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14/03/2019 | FRANCE | N°17/19911

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 14 mars 2019, 17/19911


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 2





ARRÊT DU 14 MARS 2019





(n° 2019 - 90, 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19911 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LJQ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12607








APPELANT





Monsieur A... F...


Né le [...] à BAYONNE (64)


[...]


[...]





Représenté par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075


Assisté à l'audience de Me Jean-...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 MARS 2019

(n° 2019 - 90, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19911 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LJQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12607

APPELANT

Monsieur A... F...

Né le [...] à BAYONNE (64)

[...]

[...]

Représenté par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assisté à l'audience de Me Jean-Charles GUILLARD de la SELARL MARRE & GUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1253

INTIMÉE

La SA ALTRAN TECHNOLOGIES, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 702 012 956

[...]

[...]

Assistée à l'audience de Me Benoit RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R144, substituant Me Olivier LAUDE de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Patricia LEFEVRE, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

M. A... F..., qui résidait alors au Brésil où il avait créé une société de conseil, a, selon ses dires, été contacté par M. Q... alors directeur général de la société française Altran technologies qui souhaitait lui confier la restructuration et la réorganisation des filiales brésiliennes de l'entreprise.

Lors de la négociation des conditions de sa collaboration, il a signé le 3 avril 2006, d'une part une lettre de confort avec la société Altran technologies aux termes de laquelle, celle-ci lui promettait de le garantir, de l'assister, de le défendre pour toutes les conséquences qui proviendraient de son activité et d'autre part, une lettre d'intention avec la société Altran do Brésil LTD (ci après Altran Brésil) holding contrôlant les filiales brésiliennes d'Altran fixant les modalités de son futur contrat de travail qui a été régularisé le 6 décembre 2007 et aux termes duquel il avait notamment la mission de diriger et de restructurer la dite société.

Disant que son contrat s'était exécuté à la satisfaction de la société Altran technologies et sans difficultés jusqu'à la découverte au mois de décembre 2009 d'importantes irrégularités comptables au sein de TCBR, filiale de la société Altran Brésil, qu'il a été brutalement suspendu de ses fonctions le 19 janvier 2010 pour être rétabli dans celles-ci, le 25 janvier 2010, qu'un audit a été confié au commissaire aux comptes du groupe Altran, le cabinet Deloitte France et qu'il a été rappelé au siège parisien du groupe et licencié le 4 mai 2010 ; M. A... F... a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d'une requête en date du 27 janvier 2011 afin d'obtenir la communication par la société Altran technologies de divers documents dont l'intégralité du rapport d'enquête Deloitte. Il a été fait droit à sa requête par ordonnance du 28 janvier 2011 que la société Altran technologies a refusé d'exécuter, se retranchant derrière le secret professionnel, sans pour autant engager une action en rétractation.

Le 26 avril 2011, la société Altran technologies a cédé l'ensemble de ses filiales au Brésil.

M. A... F..., devant les juridictions brésiliennes, a fait l'objet d'une plainte pénale, le 24 août 2012 à l'instigation des repreneurs de la société Altran Brésil dans laquelle un Habeas corpus à été rendue le 15 mai 2013, l'enquête poursuivant son cours selon M. A... F..., puis d'une plainte civile qui a abouti à un jugement en date du 6 septembre 2017 le condamnant à garantir la société Altran TCBR à hauteur de 5 millions d'euros puis en appel, à sa mise hors de cause, le 29 août 2018.

Après avoir vainement sollicité, le 9 septembre 2013, l'application de la lettre de confort, M. A... F... a, par acte du 28 juillet 2013, fait assigner la société Altran technologies devant le tribunal de grande instance de Paris, réclamant des dommages et intérêts pour non-respect de l'ordonnance du tribunal de grande instance de Nanterre du 28 janvier 2011, la production sous astreinte du rapport Deloitte et des dommages et intérêts pour non-respect de la lettre d'intention.

Par jugement en date du 4 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. A... F... de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordonnance du 28 janvier 2011 et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la lettre de confort, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes et condamné M. A... F... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. A... F... a relevé appel, le 27 octobre 2017 et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 28 janvier 2019, il demande à la cour au visa des articles 1134, 1135, 1142, 1147, et 1185 anciens du code civil et de l'article 1240 du code civil, d'infirmer le jugement déféré, de rejeter comme prescrite l'exception de nullité de la lettre de confort soulevée par la société Altran technologies et à titre principal, de juger qu'elle est valable et qu'elle doit s'appliquer, de condamner la société Altran technologies à lui payer la somme totale de 5 367 793,18 euros, avec les intérêts légaux à compter de l'assignation, se décomposant comme suit :

- 115 204,24 euros au titre des frais d'avocats,

- 36 132,94 euros au titre des frais de déplacements, frais divers, frais de traductions,

- 216 456,00 euros au titre des frais pour obtenir un visa d'investisseur

- 5 000 000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, si la cour considérait la lettre de confort du 3 avril 2006 nulle et de nul effet, au constat d'un dol et encore plus subsidiairement de l'engagement de sa responsabilité par la société Altran technologies, il réclame sa condamnation au paiement des sommes sus-mentionnées à titre de dommages et intérêts assortis des intérêts légaux à compter de l'assignation.

