La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2019 | FRANCE | N°17/08535

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 27 mars 2019, 17/08535


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 3 - Chambre 1





ARRÊT DU 27 MARS 2019





(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08535 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B27QT





Décisions déférées à la Cour :


Arrêt du 22 Mars 2017 - Cour de Cassation - Pourvoi n° G16-13.365


Arrêt du 17 Décembre 2015 - Cour

d'appel de VERSAILLES - RG n°13/09368


Jugement du 28 Novembre 2013 - Tribunal de grande instance de NANTERRE - RG n°11/10614








APPELANT





Monsieur O... N...


né le [...] à MOREUIL (80)


[...]





repr...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 27 MARS 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08535 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B27QT

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt du 22 Mars 2017 - Cour de Cassation - Pourvoi n° G16-13.365

Arrêt du 17 Décembre 2015 - Cour d'appel de VERSAILLES - RG n°13/09368

Jugement du 28 Novembre 2013 - Tribunal de grande instance de NANTERRE - RG n°11/10614

APPELANT

Monsieur O... N...

né le [...] à MOREUIL (80)

[...]

représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe HONNET, avocat au barreau de TROYES

INTIMÉES

Madame T..., A..., L... J... divorcée G...

née le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92)

[...]

Madame L..., V... G...

née le [...] à NEUILLY SUR SEINE (92)

[...]

Madame A..., Q..., E... G...

née le [...] à PARIS (75016)

[...]

représentés et plaidant par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur O... N... ès qualités de mandataire de :

- Monsieur P... H..., né le [...] à TROYES, demeurant [...] (10)

- Mme C... N..., née le [...] à BORDEAUX, demeurant [...] (10)

- Madame R... F..., née le [...] , demeurant [...] (10)

- Société civile [...] , immatriculée au RCS de TROYES n°[...], ayant son siège social [...]

représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Philippe HONNET, avocat au barreau de TROYES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme U... I... dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

M. O... N... était actionnaire majoritaire d'une société anonyme dénommée MD Finances, elle-même société-mère de la société Agofroy.

Par acte sous seing privé du 30 juillet 1998, M. O... N..., agissant pour lui-même et en se portant fort de D... H..., de Mme R... F... et de Mme C... N..., elles-même se portant fort d'actionnaires minoritaires, dénommés actionnaires du groupe 2, s'est engagé à vendre à B... G... 16999 actions de la société MD Finances et 7 actions de la société Agofroy, moyennant le prix de 14.240.742,26 francs.

Cette promesse prévoyait en son article 3.2 C une clause de complément de prix ainsi rédigée :

'A ce jour, une somme de 1.642.916 Francs est inscrite dans les comptes de la SOCIETE en charges à payer 'COMPLICES' au titre des minima garantis sur les redevances pour la période antérieure au 31 décembre 1997. Si lors de l'acquisition de la prescription commerciale (10 ans), cette somme n'a pas fait l'objet d'une réclamation totale ou partielle de la part du concédant, alors le prix de vente sera révisé à la hausse du montant suivant : Montant non réclamé - incidence fiscale.

Le commissaire aux comptes de la société établira annuellement une attestation indiquant le montant des sommes réclamées ou non réclamées par 'COMPLICES' ; cette attestation devant être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception au PROMETTANT'.

A l'article 3.2 D il était précisé :

'Le bénéficiaire remettra toutes les sommes issues des révisions de prix visées ci-avant dans les mains de Monsieur O... N..., au nom et pour le compte des autres actionnaires. Il fera son affaire de la répartition de ce supplément de prix. Le BENEFICIAIRE, dès le versement entre les mains de Monsieur O... N..., sera libéré de cette obligation et ne pourra être recherché sur ce point'.

Il était également stipulé en page 4 que le bénéficiaire aurait la faculté 'de se substituer' ou de s'adjoindre, en tout ou partie, pour acquérir les actions, toute personne physique ou morale de son choix, sous réserve de rester garant des engagements résultant de la promesse.

