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15/05/2019 | FRANCE | N°16/07328

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 15 mai 2019, 16/07328


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 15 Mai 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07328 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY3XC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 15/00185





APPELANTE

SAS SOCIETE ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]>
représentée par Me Jean-sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0790 substitué par Me Audrey CAGNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0135







INTIME

Monsieur...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 15 Mai 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07328 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY3XC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 15/00185

APPELANTE

SAS SOCIETE ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0790 substitué par Me Audrey CAGNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0135

INTIME

Monsieur [P] [Q] DIT [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Nicolas THOMAS-COLLOMBIER, avocat au barreau D'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Patricia DUFOUR, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Catherine BEZIO, président

Patricia DUFOUR, conseiller

Benoît DEVIGNOT, conseiller

Greffier : Mme Frantz RONOT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, prorogé à ce jour.

- signé pour le président empêché par Patricia DUFOUR, conseiller et par M. Philippe ANDRIANASOLO, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par

Faits et prétentions:

Suivant contrat à durée indéterminée du 10 janvier 1994, la société SOCIETE ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE, ci-après SAI, a embauché Monsieur [P] [Q] DIT [L] en qualité d'ingénieur débutant, la relation de travail étant régie par la convention collective dite SYNTEC.

A compter du 1er avril 2002, le salarié est devenu responsable technique, puis responsable de département à compter du 1er février 2005 avant d'être nommé en qualité de Directeur Département à compter du 1er avril 2007. En son dernier état Monsieur [Q] DIT [L] était directeur du département Fluides et Logistiques.

La SAS SAI propose des solutions pour centrales électriques afin d'en optimiser l'efficacité, de l'admission d'air jusqu'au échappement, appartient au groupe ATE qui comprend aussi en France les sociétés Décibel France, AIP et Eurosilence ainsi que trois sociétés à l'étranger, en Allemagne, Chine et République Tchèque et a un effectif total de 130 salariés.

Par lettre en du 31 janvier 2014, la SAS SAI a convoqué Monsieur [Q] DIT [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 10 février, reporté au 14 février, au cours duquel l'employeur a remis au salarié la documentation sur le contrat de sécurisation professionnelle auquel il a adhéré le 7 mars 2014. Par courrier en date du 14 février 2014, la SAS SAI a informé Monsieur [Q] DIT [L] des raisons économiques et financières du projet de licenciement.

Par courrier en date du 11 mars 2014, la SAS SAI a notifié à Monsieur [Q] DIT [L] son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement, la rupture du contrat de travail étant devenue effective à compter du 7 mars 2014, date d'expiration du délai de réflexion pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Le 6 mars 2015, Monsieur [Q] DIT [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande tendant, en son dernier état, à voir dire et juger non fondé sur une cause réelle et sérieuse son licenciement pour motif économique et condamner la SAS SAI au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage, à titre subsidiaire, pour non-respect des critères d'ordre des licenciements, d'un rappel de prime et d' une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 31 mars 2016, le conseil de prud'hommes a':

- jugé le licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS S.A.I. à payer à Monsieur [Q] DIT [L] les sommes de':

** 12.705 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

** 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements,

- condamné la SAS SAI aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 17 mai 2016, la SAS SAI a fait appel de la décision.

Elle demande à la Cour':

- d'écarter des débats la pièce adverse n° 22,

- de dire et juger que le licenciement de Monsieur [Q] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- de dire et juger que les critères d'ordre des licenciements ont été correctement appliqués,

- de dire et juger qu'il n'y a pas eu violation de la priorité de réembauchage,

- de dire et juger que la prime «'OME'» n'est pas due,

- de réformer partiellement en conséquence le jugement entrepris,

- de débouter Monsieur [Q] de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel, de condamner Monsieur [Q] pour violation de l'obligation de restitution et de confidentialité à hauteur de 50.000 €,

- de le condamner aux dépens et à l'indemniser à hauteur de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [Q] DIT [L] demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que la priorité de réembauchage n'avait pas été respectée,

- réformer le jugement déféré sur les autres points,

- dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS SAI au paiement des sommes suivantes':

** 38.115 € au titre du non-respect de la priorité de réembauchage,

** 228.690 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que les critères d'ordre et la priorité de réembauchage n'avaient pas été respectés,

- réformer le jugement déféré sur les autres points,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la SAS SAI à lui payer les sommes de':

