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22/05/2019 | FRANCE | N°16/07817

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 22 mai 2019, 16/07817


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 22 Mai 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07817 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY6JN



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/15228









APPELANT

M. [H] [G] [W]

Domicile élu cabinet LCG AVOCATS

[Adresse 2]
r>[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à[Localité 5])

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034









INTIMEE

Société...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 22 Mai 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07817 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY6JN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/15228

APPELANT

M. [H] [G] [W]

Domicile élu cabinet LCG AVOCATS

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à[Localité 5])

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034

INTIMEE

Société BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099 substitué par Me Béatrice BRUGUES-REIX, avocat au barreau de PARIS, toque : A0930

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Catherine BEZIO, Présidente de chambre

Patricia DUFOUR, Conseiller

Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Géraldine BERENGUER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, prorogé à ce jour.

- signé pour le président empêché par Patricia DUFOUR, conseiller et par M. Philippe ANDRIANASOLO, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Faits et procédure :

Suivant contrat local de doit anglais en date du 25 août 1998, Monsieur [H] [W] a été embauché en qualité de « Senior Dealer » rattaché au Desk « Spot » au sein de la succursale londonienne de la société BNP.

A la suite de la fusion intervenue en 2000 entre les sociétés BNP et PARIBAS, son contrat de travail a été transféré à la nouvelle entité, société BNP PARIBAS.

Suivant avenant en date du 8 juin 2000 avec effet au 1er juin 2000, Monsieur [W] a été détaché au sein de la succursale de [Localité 4] de l'établissement bancaire aux fins d'exercer les fonctions de « Head of the Short Term Interest Rate Trading Desk » (STIR : Short Term Interest Rate- taux d'intérêt à court terme) » pour une durée initiale de deux ans, détachement prolongé pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 2002 avec élargissement des fonctions, le salarié devenant également responsable des équipes STIR à [Localité 2].

A compter du 1er juin 2004, le détachement de Monsieur [W] a été tacitement reconduit avec élargissement des responsabilités à celles de la gestion et du développement du service des instruments à court terme pour l'Asie (ASTI).

A compter de cette date, et pour le décharger, Monsieur [T] a été nommé à la tête de l'équipe [K] (Equipe en charge du dollar australien) en charge du portefeuille australien. En 2005, Monsieur [W] est devenu responsable ASTIFX (instruments à court terme et opérations de devises) et à compter de décembre 2008 il a été nommé Responsable des taux d'intérêt et des négociations de devises avec sous sa responsabilité les équipes Asie et Pacifique.

Le 2 avril 2009, avec effet au 1er avril, Monsieur [W] a signé un contrat à durée indéterminée de droit français avec la SA BNP PARIBAS pour exercer les fonctions de « Head of Interest rate & FX trading Asia Pacific » niveau cadre hors classification selon la convention collective de la banque, son détachement à [Localité 4] étant prolongé pour une durée de deux ans par avenant du 30 mars 2009, son ancienneté étant repris à compter du 25 août 1998.

Suivant avenant en date du 16 août 2010 avec effet au 1er septembre, il a été détaché à [Localité 3] en qualité de « Heat of FI Trading, Credit for CEEMA » jusqu'au 31 juillet 2013 et a quitté [Localité 4] fin juillet 2010.

A la suite d'un audit interne réalisé à la demande de l' Autorité Monétaire de [Localité 4] et de l'enquête interne menée par l' Inspection Générale de la SA BNP PARIBAS, par courrier remis en main propre le 6 septembre 2013, la responsable des ressources humaines du Fixed Income de [Localité 3] a notifié à Monsieur [W] une suspension à titre conservatoire dans l'attente des résultats de l'enquête.

Par courrier du même jour, la SA BNP PARIBAS l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement dans le bureau parisien du responsable mondial des ressources humaines CIB et l'a licencié pour faute grave par courrier notifié le 30 septembre 2013.

Contestant les conditions de la rupture du contrat de travail, Monsieur [W] a saisi une juridiction britannique sur le fondement de la procédure de « « unfair dismissal ». Par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal a reconnu le caractère abusif de son licenciement et lui a accordé la somme de 81.175 livres sterling (environ 96.517,05 €) à titre d'indemnité.

Considérant que son licenciement était non fondé sur une cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 novembre 2014 d'une demande tendant, en son dernier état, à voir juger sa demande comme recevable, constater que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner la SA BNP PARIBAS à lui payer les indemnités afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudices spécifiques, des bonus, des primes, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 17 mai 2016, le conseil de prud'hommes a jugé Monsieur [W] irrecevable en ses demandes du fait de l'autorité de la chose jugée et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [W] a fait appel de la décision le 31 mai 2016.

