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09/05/2019 | FRANCE | N°17/07945

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 09 mai 2019, 17/07945


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 MAI 2019



(n°2019 - 154, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07945 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EC2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/01973





APPELANTE



L'Office National d'Indemnisation de

s Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 2]





Représenté par Me N...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 MAI 2019

(n°2019 - 154, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07945 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EC2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/01973

APPELANTE

L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assisté à l'audience de Me Joffrey OZIMEK, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082, substituant Me Olivier SAUMON de l'AARPI VATIER & ASSOCIES Association d'Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMES

Monsieur [G] [R]

Né le [Date naissance 1] 1967 à FRESNES SUR ESCAUT

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représenté par Me Frédéric LE BONNOIS de la SELAS CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299

Assisté à l'audience de Me Valérie BURSTOW, avocat au barreau de PARIS

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du HAINAUT, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Défaillante, régulièrement avisée le 25 juillet 2017 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère, chargé du rapport

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

**************

Le 22 octobre 2011, M. [G] [R] a subi une intervention chirurgicale pratiquée à la polyclinique du Parc consistant en une ostéotomie tibiale de valgisation du genou avec suture méniscale en vue de traiter une arthrose fémoro-tibiale interne stade IV avec lésion de la corne postérieure du ménisque externe.

Les suites opératoires ont été marquées par l'apparition d'un 'dème et d'une douleur au mollet droit. Un échodoppler suspectant un faux anévrisme, une nouvelle intervention chirurgicale a été pratiquée le 26 octobre 2011, confirmant le pseudo-anévrisme poplité droit.

Il a persisté des dysesthésies au niveau de la face antéro-interne de la jambe et du pied ainsi que des souffrances neurologiques.

M. [R] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux du Nord Pas-de-Calais, ci-après la CRCI, laquelle a ordonné une expertise médicale confiée au professeur [O], chirurgien orthopédiste. Dans son rapport déposé le 20 juillet 2012, il a conclu comme suit :

- le dommage est survenu au cours de l'intervention d'ostéotomie de valgisation avec suture méniscale ayant entraîné une plaie verticale de l'artère poplité nécessitant la mise en place d'un greffon ; l'hématome postopératoire a comprimé le saphène poplité interne entraînant un déficit ;

- le dommage est directement imputable à un acte de soins ; c'est une complication évolutive non fautive et exceptionnelle ;

- le dommage est anormal, sans lien avec l'état antérieur ;

- l'état de la victime n'est pas consolidé.

Suivant un avis du 17 octobre 2012, la CRCI a considéré que la réparation des préjudices incombait à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ci-après l'ONIAM.

L'ONIAM a alloué une indemnité provisionnelle à la victime d'un montant total de

6 192,24 euros.

Une nouvelle expertise a été ordonnée par la CRCI, laquelle a été confiée au professeur [Z], chirurgien orthopédiste, dont les conclusions sont les suivantes :

- incapacité temporaire de travail totale : du 21 janvier 2012 au 17 février 2013 suivie d'un mi-temps thérapeutique du 18 février 2013 au 25 octobre 2013 ;

- déficit fonctionnel temporaire total : du 25 octobre 2011 au 29 octobre 2011 et du 28 janvier 2013 au 1er février 2013 ;

- déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II du 21 janvier 2012 au 25 octobre 2013 ;

- souffrances endurées : 3/7 ;

- préjudice esthétique temporaire : 2/7 ;

- tierce personne temporaire : 3 heures/semaine pendant les périodes de classe II hors hospitalisation ;

- consolidation le 25 octobre 2013 ;

- déficit fonctionnel permanent : 18% ;

- tierce personne permanente : 3 heures /semaine ;

- incidence professionnelle : inaptitude définitive au métier pratiqué, apte à un emploi de type administratif à mi-temps ;

- aménagements du domicile : douche pour une balnéation autonome, lit électrique, porte de garage électrique ;

- véhicule adapté avec boîte automatique et inversion de pédales ;

- préjudice esthétique permanent : 2/7 ;

- préjudice d'agrément : randonnée, bicyclette et jardinage ;

- préjudice sexuel : difficultés positionnelles.

Dans son avis du 11 février 2014, la CRCI a dit qu'il incombait à l'ONIAM d'adresser une offre d'indemnisation.

