Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 11 AVRIL 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04177 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5EHY
Décision déférée à la cour : jugement du 19 février 2018 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 18/80084
APPELANTS
Monsieur [Y] [V]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [V], [E] [V] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [H], [I] [F]
né le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 3] (Grande-Bretagne)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentés par Me Laurence Tazé Bernard, avocat au barreau de Paris, toque : P0241
ayant pour avocat plaidant Me François Balique, avocat au barreau de Paris, toque : A0108
INTIMÉE
Sasu Tooandré, venant aux droits de la société André, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 838 431 013 00013
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
ayant pour avocat plaidant Me Rémy Conseil, avocat au barreau de Paris, toque : C0987
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle Lebée, présidente, et M. Gilles Malfre, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport
M. Gilles Malfre, conseiller
M. Bertrand Gouarin, conseiller
Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé
ARRÊT : - contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu la déclaration d'appel en date du 23 février 2018 ;
Vu les conclusions récapitulatives de M. [V], de Mme [V], épouse [F] et de M. [F], (les consorts [V]), en date du 26 décembre 2018, tendant à voir la cour infirmer le jugement attaqué, dire que la signification du 11 octobre 2016 n'est pas nulle, en tout état de cause, débouter la société André de ses demandes et de son appel incident, rejeter sa demande indemnitaire et condamner la société André à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont la distraction est demandée ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société Tooandré, aux droits de la société André, en date du 13 mars 2019, tendant à voir la cour confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts, condamner les appelants à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, juger nulles les saisies et ordonner leur mainlevée, débouter les appelants de leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.
SUR CE :
La société André, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Tooandré, est preneuse à bail commercial de locaux situés à [Localité 4], les bailleurs étant aujourd'hui les consorts [V].
Par jugement du 27 septembre 2016, exécutoire par provision, le tribunal de grande instance de Dijon a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial consenti le 2 janvier 1996 à la société André, en a suspendu les effets et accordé à celle-ci un délai de 12 mois à compter de la signification de la décision pour s'acquitter de plusieurs obligations, dit qu'en cas de respect des dites obligations, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué, qu'en cas de non-respect à 1'issue de ces douze mois, la clause résolutoire produira ses effets à compter du 28 mars 2014 et qu'une indemnité d'occupation sera due, d'un montant mensuel de 15 000 euros.
Ce jugement a été signifié le 11 octobre 2016 et frappé d'appel le jour même.
Par deux procès-verbaux du 30 novembre 2017, les bailleurs ont fait procédé à la saisie-attribution des sommes détenues par le Crédit Agricole Île de France pour le compte de la société André de 406 366,78 euros et à la saisie de droits d'associé et valeurs mobilières également détenus par le Crédit Agricole Île de France pour le compte de la société André à hauteur de 404 504,80 euros, ces sommes correspondant, en principal, aux montant des indemnités d'occupation dues en raison de l'acquisition de la clause résolutoire.
Le 3 janvier 2018, la société André a fait assigner les consorts [V] à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris afin de voir ordonner la mainlevée des saisies et condamner les défendeurs à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de dommages-intérêts outre celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le juge de l'exécution, par jugement du 19 février 2018, a dit que la contestation de la société André était recevable en la forme et que la signification du jugement du 27 septembre 2016 effectuée le 11 octobre 2016 n'était pas valable, a annulé la saisie-attribution et la saisie de droits d'associés et valeur mobilières, débouté la société André de sa demande de dommages-intérêts et condamné les consorts [V] au paiement d'une indemnité de procédure.
C'est la décision attaquée.
Par ordonnance du premier président en date du 3 juillet 2018, l'exécution provisoire en a été suspendue.
Sur la validité de la signification du jugement du 27 septembre 2016':
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a retenu, en substance, que le texte signifié n'est signé ni du juge ni du greffier et ne comporte pas la formule exécutoire, qu'en vertu des dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, ce document ne peut par conséquent être considéré comme un jugement, qu'il s'ensuit que cette transmission ne peut être assimilée à un acte de procédure et que les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer.
L'intimée s'approprie les motifs du jugement attaqué et soutient que le document signifié n'était pas un jugement mais un document « informatif'».
Cependant, la cour relève, en premier lieu, que l'article 456 du code de procédure civile prévoit la signature de la seule minute du jugement de sorte que son expédition revêtue de la formule exécutoire n'a pas à être signée, en deuxième lieu, qu'aucune des causes de nullité prévues par l'article 648 du même code relatif à la forme des actes d'huissier de justice n'est invoquée à l'encontre de la signification.
En troisième lieu, comme le soutiennent à juste titre les appelants, si en application des articles 502 et 503 du code de procédure civile, un jugement ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, qui doit notifiée à ceux auxquels on veut l'opposer, l'irrégularité tenant à l'omission de la formule exécutoire sur la copie d'un jugement dont le caractère exécutoire n'est pas discuté, ne peut entraîner la nullité de la signification qu'au cas où elle a causé un grief.