En octobre 1998, la S.A AM Finances, entre-temps constituée par B... G..., s'est substituée à ce dernier et a fait l'acquisition des actions promises.

Le 30 juin 2000, la société AM Finances est devenue propriétaire de la totalité des actions des sociétés MD Finances.

Par jugement du 18 mars 2003, le tribunal de commerce de Troyes a prononcé la liquidation judiciaire de la société AM Finances.

M. N... qui a déclaré une créance à titre chirographaire de 250.460,93 €, correspondant au complément de prix, s'est vu répondre par le mandataire liquidateur, suivant lettre du 9 juin 2008, qu'il n'avait reçu aucune déclaration de créance de la société COMPLICES, mais qu'il n'existait aucun espoir pour les créanciers chirographaires de recouvrer même partiellement leur créance.

B... G... étant entre-temps décédé le [...] , M. O... N... a, par acte du 20 janvier 2011, fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, Mme T... J..., ex-épouse d'B... G..., initialement mariée à ce dernier sous le régime de la communauté, régime converti en séparation de biens, par acte authentique du 6 mai 1999, homologué par jugement du 22 février 2000, publié le 22 novembre 2001, ainsi que leurs deux filles, Mmes L... et A... G....

Par jugement du 28 novembre 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 décembre 2015, l'action de M. N... a été déclarée irrecevable tant à l'égard de Mme J... que de Mmes G....

Le tribunal avait en effet considéré que l'opposabilité à M. N... du changement de régime matrimonial des ex-époux G... faisait obstacle à ses poursuites dirigées contre Mme J..., y compris pour une créance née antérieurement au changement de ce régime, et que l'absence de preuve d'une acceptation tacite ou expresse par Mmes G... de la succession de leur père, l'empêchait d'agir à l'encontre de ces dernières, la sommation d'opter qu'il leur avait fait délivrer le 9 avril 2012 étant dépourvue d'effet sous l'empire des dispositions antérieures à la loi du 23 juin 2006 auxquelles la succession d'B... G... était soumise.

La cour d'appel a validé ce raisonnement, ajoutant,

- s'agissant de Mme J..., que M. G... ayant emprunté une somme de sept millions de francs pour financer l'acquisition des actions, emprunt dont l'obtention constituait une condition suspensive de l'acquisition, mais auquel l'épouse n'avait pas consenti, le mari n'avait pu engager que ses biens propres par application des articles 220 et 1415 du code civil,

- s'agissant de Mmes G..., que la prescription du délai donné à l'héritier pour exercer son option est une prescription extinctive de sorte que si, comme le soutenait M. N..., ce délai avait expiré en 2013, par l'effet de la loi du 17 juin 2008, les successibles seraient en tout état de cause réputées avoir renoncé à la succession.

Par arrêt du 22 mars 2017, la cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, et renvoyé la cause et les parties devant la cour de Paris, aux motifs

- d'une part,au visa notamment des articles 1413 et 1483 alinéa 1 du code civil , que Mme J... pouvait être poursuivie, après la date à laquelle le changement de régime matrimonial était devenu opposable aux tiers, au titre de l'engagement contracté par son époux envers M. N... pendant la durée du régime de communauté,

- d'autre part, au visa de l'article 1415 du code civil, que l'engagement souscrit par B... G... au profit de M. N... concernant la révision de prix n'était pas assimilable à un emprunt,

- enfin, au visa de l'article 795 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2006-728 du 23 juin 2006, que les délais impartis par ce texte étant expirés, Mmes G..., qui n'avaient pas opté, pouvaient être poursuivies par M. N... en qualité d'héritières pures et simples.

Le 24 mai 2018, Mmes L... et A... G... ont régularisé une déclaration de renonciation à la succession de leur père au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre.

M. N... a saisi cette cour par déclaration du 30 mars 2017, et par conclusions du 15 janvier 2019, a déclaré intervenir à l'instance, en qualité de mandataire de M. P... H..., venant aux droits de D... H... et de X... H..., ses parents décédés, de Mme C... N..., de Mme R... F..., et de la société civile [...] .