Il demande à la cour :

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes,

- de constater que le jugement de l'Employment Tribunal du 26 septembre 2014 est revêtu de l'autorité de la chose jugée en ce qu'il a jugé abusif son licenciement,

- de dire et juger que les demandes formées devant le juge français en application de son contrat de travail et du droit français constituent des demandes nouvelles,

- de rejeter la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soulevée par BNP PARIBAS sur ses demandes devant le juge français,

En toutes hypothèses,

- de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- de condamner la S BNP PARIBAS à lui payer les sommes suivantes :

** 480.189,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 48.018,96 € au titre des congés payés afférents,

** 595.595,24 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

** 2.881.137,96 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, 2.784.620,89 € après déduction de la somme perçue en exécution du jugement anglais,

** 901.104,66 € à titre de bonus 2013, subsidiairement, 620.839 €,

** 540.457,96 € à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement, 540.457,96 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

** 214.577,45 € à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement, 214.577,45 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

** 539.996,67 € à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement, 539.996,67 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- de dire et juger que BNP PARIBAS a modifié unilatéralement les modalités de calcul figurant dans le plan CMIP 2009 afin de s'exonérer du paiement de bonus contractuellement dus,

- de dire et juger qu'aucune condition de présence ne peut lui être opposée dans la mesure où celui-ci était salarié de la banque en juin 2012 à la date de paiement des parts de CMIP 2009,

- de condamner BNP PARIBAS à lui payer la somme de 475.939,45 € à titre de bonus différés non payés au titre du CMIP-A 2009 pour 2012, subsidiairement, 475.939,45 € pour perte de chance,

- de dire et juger que la BNP PARIBAS a procédé au règlement des cotisations au titre des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO mais sur son seul salaire de référence en France, soit le salaire défini comme étant la référence à retenir en France avant son affectation à l'étranger, et non sur l'ensemble des salaires effectivement versés pendant ladite période de détachement (en ce inclus les éléments liés à la rémunération du travail à l'étranger, le paiement des bonus et les avantages en nature),

- de condamner BNP PARIBAS à lui verser la somme de 118.032 € à titre de dommages et intérêts pour perte évidente de droits à la retraite,

Subsidiairement, de la condamner à lui verser la somme de 118.032 € au titre du préjudice subi pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse,

Dans tous les cas,

- d'ordonner à BNP PARIBAS de lui remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,

- d'assortir les condamnations des intérêts au taux légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- de débouter la société BNP PARIBAS de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BNP PARIBAS demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [W] afférentes à la rupture de son contrat de travail en raison de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par l' Employment Tribunal,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

Motivation :

Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [W] :

Monsieur [W] expose que, s'étant vu retirer sa licence professionnelle par le régulateur anglais FCA à la suite de son licenciement pour faute grave, il n'était plus autorisé à exercer sa profession en Angleterre et que, pour récupérer sa licence, il lui était nécessaire d'obtenir une décision judiciaire de l'Employment Tribunal de [Localité 3] déclarant son licenciement « unfair » c'est-à-dire abusif puisque cette juridiction dispose d'une compétence exclusive en matière de « unfair dismissal », procédure visant à voir constater le caractère abusif du licenciement et statuer sur la régularité de la procédure suivie par l'employeur pour licencier le salarié au regard des règles d'ordre public anglaises.

Il précise qu'il a saisi l'Employment Tribunal dans le cadre de la procédure pour « unfair dismissal » pour contester le bien fondé de son licenciement au regard des dispositions du Code de Pratique sur les Procédures Disciplinaires et de Réclamations ACAS et de l'Employment Rights Act de 1996 qui sont d'ordre public au Royaume Uni et dont BNP PARIBAS a accepté l'application, ajoutant que dans l'acte de saisine du 20 décembre 2013, il a expressément réservé toutes autres demandes au titre des conséquences de la rupture en application de son contrat de travail et du droit du travail français et du paiement de ses bonus différés.

L'appelant ajoute que par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal a reconnu le caractère abusif de son licenciement et n'a appliqué aucune réduction au montant maximum des indemnités allouées dans le cadre de la procédure de « unfair dismissal », soit la somme de 81.175 livres sterling (environ 96.517,05 €), que la BNP PARIBAS lui a réglé cette somme sans qu'aucun recours n'ait été formé à l'encontre de la décision.

Il soutient que sa saisine du conseil de prud'hommes porte sur les demandes qu'il avait explicitement exclues devant la juridiction londonienne et que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevée par BNP PARIBAS est fondée sur :

- une confusion entre le principe de concentration des moyens et la concentration des demandes,

- un détournement de la jurisprudence sur la non-application du principe de l'unicité d'instance devant une juridiction étrangère,

- un détournement des dispositions de la Convention de Rome aux termes desquelles le choix de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection qu'assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d'exécution du contrat de travail qui n'ont pas pour effet d'exclure l'application de la loi choisie par les parties,

- une méconnaissance des spécificités de la procédure anglaise en matière de droit du travail dans laquelle co-existent deux procédures distinctes, « unfair dismissal » (licenciement abusif) et « wrongful dismissal) (licenciement injustifié).

Il considère donc que l'autorité de chose jugée ne s'applique qu'au fait que le juge britannique a considéré qu'il n'avait commis aucune faute et que son licenciement était abusif et non fondé sur des éléments probants, ce qui l'autorise à solliciter les indemnités et rappels de salaire en application des dispositions du droit du travail français et de son contrat de travail.

La SA BNP PARIBAS soutient que le juge anglais a appliqué la loi anglaise en tant que loi choisie par les parties en se référant à un accord implicite de leur part, que la décision a été exécuté et que le juge français n'a en aucune manière la possibilité de remettre en cause l'office du juge anglais et l'application de la loi anglaise faite par le juge anglais.

Elle expose que la procédure dite « unfair dismissal » couvre tant la procédure de licenciement que les motifs de la rupture en elle-même, que contrairement aux actions pour « wrongful dismissal » pour lesquelles la question est de savoir si l'employeur a violé les termes du contrat, les actions pour « unfair dismissal » visent à rechercher le caractère raisonnable de la décision de l'employeur de licencier et/ou la procédure suivie par l'employeur pour licencier.

