Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 27 JUIN 2019
(n°2019 - 219, 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07791 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DRG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/14621
APPELANTE
L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE SOLIDARITE DU TOURISME, agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 1]
Assistée à l'audience de Me Romain GIRAUD, avocat au barreau de PARIS, substituant
Me Guillaume SELNET de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J087
INTIMÉ
Comité central d'entreprise BNP PARIBAS, pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté et assisté à l'audience de Me Laurence JEGOUZO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1079
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Mai 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre
Madame Patricia LEFEVRE, conseillère
Madame Marie-José BOU, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Marie-José BOU, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.
**************
Le comité central d'entreprise BNP Paribas (ci-après le CCE) a conclu avec la société Consult voyages plusieurs contrats portant sur des voyages de groupe selon le détail suivant :
- pour son compte par contrat n°33112/10 du 25 juin 2014, un voyage de 12 jours/10 nuits au Guatemala et au Honduras du 9 au 20 septembre 2015, au prix total de 46 800 euros pour un groupe de 24 personnes avec versement d'un acompte de 14 040 euros encaissé en deux temps, 7 020 euros le 3 juillet 2014 et une somme de même montant le 17 juillet 2014,
- pour le compte du comité d'établissement des pôles et fonctions BNP Paribas (CEPF), par contrat n° 33113/10 du 25 juin 2014, un voyage de 5 jours/4 nuits en Espagne du 13 au 17 mai 2015 au prix total de 21 480 euros pour un groupe de 24 personnes avec versement d'un acompte de 5 370 euros encaissé le 14 août 2014,
- pour son compte, par contrat n° 33234/2 du 5 août 2014, un voyage de 11 jours/8 nuits au Sri Lanka du 4 au 14 novembre 2015, au prix total de 41 550 euros pour un groupe de 30 personnes avec versement d'un acompte de 12 465 euros perçu le 14 août 2014,
- pour son compte, par contrat n° 33235/2 du 5 août 2014, un voyage de 11 jours/8 nuits au Sri Lanka du 25 novembre au 5 décembre 2015, au prix total de 41 550 euros pour un groupe de 30 personnes avec versement d'un acompte de 12 465 euros encaissé le 14 août 2014,
- pour le compte du comité régional ouest BNP Paribas (CE ouest), par contrat n° 33273/410 du 16 septembre 2014, un voyage de 4 jours/3 nuits à [Localité 2] du 18 au 21 septembre 2015, au prix total de 22 600 euros pour un groupe de 40 personnes avec versement d'un acompte de 6 800 euros perçu en deux temps, 3 400 euros le 3 octobre 2014 et une somme de même montant le 15 octobre 2014,
- pour le compte du comité d'établissement des groupes de production et d'appui commercial (CE GPAC), par contrat n° 33286/2 du 17 septembre 2014, ultérieurement modifié par avenant, un voyage de 4 jours à [Localité 3] du 12 au 14 juin 2015, au prix total de 20 800 euros pour un groupe de 30 personnes avec versement d'un acompte de 2 988 euros à la signature,
- pour son compte, par contrat n°33306/10 du 29 septembre 2014, un voyage de 16 jours/13 nuits en Birmanie du 25 janvier au 9 février 2015, au prix total de 60 165 euros pour un groupe de 21 personnes avec versement d'un acompte de 30 000 euros encaissé en deux temps, 10 000 euros à la signature et 20 000 euros le 27 novembre 2014,
- pour son compte, par contrat n° 33345/10 du 28 octobre 2014, un voyage de 10 jours/7 nuits au Cambodge du 25 janvier au 3 février 2015, au prix total de 27 520 euros pour un groupe de 16 personnes avec versement d'un acompte de 13 200 euros perçu le 30 octobre 2014.
Par lettre du 23 décembre 2014, la société Consult voyages a avisé le CCE qu'elle ne possédait plus l'immatriculation Atout France et ne pouvait poursuivre son activité d'agent de voyage.
Le 30 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Consult voyages.
Informé de cette décision le 9 janvier 2015 par une lettre du liquidateur judiciaire, le CCE a déclaré le 3 février 2015 une créance de 91 938 euros se décomposant comme suit :
- s'agissant des contrats conclus pour son compte :
voyage au Guatemala : 14 040 euros
voyages au Sri Lanka : 24 630 euros
voyage en Birmanie : 30 000 euros
voyage au Cambodge : 13 200 euros
- s'agissant des contrats conclus pour le compte de comités d'établissement représentés par le CCE :
voyage à [Localité 2] (CE ouest) : 6 780 euros
voyage à [Localité 3] (CE GPAC) : 2 988 euros
voyage en Espagne (CEPF) : 5 370 euros.