Contestant les offres faites, M. [R] a, par actes des 8 et 9 décembre 2014, fait assigner l'ONIAM, [B] [D] et compagnie et la société Quatrem, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, ci-après la CPAM, devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 14 mars 2017, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :

- dit que l'ONIAM est tenu à indemnisation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale

subie par M. [R] du fait de l'accident médical non fautif en date du 22 octobre 2011 ;

- condamné l'ONIAM à verser à M. [R] les sommes suivantes :

* dépenses de santé 261,10 euros

* frais divers 2 087,83 euros

* tierce personne temporaire 4 368 euros

* perte de gains actuels 2 128,54 euros

* tierce personne permanente 76 378,17 euros

* aménagement domicile 6 271,19 euros

* aménagement véhicule 9 435,61 euros

* perte de gains futurs 178 217,68 euros

* incidence professionnelle 16 000 euros

* déficit fonctionnel temporaire 2 836 euros

* préjudice esthétique temporaire 1 000 euros

* déficit fonctionnel permanent 36 720 euros

* préjudice esthétique permanent 3 000 euros

* préjudice d'agrément 3 000 euros

* préjudice sexuel 3 000 euros

total 344 704,12 euros ;

- déclaré la décision commune à la CPAM, [B] [D] et compagnie et à la société Quatrem ;

- condamné l'ONIAM à verser à M. [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes des parties ;

- condamné l'ONIAM aux dépens de l'instance, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 avril 2017, l'ONIAM a relevé appel de ce jugement en intimant M. [R] et la CPAM.

Par dernières conclusions notifiées le 21 mai 2018 par voie électronique, l'ONIAM demande à la cour, au visa des articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique et 2044 et suivants du code civil, de :

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à M. [R] la somme de 178 217,68 euros au titre de la perte de gains professionnels future et celle de 76 378,17 euros au titre de l'assistance par une tierce personne à titre permanent ;

statuant à nouveau,

- débouter M. [R] de toute demande au titre d'une perte de gains professionnels future ;

- s'agissant de l'assistance par une tierce personne à titre permanent :

o débouter en l'état M. [R] de toute demande d'indemnisation ;

subsidiairement,

o réduire l'indemnisation de l'assistance par tierce personne à titre permanent à un montant qui n'excédera pas 62 890,67 euros ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- condamner M. [R] à rembourser à l'ONIAM en deniers et quittances la somme de 254 595,85 euros, outre les intérêts au taux légal ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2019 par voie électronique, M. [R] demande à la cour de :

- juger l'ONIAM recevable mais mal fondé en son appel ;

- juger que M. [R] a droit à l'indemnisation de son entier préjudice à la suite de l'accident médical dont il a été victime le 22 octobre 2011 sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- le dire recevable et bien fondé en l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner l'ONIAM à prendre en charge l'intégralité du dommage subi par M. [R] en lien avec l'accident médical ;

- rejeter les demandes de l'ONIAM en ce qu'elles sont contraires aux demandes de M. [R] ;

- faire application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 28 novembre 2017 ;

- juger que les demandes indemnitaires doivent être actualisées au jour de la décision à intervenir ;

- confirmer le jugement sur les postes de préjudices suivants :

* 261,10 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation ;

* 2 087,83 euros au titre des frais divers ;

* 6 271,19 euros au titre du domicile aménagé ;

* 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

* 36 720 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* 3 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

- infirmer le jugement sur les autres postes de préjudices et les fixer de la manière suivante :

* 6 308,67 euros au titre de la tierce personne temporaire ;

* 132 227,44 euros au de la tierce personne permanente ;

* 50 174,38 euros au titre du véhicule aménagé ;

* 2 274,78 euros au titre des pertes de gains professionnels avant consolidation ;

* 227 190,40 euros au titre des pertes de gains professionnels après consolidation ;

* 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

* 4 221,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* 5 000 euros au titre des souffrances endurées ;

* 8 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- condamner l'ONIAM au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens dont ceux de première instance avec distraction au profit de Maître Frédéric Le Bonnois, avocat, par application des articles 699 et suivants du code de procédure civile ;

- dire que ces sommes porteront intérêts avec capitalisation des intérêts légaux à compter de la date de l'assignation du 20 juillet 2015 ;

- rendre l'arrêt à intervenir commun à la CPAM, [B] [D] & compagnie et à Quatrem.

Par actes d'huissier délivrés les 25 juillet et 2 novembre 2017 à personne se déclarant habilitée, l'ONIAM a fait assigner à comparaître la CPAM et lui a fait signifier ses conclusions.