En l'espèce, le grief invoqué ne peut résulter, contrairement à ce que soutient l'intimée, des saisies. La société André ne s'est pas méprise sur le sens de la signification puisqu'elle a interjeté appel de la décision le jour même et a parfaitement compris que cet acte faisait courir le délai d'un an pour exécuter les travaux, puisqu'un an après la signification, elle a mandaté un huissier de justice pour constater l'exécution de ceux-ci.
En l'absence de grief résultant de l'absence de la formule exécutoire, l'acte de signification n'est pas nul et il convient d'infirmer sur ce point le jugement attaqué.
Au fond :
Le jugement du 27 septembre 2016 a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé à la société André un délai de douze mois à compter de sa signification pour s'acquitter de certaines obligations et a dit qu'en cas de respect de ces obligations, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué.
Les bailleurs, pour s'opposer à la contestation de la saisie par la société André, soutiennent que celle-ci est acquise, trois des obligations de remise en état des lieux loués n'ayant pas été exécutées dans le délai prévu, le preneur, soutenant, pour sa part, avoir respecté les obligations mises à sa charge.
Les trois obligations restant en litige sont les suivantes :
- rétablissement de la porte et de la fenêtre donnant sur la cour de l'immeuble';
- dépose du tuyau en PVC perçant un mur de façade et raccordé sur la descente d'eau située dans l'angle de la cour';
- rétablissement au niveau du mur porteur séparant les parties avant et arrière de la boutique d'une ouverture de passage devant être limitée à 2,80 mètres.
Les bailleurs ont fait désigner par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Dijon en date du 12 octobre 2017 la société d'huissier de justice Altaneo, agissant par Me [Z], laquelle a effectué un procès-verbal de constat le 19 octobre 2017. Elle a été à nouveau désignée par ordonnance en date du 7 mai 2018 et a établi un nouveau procès-verbal le 17 mai 2018. Les procès-verbaux sont établis en référence à un plan dressé par M. [U], expert judiciaire.
De son côté, la société André produit un constat dressé le 11 octobre 2017, un constat du 27 janvier 2018 et un constat du 18 septembre 2018.
Sur l'obligation de rétablissement de la porte et de la fenêtre donnant sur la cour de l'immeuble':
L'examen des procès-verbaux produits permet de constater que la porte et la fenêtre donnant sur la cour de l'immeuble ont été rétablis.
La présence, à l'intérieur du magasin d'un panneau, mobile et démontable, même si sa manipulation n'est pas aisée, dissimulant cette porte et cette fenêtre, ne permet n'est pas de dire que le preneur n'a pas respecté son obligation de rétablissement, le jugement du 26 septembre 2016 ne précisant pas qu'il s'agit de sorties de secours devant d'être accessibles en permanence.
Sur l'obligation de déposer le tuyau en PVC perçant un mur de façade et raccordé sur la descente d'eau située dans l'angle de la cour':
Les premiers constats dressés par les parties, qui seuls permettent d'établir si, à la date fixée par le jugement, les obligations avaient où non été respectées, sont contradictoires car ne concernant pas la même façade. Le jugement fixant l'obligation ne précisant pas quel est le mur de façade sur lequel se trouvait le tuyau litigieux, alors que ces tuyaux sont sur deux murs distincts, l'imprécision de l'obligation ne permet pas de constater si elle a été exécutée ou non.
Sur l'obligation de rétablissement au niveau du mur porteur séparant les parties avant et arrière de la boutique d'une ouverture de passage devant être limitée à 2,80 mètres :
La contradiction apparente entre les procès-verbaux des parties sur l'ouverture de passage provient du fait que l'huissier désigné à la requête des bailleurs mesure l'ouverture du mur porteur proprement dit tandis que celui mandaté par le preneur mesure l'ouverture du passage.
Cependant, l'obligation concernait, non le rétablissement du mur porteur en laissant une ouverture de passage n'excédant pas 2,80 mètres mais le rétablissement d'une ouverture de passage n'excédant pas cette largeur. En l'espèce, le preneur a effectivement, au moyen de coffrages, rétabli une telle ouverture.
Il en résulte que les bailleurs ne démontrent pas l'acquisition de la clause résolutoire et qu'ils ont fait procéder aux saisies-attributions sans disposer de titre exécutoire.
Il convient, en conséquence d'ordonner la mainlevée des saisies.
Sur les dommages-intérêts :
L'intimée sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits. Tel n'apparaît pas le cas en l'espèce.
La demande de dommages-intérêts n'est par conséquent pas justifiée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
Les appelants qui succombent doivent être condamnés aux dépens, déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés à payer à l'intimée, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la signification du 11 octobre 2016 n'est pas valable et a annulé les saisies du 30 novembre 2017 ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que la signification du 11 octobre 2016 est valable ;
Ordonne la mainlevée des saisies ;
Condamne M. [V], Mme [V], épouse [F] et M. [F], à payer à la société Tooandré la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile';
Rejette toute autre demande ;
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE