REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 18 JUIN 2019
(no 241 , 4 pages)
No du répertoire général : No RG 19/00241 - No Portalis 35L7-V-B7D-B77M2
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG no 19/01907
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 17 Juin 2019
Décision contradictoire
COMPOSITION
Pascal LACORD, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie PATE, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TGI DE PARIS
[...]
représenté par Mme Brigitte CHEMIN, substitute générale
INTIMES
1o M. P... A... (personne faisant l'objet des soins)
né le [...] à Paris 12 ème
demeurant [...]
actuellement hospitalisé au GHU PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [...]
comparant en personne
assisté de Me Letizia MONNET-PLACIDI, avocat au barreau de PARIS, commis d'office
CURATEUR
UDAF DE PARIS
A l'attention de Mme Q...
[...]
non comparant, non représenté
2o M. LE PREFET DE POLICE
[...]
représenté par Me Charlotte PATRIGEON, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS
ETABLISSEMENT D'HOSPITALISATION
LE DIRECTEUR DU GHU PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [...]
[...]
non comparant, non représenté
DÉCISION
Par arrêté du 25 mars 2019, M. le Préfet de Police a prononcé l'admission en soins psychiatriques de M. P... A..., sur le fondement des articles L.3213-1 et suivants du code de la santé publique, au vu d'un certificat médical constatant que l'intéressé présentait des troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public. Depuis cette date, le patient est pris en charge sous la forme d'une hospitalisation complète au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, site [...].
Par ordonnance du 3 avril 2019, le juge des libertés et de la détention de Paris a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont M. P... A... fait l'objet.
Par arrêté du 24 avril 2019, M. le Préfet de Police a maintenu la mesure de soins psychiatriques prononcée à l'égard de M. P... A... pour une durée de 3 mois, à compter du 25 avril 2019.
Par requête du 19 mai 2019, enregistrée au greffe du juge des libertés et de la détention le 24 mai 2019, M. P... A... a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris afin que soit ordonnée la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.
Par ordonnance du 13 juin 2019, le juge des libertés et de la détention de Paris a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète pour soins psychiatriques dont M. P... A... fait l'objet sans son consentement et dit que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique.
Par déclaration du 13 juin 2019, le procureur de la République de Paris a interjeté appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif.
Par ordonnance du 14 juin 2019, le magistrat délégué par Mme la première présidente de la cour d'appel de Paris a déclaré suspensif l'appel du procureur de la République et ordonné le maintien de M. P... A... à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué au fond à l'audience du 17 juin 2019 devant la cour d'appel de Paris.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 17 juin 2019 devant la cour d'appel de Paris.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction en audience publique.
Le parquet général requiert l'infirmation de l'ordonnance du 13 juin 2019 et la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète en faisant valoir que M. A... ne reconnaît ni qu'il souffre d'un trouble mental ni l'utilité d'une prise en charge.
M. P... A..., assisté de son conseil, sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Son avocat fait valoir :
- que la déclaration d'appel du parquet avec demande d'effet suspensif n'a pas été notifiée à Maître TADJINE, avocat de M. A... devant le juge des libertés et de la détention ; que Maître TADJINE n'a donc pu assister son client dans ce cadre ;
- que la procédure devant le juge des libertés et de la détention est entachée d'irrégularités puisque le juge n'a pas statué dans les 12 jours de sa saisine, que le curateur de M. A... (UDAF 75) n'a pas été convoqué à l'audience et que la procédure prévue par l'article L.3213-5-1 du code de la santé publique n'a pas été observée.
- que le Dr R... indique que des soins ambulatoires peuvent être instaurés.
M. le Préfet de Police de Paris demande l'infirmation de l'ordonnance du 13 juin 2019 et que soit ordonnée la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de M. A....
Il fait valoir que la procédure est régulière puisque M. A... est assisté de son conseil à l'audience de ce jour. Il indique que le patient n'accepte pas les soins, qu'il est violent avec ses parents quand il interrompt son traitement et qu'un programme de soins n'est pas envisageable à ce jour.
M. P... A... a eu la parole en dernier.
MOTIFS
Sur les irrégularités soulevées :
Il ressort des pièces de la procédure que la déclaration d'appel avec demande d'effet suspensif du ministère public a été notifiée à M. A... le 14 juin 2019 à 11h00, l'intéressé ayant été informé la possibilité de formuler des observations dans un délai de deux heures.
L'intéressé a donc été mis à même de transmettre ses observations suivant les modalités prévues par l'article R.3211-20 du code de la santé publique.
En conséquence, il y a lieu de rejeter l'irrégularité soulevée.
L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
En application de ces dispositions, les autres irrégularités soulevées, tenant au fait que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas statué dans les 12 jours de sa saisine, que le curateur de M. A... (UDAF 75) n'aurait pas été convoqué à l'audience devant le juge des libertés et de la détention et que la procédure prévue par l'article L.3213-5-1 du code de la santé publique n'aurait pas été observée, seront déclarées irrecevables.
Sur le fond :
Aux termes de l'article L.3213-1 I du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. (...)
Il ressort de l'article L.3211-12 du même code que la personne faisant l'objet de soins peut saisir, à tout moment, le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatrique prononcée sur décision du représentant de l'Etat, quelle qu'en soit la forme.
En l'espèce, M. P... A..., qui est connu et suivi pour des troubles de la personnalité, a été admis en soins psychiatriques après avoir violenté sa mère, l'avoir menacée de mort à plusieurs reprises et avoir tenu des propos incohérents à l'encontre de fonctionnaires de police de garde devant le commissariat.
A l'audience, M. A... indique qu'il regrette d'avoir bousculé sa mère et qu'il accepte de poursuivre son traitement.
Il ressort du certificat médical de situation établi le 12 juin 2019 par le Dr O... R..., médecin psychiatre du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, que M. P... A... est plus calme, qu'il ne verbalise pas d'idées délirantes, qu'il ne présente aucun trouble thymique caractérisé, que les soins sous contrainte ne sont plus justifiés et que des soins en ambulatoire peuvent être instaurés avec suivi régulier sur le CMP.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance du 13 juin 2019 en ce que le juge des libertés et de la détention a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont M. P... A... fait l'objet sans son consentement et dit que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique.
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire,
Déclarons l'appel recevable ;
Rejetons les irrégularités soulevées ;
Confirmons l'ordonnance querellée ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;
Ordonnance rendue le 18 JUIN 2019 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 18/06/2019 par fax à :
patient à l'hôpital
ou/et par LRAR à son domicile
avocat du patient
directeur de l'hôpital
tiers par LRAR préfet de police
avocat du préfet
curateur par FAX
Parquet près la cour d'appel de Paris
Parquet près le TGI de Paris