** 38.115 € au titre du non-respect de la priorité de réembauchage,

** 228.690 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre,

En tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de paiement de la prime OME et de dommages et intérêts pour communication tardive et mauvaise foi,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la SAS SAI à lui payer les sommes suivantes':

** 5.000 € au titre de la prime «'OME'»,

** 500 € au titre des congés payés afférents,

** 6.352,50 € au titre de la communication tardive et la mauvaise foi,

** 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 11 juin 2018 , reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION :

Sur le rejet de la pièce n° 22 produite par Monsieur [Q] DIT [L]':

Monsieur [Q] DIT [L] ne remet pas en cause le fait que le compte-rendu de l'entretien préalable, tel que versé aux débats et établi par Madame [S] [V] qui le représentait, résulte d'un enregistrement effectué sans que l'employeur en soit informé.

Dès lors, il convient de rejeter la pièce litigieuse.

Sur le licenciement pour motif économique':

Selon les termes de l'article 1233-3 du Code du travail ''Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'

Il résulte de l'application de ce texte que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et qu'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise, les offres de reclassement proposées au salarié devant être écrites et précises.

Dès lors, il incombe au juge de vérifier que'les difficultés économiques ou les mutations technologiques avérées ont abouti à la suppression de l'emploi du salarié ou à une modification substantielle de son contrat de travail qu'il n'a pas acceptée.

Au surplus, en application des dispositions de l'article L.2133-67 du code du travail, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit remettre personnellement à celui-ci un document énonçant le motif économique de la rupture.

En outre, en application de l'article L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur, qui ne doivent être ni trop vagues, ni trop généraux.

En l'espèce, le 14 février 2014, lors de l'entretien préalable, la SAS SAI a remis en main propre au salarié un courrier exposant les difficultés économiques de l'entreprise dans les termes suivants':

«'' Au cours des deux réunions ordinaire et extraordinaire du Comité d'entreprise qui se sont tenues les 13/01/2014 et 27/01/2014, nous avons exposé au Comité d'entreprise les raisons économiques et financières du projet de suppression de 8 postes emportant potentiellement le licenciement collectif pour 8 salariés de l'entreprise.

a) Exposé des raisons économiques et financières de ce projet':

SAI a pratiquement toujours été une société mono-produit (capotage) et mono-client (GE). Jusqu'en 2011, SAI a quasiment toujours connu une croissance continue, parallèle à la croissance du marché des turbines à gaz, avec une forte croissance du chiffre d'affaires combinée à des résultats positifs. Cette croissance s'est accompagnée d'un renforcement des effectifs dans le but de développer nos compétences pour nos principaux clients dans le domaine des turbines à gaz.

SAI est confrontée à un retournement d'activité depuis l'année 2012': celle-ci a été particulièrement décevante en terme de résultats (résultat net quasi nul) et de diversification de clientèle. Alors que GE a encore représenté plus de 50% du CA, l'ensemble des autres clients a dégagé une marge nette négative sur l'exercice 2012.

L'année 2013 ne voit aucune amélioration et sera historiquement la plus mauvaise de la vie de SAI car non seulement le CA recule de plus de 33% mais surtout la rentabilité (résultat d'exploitation) devrait être négatif à -1,2 M€, et le résultat net devrait se situer à -1,8 M€.

Le résultat d'exploitation prévisionnel 2013 de':

* SAI devrait se situer aux alentours de -1,2 M€,

* AIP': - 460 K€ (estimé),

* SAI Gmbh': - 600 K€ (estimé),

* SAI Sro': 40 K€ (estimé),

* SAI Suzhou': 74 K€ (estimé),

* SAI Gmbh a décidé de supprimer deux emplois courant janvier 2014,

* Décibel France': 750 K€ (estimé),

* Eurosilence': 120 K€ (estimé).

SLF a été mis en liquidation judiciaire et les locaux ont pu être vendus.

Au total, le résultat d'exploitation prévisionnel devrait être d'environ -1,3M€ pour 2013.

La trésorerie de SAI reste très tendue et le paiement des fournisseurs est échelonné.

Le marché de GE s'effondre': la baisse de notre CA avec GE et des résultats, observée depuis mi-2012 et amplifiée depuis 2013, est malheureusement durable, dans un contexte de marché de la turbine à gaz en plein marasme. SAI ne s'attend pas à une reprise significative de l'activité avec GE avant 2016-2017.

Les pertes enregistrées en 2013, la faible activité prévue pour 2014 et une trésorerie de plus en plus tendue nous obligent à nous adapter. La mauvaise santé financière de SAI et de ses filiales, les forts engagements bancaires, le contentieux en cours sur une affaire, mettent en péril la pérennité de SAI.