Au surplus, l'établissement bancaire considère que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le juge anglais n'a pas considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse mais a, en revanche, contesté la procédure mise en place, bien que conforme au droit français, lui reprochant de ne pas avoir respecté la procédure de droit anglais applicable, selon lui, à un licenciement conduit en Angleterre.

En conséquence, l'intimée considère que le juge britannique ayant définitivement tranché le litige et que Monsieur [W] n'est pas fondé à solliciter de la juridiction française qu'elle tranche le litige sur le fondement du droit français.

Selon les dispositions de l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 à compter du 10 février 2016, « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondé sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le juge britannique, dans la procédure pour « unfull dismissal » a examiné la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur mais a aussi apprécié les fautes reprochées au salarié alors que, dans sa demande devant le conseil de prud'hommes, Monsieur [W] n'a pas sollicité qu'il se prononce sur le bien fondé de son licenciement, considérant, tout comme la SA BNP PARIBAS, que la question de son bien fondé avait été tranchée par « The Employment Tribunal ».

Il s'avère, toutefois, qu'alors que Monsieur [W] affirme que le juge britannique a jugé son licenciement non fondé, la SA BNP PARIBAS considère, au contraire, que celui-ci a tranché le litige en considérant « que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste mais que la procédure aurait dû respecter les règles du Code ACAS ».

Il s'avère, toutefois, que si le juge anglais a effectivement dit que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste, il n'en n'a pas pour autant tiré la conclusion qu'en l'espèce le licenciement de Monsieur [W] était bien fondé.

En effet, il résulte des termes mêmes de la décision, dans sa traduction telle que transmise par l'intimée, que le juge anglais a écrit à la rubrique concernant le « Comportement du demandeur »:

- page 32 - §139: « '.M. [I] ne m'a pas demandé de fonder une quelconque réduction d'indemnité sur la proposition selon laquelle le Demandeur avait sciemment initié, participé, comploté ou cautionné la faute commise par les membres du bureau [K]. Toutefois, afin d'écarter toute ambiguïté, je l'acquitte explicitement de tout comportement de la sorte. J'estime que, comme il l'a toujours affirmé, il n'avait pas connaissance des messages et des appels téléphoniques. En outre, et de manière plus générale, je suis convaincu qu'il n'existe aucun fondement permettant d'avancer une quelconque faute de sa part. Son intégrité n'est tout simplement pas remise en question ».

Au § 140, le juge poursuit : « ' mon opinion personnelle est que son comportement n'aurait pas dû faire l'objet d'une censure. M. [I] a insisté avec vigueur et éloquence sur le fait que les courriels de 2005 à 2007 étaient suffisants pour enquêter sur le Demandeur dans le but de déterminer s'il existait, ou pourrait exister, une faute de la part du bureau [K] quant aux propositions de BBSW. Je rejette cet argument. M. [E] lui-même a admis en preuve que ces courriels avaient trait à la négociation des effets bancaires. Aucun élément de leur contenu n'aurait pu alerter le Demandeur quant à un quelconque point significatif dans cette affaire (j'ose à peine rappeler que la correspondance de 2005 remontait à près de deux avant le premier des messages fautifs).... ».

Au §142, le juge écrit «  Mme [O] a avancé un certain nombre d'argument forts en faveur du Demandeur. En premier lieu, rien n'indiquait qu'il était coupable de quelque manière que ce soit d'avoir fait confiance à M. [T] pour superviser le bureau [K]. En outre, j'ai constaté que les courriels de 2005 à 2007 n'étaient d'aucune importance dans le cadre de cette affaire et qu'il n'existait, selon moi, aucun autre élément qui aurait pu l'informer de la possibilité qu'une faute était en cours. En outre, l'argument simple avancé par le Demandeur, selon lequel les fixations du BBSW ne pouvaient être « truquées » (car les propositions ne reflètent que le marché, et que toute proposition trop élevée sera exclue par le biais du processus d' « étêtage et équeutage) n'a été, à ma connaissance, remis en cause à aucun moment. J'estime que cet argument démontre qu'il n'avait aucune raison d'anticiper un quelconque danger à l'égard des propositions de BBSW. J'ai également étudié l'étendue de ses responsabilités de gestion et l'ampleur de ses déplacements professionnels. En outre je me suis rappelé que des mesures de risque étaient en place. Il n'a pas été suggéré qu'il faisait preuve de négligence dans le cadre de ses responsabilités générales en matière de risques ».

Enfin, le § 143 est rédigé dans les termes suivants: « Après avoir étudié attentivement toutes les preuves et les conclusions des deux parties, j'ai conclu que les Défendeurs n'avaient pas démontré un comportement coupable ou répréhensible de la part du Demandeur. Si j'accepte que, au terme d'une procédure juste, les Défendeurs auraient jugé (et, grâce à la marge de manoeuvre offerte par l'examen relatif à la « gamme de réponses raisonnables « aurait été en droit de juger) qu'il avait négligé ses responsabilités, M. [I] ne m'a pas persuadé de parvenir à une opinion similaire... ».

