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11/06/2019 | FRANCE | N°17/21811

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 11 juin 2019, 17/21811


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 11 JUIN 2019

(n° 2019/ 169 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21811 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RFB



Décision déférée à la Cour : sur renvoi après arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 septembre 2017- Pourvoi n°W 16-23.451, emportant cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 01

juillet 2016 - RG n° 15/03053, sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 19 janvier 2015 - RG n° 12/15689



DEMANDEUR A LA S...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 11 JUIN 2019

(n° 2019/ 169 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21811 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RFB

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 septembre 2017- Pourvoi n°W 16-23.451, emportant cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 01 juillet 2016 - RG n° 15/03053, sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 19 janvier 2015 - RG n° 12/15689

DEMANDEUR A LA SAISINE

L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM) agissant poursuites et diligences de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 180 092 330 00026

Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 722 057 460 01971

Représentée par Me François HASCOET de l'ASSOCIATION HASCOET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A161

Assistée de Me Julie VERDON de l'ASSOCIATION HASCOET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Monsieur Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Julien SENEL, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président de chambre et par Madame Catherine BAJAZET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

'''''

Madame [E] a appris, en1999, qu'elle était contaminée par le virus de l'hépatite C ; imputant cette contamination aux transfusions sanguines reçues en 1983 et 1985 au sein du centre hospitalier universitaire [Établissement 1], elle a sollicité devant la juridiction administrative le paiement d'une provision par l'Etablissement Français du Sang (EFS), dont le versement a été mis à la charge de l'ONIAM, légalement substitué à celui-ci, après que l'origine transfusionnelle de la contamination de Madame [E] eut été admise.

L'ONIAM a ensuite conclu une transaction avec les consorts [E], qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire.

Parallèlement, l'EFS a, le 22 février 2010, assigné en garantie la société Axa France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (l'assureur), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 1] (le CDTS) ayant fourni l'un des produits transfusés à Madame [E] dont l'innocuité n'a pu être établie.

L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité la condamnation de l'assureur au paiement d'un cinquième des sommes versées aux consorts [E].

Par jugement rendu le 19 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que l'EFS est irrecevable à agir en garantie contre la société Axa France Iard au profit de l'ONIAM,

- dit que la prescription biennale n'est pas opposable à l'ONIAM,

- rejeté l'exception de prescription,

- dit que l'article 72 de la loi 2012-1404 du 17 décembre 2012 a vocation à s'appliquer à la présente instance et rejeté le moyen tiré du défaut de conformité de cet article à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1 du protocole additionnel,

- dit que l'ONIAM ne rapporte pas la preuve de ce que la contamination résulterait du lot de produit fourni par le CDTS de [Localité 1],

- débouté en conséquence l'ONIAM de sa demande de garantie de l'assureur du CDTS de [Localité 1] pour les condamnations prononcées du fait de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C ;

- condamné l'EFS et l'ONIAM à payer à la société Axa la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- reconnu à Maître Hascoet le droit de recouvrement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 février 2015, l'ONIAM a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 1er juillet 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 19 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions, au motif notamment que, si sur les 13 produits sanguins administrés à Madame [E], en 1985, 8 produits ont pu être innocentés, les 5 autres, à savoir : le PFC n°504347 provenant du CTS de [Localité 2], les 3 PCF n°105034, 637348 et 627378 provenant du CTS de la Pitié et le CGR n°5230 provenant du CTS de [Localité 1], n'ont pu l'être, les donneurs n'ayant pas été retrouvés.

Y ajoutant, elle a rejeté les demandes formées au titre de la procédure en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné l'ONIAM aux entiers dépens d'appel avec distraction.

La cour avait notamment retenu que la présomption simple d'imputabilité édictée au profit de la victime par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne bénéficie pas à l'ONIAM qui doit rapporter la preuve de la responsabilité du CDTS, qu'il n'est pas établi que le produit sanguin que celui-ci a fourni était contaminé, et qu'en l'absence de preuve de la responsabilité du centre, l'ONIAM ne peut réclamer la garantie de l'assureur.