Par acte d'huissier du 31 janvier 2019 remis à personne se déclarant habilitée, M. [R] a fait signifier à la CPAM ses conclusions. Par actes d'huissier du 12 janvier 2018 remis à personne se déclarant habilitée, il a également fait signifier ses conclusions à [B] [D] & compagnie et à la société Quatrem.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En l'absence de critique de ces chefs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'ONIAM est tenu à indemnisation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale subie par M. [R] du fait de l'accident médical non fautif du 22 octobre 2011 et en ce qu'il a condamné l'ONIAM à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 261,10 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation ;

* 2 087,83 euros au titre des frais divers ;

* 6 271,19 euros au titre du domicile aménagé ;

* 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

* 36 720 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* 3 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Il convient de liquider les postes de préjudice remis en cause devant la cour comme suit, étant observé que M. [R] était âgé de 45 ans lors de la consolidation et employé en qualité de chef d'équipe au moment des faits.

I. Sur les préjudices patrimoniaux

1. avant consolidation

- assistance par tierce personne

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement qui a alloué la somme de 4 368 euros de ce chef.

M. [R] réclame une somme de 6 308,67 euros sur la base d'un coût horaire de 23 euros durant 91,43 semaines.

L'expert a retenu la nécessité d'une aide d'une tierce personne non spécialisée à hauteur de 3 heures par semaine du 21 janvier 2012 au 25 octobre 2013, hormis du 28 janvier 2013 au 1er février 2013, période durant laquelle M. [R] a été hospitalisé.

M. [R] ne produit pas de justificatif de la dépense qu'il a exposée à ce titre. Compte tenu du caractère non spécialisé de l'aide, le taux horaire de 16 euros pris en compte par le tribunal apparaît justifié. La durée du besoin d'assistance temporaire en tierce personne est de 91 semaines comme l'a retenu le tribunal. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [R] la somme de 4 368 euros représentant 91 semaines x 3 heures x 16 euros.

- perte de gains professionnels actuels

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant alloué la somme de 2 128,54 euros de ce chef.

M. [R] réclame la somme de 2 274,78 euros.

Ce poste de préjudice correspond au préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire.

Selon l'expert, M. [R] a été en incapacité temporaire de travail totale du 21 janvier 2012 au 17 février 2013, puis en mi-temps thérapeutique du 18 février 2013 au 25 octobre 2013.

Il résulte de l'attestation de son employeur qu'il aurait dû percevoir pour cette période la somme de 25 207 euros net imposable. Il justifie qu'il a perçu des indemnités journalières de la CPAM d'un montant total de 17 473,06 euros selon le relevé de débours de cet organisme. Les indemnités journalières servies par la société Quatrem s'élèvent, non à 3 359,07 euros comme M. [R] le prétend, mais à un montant total de 3 505,31 euros d'après la lettre ainsi que la liste des indemnités journalières du 9 septembre 2014 de cette société. Après déduction de la provision de 2 100,09 euros versée à ce titre par l'ONIAM, il convient de condamner ce dernier à payer la somme de 2 128,54 euros, le jugement étant confirmé sur ce point.

2. après consolidation

L'ONIAM ne conclut pas sur le barème de capitalisation sauf à évoquer l'euro de rente fixé conformément à son référentiel.

M. [R] sollicite l'application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2018 publié le 28 novembre 2017.

La cour appliquera le barème de capitalisation 2018 publié à la Gazette du palais du 28 novembre 2017 fondé sur une espérance de vie telle qu'elle ressort des tables INSEE 2010-2012 les plus récentes et un taux d'actualisation unique (TEC10), soit un taux de 0,5%, qui apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles et qui fait consensus.

- frais de véhicule adapté

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant alloué la somme de 9 435,61 euros, soutenant que seul le surcoût lié à l'achat d'un véhicule adapté peut être pris en charge.

M. [R] réclame à ce titre la somme totale de 50 174,38 euros. Il fait valoir que l'aménagement nécessaire étant impossible à réaliser sur son ancien véhicule, il doit en changer pour un coût de 36 940 euros, incluant celui des aménagements, et que par la suite, seul le coût des aménagements doit être pris en compte, tous les cinq ans à compter du 25 octobre 2018.

L'expert a relevé la nécessité d'un véhicule adapté avec boîte automatique et inversion des pédales.

L'indemnisation est fondée sur le surcoût de dépenses lié à l'adaptation nécessaire du véhicule par rapport à la valeur de celui dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime avant le dommage, étant observé que M. [R] ne justifie ni de l'âge, ni des caractéristiques de son véhicule actuel. Dès lors, il ne peut prétendre au prix d'achat d'un véhicule neuf plus la somme de 2 390 euros correspondant aux aménagements nécessaires, mais au surcoût initial avec une fréquence de renouvellement tous les cinq ans.