Il résulte des éléments précités, que contrairement à ce que soutient la SA BNP PARIBAS, le juge anglais a considéré le licenciement non seulement irrégulier au regard des dispositions d'ordre public de l' ACAS mais aussi, sur le fond, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à Monsieur [W] et que son licenciement n'était donc pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, il convient de considérer qu'a autorité de la chose jugée la décision du juge du Tribunal de l'emploi en ce qu'il a estimé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

S'agissant des demandes financières sollicitées par Monsieur [W] sur le fondement du code du travail français et de son contrat de travail, en revanche, il s'avère que la SA BNP PARIBAS n'apporte aucun élément probant remettant en cause le fait que selon les termes de sa « plainte » enregistrée le 20 décembre 2013, il a saisi « The Employment Tribunal », pour « unfair dismissal » pour voir reconnaître son licenciement abusif et solliciter « une indemnité de base et compensatoire,, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service (ACAS).

Au surplus, il est explicitement mentionné dans la requête devant le tribunal anglais que Monsieur [W] n'a pas sollicité les indemnités et avantages sociaux en lien avec la rupture de son contrat de travail et qu'il engagerait de telles demandes devant une autre juridiction. En outre, l'argument de la SA BNP PARIBAS selon lequel le demandeur dans la « Claim Form » ayant coché la case « Other payment » ne peut être retenu pour considérer que Monsieur [W] sollicitait d'autres paiements que l'indemnité pour violation des règles d'ordre public constituées par l'ACAS. En effet, compte-tenu de sa saisine, la rubrique « other payments » était la seule adaptée à la demande.

Dès lors, les présentes demandes ayant pour finalité de réclamer le paiement des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour différents préjudices subis, il convient de constater que celles-ci n'ont pas été formées devant la juridiction britannique. Il en résulte que les présentes demandes ne sont pas les mêmes que celles formées devant le « Employment Tribunal ».

Au surplus, il s'avère que les présentes demandes n'ont pas la même cause. En effet, la saisine de la juridiction britannique avait pour cause l'irrégularité du licenciement compte-tenu de la violation des règles d'ordre public de l' ACAS alors que les présentes demandes portent sur les conséquences financières du licenciement non seulement abusif mais aussi non fondé, ainsi qu'il résulte de la décision du juge britannique.

Les conditions posées par l'article 1351 précité, devenu l'article 1355 du code civil, étant cumulatives, il résulte des éléments précités qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée à l'encontre des demandes formées par Monsieur [W] devant le conseil de prud'hommes. En conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par Monsieur [W] irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail:

1/Sur le rappel de bonus au titre de l'année 2013:

Monsieur [W] réclame à ce titre la somme de 901.104,66 € correspondant à la moyenne des bonus perçus au titre des années 2010, 2011 et 2012, subsidiairement, la somme de 620.839 € correspondant à celui attribué pour l'année 2012, demande que la SA BNP PARIBAS juge infondée au motif que le salarié ne disposait d'aucun droit acquis au paiement d'un bonus discrétionnaire octroyé par la banque en fonction des résultats du groupe et des performances individuelles du salarié.

En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur Monsieur [W], dans son article relatif à la rémunération, dispose que « De plus, une rémunération variable pourra vous être versée en fonction de la rentabilité de BNP Paribas SA, de votre métier et de votre propre performance au titre de l'exercice effectif de votre activité professionnelle », bonus repris dans les mêmes termes par les avenants en date des 30 mars 2009 et 18 août 2010.

Si le salarié a perçu annuellement entre 2004 et 2012, soit sur une période de 9 ans, un bonus discrétionnaire, son montant étant compris entre 520.048 € pour l'année 2011 et 3.104.339 € pour l'année 2009, il n'en demeure pas moins qu'il résulte des termes mêmes du contrat de travail et des avenants précités que la rémunération variable dite bonus était chaque année discrétionnairement fixé par l'employeur ce qui ne permet pas à Monsieur [W] de revendiquer le paiement d'un bonus au titre de l'année 2013. Sa demande est rejetée.

2/ Sur les sommes dues au titre des parts CMIP et DCIS Plus 2011, 2012 et 2013.

Monsieur [W] expose que ses demandes portent sur des bonus dont le paiement était différé, exposant que les droits qu'il avait acquis à ce titre ne peuvent être remis en cause au motif de la condition de présence.

Il précise que l'arrêté du 3 novembre 2009 relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et entreprises d'investissement a fixé des conditions au paiement des rémunérations variables des salariés, en leur imposant de veiller à ce qu' « une fraction importante de cette rémunération variable soit versée sous condition de résultat et différée sur plusieurs années... ».

L'appelant ajoute que l'arrêté du 13 décembre 2010 n'a fait que compléter l'arrêté précédent et qu'aucune condition de présence n'est prévue par les textes et, qu'en tout état de cause, la condition de présence est nulle car remettant en cause un droit acquis alors que les parts dont il réclame le paiement constituent une modalité de paiement du bonus contractuel et sont attribuées au titre des performances passées du salarié.

Il considère donc sa demande bien fondée et demande à la cour de condamner la SA BNP PARIBAS à lui payer :

** 540.457,96 € au titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,

** 214.577,45 € au titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,

** 539.996,67 € au titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014.

La SA BNP PARIBAS demande à la cour de rejeter les demandes et expose que, aux termes tant des plans DCS 2010 que CMIP 2009, le droit aux parts n'est définitivement acquis que dans l'hypothèse où le salarié est présent au sein des effectifs au moment du paiement supposé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et que l'appelant ne peut pas davantage réclamer une indemnisation au titre d'une prétendue perte de chance de bénéficier du droit proratisé.