Saisi par l'ONIAM d'un pourvoi, la cour de cassation a jugé par arrêt du 20 septembre 2017 au visa des articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 et 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Madame [E], dont l'origine transfusionnelle de la contamination avait été admise, avait reçu un produit sanguin provenant du CDTS, dont l'innocuité n'avait pas été établie, de sorte que la responsabilité de celui-ci se trouvait engagée, la cour d'appel avait violé les textes susvisés ; la cour de cassation a par ailleurs jugé qu'il y avait lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, l'EFS dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'était pas nécessaire à la solution du litige.

Elle a ainsi cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a dit que l'ONIAM ne rapportait pas la preuve de ce que la contamination résulterait du lot de produit fourni par le CDTS de [Localité 1], en ce qu'il a rejeté la demande en garantie formée par l'ONIAM contre l'assureur de celui-ci pour les condamnations prononcées du fait de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C et en ce qu'il a condamné l'ONIAM à payer à la société Axa France IARD la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 1er juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris et remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; elle a par ailleurs mis hors de cause l'Etablissement français du sang, condamné la société Axa France IARD aux dépens et rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration de saisine du 27 novembre 2017, l'ONIAM a saisi la cour d'appel de Paris, statuant après cassation.

Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2019, l'ONIAM demande à la cour, au visa de :

- l'article 67 de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, l'article 72 de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble l'article L.1221-14 du code de la santé publique,

- l'article 102 de la loi du 4 mars 2002,

- l'arrêt de la cour de cassation du 20 septembre 2017n°16-23.451 et la cassation partielle prononcée,

- l'arrêt rendu le 1er juillet 2016 par la cour d'appel de Paris,

- le rapport d'expertise du docteur [I],

- l'ordonnance rendue 3 septembre 2010 du Tribunal administratif de Montreuil,

- l'ordonnance rendue le 13 décembre 2010 par la Cour administrative d'appel de Montreuil,

- les protocoles d'indemnisation signés les 21 et 27 décembre 2012 avec [A] [E], [K] [E], [V] [E], [I] [J] et [B] [E],

- les attestations de paiement de l'agence comptable de l'ONIAM ;

- de réformer le jugement rendu le 19 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il :

- dit que l'ONIAM ne rapporte pas la preuve de ce que la contamination résulterait du lot de produit fourni par le CDTS de [Localité 1] ;

- débouté en conséquence l'ONIAM de sa demande de garantie de l'assureur du CDTS de [Localité 1] pour les condamnations prononcées du fait de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C ;

- condamné l'ONIAM à payer à la société Axa la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700, outre les dépens ;

Et statuant à nouveau, de juger qu'il rapporte la preuve qu'au moins un des produits administrés à Madame [E] provient du CDTS de [Localité 1] et que dès lors la responsabilité du CDTS de [Localité 1] est engagée, en l'absence de démonstration contraire par Axa France IARD de l'innocuité de ce produit, et juger bien fondée l'action en garantie de l'ONIAM à l'encontre de la SA Axa France IARD, assureur du CDTS de [Localité 1], aux fins de remboursement des sommes versées en réparation des préjudices liés à la contamination par le VHC de Madame [A] [E] ;

En conséquence, de condamner Axa France IARD à lui payer la somme de 30 481 euros assortie des intérêts de retard à compter du 7 octobre 2013 ;

A titre subsidiaire, de condamner Axa France IARD à lui payer la somme de 10 160,33 euros assortie des intérêts de retard à compter du 7 octobre 2013 ;

Confirmer le jugement pour le surplus ;

Condamner la SA Axa France IARD à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2019, la société SOCIETE AXA FRANCE IARD demande à la cour, au visa de l'article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, de juger que l'ONIAM a la qualité d'assuré substitué et qu'il ne peut, à ce titre, bénéficier de la présomption d'imputabilité édictée à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, qu'il ne rapporte la preuve ni de ce que la contamination de Madame [E] résulterait du lot de produit sanguin fourni par le CDTS de [Localité 1], ni de la responsabilité de l'ex-CDTS de [Localité 1] dans la survenue de la contamination de Madame [E], de le débouter de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre et par conséquent, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, si la cour considère que la responsabilité de l'ex-CDTS de [Localité 1] est engagée et que la garantie de la société AXA FRANCE IARD est due, elle demande de juger que sa condamnation ne saurait excéder la somme de 6 096,20 euros, correspondant au 1/5 des sommes versées par l'ONIAM au titre de la contamination par le virus de l'hépatite C de Madame [E].