En tout état de cause, il réclame l'allocation de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'une indemnité de procédure de 30 000 euros et la condamnation de l'intimée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 21 janvier 2019, la société Altran technologies, au visa des articles 10, 1134, 1142, 1147, 1185 et 1240 du code civil, des articles L. 225-66 et L. 225-68 du code de commerce, des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile, demande à la cour de confirmer la décision déférée et sur les demandes et moyens présentés par M. A... F... à hauteur d'appel et de :

- juger que M. A... F... est irrecevable à soulever tout moyen et toute demande au sujet de l'absence de production d'un rapport Deloitte inexistant ' moyens et demandes auxquelles il avait expressément renoncé dans ses premières conclusions d'appel du 25 janvier 2018 ;

- juger nulle la lettre de confort du 3 avril 2006, subsidiairement, de dire qu'elle lui est inopposable ;

- déclarer nulles les demandes présentées à titre subsidiaire par M. A... F..., comme étant nouvelles en cause d'appel et subsidiairement, d'écarter le dol ou toute faute qui permettrait à M. A... F... d'obtenir l'exécution de cette lettre de confort ;

- de juger sur l'applicabilité de celle-ci qu'aucune des procédures évoquées par M. A... F... n'est susceptible d'entraîner son application ;

- juger que M. A... F... ne justifie d'aucun préjudice

- en conséquence et de manière générale, le débouter de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause, elle réclame la condamnation de M. A... F... à lui payer la somme de 20 000 euros en raison de son comportement procédural déloyal et abusif, outre une indemnité de procédure de 50 000 euros et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 30 janvier 2019.

SUR CE, LA COUR,

Considérant, au préalable, que M. A... F... ne réclame plus, devant la cour, de dommages et intérêts pour non-respect de la décision du 28 janvier 2011 ordonnant notamment la communication du rapport Deloitte ; que les développements des parties quant l'existence ou non d'un rapport écrit sont dépourvus d'objet et que la cour doit confirmer ce chef du jugement entrepris ;

Considérant que, s'agissant de la lettre de confort, M. A... F... fait valoir que la société Altran technologies ne peut pas, par voie d'exception, en soutenir la nullité, dès lors que le délai de l'action en nullité est expiré et qu'elle a reçu un commencement d'exécution auquel il assimile le refus d'exécution qui lui a été opposé en septembre 2013 ; qu'en tout état de cause, il avance que le signataire de cette lettre, M. B..., détenait de larges pouvoirs dans la société et, comme directeur financier de la société Altran technologies, avait les pouvoirs pour engager son entreprise, d'autant qu'il s'agit de la confirmation d'un engagement pris par la société Altran Brésil, disant que la théorie de l'apparence doit prévaloir en l'espèce ; qu'il conteste que la limitation des pouvoirs du directoire lui soit opposable, ajoutant que la lettre est contresignée par la directrice juridique de la société Altran technologies et qu'elle lui a été transmise par M. G..., contrôleur international ;

Que la société Altran technologies dit contester, par voie d'exception, en l'absence d'exécution de l'engagement, la validité de la lettre de confort, signée de M. B..., membre du directoire et directeur financier, au motif que l'article L. 225-66 du code de commerce encadre strictement le pouvoir de représenter une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, contestant la référence qui est faite aux filiales de l'entreprise, qui ne sont pas engagées par ce document et affirme que l'attestation de M. B... ne permet nullement de venir contredire son absence de pouvoir ;

Considérant qu'il est constant que l'exception de nullité d'un acte juridique ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution, ce qui est indéniablement le cas en l'espèce, la société Altran technologies ayant opposé à M. A... F..., le 20 septembre 2013, une non-garantie, qui ne peut en aucun cas être assimilée à une exécution ou à une reconnaissance de la validité de cet acte ;