Au terme de leurs dernières conclusions du 15 janvier 2019, M. N..., en son nom personnel et ès qualités, demandent à la cour de :

- le recevoir en ses demandes, fin et conclusions et l'y déclarer bien fondé ;

- condamner solidairement ou dans la limite de la dévolution successorale Mmes T... J..., L... G... et A... G... à lui payer, es-nom et es-qualités, la somme de 250.461 €, en principal avec intérêts légaux à compter du jour de la demande soit le 20 janvier 2011,le tout avec capitalisation des intérêts ;

- les condamner sous la même solidarité à lui payer la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel que Maître M... S... pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Subsidiairement,

- surseoir à statuer à l'égard de Mmes L... et A... G... jusqu'à production de la déclaration de succession souscrite en suite du décès de leur père.

Au terme de leurs dernières conclusions du 20 janvier 2019, Mmes J... et G... demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. N... irrecevable en ses demandes ;

A défaut,

Vu les articles 31 et 544 du code de procédure civile et l'article 2224 du code civil,

- dire et juger irrecevable l'intervention volontaire M. N... en sa qualité alléguée de mandataire de M. P... H..., de Mme C... N..., de Mme R... F... et de la société [...] ;

Vu l'article 122 du code de procédure civile et les articles 220, 732, 784 (ancien) et 1415 du code civil,

- dire M. N... irrecevable en l'ensemble de ses demandes à l'encontre des consorts G...;

Subsidiairement, vu l'article 1120 (ancien) du code civil,

- dire et juger que l'engagement souscrit par M. G... a été ratifié par la société AM Finances;

- débouter en conséquence M. N... de toutes ses demandes.

Très subsidiairement, vu l'article 1315 (ancien) du code civil,

- dire et juger que M. N... n'apporte pas la preuve de l'existence de la créance qu'il invoque ;

- le débouter en conséquence de toutes ses prétentions.

A titre infiniment subsidiaire, vu les articles 1134 (ancien), 621 et 1483 du code civil et 669 du code général des impôts,

- dire et juger que la dette éventuelle de Mme G... ne saurait excéder la somme de 34.613,73€ ;

- débouter M. N... de ses demandes plus amples ;

En tout état de cause,

- condamner M. N... à leur payer la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. N... aux entiers dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel, et accorder à Maître Thomas-Courcel, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

sur la recevabilité de la demande formée par M. N... en son nom propre et en qualité de mandataire de M. P... H..., venant aux droits de D... H... et de X... H..., ses parents décédés, de Mme C... N..., de Mme R... F..., et de la société civile [...]

Considérant que Mesdames J... et G... font valoir que M. N... a agi comme s'il était le seul bénéficiaire du complément de prix stipulé au contrat de vente ; qu'en réalité, détenteur de 11.364 actions de la société MD Finances et de 1.200 actions en usufruit, au moment de la conclusion de la promesse, il a procédé à diverses cessions d'actions avant la régularisation de la vente, de sorte qu'il n'a finalement vendu que 5.724 actions en pleine propriété et 3.320 actions en usufruit à la société A.M Finances ;

qu'elles soulignent que l'intervention volontaire de M. N... pour le compte des autres cédants montre bien qu'il n'était pas le seul titulaire de la créance qu'il revendiquait, et vaut reconnaissance par lui de ce que ces personnes n'étaient pas partie au jugement dont appel ; que M. N... ne justifie pas d'un mandat spécial et nominatif pour agir en justice en leur nom, et qu'en tout état de cause, les prétentions éventuelles de M. P... H..., de Mme C... N..., de Mme R... F..., et de la société [...] sont dorénavant prescrites ;

qu'elles en déduisent qu'il n'est recevable qu'à réclamer sa quote-part sur le complément de prix, soit

- 84.257,28 € pour les 5.724 actions en pleine propriété,

- 48.870,40 € pour les 3.320 actions en usufruit (sous réserve des droits de la nue-propriétaire, Mme C... N...) ;

