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23/05/2019 | FRANCE | N°17/12780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 23 mai 2019, 17/12780


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 MAI 2019



(n° 2019 - 174, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12780 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TU2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/01647





APPELANT



L'Office National d'Indemnisation des

Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représenté par Me Luc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MAI 2019

(n° 2019 - 174, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12780 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TU2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/01647

APPELANT

L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté à l'audience de Judith LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque P 261

INTIMES

Monsieur [C], [H], [G] [O] agissant tant à titre personnel qu'au titre d'ayant droit de son épouse décédée, Madame [N] [O]

Né le [Date naissance 1] 1928 à [Localité 1] (41)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ET

Madame [A], [T] [O] agissant tant à titre personnel qu'au titre d'ayant droit de sa mère décédée, Madame [N] [O],

Née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2] (41)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ET

Monsieur [Q], [R] [O] agissant tant à titre personnel qu'au titre d'ayant droit de sa mère décédée, Madame [N] [O],

Né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 3] (41)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ET

Madame [U], [Y], [K] [O] épouse [L] agissant tant à titre personnel qu'au titre d'ayant droit de sa mère décédée, Madame [N] [O]

Née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 3] (41)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistés à l'audience de Me Isabelle TETAZ-MONTHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1426

RSI CENTRE, pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Défaillante, régulièrement avisé le 10 août 2017 par procès-verbal de remise à personne morale

Mutuelle HARMONIE MUTUELLE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Défaillante, régulièrement avisé le 10 août 2017 par procès-verbal de remise à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Marie-José BOU, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffière présente lors du prononcé.

**************

Mme [N] [O], alors âgée de 69 ans, a présenté en mars 2009 une complication consistant en un accident vasculaire cérébral sylvien profond gauche, liée à des troubles du rythme cardiaque, lequel a été traité avec récupération complète des signes neurologiques.

L'alternance de fibrillation auriculaire, de flutter et de bloc auriculo-ventriculaire a conduit à la mise en place d'un stimulateur cardiaque, effectuée le 15 juillet 2009 à la clinique [Établissement 1] à [Localité 4].

Les suites ont été marquées par une douleur thoracique inspiratoire en rapport avec un épanchement péricardique. La patiente a regagné son domicile le 31 juillet 2009 mais a été ré-hospitalisée le 5 août 2009 dans la même clinique du fait d'une douleur thoracique et de dyspnée, l'épanchement ayant alors augmenté.

Le 7 août 2009, elle a subi un drainage péricardique au cours duquel sont survenues une perforation du ventricule droit et une plaie pariétale.

Le drain péricardique lui a été retiré le 10 aout 2009 mais peu de temps après, elle a présenté un malaise avec arrêt cardio-respiratoire sur collapsus, récupéré après massage cardiaque et remplissage. Elle a été transférée en urgence au CHR [Établissement 2] où elle a été prise en charge directement au bloc opératoire. Devant l'instabilité hémodynamique, elle a été transférée au CHU [Établissement 3] pour une reprise en charge chirurgicale. Elle y est demeurée jusqu'à la fin du mois d'octobre 2009. Le séjour a été marqué par de nombreuses complications : détresse respiratoire aigüe, sepsis, neuropathie de réanimation grave. Elle a été ensuite transférée dans divers établissements et en dernier lieu prise en charge à la maison médicale [Établissement 4], dans un état de très grande dépendance.

Elle a saisi le 15 novembre 2010 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, ci-après la CRCI, qui a désigné le 26 avril 2011 le docteur [L] [H], chirurgien cardio-vasculaire, et le docteur [B] [K], praticien hospitalier réanimation et médecine interne, en qualité d'experts, lesquels ont déposé leur rapport le 24 mai 2012, complété par une note du 3 août 2012. Ils ont notamment conclu à l'imputabilité du dommage aux ponctions péricardiques, à l'existence d'un accident médical au cours d'une ponction évacuatrice d'épanchement péricardique compressif, à la conformité du comportement des équipes médicales et des professionnels de santé aux règles de l'art et aux données acquises de la science et à un taux d'incapacité permanente partielle de 90 %.

Par avis du 26 septembre 2012, la CRCI a estimé que la réparation des préjudices incombait à l'ONIAM.

[N] [O] est décédée le [Date décès 1] 2014.

Par actes des 3 novembre et 1er décembre 2014, M. [C] [O], époux d'[N] [O] et les enfants de cette dernière, Mme [A] [O], M. [Q] [O] et Mme [U] [O] épouse [L] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny l'ONIAM en présence du RSI Centre et d'Harmonie Mutuelle, d'une part en leur qualité d'ayants droit d'[N] [O] en indemnisation du préjudice corporel de cette dernière et d'autre part à titre personnel en indemnisation de leurs préjudices propres.