Pour assurer sa pérennité, SAI doit substituer à sa traditionnelle base de rentabilité récurrente qu'était GE, un nouveau socle fondé sur un redéploiement vers de nouveaux axes de développement rentables et non risqués.

Or, depuis sa création, l'organisation et les compétences de SAI ont toujours été axées sur les besoins particuliers de GE.

Du fait de ses difficultés économiques graves et persistantes, SAI doit donc prendre des mesures d'économie.

b) Motif de suppression d'un poste de Directeur de département Fluides et Logistique':

Pour les raisons ci-dessus exposées, la Société envisage la suppression de 8 postes pouvant conduire potentiellement à 8 licenciements.

Un poste de Directeur de Département Fluides et Logistique serait supprimé.

La suppression de la Direction des Fluides et Logistique a été actée lors de la réorganisation de la Direction Technique et Industrialisation, ayant pris effet au 01/11/2013. Cette décision a été motivée par une organisation transversale des activités depuis la prise de commande jusqu'à la livraison du produit.

Les missions exercées par le Directeur Fluides et Logistique étaient les suivantes':

*La supervision de l'activité logistique': celle-ci est constituée en un département rattaché directement au Directeur Technique'; les missions sont assumées par le Responsable Logistique qui, dans la nouvelle organisation, reporte directement au Directeur Technique.

*L'activité ingénierie et le développement du produit OME (déshuileur)': ces missions seraient regroupées et gérées par la B.U. OME existante.

* Il a été décidé de transférer l'activité Aéraulique au titulaire du poste de Directeur Fluides et Logistique, dans un premier temps. Cependant, eu égard à la faible charge d'activité que cela représente, il serait plutôt envisagé de l'externaliser.

L'ensemble des critères légaux d'ordre des licenciements ont été pris en considération et la Direction a retenu, après avis du Comité d'entreprise, les critères':

* d'ancienneté,

* de charges de famille,

* de situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion difficile en raison de leur âge,

* et le critère de diplômes,

Auxquels des critères de pondération ont été appliqués.

Il est précisé que le poste que vous occupez est le seul dans sa catégorie professionnelle. Dès lors, les critères d'ordre des licenciements ne sont pas applicables en ce qui vous concerne''».

Monsieur [Q] DIT [L] conteste la réalité des difficultés économiques alléguées et expose que la lettre ne mentionne que des résultats prévisionnels et aucun résultat définitif et que la pérennité de la Société SAI et du Groupe n'était nullement menacée, d'autant que dès juin 2014 la société SAI a fait paraître des offres d'emploi, qu'il y a eu 6 embauches avant le 26 septembre 2014 et que le chiffre d'affaires de 2014 était supérieur à celui de 2013.

Monsieur [Q] DIT [L] ajoute que postérieurement à son licenciement il y a eu 14 embauches au sein de la société SAI, 7 au sein de la société DECIBEL, 1 pour la société EUROSILENCE et 3 pour la société AIP, soit un total de 25 salariés engagés.

Il fait valoir qu'un dividende important de 1.300.000 € a été versé en 2013 alors que la société avait des pertes et qu'il s'agissait d'un choix politique destiné à favoriser les actionnaires au détriment des salariés.

Au soutien des difficultés économiques alléguées, la SAS SAI verse aux débats':

- un document destiné à la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement de 8 salariés,

- le procès-verbal de la réunion ordinaire du CE du 13 janvier 2014,

- les bilans des exercices 212, 2013 et 2014 de la SAS SAI,

- les rapports des commissaires aux comptes,

- les rapports de gestion du président de la société ATE et le groupe pour les exercices 2013 et 2014,

- des extraits de registre du personnel,

Le document destiné à la consultation du CE, mentionne que l'effondrement de la situation économique de la SAI fin 2013 est dû à la baisse de 50% de l'activité avec le principal client GE( General Electric), compte-tenu de l'effondrement du marché de celle-ci qui résulte du plein marasme dans lequel se trouve le marché de la turbine à gaz lié au retournement du coût des matières premières gaz ou pétrole par rapport au charbon dont le prix au niveau mondial a chuté eu égard à la croissance spectaculaire de la production de gaz et de pétrole de schiste en Amérique du Nord. Il précise que les exploitants exportent massivement le charbon en Europe avec des prix très bas et que l'Allemagne et d'autres pays européens ainsi que l'Asie redémarrent des usines à charbon au détriment de la demande mondiale de turbine à gaz pour centrales électriques.