Considérant que M. N... répond qu'il a, dès l'origine de l'opération, été investi par les autres cédants d'un mandat express lui permettant d'agir pour la totalité de la créance, et que c'est pour clore toute contestation qu'il a finalement déclaré intervenir volontairement en sa qualité de mandataire ;

qu'il rappelle qu'il a régularisé la promesse de vente en qualité de porte-fort des autres détenteurs des actions cédées, qu'il était stipulé que l'ensemble du complément de prix était payable entre ses mains pour le compte des autres actionnaires, et que par acte du 8 octobre 1998, Mme R... F..., Mme D... H..., Mme C... N... et la société [...] (entre-temps devenue détentrice de parts), lui avaient donné mandat pour négocier, conclure toutes conditions de la cession, signer tous actes, ordres, mouvements, protocoles ou transaction, discuter, accepter et recevoir le complément de prix... et plus généralement faire tout ce qui serait utile ou nécessaire ;

Considérant qu'une promesse de porte-fort n'est pas en soi la preuve de l'existence d'un mandat, dès lors que le tiers pour lequel le promettant a estimé pouvoir garantir le fait, n'est pas tenu par l'engagement souscrit par celui-ci ;

Considérant en revanche que par acte du 8 octobre 1998, qui contrairement aux allégations des intimées ne concernait pas uniquement la mise en oeuvre de la garantie de passif, Mme R... F..., Mme D... H..., aux droits de laquelle vient M. P... H..., Mme C... N... et la société [...] , ont donné tous pouvoirs à M. O... N... pour notamment discuter le complément de prix, l'accepter et le recevoir et 'plus généralement faire ce qui sera utile et nécessaire pour la réalisation des présentes' ;

que c'est à bon droit que M. O... N... fait valoir que ces dispositions lui donnaient pouvoir d'agir en justice pour le compte des actionnaires susvisés pour voir consacrer leur créance au titre de ce complément de prix ;

que M. P... H... a le 10 janvier 2019, en qualité de seul héritier de D... H..., réitéré le mandat donné par sa mère en vertu dudit acte, rappelant qu'il confiait à M. O... N... le soin d'agir en recouvrement du complément de prix de cession ;

Considérant cependant qu'il résulte des décisions rappelées ci-dessus que M. N... n'a agi devant le tribunal de grande instance de Nanterre et devant la cour d'appel de Versailles, puis qu'il n'a saisi la présente cour qu'en son nom propre, n'étant intervenu en sa qualité de mandataire de M. P... H..., de Mme C... N..., de Mme R... F... et de la société [...] que par conclusions du 15 janvier 2019 ;

que le prix de cession était stipulé par action ; qu'il ne pouvait en être de même du complément de prix dès lors que son montant dépendait de la réclamation éventuelle de 'COMPLICES' ; que le caractère divisible de la créance des cédants n'est pas contesté par M. N..., celui-ci étant seulement chargé de la recouvrer pour l'ensemble des autres actionnaires, et l'acquéreur, libéré, dès lors que son paiement aurait été effectué entre ses mains ; qu'il était d'ailleurs stipulé au mandat du 8 octobre 1998 que le complément de prix serait réparti selon le même pourcentage que le prix lui-même ;

qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que Mmes J... et G... invoquent la prescription des demandes formées pour le compte de M. P... H..., de Mme C... N..., de Mme R... F... et de la société [...] ;

qu'en effet, aux termes du contrat de vente, ils étaient en droit, sous réserve que les conditions en soient remplies, de se prévaloir d'un complément de prix à compter du 31 décembre 2007 ;

que la loi du 17 juin 2008 ayant eu pour effet de ramener à 5 ans le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières non encore prescrites au jour de son entrée en vigueur, ils se devaient d'agir avant le 19 juin 2013 ; que leur intervention volontaire par voie de conclusions du 15 janvier 2019 est donc irrecevable, comme étant tardive ;

que, sous réserve des autres moyens d'irrecevabilité soulevés, M. N... ne peut donc agir qu'au titre des droits ouverts par les actions qu'il a personnellement cédées, soit au titre de 5.724 actions en pleine propriété et 3.320 actions en usufruit ;

sur la recevabilité des demandes de M. N... à l'égard de Mmes L... et A... G...:

Considérant que Mmes G... soutiennent que leur renonciation à la succession de leur père, dont les effets remontent au jour de l'ouverture de celle-ci, fait obstacle à la recevabilité de toute demande de M. N... à leur encontre, en l'absence de lien de droit entre eux ;

que M. N... soutient que leur renonciation est tardive, la cour de cassation ayant indiqué que faute pour elles d'avoir pris parti dans le délai de l'article 795 du code civil, elles pouvaient être poursuivies et condamnées en qualité d'héritières pures et simples, et que leur démarche doit être déclarée d'autant plus inopérante, qu'elles n'ont pas versé aux débats la déclaration de succession qui aurait permis de vérifier qu'elles n'avaient pas fait acte d'héritier en profitant ou partageant tout ou partie des éléments de l'actif successoral ; qu'il demande un sursis à statuer sur les demandes formées à l'encontre de Mmes G... jusqu'à production de cette pièce aux débats ;

Considérant qu'il n'est pas justifié que Mmes G... aient déposé une déclaration auprès de l'administration fiscale concernant la succession de leur père et qu'en tout état de cause, il appartient à M. N..., s'il entend se prévaloir d'une acceptation par elles de ladite succession d'en rapporter la preuve, de sorte que la demande de sursis à statuer est infondée ;

Considérant que la succession en cause est soumise aux dispositions antérieures à celles résultant de la loi du 23 juin 2006 ;

que l'article 795 du code civil n'institue qu'un délai pour faire inventaire et délibérer ;

que selon l'article 789, la faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers, soit trente ans et qu'en vertu de l'article 785, l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier ;

qu'il s'ensuit, que si la cour de cassation a pu dire que 'les délais de l'article 795 du code civil étant expirés, Mmes G..., qui n'avaient pas opté, pouvaient être poursuivies par M. N... en qualité d'héritières pures et simples', le parti qu'elles ont depuis lors pris dans le délai imparti, en y renonçant, fait dorénavant obstacle aux demandes formées à leur encontre en qualité d'héritières de B... G...;

que c'est donc à bon droit qu'elles soulèvent l'irrecevabilité de ces demandes ;

sur la recevabilité des demandes de M. N... à l'égard de Mme J... :

Considérant que Mme J... rappelle qu'étant divorcée d'B... G... depuis le 16 novembre 2006, elle n'a pas la qualité de successible, par application de l'article 732 du code civil ;

qu'elle conteste que la dette en cause puisse être constitutive d'un passif de communauté ;

qu'elle souligne qu'elle n'a signé aucun contrat avec M. N... ;

qu'elle soutient que M. N... ne peut agir à son encontre que s'il est en mesure de rapporter la preuve que la créance qu'il invoque est une dette solidaire des époux, née à l'époque où ils étaient mariés sous le régime de la communauté ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'obligation d'B... G... n'avait pas été contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants du couple et que le compromis de vente était constitutif d'un achat à tempérament, au sens de l'article 220 du code civil, M. N... ayant consenti à l'acquéreur un crédit-vendeur de 200.000 francs sur trois ans et le complément de prix étant payable de façon différée ;

qu'enfin, elle fait valoir que l'engagement pris par M. G... de garantir les engagements de la société qui se substituerait à lui dans l'acquisition des actions de la société M.D Finances est assimilable à un cautionnement, auquel elle n'a pas consenti, si bien que par application de l'article 1415 du code civil, la créance alléguée lui est inopposable et qu'aucun recouvrement ne peut être poursuivi sur les anciens biens communs du couple, ni à fortiori sur ses biens propres même si l'actif immobilier sis à [...] constitue un ancien bien commun ;