Elle fait valoir qu'elle a mis en place un système de récompense de ses collaborateurs les plus performants basé sur l'octroi d'une gratification bénévole à caractère exceptionnel, dénommée parts CMIP A et DCS qui constituent une gratification bénévole exceptionnelle dont le montant est discrétionnaire et destiné à motiver et fidéliser les collaborateurs.

S'il est incontestable, ainsi que le soutient la SA BNP PARIBAS, que le droit à un élément de rémunération peut être subordonné par l'employeur à une condition de présence au moment de son échéance, il n'en demeure pas moins, qu'en l'espèce, Monsieur [W] justifie des montants qui lui ont été attribués au titre des parts DCS 2011, DCS 2012 et DCS 2013 ainsi que des modalités de leur paiement sur trois années.

Dès lors que la SA BNP PARIBAS avait dûment fixé le montant accordé au salarié au titre de la « Deferred Compensation Scheme Plus - DCS », et que celle-ci ne justifie pas d'une absence de performance du salarié, il s'avère que les parts de DCS ne constituaient plus une gratification bénévole qui pouvait être accordée discrétionnairement par l'employeur mais comme un élément de la rémunération variable, et le salarié, bénéficiaire d'un droit acquis au titre des parts DCS Plus 2011, DCS Plus 2012 ainsi que DCS Plus 2013.

Au surplus, la SA BNP PARIBAS est d'autant moins fondée à opposer à Monsieur [W] une condition de présence au moment du paiement que l'absence de ce dernier au sein de la banque au moment du paiement des parts dont le paiement était différé résulte d'un licenciement jugé comme irrégulier et non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la SA BNP PARIBAS est condamnée à payer à Monsieur [W] les sommes suivantes:

** 540.457,96 € à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,

** 214.577,45 € à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,

** 539.996,67 € à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014.

S'agissant des parts CMIP 2009, Monsieur [W] déclare que tout salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire et que l'employeur ne peut invoquer l'intérêt de l'entreprise pour s'opposer à la communication des éléments nécessaires à la transparence de ses calculs.

Il précise que l'article 4.2. du plan CMIP 2009 stipule une condition de performance, selon laquelle les parts CMIP sont réduites suivant différents paliers et ce, jusqu'à 0, en fonction de la valeur annuelle du ROIE et du métier dont dépend le salarié, soit le métier « Fixed Income » pour ce qui le concerne.

Il ajoute que la SA BNP PARIBAS fait valoir que le ROIE annuel 2011 pour la branche Fixed Income s'élevait à 13,1% ce qui, en application de l'article 4.2 du plan CMIP 2009 ramènerait à 0 les parts CMIP payables en juin 2012, mais ne produit aucun élément objectif établissant la réalité de ce ROIE alors qu'elle est tenue de faire une communication spécifique annuelle.

Au surplus, il soutient que l'employeur a modifié unilatéralement le périmètre de détermination du ROIE, en y intégrant FORTIS (suite à la fusion intervenue en 2010) et a augmenté le taux de conversion des RWA de 6 à 7%, ce qui a eu pour effet de diminuer le ROIE en deçà des 14,5 % et donc de priver les salariés du bonus différé du Plan CMP2009.

En l'absence d'éléments probants de la part de la banque, il considère donc que la condition de performance est entièrement remplie et que, compte-tenu des parts qui lui ont été attribuées, de l'actualisation dont il a bénéficié en octobre 2009 et des paiements intervenues, la SA BNP PARIBAS est redevable de 17.213 parts à 27,65 € correspondant à la somme de 475.939,45 €.

La SA BNP PARIBAS conteste le bien fondé de la demande en soulevant les mêmes arguments que ceux exposés précédemment quant à l'objet du plan CMIP 2009 qui est de fidéliser les salariés et donc de conditionner le paiement des parts à la présence du salarié.

Il s'avère, toutefois, que Monsieur [W] réclame le paiement des partis CMIP 2009 payables en juin 2012, date à laquelle il était présent dans l'entreprise, son licenciement lui ayant été notifié le 30 septembre 2013.

Monsieur [W] justifie, qu'à la date du 28 février 2012, l'employeur lui a adressé un courrier ayant relatif au « Capital Markets Incentive Plan 2009 A » (CMIP 2009 A) dans les termes suivants:

« Comme indiqué dans la lettre que vous avez reçue en février 2009, 16.790 unités vous ont été octroyées dans le cadre du Plan (ajustées à 17.214 unités à la suite de l'augmentation de capital BNP Paribas du 26 octobre 2009), lesquelles devaient être acquises en juin 2012. Les mots et expressions définis dans le Plan s'appliquent à cette lettre.

Conformément à la clause 4.2 des Termes et Conditions du Plan, l'acquisition de vos unités était subordonnée au fait que le ROIE Annuel du Département Fixed Incomes pour l'année 2011 soit supérieur ou égal au COE, fixé aux fins du plan à 18%. Ces unités feraient l'objet d'une acquisition partielle si le ROIE Annuel de la ligne de Métiers Fixed Incomes pour l'année 2011 était supérieur à 14,6%.

Les comptes définitifs de la Ligne de Métier Fixed Income indiquent que le ROIE annuel pour 2011 s'élève à 13,1%.

En conséquence, j'ai le regret de vous annoncer que, conformément à la clause 4.2.3 des Termes et Conditions du Plan, toutes les unités du Plan devant être acquises en juin 2012 ont été perdues ».