L'employeur ajoute qu'au surplus GE a décidé depuis novembre 2013 de découper la fourniture des capotages liés à chaque affaire sur 2 ou 3 fournisseurs ce qui affectera le CA ainsi que la marge et que les besoins de ce client se sont complexifiés et qu'il refacture systématiquement depuis 2013 90% du coût des réparations sites dues à des erreurs de fabrication ou de conception, ce qui a représenté plus de 100.000 €.

Il fait valoir que la société tente de se diversifier sur d'autres produits et d'autres marchés, notamment les échappements et les silencieux des turbines , qui vieillissent mal et nécessitent une remise en état tous les 5 ans environ , mais que cela nécessite de développer de nouveaux marchés à l'étranger, parler la langue, gérer le risque pour les contrats locaux ce qui constitue une mutation par rapport à la relation avec un seul client localisé en France.

La SAI conclut en indiquant que la diversification vers d'autres produits va entraîner la réorganisation de la Direction Technique et Industrialisation afin de générer une optimisation qualitative et quantitative.

S'agissant des données financières et comptables, les éléments produits établissent que la SAS SAI a effectivement connu une baisse de son chiffres d'affaires au cours de l'année 2013 puisque celui-ci est passé de 34.953.619 € au 31 décembre 2012 à 23.400.090 € au 31 décembre 2013. Toutefois, la baisse ne s'est pas poursuivie puisqu'au 31 décembre 2014, le chiffre d'affaires était de 27.098,124 €.

Pour ce qui est de son résultat, la société a enregistré un bénéfice de 141.470 € au 31 décembre 2012, une perte de -2.041.051 € au 31 décembre 2013, suivie d'une perte moindre à hauteur de -726.315 € au 31 décembre 2014.

Pour ce qui concerne le Groupe ATE les rapports de gestion du président sur la société ATE et le groupe établissent':

- qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, la société SAVOIR LE FABRIQUER , filiale à 100% de SAI a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce le 13 juillet 2013, la société DECIBEL France a vu son chiffre d'affaires augmenté légèrement au cours de l'année 2013, a enregistré un bénéfice de 769.620 €, contre 562.269 € pour l'année précédente et disposait d'un portefeuille de commandes qui s'élevait à plus de 8,9 M€. Toutefois, il est indiqué que la SAI GmbH, filiale à 100% de SAI, a connu une baisse de son chiffre d'affaires au cours de 2013 qui s'est traduit par une perte de -82.743 €, que la SAI lui a consenti un nouvel abandon de créance d'un montant de 500.000 K€ et que les titres de participation ont été dépréciées à 100%'.

Quant à la société SUZHOU Acoustique China Ltd, filiale à 100% de SAI, dont l'activité principale consiste à développer l'activité commerciale et industrielle de SAI en Chine, elle a vu son chiffre d'affaires passer de 4.668.696 € en 2012 à 2.706.000 €.

En outre, contrairement à ce qu'affirme la SAS SAI, le rapport 2013 mentionne de la distribution d'un dividende de 1.300.000 € sans aucune référence aux arguments développés par l'appelante.

Le rapport sur l'exercice 2014 du Groupe ATE indique que la société SAI GmbH a connu une perte, perte en augmentation depuis l'année précédente, puisque passée de ' 82.743 € à 680.722,50 € et que la société SUZHOU Acoustique China, avec une augmentation de son chiffre d'affaires (3.269.564 € au lieu de 2.706.000 €) a, néanmoins subi une perte de -626.346 € (au lieu d'un bénéfice de 72.790 € pour 2013).

Au vu des éléments ci-dessus exposés, il s'avère que, contrairement à ce que soutient Monsieur [Q] DIT [L], les difficultés économiques ne sont pas temporaires mais que la pérennité de la SAS SAI était en question eu égard à l'évolution du secteur spécifique dans lequel elle évolue et les nécessités d'adaptation auxquelles elle est confrontée eu égard à l'évolution du marché des turbines à gaz et du changement de stratégie économique de son principal client GE ce qui justifiait la réorganisation entreprise et le choix de supprimer la direction au sein de laquelle il travaillait et le poste directeur des Fluides et Logistique qu'il occupait. Dès lors, il convient de considérer que les difficultés économiques auxquelles était confrontée la SAS SAI sont établies.

S'agissant de l'obligation de reclassement, elle consiste pour l'employeur à rechercher un emploi parmi ceux qui étaient disponibles au moment du licenciement au sein de la société et, si celle-ci appartient à un groupe, au sein des autres entreprises du groupe dès lors qu'existe une permutabilité des emplois. Au surplus, l'employeur doit exécuter son obligation avec loyauté ce qui implique, notamment, d'effectuer des recherches personnalisées.

La SAS SAI conteste tout manquement à son obligation de reclassement et expose que, pour y satisfaire, elle a proposé au salarié, le 19 février 2014, un poste en interne de chargé d'affaires,

Monsieur [Q] DIT [L] soutient que cette obligation n'a pas été respecté et expose que le registre du personnel de la SAS SAI, tel que communiqué, ne commence qu'en 2012 et que seule une lettre circulaire à laquelle était annexée une liste des postes supprimés a été adressée aux autres sociétés du groupe le 19 décembre 2013 avec souhait de réponse au 6 janvier 2014 alors que durant cette période de fêtes les sociétés fonctionnent au ralenti.

Pour justifier de ses recherches la SAS SAI communique une lettre qu'elle a adressée le 18 décembre 2013 aux sociétés du groupe dans les termes suivants':

«'Nous envisageons la mise en 'uvre de 8 suppressions de poste emportant le licenciement pour motif économique de 8 salariés de notre société.

A cet effet, nous vous remercions de bien vouloir nous communiquer avant le 6 janvier 2014 au tard, par courrier recommandé avec accusé de réception, les offres de postes vacants susceptibles d'être proposées au sein de votre entité, ainsi que les définitions de fonctions correspondants, pour nos collaborateurs dont vous voudrez bien trouver en pièce jointe la liste des emplois et niveaux de classification'''», le document joint étant un tableau qui comporte l'intitulé des 8 emplois concernés ainsi que le statut du salarié concerné et le coefficient de classification tels qu'ils résultent de la convention collective SYNTEC.

Il s'agit là d'une simple circulaire qui ne comporte aucun élément sur les profils des salariés occupant les postes concernés, nom, âge, formation, carrière professionnelle. Au surplus, l'obligation de reclassement imposant à l'employeur d'adresser des éléments précis et personnalisés aux sociétés du groupe il convient de considérer qu'en n'effectuant pas de recherche personnalisée auprès des sociétés du groupe, la SAS SAI a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement pour motif économique de Monsieur [Q] DIT [L] est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Au moment de son licenciement, Monsieur [Q] DIT [L] avait une ancienneté de 20 ans et 1 mois et son salaire moyen brut est fixé à 6.352,50 €'et non à 6.342 € ainsi que l'affirme sans le démontrer la SAS SAI.

Sur le fondement de l'article L. 1235-3, Monsieur [Q] DIT [L] bénéficie d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Monsieur [Q] DIT [L] sollicite la somme de 228.115 € et expose qu'il a été en contrat avec COUV'EMPLOI à compter du 1er octobre 2015 dans l'optique de créer sa société, création qui est effective à ce jour.

L'intimé justifie de la perception d'allocations de Pôle emploi du 8 mars 2014 au 4 avril 2016, de l'avis d'imposition 2016 mais ne justifie d'aucun élément probant concernant la société qu'il a créée et les revenus qu'elle a pu lui rapporter.

Compte-tenu des conditions dans lesquelles il a été licencié, des préjudices économique et moral subi par l'intimé et des éléments produits, la cour estime le préjudice de Monsieur [Q] DIT [L] à la somme de 95.300 € et condamne la SAS SAI au paiement de cette somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes':

- Sur le non-respect de la priorité de réembauche':

Selon les dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail': «'Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat s'il en fait la même demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles ''»

Il résulte de l'application de ce texte que l'obligation d'information peut être limitée aux emplois pour lesquels le salariés a demandé sa réintégration et que, contrairement à ce que soutient la SAS SAI, l'indemnité pour violation de la priorité de réembauche et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont cumulables.

La SAS SAI conteste tout manquement à cette obligation et expose que Monsieur [Q] DIT [L] a fait valoir sa priorité de réembauche le 31 mars 2014 et que cette priorité était applicable pendant 12 mois à compter de sa sortie des effectifs, soit jusqu'au 6 mars 2015, mais que l'intimé ne peut se fonder sur les offres d'emploi mais sur les embauches effectives pour qu'il y ait manquement de sa part.

Selon sa lettre du 31 mars 2014, Monsieur [Q] DIT [L] a demandé à être informé «'de tout emploi devenu disponible dans mes nombreuses qualifications au sein de votre entreprise'» et a joint la liste des activités qu'il avait managées durant ses années d'activités au sein de l'entreprise.

En l'espèce, il s'avère que pendant la période concernée, la SAS SAI a embauché 13 salariés dont des chargés d'affaires disposant d'un diplôme d'ingénieur et un ingénieur acousticien. Si, en l'absence des compétences requises Monsieur [Q] DIT [L] ne pouvait occuper ce dernier poste, il n'en demeure pas moins que l'appelante devait lui proposer les postes de chargé d'affaires, en particulier ceux de Messieurs [Z] et [J].

Ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, la SAS SAI n'a donc pas respecté la priorité de réembauche. Monsieur [Q] DIT [L] sollicite à titre d'indemnité la somme de 38.115 €. Toutefois, faute de justifier d'éléments probants remettant en cause le bien fondé de la somme accordée à ce titre par le conseil de prud'hommes, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a accordé à ce titre la somme de 12.705 €.

- Sur la demande de prime «'OME'»':

Monsieur [Q] DIT [L] expose que la société avait été chargée de fournir, monter et faire des essais pour un déshuileur, puis, s'il y avait lieu, pour 56 et qu'il lui avait été dit qu'il bénéficierait d'une prime de 5.000 € brut en cas de tests concluants.

Il précise que le 14 mai 2013, le client avait informé la SAS SAI que les tests étaient concluants et que la prime promise n'était pas liée à une commande mais qu'il n'avait pas bénéficié de la prime, que ses demandes avaient été vaines et que cette absence de paiement l'avait contraint à dénoncer le solde de tout compte.

Au vu du courriel adressé par l'intimé à Monsieur [N] [W] le 23 juin 2014, aucune prescription ne peut lui être opposée. Toutefois, faute pour Monsieur [Q] DIT [L] de justifier d'un élément probant en français ou disposant d'une traduction ad hoc, justifiant du bien fondé de la demande, celle-ci est rejetée. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour communication tardive et mauvaise foi':

Faute de justifier d'un préjudice Monsieur [Q] DIT [L] est débouté de sa demande formée à hauteur de 6.352,50 €.

- Sur la demande reconventionnelle de la SAS SAI':

La SAS SAI soutient que Monsieur [Q] DIT [L] se livre à de très graves actes de concurrence déloyale en créant la société V2F Technology avec l'aide de Madame [E], ancienne salariée, qu'il propose à la vente des cartouches pour les déshuileurs rigoureusement identiques à celles commercialisées par l'appelante ce qui l'a contrainte, pour préserver ses droits, à saisir le président du tribunal de commerce d'Evry qui a désigné un huissier de justice aux fins d'établissement d'un procès-verbal de constat.

Elle sollicite la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de restitution et de confidentialité.

Ainsi que le soutient à juste titre Monsieur [Q] DIT [L], il n'était tenu à aucune obligation de non-concurrence et rien ne lui interdisait de vendre des produits similaires à ceux vendus par la SAS SAI. Au surplus, l'appelante réclame des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de restitution et de confidentialité sans justifier tant juridiquement que sur le fond du bien fondé de sa demande, le procès-verbal établi par l'Huissier de justice n'apportant pas d'élément probant à ce titre.

La demande de la SAS SAI est rejetée.

La SAS SAI est condamnée aux dépens.

Pour faire valoir ses droits, Monsieur [Q] DIT [L] a dû engager des frais non compris dans les dépens. Au vu des éléments du dossier, la SAS SAI est condamnée à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné à ce titre la SAS SAI au paiement de la somme de 1.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

- rejette la pièce n° 22 produite par Monsieur [P] [Q] DIT [L] correspondant au compte-rendu de l'entretien préalable établi par Madame [S] [V],

- infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement pour motif économique de Monsieur [P] [Q] DIT [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur ces disposions et y ajoutant,

- Dit non fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de Monsieur [P] [Q] DIT [L] par la SAS SOCIETE D'ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE,

- Condamne la SAS SOCIETE D'ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE à payer à Monsieur [P] [Q] DIT [L] la somme de 95.300 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Déboute Monsieur [P] [Q] DIT [L] de sa demande de dommages et intérêts pour communication tardive et mauvaise foi,

- Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,

-Condamne la SAS SOCIETE D'ACOUSTIQUE INDUSTRIELLE aux dépens et au paiement à Monsieur [P] [Q] DIT [L] la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

P/ le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/07328
Date de la décision : 15/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/07328 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;16.07328 ?
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