qu'elle rappelle que le changement de régime matrimonial est opposable aux tiers, y compris aux créanciers dont la créance serait née antérieurement à ce changement et à la liquidation du régime matrimonial, dans les trois mois de sa mention à l'acte de mariage, et que M. N... n'a pas formé d'opposition dans le délai imparti qui est largement dépassé ;

qu'elle persiste donc à soutenir l'irrecevabilité des demandes formées par M. N... à son encontre ;

que M. N... répond qu'il ressort de l'arrêt de la cour de cassation que Mme J... peut être poursuivie, après son changement de régime matrimonial, au titre de l'engagement contracté par son époux pendant la durée du régime de communauté ; qu'il a également été jugé par ladite cour que l'engagement souscrit par M. G... concernant la révision de prix n'était pas assimilable à un emprunt ; que cet engagement ne pourrait non plus sans dénaturation être assimilé à un cautionnement ;

Considérant qu'il est constant que Mme J... n'a personnellement contracté aucun engagement à l'égard de M. N... ;

que l'article 220 du code civil traite strictement des dettes contractées pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, de sorte que son invocation est sans intérêt dans la présente instance, la créance en cause y étant manifestement étrangère, comme étant afférente à l'acquisition de parts d'une société commerciale ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1397 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause, le changement homologué de régime matrimonial prend effet à l'égard des tiers, 'trois mois après que mention en a été portée en marge de l'un et de l'autre exemplaire de l'acte de mariage' ;

qu'il est en l'espèce constant que le changement homologué de régime matrimonial des époux G... a été publié le 22 novembre 2001, et que M. N... n'a pas exercé de tierce opposition à l'encontre du jugement l'homologuant ;

que cependant, après la dissolution de la communauté, chacun des époux peut, conformément à l'article 1483 alinéa 1 du code civil, être encore poursuivi pour la moitié des dettes qui étaient entrées en communauté du chef de son époux.

qu'en vertu de l'article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y eut fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, et sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu ;

que toutefois, selon l'article 1415 du code civil, 'chacun des époux ne peut engager que ses propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, qui dans ce cas, n'engage pas ses biens propres' ;

qu'il résulte de l'article 2288 du code civil, que 'celui qui se rend caution d'une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même';

que dès lors que la société AM Finances s'est substituée à B... G... pour acquérir les actions de la société M.D Finances, le de cujus n'était plus obligé qu'en vertu de la clause par laquelle dans ce cas, il se portait 'garant' de l'exécution des engagements résultant de la promesse de vente ;

que contrairement à ce que semble invoquer M. N..., en page 10 de ses conclusions, à propos d'un moyen invoqué subsidiairement au fond par Mme J..., cette clause de substitution a modifié les engagements personnels d'B... G..., dans la mesure où dès lors que cette substitution avait lieu, il n'était plus tenu à l'exécution des obligations résultant de la promesse de vente, et en conséquence, au paiement du complément de prix, que pour autant que la société AM Finances était défaillante ;

que la 'garantie' à laquelle il s'est obligé, est donc assimilable à un cautionnement ;

que c'est d'ailleurs bien parce que la société AM Finances a été placée en liquidation judiciaire, et que le mandataire liquidateur a fait savoir à M. N... qu'il n'existait aucune perspective de recouvrement de sa créance, que ce dernier a agi à l'encontre des héritières d'B... G... et de son ex-épouse ;

que Mme J... n'a jamais donné son consentement exprès à cet engagement, de sorte que le dette n'est pas entrée en communauté ;

que c'est donc à juste titre qu'elle invoque l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre par M. N..., faute de liens de droit existant entre eux ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de M. N... ès qualités de mandataire de Mme C... N..., Mme R... F..., M. P... H..., et la société [...], l'action de ces derniers étant prescrite ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant, condamne M. N... à payer à Mmes J... et G... la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejette la demande par lui formée de ce chef ;

Condamne M. N... aux dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/08535
Date de la décision : 27/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°17/08535 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-27;17.08535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award