Au surplus, le document général fixant les termes et conditions du CMIP 2009 A, dispose au dernier § de l'article 4.2 relatif , concernant la condition de Performance:

« Les données financières nécessaires à l'établissement de la condition de performance seront fournies sous la responsabilité de Finance et Développement Groupe et calculées selon les normes du Groupe BNP Paribas et les réglementations en vigueur au 31 décembre 2008 ».

Outre le fait que la SA BNP PARIBAS ne justifie pas d'éléments chiffrés à partir desquels le calcul de la condition de performance a été effectué pour les parts CMIP 2009 A payables en juin 2012, c'est à dire démontrant l'effectivité du taux de ROIE tel que retenu, elle n'apporte aucun élément probant remettant en cause le bien fondé des arguments de Monsieur [W] selon lesquels l'intimée a modifié unilatéralement le périmètre de détermination du ROIE et a augmenté le taux de conversion des RWA de 6 à 7% ce qui a eu pour effet de diminuer le ROIE en deçà de 14,5 % et de le priver, ainsi que les autres salariés, de ce bonus différé.

Il en résulte que la demande de Monsieur [W] est considérée comme bien fondée et la SA BNP PARIBAS, qui ne remet pas en cause la valeur de 27,65 € retenue pour une part, est condamnée à lui payer la somme de 475.939,45 € au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse:

1/ Sur les indemnités afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Son licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] bénéficie d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au moment de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] avait une ancienneté de 15 ans et 1 mois.

S'agissant du salaire brut mensuel moyen à retenir, ainsi que le soutient à juste titre la SA BNP PARIBAS, il résulte de l'application de l' articles 1234-5 du code du travail que l'indemnité compensatrice de préavis est calculé sur la base du salaire brut qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant la période.

En l'espèce, Monsieur [W] n'apporte aucun élément probant permettant de considérer qu'entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013, s'il avait pu travailler pendant son préavis, il aurait perçu des sommes autres que son salaire de base et la prime d'expatriation, soit 18.993 GBP + 10.265 GBP, ce qui correspond, sur la base d'une valeur de l'euro par rapport à la livre en septembre 2013 de 0,836, à la somme brute de 24.459,69 €. Dès lors, cette somme doit être retenue comme salaire mensuel brut pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur le fondement de l'article L.1234-5 du code du travail, la SA BNP PARIBAS est condamnée à payer à Monsieur [W] la somme de 73.379,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 7.338 € au titre des congés payés afférents.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, selon les termes de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en compte est calculé, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, sur la base soit des salaires des 12 derniers mois, soit des salaires des trois derniers mois et il résulte de l'application de ce texte que ne doivent pas être prises en compte les primes ou bonus présentant un caractère exceptionnel et correspondant à un événement unique.

En l'espèce, Monsieur [W] déclare avoir perçu sur les 12 derniers mois de son activité, soit entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013 la somme globale de 1.920.759 € et produit un décompte qui comprend, outre son salaire de base, la prime d'expatriation, les frais de scolarité, la « concil tax »ainsi que les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 perçues en mars 2013 ainsi que les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 qu'il devait percevoir en 2013, ne lui ont pas été versées à la suite de son licenciement et, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, lui ont été accordées par la présente décision. Il s'avère qu'en application de l'article R. 1234-4 du code du travail, Monsieur [W] n'a pas inclus dans la somme, les parts de DCS 2011, 2012 et 2013 accordées ci- dessus, qui devaient être versées dans les années antérieure ou ultérieure à l'année 2013.

En conséquence, le salaire brut mensuel moyen tel que fixé par l'appelant à la somme de 160.063,32 € est justifié et doit être retenu.

En conséquence, sur le fondement de l'article L. 1234-9 du code du travail, la SA BNP PARIBAS est condamnée à payer à Monsieur [W] la somme de 595.595,24 € à titre d'indemnité de licenciement.

Compte-tenu de son ancienneté et sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, Monsieur [W] bénéficie d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il sollicite la somme de 2.881.137,96 € et expose que son préjudice est particulièrement important au regard des circonstances dans lesquelles la rupture est intervenue et qu'âgé de 47 ans aujourd'hui, il n'a jamais été en mesure de retrouver un emploi de son niveau de compétence et avec les responsabilités et une rémunération équivalentes à celles qui étaient les siennes.

Il précise avoir subi aussi un préjudice financier très important puisqu'il a été privé de tout revenu jusqu'au mois de juin 2015, date à laquelle il a retrouvé un emploi, avec néanmoins une rémunération bien inférieure à celle qu'il percevait antérieurement et qu'étant installé avec sa famille à [Localité 3], il n'a pas été en mesure de bénéficier des allocations de chômage en France. Il ajoute que compte-tenu du motif de son licenciement et du retrait de sa licence professionnelle par la FCA (Financial Conduct Authority), il lui a été impossible de retrouver un emploi dans un établissement financier/bancaire en qualité de salarié.

La SA BNP PARIBAS considère le montant réclamé comme particulièrement exorbitant et expose que Monsieur [W] ne communique aucune pièce probante susceptible de justifier le préjudice allégué, ce qui selon elle, a pour cause le fait qu'il a créé son entreprise de gestion Quadra Capital Partners en février 2014, avant de rejoindre en qualité de Senior Portfolio Manager Finisterre Capital puis en décembre 2017 AMIA Capital.