Il sera alloué à M. [R] au titre des frais de véhicule aménagé :

- pour le surcoût initial, la somme de 2 390 euros telle que résultant de la proposition commerciale produite ;

- pour le renouvellement, une somme de : (2 390/5) x 27,687 (euro de rente viagère pour un homme âgé de 50 ans lors du premier renouvellement) = 13 234,39 euros ;

soit la somme totale de 15 624,39 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

- perte de gains professionnels futurs

L'ONIAM sollicite l'infirmation du jugement ayant alloué la somme de 178 217,68 euros à ce titre, soutenant l'absence de perte de gains professionnels future. Il fait valoir que le revenu de référence doit être fixé à 16 382 euros correspondant à celui de l'année 2010 et que ce poste se capitalise selon l'euro de rente jusqu'à l'âge prévisible de la retraite, soit 62 ans. Il en déduit que M. [R] aurait dû percevoir en l'absence de dommage la somme de 241 592,53 euros. Or, il prétend que M. [R] a obtenu des salaires de 12 403,94 euros jusqu'au 31 octobre 2014, que par capitalisation, les revenus à percevoir jusqu'à l'âge de la retraite doivent être fixés à 137 309,45 euros mais qu'en outre, M. [R] a bénéficié des organismes tiers-payeurs la somme de 96 682,32 euros.

M. [R] sollicite aussi l'infirmation du jugement à ce titre et l'allocation d'une somme totale de 227 190,40 euros. Il soutient qu'afin de tenir compte de la progression constante de ses revenus avant le dommage, un salaire de référence mensuel de 1 500 euros doit être retenu. Il évalue ainsi sa perte de revenus annuelle à 10 000 euros, la capitalisant à partir du 1er janvier 2019 sur la base de l'euro de rente viagère à 50 ans et déduisant les sommes servies par la CPAM et la société Quatrem.

Les pertes de gains professionnels futurs correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutives à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

Pour déterminer la perte annuelle de revenus, il convient de se référer aux revenus perçus en 2011, année ayant précédé le dommage, soit la somme de 16 554 euros correspondant à 1 379,50 euros par mois. La seule évolution du montant total des salaires et assimilés figurant sur les avis d'impôt sur les revenus des quatre années antérieures au dommage ne suffit pas, en l'absence de tout autre élément fourni, à justifier du bien-fondé de la progression invoquée par M. [R].

Pour la période du 26 octobre 2013 au 31 mai 2014, la perte est de :

- 1 379,5 x 7 mois + 1 379,5 x 6 jours/30 jours - 6 922,17 euros (revenu imposable perçu pendant cette période) = 3 010,23 euros.

Depuis le mois de juin 2014, M. [R] dispose d'un salaire net imposable de 833,33 euros par mois, soit un différentiel mensuel par rapport à ce qu'il aurait perçu en l'absence de fait dommageable de 546,17 euros.

Pour la période du mois de juin 2014 à décembre 2014, la perte est de 3 823,19 euros (546,17 x7).

Pour les quatre années suivantes, soit jusqu'au 31 décembre 2018, la perte annuelle est de 6 554,04 euros (546,17 x 12), soit une perte au titre des quatre années de 26 216,16 euros.

La perte passée est au total de 33 049,58 euros (3 010,23 + 3 823,19 + 26 216,16).

S'agissant d'une victime qui peut continuer à travailler, qui dispose d'une ancienneté importante au sein de l'entreprise qui l'emploie et dont rien ne démontre qu'elle n'aurait pas déjà acquis des droits à la retraite antérieurement alors qu'elle est âgée de 51 ans, il convient, pour la perte à l'avenir, de tenir compte, non de l'euro de rente viager, mais de l'euro de rente temporaire, en retenant un âge de départ en retraite de 65 ans, soit 6 554,04 euros x 12,760 = 83 629,55 euros.

De ces sommes doivent être déduites :

- indemnités journalières de la CPAM : 3 088,52 euros ;

- pension d'invalidité de la CPAM : 78 585,51 euros ;

- indemnités journalières de Quatrem : 342,26 euros ;

- rente invalidité de Quatrem : 16 936,62 euros ;

total = 98 952,91 euros

L'ONIAM doit ainsi être condamné à payer à M. [R] la somme de 17 726,22 euros (33 049,58 + 83 629,55 - 98 952,91), le jugement étant infirmé en ce sens.

- incidence professionnelle

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant alloué de ce chef à M. [R] la somme de 16 000 euros.

M. [R] réclame la somme de 30 000 euros, faisant notamment valoir qu'il occupait un poste où il était en permanence actif avec des fonctions à responsabilité, alors qu'il est aujourd'hui affecté à des tâches de bureau rébarbatives, sans enjeu.

L'incidence professionnelle a notamment pour objet d'indemniser le préjudice subi par la victime du fait de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé et de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée auparavant au profit d'une autre choisie en fonction du handicap.

En l'espèce, avant le fait dommageable, M. [R] occupait un emploi de chef d'équipe dans une entreprise de transport. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le dommage a rendu impossible la poursuite de la tenue de ce poste, M. [R] étant seulement apte à un emploi de type administratif à mi-temps qu'il occupe de manière effective. Comme l'a retenu le tribunal, il existe ce faisant une dévalorisation sur le marché du travail mais M. [R] a également dû abandonner sa profession antérieure, active et assortie de responsabilités, au profit d'un métier sédentaire d'agent administratif.

Dans ces conditions, la somme de 30 000 euros réclamée par M. [R] apparaît une juste indemnisation de ce chef de préjudice, le jugement étant infirmé en ce sens.

- assistance par tierce personne permanente

L'ONIAM conteste l'indemnisation à ce titre, à défaut pour M. [R] de justifier de sa situation au regard des aides dont il pourrait bénéficier, notamment de la prestation compensatoire de handicap qui doit être déduite. A titre subsidiaire, l'ONIAM propose une indemnisation de 62 890,67 euros sur la base de 13 euros de l'heure et de 412 jours par an.

M. [R] sollicite la somme de 132 227,44 euros. Il soutient ne pas percevoir la prestation compensatoire de handicap. Il fonde sa demande sur un taux horaire de 23 euros et 412 jours par an.

Le rapport d'expertise justifie d'un besoin en tierce personne non spécialisée de 3 heures par semaine, soit 0,43 heure par jour.

Au soutien du tarif horaire qu'il revendique, M. [R] produit des factures ou devis d'organismes d'aide à la personne. Toutefois, il sera observé que ces documents concernent d'autres personnes, demeurant qui plus est dans des départements distincts du sien, et que tout en se prévalant d'un tarif correspondant à un mode prestataire, il base sa demande sur 412 jours correspondant à un mode mandataire, ce qui est contradictoire.

Le besoin en tierce personne étant limité, il convient de retenir un mode mandataire et un tarif horaire de 16 euros s'agissant d'une aide non spécialisée à hauteur de 412 jours par an.

Il résulte de l'article L. 1142-17 alinéa 2 du code de la santé publique que l'ONIAM indemnise la victime, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

En l'espèce, M. [R] justifie par une lettre du conseil départemental du 7 novembre 2017 qu'il ne bénéficie pas de la prestation compensatoire du handicap, étant observé de plus que les indemnités dues par l'ONIAM ne sont pas subsidiaires à cette prestation et que la victime n'est pas obligée de la demander. En outre, il ne perçoit qu'une pension d'invalidité de catégorie 1.

Aussi, ce poste de préjudice sera indemnisé comme suit :

- du 26 octobre 2013 au 31 décembre 2013 : 0,43 heure x 16 euros x 75,63 jours = 520,33 euros;

- du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018 : 0,43 heure x 16 euros x 412 jours x 5 ans = 14 172,80 euros ;

- du 1er janvier 2019 au 30 avril 2019 : 0,43 heure x 16 euros x 135,45 jours = 931,90 euros ;

- pour la période à venir débutant le 1er mai 2019 : 0,43 heure x 16 euros x 412 jours x 26,951 (euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans à la date d'attribution) : 76 394,23 euros ;

total : 92 019,26 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

II Préjudices extra-patrimoniaux

1. avant consolidation

- déficit fonctionnel temporaire

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant alloué à ce titre la somme de 2 836 euros.

M. [R] réclame de ce chef une somme de 4 221,25 euros, sur la base d'une somme de 25 euros par jour incluant la période du 30 octobre 2011 au 20 janvier 2012.

Ce poste de préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire total du 25 octobre 2011 au 29 octobre 2011 et du 28 janvier 2013 au 1er février 2013 et un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II du 21 janvier 2012 au 25 octobre 2013. Aucun élément médical ne justifie d'y ajouter la période du 30 octobre 2011 au 20 janvier 2012, l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire durant cette période imputable à l'accident médical non fautif n'étant pas prouvée.