Par jugement réputé contradictoire du 9 mai 2017, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit que le droit à indemnisation de Mme [D] [O] suite à l'accident médical survenu le 15 juillet 2009 est entier ;

- condamné l'ONIAM à payer à M. [C] [O], Mme [A] [O], M. [Q] [O] et Mme [U] [O] épouse [L], en leur qualité d'ayants droit de Mme [D] [O], à titre de réparation du préjudice corporel de cette dernière, les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :

* dépenses de santé actuelles : 1 559,23 euros

* autres frais divers : 1 500 euros

* dépenses de santé futures : 155 322,21 euros

* déficit fonctionnel temporaire :14 184 euros

* souffrances endurées : 15 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros

* préjudice d'agrément : 6 000 euros

* déficit fonctionnel permanent : 40 233,37 euros

* préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

* préjudice sexuel : 3 000 euros

- condamné l'ONIAM à payer à M. [C] [O] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

* frais d'obsèques : 5 744,72 euros

* perte de revenus : 54 245 euros sous forme de capital ainsi qu'une rente trimestrielle de 1 733,75 euros à compter du jugement, payable le premier jour de chaque trimestre calendaire avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance et revalorisation du montant de cette rente au 1er janvier de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

* préjudice d'accompagnement : 16 000 euros

* préjudice d'affection : 20 000 euros

* préjudice sexuel par ricochet : 5 000 euros ;

- condamné l'ONIAM à payer à Mme [A] [O], M. [Q] [O] et Mme [U] [O] épouse [L], au titre de leur préjudice d'affection chacun la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- déclaré commun le jugement au RSI Centre et à la société Harmonie Mutuelle ;

- condamné l'ONIAM à verser à M. [C] [O], à Mme [A] [O], à M. [Q] [O] et à Mme [U] [O] épouse [L] la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles et aux dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour les avocats qui en ont fait la demande ;

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 26 juin 2017, l'ONIAM a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2018 par voie électronique, l'ONIAM demande à la cour, au visa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de :

- recevoir l'ONIAM en son appel et l'y déclarant bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de M. [C] [O] au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne et au titre de son préjudice sexuel et statuant à nouveau :

- rejeter les demandes de M. [C] [O] au titre de ses besoins en assistance par tierce personne et de son préjudice sexuel ;

- confirmer le jugement en ses autres dispositions ;

- débouter M. [C] [O] de ses demandes formulées au titre de son appel incident et de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- condamner M. [O] à payer à l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont recouvrement pour ceux d'appel par la SELARL Pellerin De Maria Guerre, agissant par Maître Luca De Maria, pour ceux dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2019 par voie électronique, les consorts [O] demandent à la cour, au visa des articles L. 1142-1-1 et L. 1142-22 du code de la santé publique, de :

- dire l'ONIAM recevable mais mal fondé en son appel principal du jugement ;

- déclarer M. [C] [O] recevable et bien fondé en son appel incident de la décision;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de l'indemnisation du préjudice économique de M. [O] du fait de la perte de l'assistance que lui apportait son épouse, ainsi que le principe de l'indemnisation de son préjudice sexuel ;

statuant à nouveau,

- infirmer le jugement sur le nombre d'heures d'aide humaine retenu ainsi que le taux horaire appliqué ;

- condamner l'ONIAM à verser à M. [C] [O] la somme totale de 2 250 118,46 euros au titre de la tierce personne qui sera réglée sous forme de :

* capital pour un montant de 1 590 312 euros pour couvrir les besoins d'assistance de M. [O] sur la période allant du 5/08/2008, date de l'hospitalisation pour la complication péricardique jusqu'à la date prévisible de la décision définitive de la cour (5/08/2018) ;

* rente trimestrielle viagère de 46 968 euros, représentant un montant capitalisé de 659 806,46 euros, payable d'avance le 1er de chaque trimestre pour couvrir les besoins d'assistance de M. [O] sur la période postérieure à l'arrêt de la cour ;

- infirmer le jugement sur l'évaluation de l'indemnisation allouée au titre du préjudice sexuel de M. [O] et condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre ;

- débouter l'ONIAM de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner l'ONIAM à verser à M. [C] [O] la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno Regnier de la SCP Regnier Bequet Moisan conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ONIAM a fait signifier la déclaration d'appel au RSI Centre et à la société Harmonie mutuelle par actes d'huissier du 10 août 2017 remis à personne se déclarant habilitée.