Il apparaît qu'au soutien de sa demande, Monsieur [W] produit deux courriers de Monsieur [P] [R] CTA au sein de la Société [R] TAX CONSULTANTS LTD, responsable de la conformité de sa déclaration d' impôts depuis avril 2010 et qui a rempli toutes les déclarations fiscales depuis 2010/2011, qui déclare que l'appelant n'a eu aucun revenu au Royaume Uni entre fin octobre 2013 et juin 2015 lorsqu'il a recommencé à travailler, sauf pour un montant de 7.886 £ d'assurance maladie payé en son nom par Quadra Capital Partners LLP et que sa femme n'a perçu aucun revenu depuis qu'elle est devenue résidente au Royaume Uni en septembre 2010. Monsieur [R] indique aussi que pour la période de juin 2015 au 5 avril 2016, l'emploi de Monsieur [W] lui a rapporté la somme de 113.653 £, bonus compris, et la somme de 150.000 £ pour la période du 6 avril 2016 au 5 avril 2017.

S'agissant de son activité au sein de QUADRA CAPITAL, l'appelant indique que ne disposant pas des fonds nécessaires pour lui proposer un contrat de travail, cette société a, le 1er janvier 2015, déposé une demande de licence complémentaire auprès du FCA afin qu'il puisse devenir « partner » de la société mais que, faute de possibilité pour elle de collecter suffisamment de fonds, il a dû chercher un emploi dans une autre structure, éléments en conformité avec la teneur des courriers émanant de Monsieur [R].

Compte-tenu de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment des conditions du licenciement, et eu égard aux importantes responsabilités qu'il occupait et à la rémunération afférente, Monsieur [W] a subi un très important préjudice tant matériel, professionnel que moral que la cour estime à la somme de 2.081.000 € et condamne la SA BNP PARIBAS au paiement de cette somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Outre les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] déclare avoir subi un préjudice spécifique du fait du défaut partiel de cotisations aux régimes complémentaires de retraite de la part de l'employeur et de manquement de ce dernier à son obligation d'information.

Il expose que durant sa période de détachement à [Localité 4] puis à [Localité 3] la SA BNP PARIBAS a procédé au règlement des cotisations au titre des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO sur son salaire salaire de référence en France et non sur l'ensemble des rémunérations qui lui ont été effectivement versées et qu'au surplus, sur ses bulletins de salaire anglais, il était classé dans la catégorie « X » qui signifie qu'il était déclaré comme détaché auprès des autorités anglaises.

Au surplus, il fait valoir que l'employeur était tenu à son égard à une obligation d'information sur sa situation à l'étranger au regard des cotisations de retraite et de la possibilité qu'il avait d'adhérer volontairement au régime et que le manquement de la SA BNP PARIBAS lui a causé un préjudice consistant en la perte d'une chance de s'assurer volontairement contre le risque vieillesse, ajoutant que, contrairement à ce qu'elle affirme, l'intimée n'apporte aucun élément démontrant qu'il avait expressément sollicité son affiliation à la CFE.

En conséquence, il demande à la cour de condamner l'intimée à lui payer la somme de 118. 032 €.

Très subsidiairement, s'il était considéré qu'il avait le statut d'expatrié, l'appelant demande à la cour de dire que l'intimée a manqué à son obligation d'information, faute de l'avoir informé du fait que les cotisations étaient versées sur la base du seul salaire de référence et des conséquences de son prétendu statut en matière de retraite complémentaire et sollicite la même somme à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse.

La SA BNP PARIBAS conteste le bien fondé de la demande et expose que le salarié relevait du statut d'expatrié en matière de couverture sociale, c'est à dire qu'il était couvert par le droit de protection local mais que, sans être aucunement tenue de cotiser auprès de l' AGRIC/ARRCO, elle a cotisé volontairement à compter de 2009 en raison du contrat de travail français du salarié auprès des dites caisses et, ce, en conformité avec la convention collective nationale du 14 mars 1947 et de l'Accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961.

Elle précise qu'à compter de 2009, afin de lui permettre de bénéficier d'une couverture complémentaire, Monsieur [W] a volontairement adhéré à la sécurité sociale de la CFE et soutient que celui-ci fait une confusion flagrante entre les notions de détachement et d'expatriation en soutenant qu'étant salarié détaché au sens du droit du travail, il devait être nécessairement détaché au sens de la sécurité sociale, alors que les deux droits sont autonomes et les deux notions indépendantes.

Elle ajoute qu'alors qu'elle était parfaitement en droit de se fonder sur le salaire de référence comme base des cotisations, elle a majoré la salaire de référence de 23,413% pour tenir compte des primes et rémunérations variables et que tous les salariés expatriés avaient connaissance du montant des cotisations et bénéficiaient d'une information complète dans le manuel de la politique d'expatriation, documentation accessible à tout moment sur le site intranet du Groupe dédié aux salariés.

La SA BNP PARIBAS conclut que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Au vu des pièces produites par le salarié, il s'avère qu'à la suite du contrat de travail de droit français en date du 2 avril 2009, alors que le salarié était en poste à [Localité 4], par lettre du 2 avril 2009 qui fixe les conditions de son engagement, Monsieur [W] a été destinataire d'un courrier en date du 30 mars 2009, lui confirmant son affectation au sein du métier Fixed en tant que Head of Interest & FX Trading Asia Pacific à compter du 1avril avril 2009, « sous réserve de l'obtention de votre permis de travail et de votre certificat médical d'aptitude à l'expatriation.