La somme journalière de 23 euros par jour de déficit fonctionnel total retenue par le tribunal apparaît une juste indemnisation.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a alloué une somme globale de 3 927,25 euros, dont il a déduit celle versée à titre provisionnel de 1 091,25 euros, soit une somme de 2 836 euros revenant à M. [R], le jugement étant confirmé de ce chef.

- souffrances endurées

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant rejeté la demande au motif qu'elle avait fait l'objet d'un protocole transactionnel.

M. [R] réclame la somme de 5 000 euros de ce chef, après déduction de celle versée à titre provisionnel. Il fait valoir qu'aucune indemnisation ne peut intervenir avant la consolidation.

Ce poste de préjudice répare les souffrances physiques et morales endurées par la victime jusqu'à la date de consolidation.

Le protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle signé le 23 avril 2013 comprenant la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées évaluées à 3/7 avant consolidation ne saurait empêcher M. [R] de former une demande au titre des souffrances subies par lui jusqu'à la date de consolidation intervenue le 25 octobre 2013.

M. [R] a subi une nouvelle intervention chirurgicale et des douleurs neuropathiques persistantes, qui ont nécessité une hospitalisation dans un centre anti-douleurs du 28 janvier au 1er février 2013, ainsi qu'une symptomatologie anxieuse ou dépressive. Ce poste de préjudice justifie une indemnisation à hauteur de 6 000 euros, dont il convient de déduire la somme provisionnelle de 3 000 euros. L'ONIAM sera condamné au paiement du solde de 3 000 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

2. après consolidation

- préjudice d'agrément :

L'ONIAM sollicite la confirmation du jugement ayant alloué de ce chef la somme de 3 000 euros. M. [R] réclame la somme de 8 000 euros à ce titre, arguant des activités de loisirs qu'il a abandonnées (marche en randonnée, pratique de la bicyclette, jardinage).

Il résulte des attestations versées aux débats et du rapport d'expertise que M. [R] pratiquait la marche, la bicyclette ainsi que le jardinage et qu'il ne peut plus se livrer à ses activités. Compte tenu de son âge, la somme de 5 000 euros apparaît une juste indemnisation de ce chef de préjudice, le jugement étant infirmé en ce sens.

M. [R] n'invoque aucune raison justifiant de faire courir les intérêts légaux à compter de l'assignation, étant souligné que les sommes allouées ont toutes un caractère indemnitaire. Les indemnités confirmées par le présent arrêt portent intérêts au taux légal à compter du jugement, soit à compter du 14 mars 2017. Les autres emportent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.

Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement attaqué, le présent arrêt partiellement infirmatif constituant le titre ouvrant à la restitution des sommes réglées en exécution du jugement.

Il convient de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM. En revanche, la société Quatrem et [B] [D] & compagnie n'ayant pas été intimés par l'ONIAM et M. [R] leur ayant simplement signifié ses conclusions sans procéder par voie d'assignation, sa demande visant à déclarer l'arrêt commun à leur égard sera rejetée.

L'ONIAM et M. [R] conserveront chacun à leur charge les dépens d'appel qu'ils ont exposés et la demande de M. [R] au titre des frais irrépétibles d'appel sera rejetée, le jugement étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, dans les limites de l'appel, par arrêt réputé contradictoire :

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] au titre des souffrances endurées et condamné l'ONIAM à payer à M. [R] les sommes de 76 378,17 euros au titre de la tierce personne permanente, 9 435,61 euros au titre de l'aménagement du véhicule, 178 217,68 euros au titre des pertes de gains futurs, 16 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 344 704,12 euros au total ;

Le confirme en ses autres dispositions déférées à la cour ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

Dit que les indemnités confirmées par le présent arrêt emportent intérêts au taux légal à compter du jugement du 14 mars 2017 ;

Condamne l'ONIAM à payer à M. [R] les sommes de :

- 92 019,26 euros au titre de la tierce personne permamente ;

- 15 624,39 euros au titre de l'aménagement du véhicule ;

- 17 726,22 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

- 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- 3 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts ;

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM du Hainaut ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que l'ONIAM et M. [R] conserveront chacun à leur charge les dépens d'appel qu'ils ont exposés.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/07945
Date de la décision : 09/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°17/07945 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-09;17.07945 ?
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