Entre-temps, par lettre recommandée du 23 décembre 2014, le CCE a réclamé la garantie financière de l'association professionnelle de solidarité du tourisme, ci-après l'APST, laquelle l'a refusée au motif qu'elle ne peut bénéficier qu'aux consommateurs ayant directement contracté et non au CCE ayant la qualité de professionnel du tourisme.
C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 13 octobre 2015, le CCE a fait assigner l'APST devant le tribunal de grande instance de Paris en remboursement des acomptes versés.
Par jugement du 28 mars 2017, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
*condamné l'APST à payer au CCE la somme de 91 938 euros par l'effet de sa garantie financière affectée au remboursement en principal d'acomptes reçus par la société Consult voyages au titre des engagements que celle-ci a contractés avec ce comité central d'entreprise avant d'être placée en liquidation judiciaire ;
*débouté l'APST de l'ensemble de ses demandes ;
*condamné l'APST aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'à payer au CCE la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 avril 2017, l'APST a relevé appel de ce jugement.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 19 mars 2019, l'APST demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
*juger que le CCE, en sa qualité de professionnel du tourisme, ne peut bénéficier de la garantie financière que l'APST apportait à la société Consult voyages ;
*condamner en conséquence le CCE à rembourser à l'APST la somme de 94 025,86 euros augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 19 avril 2017 ;
* condamner enfin le CCE à payer à l'APST la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, au bénéfice de Maître Selnet en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er septembre 2017, le CCE demande à la cour, au visa des articles L. 211-18 et suivants, R. 211-26 et R. 211-31 et suivants du code du tourisme, de :
*débouter l'APST de l'ensemble de ses demandes ;
*confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'APST à payer la somme de 91 938 euros par l'effet de sa garantie financière affectée au remboursement en principal d'acomptes reçus par la société Consult voyages au titre des engagements que celle-ci a contractés avec le CCE avant d'être placée en liquidation judiciaire ;
*condamner l'APST, en tant que garantie financière de la société Consult voyages, à payer au CCE BNP Paribas la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'APST poursuit l'infirmation du jugement au motif que sa garantie financière ne profite qu'aux seuls consommateurs finaux. Elle fait valoir que les dispositions de l'article L. 211-18 II a) du code du tourisme, applicables à l'époque, visant les clients stricto sensu, sont issues de la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 ayant partiellement transposé la directive 90/314/CEE du Conseil concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, laquelle tend à la protection des consommateurs. Elle note d'ailleurs que l'article R. 221-26 du code du tourisme dans sa rédaction postérieure aux faits de l'espèce reprend la notion de consommateur final et que le nouvel article L. 211-18 fait référence au voyageur.
Or, elle prétend que le CCE est un professionnel de l'organisation et/ou de la vente de voyages en raison de son immatriculation au registre des opérateurs de voyage, dit registre Atout France, prévu à l'article L. 141-3 a) du code du tourisme et qu'il a agi en l'espèce en tant que véritable professionnel du tourisme, s'étant comporté, non comme un simple intermédiaire, mais comme revendeur à ses propres ressortissants des contrats qu'il a conclus directement avec le tour-opérateur Consult voyages.
Le CCE réplique que, la société Consult voyages étant en liquidation judiciaire, l'APST se doit de rembourser le client en application des articles L. 211-18 et suivants et R. 211-26 du code du tourisme.
Il conteste que la garantie prévue à l'article L. 211-18 précité soit réservée aux consommateurs finaux, se prévalant du terme de client visé par ce texte dans sa version applicable et déniant toute portée aux dispositions du code du tourisme issues de rédactions postérieures aux faits. Il fait valoir que la note de la société Consult voyages du 23 décembre 2014 confirme sa qualité de client et la garantie financière de l'APST à son égard. Il objecte aussi que l'article R. 211-31 du code du tourisme fait référence au créancier, non au consommateur final.
Il s'oppose à son assimilation à un professionnel du tourisme, disant avoir seulement acheté, pour le compte de ses membres, un voyage en tant que client, sans percevoir de rémunération en contrepartie de sa prestation. Il ajoute avoir fait le choix de s'immatriculer auprès d'Atout France pour les cas où il organiserait seul un voyage.