Les conclusions de l'ONIAM ont été signifiées à la société Harmonie mutuelle par acte d'huissier du 29 janvier 2018 remis à personne se déclarant habilitée et au RSI Centre par acte d'huissier du 1er février 2018 remis selon les mêmes modalités.

Les conclusions des consorts [O] ont été signifiées à la société Harmonie mutuelle et au RSI Centre par actes d'huissier du 7 mars 2019 délivrés à personne se déclarant habilitée.

Ces derniers n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'ONIAM ne conteste pas la survenue d'un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale et ne remet pas en cause la disposition du jugement ayant dit entier le droit à indemnisation de Mme [O] à la suite de cet accident, laquelle disposition sera dès lors confirmée.

De même, les autres dispositions du jugement, hormis celles relatives à la perte de revenus de M. [C] [O] et à son préjudice sexuel qui sont seules critiquées, doivent être confirmées.

Sur le préjudice économique de M. [C] [O] résultant de la privation de l'assistance fournie par son épouse

L'ONIAM poursuit l'infirmation du jugement ayant alloué à M. [C] [O] un capital de 54 245 euros et une rente trimestrielle de 1 733,75 euros au titre de sa perte de revenus résultant de la privation de l'aide fournie à l'intéressé par la victime directe du fait de l'accident médical. Il fait valoir que les frais d'assistance par tierce personne des victimes par ricochet ne figurent pas parmi les postes indemnisables selon la nomenclature Dintilhac, que le besoin d'être assisté de la victime par ricochet ne s'analyse pas en une perte de revenus de cette victime au sens de la nomenclature précitée et que ce besoin est une conséquence indirecte du décès de la victime directe car lié à l'état de santé et/ou l'âge de la victime indirecte. Il relève qu'en l'espèce, la nécessité pour M. [O] d'être assisté est en lien avec son âge de 87 ans et à son état de santé, en voulant pour preuve que cette dépendance préexistait à l'accident médical. Il conclut ainsi au rejet de la demande de M. [O] et de son appel incident.

A titre liminaire, M. [C] [O] indique solliciter l'application du barème de la Gazette du Palais 2018 publié le 28 novembre 2017.

Il fait valoir le principe de la réparation intégrale du préjudice. Il argue du caractère non exhaustif de la nomenclature Dintilhac et soutient que le préjudice dont il est demandé réparation réside dans la privation, du fait de l'aléa thérapeutique, de l'assistance que lui apportait son épouse, soit d'un préjudice patrimonial résultant de la perte d'un avantage dont il bénéficiait gracieusement. Il allègue que compte tenu de son âge et de ses problèmes de santé au moment de l'accident, son épouse, de 11 ans plus jeune que lui, s'occupait du ménage, de la cuisine, des documents administratifs, de sa santé, assurait les déplacements en voiture et une surveillance constante auprès de lui. Il invoque un besoin de 6 heures par jour d'assistance active pour l'entretien de la maison, les courses et déplacements et de 18 heures par jour de surveillance bienveillante, un taux horaire de 19 euros pour l'assistance active et de 16 euros pour la surveillance jusqu'à l'arrêt de la cour et, pour la période postérieure, une assistance de 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 sur la base de 19 euros de l'heure. Il précise ne pas bénéficier de l'APA.

Il est de principe que toute personne qui prouve avoir souffert un dommage par contrecoup de celui qui a frappé la victime initiale peut en obtenir réparation et que les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment du rapport d'expertise, et des éléments de la procédure qu'avant les faits, [N] [O], âgée de 69 ans, menait une vie familiale active, avec une récupération complète de son AVC, et que son époux était âgé de 11 ans de plus. Il ressort en outre des attestations produites qu'en l'absence de son épouse consécutive à l'accident médical dont elle a été victime, M. [C] [O] a dû recevoir une aide de voisins et de membres de sa famille pour les tâches ménagères du quotidien, soit le ménage, les courses et la préparation des repas. La réalité de l'assistance apportée à ces titres par l'épouse avant l'accident médical qui a été retenue par le tribunal n'est pas contestée par l'ONIAM, pas plus que l'incapacité de M. [O] à assumer seul les tâches susvisées.