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considère que la garantie de la société AXA FRANCE IARD est due et que le montant de la condamnation ne saurait être égale à 6 096,20 euros, elle demande de juger que sa condamnation ne saurait excéder la somme de 10 160,33 euros, correspondant au tiers des sommes versées par l'ONIAM au titre de la contamination par le virus de l'hépatite C de Madame [E].

En tout état de cause, la société AXA FRANCE demande de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction faite au profit de Maître François HASCOET.

La clôture a été prononcée le 25 mars 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

SUR CE, LA COUR,

Sur le recours de l'ONIAM à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD :

C'est vainement que la société AXA FRANCE IARD estime que la première chambre civile de la Cour de cassation a dans son arrêt du 20 septembre 2017, admis, à tort, le bénéfice de l'article 102 au profit de l'ONIAM, dont l'action est par nature 'hybride', dans son recours à son encontre, son interprétation des règles applicables étant contraire aux principes du droit de la responsabilité civile et du droit des assurances, lesquels nécessitent la démonstration d'une dette de responsabilité de l'assuré pour voir engager la couverture.

En effet, comme le réplique l'ONIAM, et sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur ce point, la Cour de cassation a jugé par arrêt du 20 septembre 2017, dans des termes confirmés à l'identique par arrêt du 12 décembre 2018, au visa des articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 et 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, que, si le législateur a confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'a pas modifié le régime de responsabilité auquel ces derniers ont été soumis et a donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs de ces structures et qu'il s'ensuit que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée.

Il est dès lors vain de soutenir comme le fait AXA que la nature 'hybride' de l'action de l'ONIAM se heurterait au principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, que l'ONIAM, en sa qualité d'assuré substitué, ne pourrait bénéficier de la présomption d'imputabilité de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 et que dès lors le bien fondé de l'action de l'ONIAM à l'encontre des assureurs, serait conditionné à la démonstration d'une dette de responsabilité de l'assuré, à défaut de quoi serait violé le principe intangible du droit des assurances, selon lequel la mise en jeu de la garantie d'un assureur de responsabilité est subordonnée à l'existence d'une dette de responsabilité de son assuré.

En l'espèce, le rapport d'expertise du docteur [I] établi le 3 avril 2006 dans le cadre d'opérations d'expertise rendues communes à Axa France IARD (pièce n°1 de l'ONIAM) a mis en évidence que, si Madame [E] a été transfusée une première fois en 1983, ces transfusions doivent être innocentées, le bilan hépatique réalisé les 16 et 22 août 1985 étant normal, mais qu'en revanche, l'enquête transfusionnelle menée à la suite des transfusions effectuées les 18 et 29 août 1985 au centre hospitalier [Établissement 1] de [Localité 3] révèle une incertitude sur l'innocuité de cinq des treize produits administrés, huit ayant pu être innocentés, ce qui n'est pas le cas pour 5 produits sanguins labiles (1 CGR n°5230 provenant du CDTS de [Localité 1], 1 PFC n°504347 provenant de [Localité 2], 3 PFC n°105034, 637348 et 627378 provenant de la Pitié).

L'expert en a déduit, en page 19 de son rapport, en l'absence d'autre causes majeures de contamination (ses deux premiers accouchements ayant été sans incident, la fibroscopie ayant été réalisée avant césarienne mais sans biopsie, et en l'absence de trace de soins dentaires particuliers ou de voyage en pays à forte endémie), que l'origine de la contamination est la transfusion pratiquée en août 1985 :

-'on peut donc affirmer avec une très grande vraisemblance que la contamination par le VHC chez Mme [E] est d'origine transfusionnelle et a pour origine très précisément les transfusions administrées en août 1985 au CHU de[Établissement 1] de [Localité 3]' et 'on peut donc affirmer que cette contamination est d'origine transfusionnelle'.