Il résulte de l'article L. 211-18 du code du tourisme dans sa version applicable une obligation d'immatriculation sur un registre tenu par un groupement d'intérêt économique, Atout France, de tous les opérateurs de voyage, quelles que soient les modalités de leur rémunération, définis à l'article L. 211-1 du même code, lesquels incluent les associations et les organismes sans but lucratif qui peuvent organiser des voyages en faveur de leurs membres, catégorie dont font partie les comités d'entreprise. Selon l'article L. 211-18 précité, l'immatriculation suppose de justifier, à l'égard des clients, d'une garantie financière suffisante, spécialement affectée au remboursement des fonds reçus au titre des forfaits touristiques, d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle et de conditions d'aptitude professionnelle.
En l'espèce, il est établi par les pièces versées aux débats et il n'est pas contesté par le CCE que celui-ci est immatriculé au registre tenu par Atout France, la fiche d'immatriculation faisant état de l'identité de son représentant justifiant de l'aptitude professionnelle, du garant financier, soit BNP Paribas, et de l'assureur garantissant les conséquences de la responsabilité civile professionnelle. Il ne saurait sérieusement être prétendu par le CCE que cette immatriculation résulterait d'un simple choix de sa part et non de l'obligation résultant de l'article L. 211-18 susvisé, dès lors qu'il ressort, tant du nombre très important de contrats conclus avec la société Consult voyages sur un laps de temps court, que de la qualité de gestionnaire des vacances du personnel de son représentant indiquée sur la fiche d'immatriculation que le CCE développe de manière régulière et non pas exceptionnelle une activité d'organisation de voyages. La circonstance alléguée de l'absence de rémunération perçue par le CCE pour cette activité est indifférente au regard des textes précités qui ne subordonnent pas la notion d'opérateur de voyage et l'obligation d'immatriculation à une condition de rémunération. Or, il résulte des énonciations précédentes, soit de l'activité régulière en matière de voyages du CCE et des garanties souscrites par lui à cet effet, tant financière qu'en termes de responsabilité civile professionnelle, qu'il doit être considéré comme un professionnel du tourisme et non comme un simple consommateur.
Même si l'article L. 211-18 du code du tourisme vise, au titre de la garantie financière, les clients et que l'article R. 211-26 du même code vise la clientèle sans définir ces termes, la garantie financière prévue par l'article L. 211-18 précité ne saurait bénéficier aux professionnels du tourisme, eux-mêmes soumis à cette obligation de garantie financière, mais aux seuls consommateurs. En effet, cet article est issu de la codification de la loi du 13 juillet 1992 n°92- 645 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours qui a transposé pour partie la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, laquelle distingue les consommateurs qu'elle entend protéger et les professionnels contraints à diverses obligations dont celles de garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur (article 7 de la directive).
En outre, l'APST fait justement valoir que le CCE a agi en l'occurrence comme un véritable professionnel du tourisme, et non pas comme un intermédiaire ou un mandataire transparent ainsi que le soutient l'intimé. La cour se doit de relever à cet égard que le CCE, agissant pour lui-même ou le compte de comités d'établissement, est le seul co-contractant de la société Consult voyages, que le nombre de participants précis n'est pas nécessairement déterminé par les contrats, lesquels prévoient souvent une base de réalisation minimum plus basse que le nombre de participants fixé, et que, a fortiori, l'identité des voyageurs n'est pas connue. Des acomptes ont d'ailleurs été versés par le CCE à la société Consult voyages de manière immédiate ou quasi-immédiate après la signature des contrats, soit indépendamment des acomptes réglés par les salariés qui se sont inscrits pour prendre part à ces voyages.
Dès lors, le CCE n'est pas fondé à solliciter la garantie financière de l'APST et ne peut qu'être débouté de sa demande à son encontre, le jugement étant infirmé en ce sens.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'APST en remboursement des sommes versées par elle au titre de l'exécution provisoire, le présent arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à leur restitution et les intérêts sur ces sommes courant à compter de la signification de l'arrêt valant mise en demeure de payer.
Le CCE sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, débouté de toute demande au titre de l'article de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer sur ce fondement à l'APST la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déboute le comité central d'entreprise BNP Paribas de toutes ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ;
Condamne le comité central d'entreprise BNP Paribas à payer à l'association professionnelle de solidarité du tourisme la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le comité central d'entreprise BNP Paribas aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE