Tirouflet Conseil, dénonçant l'atteinte à l'usufruit de leur mère en contravention avec l'article 599 du code civil, dès lors que celle-ci a été convaincue de consentir à l'opération de LBO, au détriment de ses intérêts ;

Que force est de constater que les appelants ne font que reprendre leur argumentation au titre du dol qui, selon eux, aurait affecté le consentement de leur mère or, celui-ci a été écarté par la cour et dès lors ils ne peuvent se plaindre d'un préjudice né de la capitalisation, et donc de l'absence de perception annuelle des intérêts des obligations convertibles attribuées à la société Lucaslux ; qu'au surplus, leur démonstration repose sur le postulat que l'interposition de la société holding Lucaslux serait frauduleuse, alors qu'ils n'apportent aucun élément aux débats venant contredire sa nécessité au regard des exigences des banques en matière de garantie et qu'il doit être relevé que Mme [W] [H] était informée de l'interposition de la société holding par les notes de la société de conseil ;

Que, s'agissant des revenus des remplois du prix de cession des 3 309 actions, la cour doit constater que dans son jugement définitif du 17 novembre 2016, le tribunal a retenu la violation par Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] de leur obligation de préserver les droits de l'usufruitier, à l'occasion de la gestion des sociétés civiles et des contrats de capitalisation, les condamnant au paiement des plus values des contrats de capitalisations éludés ;

Que MM. [G] et [Z] [H] réclament, en sus, l'indemnisation d'un préjudice financier lié au rendement que leur mère aurait pu tirer des revenus ainsi éludés, mais ils ne font nullement la démonstration que Mme [W] [H] aurait placé les sommes qu'elle devait percevoir des SCI et des contrats de capitalisation plutôt que de les affecter au maintien de son train de vie alors qu'ainsi qu'ils l'écrivent (page 18 de leurs conclusions) ses ressources étaient alors réduites de 98 % ;

Qu'enfin, MM. [G] et [Z] [H] réclament la condamnation de la société Michel Tirouflet Conseil au paiement de différentes sommes correspondant soit au manque à gagner de la défunte, soit à des pertes de rendement de ses avoirs en réparation d'un défaut d'information ; que les appelants ne tentent nullement de démontrer la faute de la société de conseil, dans l'exécution de la mission qui lui était confiée par trois des enfants de Mme [W] [H] et qui constituerait, à l'égard de cette dernière, une faute quasi-délictuelle et surtout, ils se dispensent de caractériser un préjudice qui ne peut être constitué qu'en une perte de chance de la conclusion de l'opération, selon d'autres modalités financières et notamment sans blocage de la rémunération des obligations convertibles ;

Que dès lors, en l'absence de preuve d'un tel préjudice tant au titre de l'apport des titres en société que des remplois de fonds, pour les motifs retenus ci-dessus, la demande à l'encontre de la société Michel Tirouflet Conseil ne peut pas prospérer ;

Qu'en conséquence, les demandes de MM. [G] et [Z] [H] à l'encontre de leurs frère et soeurs et de la société conseil, fondées sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, seront également rejetées, la décision déférée devant être confirmée de ce chef ;

Considérant sur les demandes reconventionnelles des intimés, Mme [H] [L], Mme [D] [V] et M. [J] [H] prétendent à l'indemnisation d'un préjudice moral consécutif à l'abus de droit d'ester en justice qu'ils imputent aux appelants, sans tenter de le caractériser ; que la société Michel Tirouflet Conseil prétend également victime de l'acharnement procédural des appelants sans justifier de l'atteinte à sa probité, à son éthique et partant à sa réputation, par un débat limité à l'enceinte judiciaire ;

Que la décision déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle rejette ces demandes ;

Considérant que MM. [G] et [Z] [H] seront condamnés aux dépens et à rembourser les frais exposés par les parties intimées pour assurer leur défense, la décision déférée devant être confirmée sur la charge des dépens et frais irrépétibles de première instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 2 mars 2017 ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [G] [H] et M. [Z] [H] à payer à la société Michel Tirouflet Conseil la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [G] [H] et M. [Z] [H] à payer à Mme [H] [L], à Mme [D] [V] et à M. [J] [H], chacun, la somme de 3 000 euros (soit au total 9 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] [H] et M. [Z] [H] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/07928
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°17/07928 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;17.07928 ?
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