Il est par ailleurs constant que, par ordonnance du 3 septembre 2010, le tribunal administratif de Montreuil a, sur la base de ce rapport, retenu que l'obligation de l'ONIAM de réparer les conséquences des préjudices résultant de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C n'était pas sérieusement contestable, et que par ordonnance du 13 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé que l'hypothèse d'une contamination par le virus de l'hépatite C par les transfusions des 18 et 19 août 1985 présente un degré suffisamment élevé de vraisemblance et qu'en l'absence de preuve contraire, l'obligation de l'ONIAM de réparer les conséquences de ces préjudices résultant de cette contamination n'est pas sérieusement contestable.

Par décision du 11 décembre 2012, l'ONIAM s'est prononcé sur l'origine transfusionnelle de la contamination de Madame [E]. Il a considéré sa demande recevable et qu'elle apportait un faisceau d'indices suffisamment précis et concordant permettant de faire présumer que sa contamination trouve son origine dans les produits sanguins transfusés et lui a proposé en fixant, suivant certificat médical, la date de consolidation de son état de santé au 19 avril 2012, d'indemniser les préjudices en résultant au titre du déficit fonctionnel correspondant à ses périodes d'hospitalisation et de traitements antiviraux et à leurs effets secondaires, aux souffrances endurées fixées à 3,5 sur une échelle de 0 à 7, et au déficit fonctionnel permanent évalué à 8%, à hauteur de 22.481 euros, soit après déduction de la provision de 20.000 euros accordée par la cour d'appel de Versailles le 13 décembre 2010, la somme totale de 2.481 euros.

Il a rejeté la demande d'indemnisation formulée au titre d'un préjudice professionnel, en l'absence de lien direct, exclusif et certain avec sa contamination par le VHC.

Il s'en déduit que l'origine transfusionnelle de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C a été admise et que l'un des produits sanguins en provenance du CDTS de [Localité 1] dont les droits et obligations ont été repris par l'Etablissement français du sang (EFS) n'a pu être innocenté.

Sur les 5 produits sur les 13 produits transfusés en 1985 qui n'ont pu être innocentés, un a ainsi été fourni par le CDTS de [Localité 1], assuré auprès d'Axa au moment des faits, les autres ayant été fournis par deux autres centres.

Madame [E] dont l'origine transfusionnelle de la contamination a été admise, ayant reçu un produit sanguin provenant du CDTS de [Localité 1], produit dont l'innocuité n'a pas été établie, la responsabilité du CDTS de [Localité 1] se trouve ainsi engagée de plein droit et l'ONIAM est bien fondé en sa demande de garantie formée contre l'assureur de celui-ci.

Il est par ailleurs également constant que la cour administrative d'appel de Versailles, réformant l'ordonnance du tribunal administratif de Montreuil, a condamné l'ONIAM à payer à Madame [E] une provision de 20 000 euros et a confirmé pour le surplus l'ordonnance entreprise, notamment en ce qu'elle a condamné l'ONIAM à payer la somme de 1.000 euros à Madame [E] au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

L'ONIAM justifie en pièces n°9 et 10-6 qu'en exécution de cette décision, il a été réglé à Madame [E] la somme de 20.000 euros ainsi que la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Saisi en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, l'ONIAM justifie en pièces n°4 à 8 et 10 avoir indemnisé Madame [E] et ses proches de l'ensemble des préjudices liés à sa contamination par le VHC, pour un montant total complémentaire de 9 481 euros comme suit :

- 2.481 euros pour Madame [E],

- 2.500 euros à [K] [E],

- 1.500 euros à [V] [E],

- 1.500 euros à [I] [J] née [E],

- 1.500 euros à [B] [E].

Comme le soutient l'ONIAM, c'est ainsi un total de 29.481 euros qui a été réglé par lui en réparation des préjudices liés à la contamination par le virus de l'hépatite C de Madame [E], outre la somme de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit un total de 30.481 euros.