Si le besoin d'assistance de M. [C] [O] qui préexistait n'est pas en relation causale avec l'accident médical, en revanche, du fait de cet accident, ce dernier a perdu l'assistance dont il bénéficiait de la part de son épouse. Cette privation de l'activité fournie par [N] [O] dont son époux profitait gracieusement a ainsi pour cause directe l'accident médical, ce dont il suit que la perte de cet avantage dont M. [O] réclame réparation constitue un préjudice économique de la victime par ricochet résultant directement dudit accident, lequel est indemnisable. Il importe peu à cet égard qu'un tel préjudice ne soit pas explicitement visé par la nomenclature Dintilhac, la cour ne pouvant refuser de l'indemniser dès lors qu'elle en constate l'existence et sa relation directe avec l'accident.

C'est à juste titre que le tribunal s'est fondé pour évaluer la perte de cet avantage lié à la disparition de l'activité apportée par [N] [O] à une assistance d'une heure par jour au regard des tâches ménagères du quotidien assurées par cette dernière dont M. [C] [O] a été privé. En effet, les éléments produits par ce dernier ne justifient ni de la réalité d'une assistance plus importante fournie par [N] [O] avant l'accident, ni non plus d'un besoin d'assistance de M. [C] [O] supérieur, étant notamment souligné que la nécessité d'une surveillance permanente n'est nullement étayée.

Le taux horaire de 19 euros retenu par le tribunal, qui ne fait l'objet d'aucune critique et qui est corroboré par les tarifs versés aux débats, sera pris en compte par la cour.

Du 7 août 2009, date du drainage, au 23 mai 2019, date du présent arrêt, se sont écoulés 3 575 jours, ce qui représente une somme de 67 925 euros (3 575 x 19).

Pour la période à venir débutant le 24 mai 2019, il convient de tenir compte du taux horaire précité de 19 euros. Dès lors que M. [C] [O] fait part de sa volonté de recourir à un mode prestataire, qui apparaît adapté afin de lui épargner les contraintes liées au statut d'employeur, le calcul doit se faire sur la base de 365 jours par an, et non de 412 jours comme il le réclame. En outre, il y a lieu de faire application du barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais paru le 28 novembre 2017 établi sur la base des tables de mortalité 2010-2012 publiées par l'INSEE qui sont les plus récentes et d'un taux d'actualisation unique de 0,5 % conforme à la conjoncture économique actuelle. Compte tenu de l'euro de rente viagère pour un homme âgé de 90 ans au jour du présent arrêt, la somme due s'élève à 365 x 19 x 3,512 = 24 355,72 euros, qui sera réglée sous forme de rentre trimestrielle viagère de 1 733,75 euros payable d'avance le premier jour de chaque trimestre calendaire, revalorisable conformément aux dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, le 1er janvier de chaque année en prenant pour base l'indice en vigueur à la date du présent arrêt, cette rente étant suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice sexuel de M. [C] [O]

L'ONIAM s'oppose à la demande formée à ce titre au motif que l'indemnisation du préjudice sexuel de la victime indirecte n'est pas prévue par la nomenclature Dintilhac.

M. [C] [O] sollicite la somme de 10 000 euros de ce chef, objectant que la nomenclature précitée n'est qu'indicative et que le principe de la réparation intégrale justifie l'indemnisation de ce préjudice subi par ricochet de celui de son épouse, qualifié de très important par les experts.

Il résulte des énonciations précédentes que l'absence de mention d'un préjudice dans la nomenclature Dintilhac n'est pas un motif justifiant le rejet d'une demande d'indemnisation.

En l'espèce, les experts ayant constaté l'existence d'un préjudice sexuel subi par [N] [O] du fait de l'accident médical, en le qualifiant de très important, et celle-ci étant depuis décédée des suites de cet accident, la réalité du préjudice sexuel par ricochet de M. [C] [O], époux de la victime directe, se trouve établie. L'allocation d'une somme de 5 000 euros par le tribunal apparaît une juste indemnisation de ce chef de préjudice et sera confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ONIAM sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à M. [C] [O] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt réputé contradictoire :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant alloué à M. [C] [O] la somme de 54 245 euros sous forme de capital et une rente trimestrielle de 1733,75 euros à compter du jugement ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne l'ONIAM à payer à M. [C] [O] au titre de son préjudice économique résultant de la privation de l'assistance fournie par son épouse :

- la somme de 67 925 euros ;

- à compter du 24 mai 2019, une rente trimestrielle viagère de 1 733,75 euros, représentant un montant capitalisé de 24 355,72 euros, payable d'avance le premier jour de chaque trimestre calendaire, revalorisable conformément aux dispositions de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, le 1er janvier de chaque année, en prenant pour base l'indice en vigueur à la date du présent arrêt, cette rente étant suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour ;

Condamne l'ONIAM à payer à M. [C] [O] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne l'ONIAM aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/12780
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°17/12780 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.12780 ?
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