Considérant que, nonobstant le fait que, demanderesse à l'exception, la société Altran technologies doit rapporter la preuve du dépassement de pouvoir dont elle se prévaut, cette preuve ne pouvant se trouver dans les seuls actes sociaux produits - statuts de l'entreprise et un unique extrait du procès-verbal des délibérations du conseil de surveillance du 30 juin 2005, nommant au directoire M. B... - en l'absence de toute production des délégations que celui-ci détenait et dont l'évidence résulte de son témoignage du 21 décembre 2018, dans la mesure où il atteste avoir représenté la société à l'égard des tiers et signé de nombreux actes de gestion courante ;

Que la cour doit faire le constat à tout le moins d'un mandat apparent de M. B... engageant la société Altran technologies au titre des actes qu'il a signés ; qu'en effet, et ainsi qu'il ressort de son attestation M. B... était convaincu de l'existence et de l'étendue d'un mandat social lui permettant en tant que directeur financier et mandataire social de la société Altran technologies de valablement conclure la lettre de confort du 3 avril 2006 ; que le contreseing de cet acte par Mme S... alors directrice juridique de la société Altran technologies ne pouvant que conforter M. A... F... dans la croyance, à la supposer erronée, du pouvoir de M. B... d'engager l'entreprise comme d'ailleurs la transmission du projet d'acte par M. G..., contrôleur international, qui en annonce la signature par M. B... ; que ces circonstances autorisaient M. A... F... à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de M. B..., étant relevé qu'en 2013, lorsque M. A... F... a tenté de mobiliser la garantie conférée par la lettre du 3 avril 2006, le service juridique ne s'est nullement ému que cet acte soit signé par M. B... ;

Mais considérant que l'article L. 225-68 du code de commerce énonce que la cession d'immeuble en nature (...) la constitution ou sûretés ainsi que les cautions avals et garanties (...) font l'objet d'une autorisation du conseil de surveillance, dispositions légales auxquelles M. A... F... ne peut opposer l'inopposabilité aux tiers des dispositions des statuts limitant les pouvoirs de représentation de la société de l'article L.225-66 du même code ;

Que l'autorisation du conseil de surveillance pour une garantie, ce que constitue indéniablement la lettre de confort du 3 avril 2006 qui prémunit son bénéficiaire contre des pertes pécuniaires, constitue une restriction légale aux pouvoirs du président du directoire qui est opposable aux tiers ; que l'apparence d'un mandat est impuissante à sauver cet engagement irrégulier ; que la sanction du non-respect de l'article L. 225-68 est l'inopposabilité de l'acte concerné à la société, qui ne peut être couverte que par une confirmation expresse du conseil de surveillance, qui est en l'espèce ni démontrée, ni alléguée ;

Que dès lors, l'acte du 3 avril 2006 est inopposable à la société Altran technologies, M. A... F... devant être débouté de ses demandes principales, la décision déférée devant être confirmée de ce chef ;

Considérant qu'à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour retiendrait la nullité de la lettre de confort, M. A... F... recherche la responsabilité de la société Altran technologies au titre de l'inexécution de l'acte du 3 avril 2006, prétend désormais, qu'elle ne peut, sans se prévaloir de sa propre turpitude, renier l'engagement pris par son directeur financier et à titre encore plus subsidiaire, qu'elle a, en période pré-contractuelle, commis une série de fautes résultant de ses manoeuvres dolosives pour (lui) faire croire qu'il bénéficiait de garantie, qu'elle refuse aujourd-hui de mettre en oeuvre ;

Que M. A... F... vient ainsi substituer en appel, un droit différent de celui dont il s'était prévalu en première instance et ses nouvelles prétentions à hauteur d'appel ne sont nullement virtuellement comprises dans ses prétentions originaires exclusivement fondées sur l'inexécution d'un contrat et non sur les conditions de sa conclusion ;

Que les demandes subsidiaires et plus subsidiaires de M. A... F... seront déclarées irrecevables ;

Considérant que la société Altran technologies réclame la condamnation de M. A... F... en raison de son comportement déloyal et abusif, sans alléguer d'un quelconque préjudice, recherchant uniquement la sanction d'un changement brutal de position en cours de procédure ; qu'elle sera déboutée de cette demande ;

Considérant que M. A... F... sera condamné aux dépens d'appel et devra rembourser les frais irrépétibles de la société Altran technologies dans la limite de 5 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 4 juillet 2017 ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. A... F... à titre subsidiaire et à titre plus subsidiaire tendant à l'allocation de diverses sommes sur le fondement du dol et de la responsabilité extracontractuelle de la société Altran technologies ;

Déboute la société Altran technologies de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne M. A... F... à payer à la société Altran technologies la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/19911
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°17/19911 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;17.19911 ?
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