Il est aussi mentionné dans le document: « Les termes et conditions de votre contrat avec BNP Paribas SA (votre entité d'accueil) continueront à s'appliquer, pendant la durée de votre détachement, sous réserve des Conditions Générales d'Expatriation en vigueur chez BNP PARIBAS (Politique d'Expatriation ) et des dispositions particulières suivantes à l'exclusion de tout autre accord ».

S'agissant du salaire, il est fait référence à un salaire annuel brut de base de référence s'élève à 130.000 € et à la rubrique « Salaire d'expatriation » « Un salaire annuel brut d'expatriation de SGD 383.630 € vous sera versé par votre entité d'accueil, selon les modalités locales » et au fait que « durant ce détachement, votre salaire d'expatriation se substituera... ».

A la rubrique « Régime de Prévoyance », l'employeur a indiqué:

« Vous bénéficierez, en tant qu' expatrié de France à [Localité 4], et pendant la durée de votre détachement:

.- de la couverture santé ( base CFE volontaire plus assurance complémentaire) applicable aux collaborateurs de BNP Paribas SA expatriés de France,

- de la couverture santé ( base CFE volontaire plus assurance complémentaire) applicable aux collaborateurs de BNP Paribas SA expatriés de France,

- de la couverture volontaire chômage applicable aux collaborateurs de BNP Paribas expatriés de France sur la base de votre salaire de référence.

Les cotisations vous incombant, afférentes aux régimes ci-dessus, seront débitées de votre compte personnel en France. Il en a été tenu compte dans la détermination de votre salaire d'expatriation ».

Lorsque Monsieur [W] a quitté [Localité 4] pour être affecté à [Localité 3], la SA BNP PARIBAS lui a confirmé son affectation par courrier du 16 août 2010, dans des termes que le salarié a dûment acceptés le 30 août 2010.

Le document contient, notamment, les mentions suivantes : « Salaire d'expatriation- Un salaire annuel brut d'expatriation de GBP 227.915 vous sera versé par votre entité d'accueil, selon les modalités locales ». S'agissant du régime de prévoyance, sont reprises à l'identique les mentions contenues dans la lettre du 30 mars 2009 précitée.

Il résulte des mentions explicites des documents précités ayant valeur contractuelle que Monsieur [W] avait le statut d'expatrié durant ses affectations à [Localité 4] et à [Localité 3] et le fait que le terme de « détachement » soit utilisé à quelques reprises est insuffisant pour remettre en cause les mentions précises relatives à son statut d'expatrié contenues dans les documents contractuels, d'autant que ses bulletins de salaire le mentionnent comme « BNP Paribas Exptatriates » et indiquent qu'il bénéficie d'une « EXPAT Allowance ».

Dès lors, Monsieur [W] n'est pas fondé à se prévaloir d'un manquement de l'employeur eu égard aux dispositions légales et conventionnelles régissant le régime social des salariés détachés pour solliciter la somme de 118.032 € à titre de dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite. Sa demande est rejetée et le jugement déféré confirmé en cette disposition.

Au surplus, compte-tenu des termes précis contenus dans les courriers de confirmation de ses affectations à [Localité 4], puis à [Localité 3], en qualité d'expatrié et de la référence faite dans la lettre du 30 mars 2009 aux conditions générales d'expatriation en vigueur dans l'entreprise (Politique d'expatriation), Monsieur [W] avait connaissance du fait qu'en sa qualité d'expatrié et qu'en application des dispositions légales et conventionnelles, il bénéficiait au titre du régime de sécurité sociale, notamment d'une couverture AGIRC et ARRCO, sur la base de cotisations à hauteur de 23,413% de son salaire de référence tel que fixé à 130.000 € et qu'il disposait de toutes les informations utiles lui permettant de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse.

Aucun manquement à son devoir d'information ne peut donc être reproché à l'intimée et la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse est rejetée. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Il convient d'ordonner à la SA BNP PARIBAS de remettre à Monsieur [W] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la présente décision.

Toutefois, faute pour l'appelant de justifier d'un risque de non-exécution par l'intimée de la décision, la demande de remise des documents sous astreinte est rejetée.

La SA BNP PARIBAS est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Pour faire valoir ses droits, Monsieur [W] a dû engager des frais non compris dans les dépens. La SA BNP PARIBAS est condamnée à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que le jugement rendu par l' Employment Tribunal le 8 juillet 2014 a autorité de la chose jugée en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [H] [W] par la SA BNP PARIBAS non fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déclare Monsieur [H] [W] recevable en ses demandes formées devant la présente juridiction,

Condamne la SA BNP PARIBAS à payer à Monsieur [H] [W] les sommes suivantes:

** 540.457,96 € à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,

** 214.577,45 € à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,

** 539.996,67 € à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014,

** 475.939,45 € au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012,

** 73.379,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 7.338 € au titre des congés payés afférents.

** 595.595,24 € à titre d'indemnité de licenciement.

** 2.081.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur [H] [W] de ses autres demandes,

Ordonne à la SA BNP PARIBAS de remettre à Monsieur [H] [W] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la présente décision,

Rejette la demande de remise des documents sous astreinte,

Condamne la SA BNP PARIBAS aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à Monsieur [H] [W] de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

P/ le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/07817
Date de la décision : 22/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/07817 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-22;16.07817 ?
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