S'agissant de la portée de la garantie due à l'ONIAM, la cour considère qu'elle porte nécessairement sur la totalité des sommes versées par l'ONIAM en réparation des préjudices liés à la contamination par le virus de l'hépatite C.

En effet, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée.

C'est à bon droit que l'ONIAM, en réplique aux demandes de limitation subsidiaires de sa condamnation formulées par l'assureur, souligne à ce sujet qu'aucune limitation ne lui est opposable quant à la possibilité pour un assureur de lui opposer la fourniture de produits sanguins par d'autres fournisseurs et soutient qu'il peut bénéficier d'une garantie totale de la part de l'assureur, indépendamment du fait qu'un seul établissement fournisseur ou plusieurs aient pu être identifiés, à charge pour ledit assureur de se retourner contre les autres.

En effet, dès lors que le centre de transfusion sanguine dont il est l'assureur, a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée, l'assureur doit sa garantie à l'ONIAM pour l'intégralité des sommes qu'il a versées, ce qui est en l'espèce le cas, le CDTS de [Localité 1] ayant fourni un produit sanguin administré à Madame [E] dont la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite est admise et ce produit n'ayant pas été innocenté.

AXA FRANCE IARD ne peut ainsi utilement opposer le fait que sur les 5 produits administrés qui n'ont pas pu être innocentés, un seul provenait de l'ex-CDTS de [Localité 1] et que trois centres de transfusions sanguines ont fourni les produits sanguins administrés à la victime.

La demande subsidiaire d' AXA FRANCE IARD tendant à voir limiter sa condamnation à la somme maximale de 6.096,20 euros, correspondant au 1/5 des sommes versées par l'ONIAM au titre de la contamination par le virus de l'hépatite C de Madame [E] sera ainsi rejetée, de même que celle tendant à limiter sa condamnation à la somme maximale de 10.160,33 euros, correspondant au tiers des sommes versées par l'ONIAM, au titre de la contamination par le virus de l'hépatite C de Madame [E].

Il s'en déduit que l'ONIAM qui a versé au titre de la réparation des préjudices liés à cette contamination la somme totale de 30.481 euros, doit être garanti par l'assureur du CDTS de [Localité 1], Axa France IARD, à hauteur de ladite somme, peu important qu'il ait, aux termes de ses premières conclusions d'appelant, sollicité une somme moindre.

L'examen de la demande subsidiaire formulée par l'ONIAM est dès lors sans objet.

La société Axa France IARD sera ainsi condamnée à garantir l'ONIAM à hauteur de la somme totale de 30.481 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013, date de l'intervention volontaire de l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Paris.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Partie perdante, la société AXA FRANCE IARD sera condamnée aux dépens et à payer à l'ONIAM, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 2.500 euros.

La société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement rendu le 19 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a :

- dit que l'ONIAM ne rapportait pas la preuve de ce que la contamination résulterait du lot de produit fourni par le CDTS de [Localité 1] ;

- débouté en conséquence l'ONIAM de sa demande de garantie de l'assureur du CDTS de [Localité 1] pour les condamnations prononcées du fait de la contamination de Madame [E] par le virus de l'hépatite C ;

- condamné l'ONIAM à payer à la société Axa la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L'infirme de ces chefs et statuant de nouveau de ces chefs et Y ajoutant :

Déclare l'ONIAM bien fondé en son action à l'encontre de la SA Axa France IARD, assureur du CDTS de [Localité 1] aux fins de remboursement des sommes versées en réparation des préjudices liés à la contamination par le VHC de Madame [A] [E],

Condamne la SA Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 30.481 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2013 ;

Déboute la SA Axa France IARD de ses demandes subsidiaires concernant le montant de la condamnation en fonction du nombre de produits sanguins fournis et du nombre de centres fournisseurs identifiés ;

Condamne la SA Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SA Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA Axa France IARD de sa demande à ce titre.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/21811
Date de la décision : 11/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°17/21811 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-11;17.21811 ?
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