Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ORDONNANCE DU 12 MARS 2019
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/00142 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYJPM
NOUS, Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Madame le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière au prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître Z... W...
[...]
Comparante en personne,
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Madame O... L...
[...]
Représentée par Me Muriel PARQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0381
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 12 Février 2019 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2019 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
EXPOSE DU LITIGE
Me Z... W... a été chargée en octobre 2013 des intérêts de Mme O... L... dans le cadre d'une négociation de la rupture de son contrat de travail qui a abouti à un licenciement puis de la procédure prud'homale qui a suivi.
Une convention d'honoraires a été signée le 4 novembre 2013 prévoyant un honoraire forfaitaire de diligences et un honoraire de résultat.
Un jugement allouant la somme de 62372,02€ à la salariée a été prononcé le 29mai 2015 par le conseil des prud'hommes de Paris lequel a été frappé d'appel par MmeL... sans l'intervention de Me W....
Me W... a saisi, par lettre reçue le 21 septembre 2015, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande en fixation de ses honoraires pour un montant de 17777,68€ HT sur lequel 5303,28€ HT ont été réglés.
Par décision du 10 février 2016, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a :
fixé à la somme de 7000 € HT le montant total des honoraires dus à Me W... par Mme L...,
constaté qu'un règlement de 5303,28€ HT était intervenu,
dit en conséquence que Mme L... devra verser à Me W... la somme de 1696,72 € HT, outre la TVA au taux de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de sa décision ainsi que les débours justifiés pour 109,07€ et supporter les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la décision,
dit que lorsque la décision sera définitive, le montant des condamnations sera prélevé sur le montant de la consignation de 12474,40€ effectuée le 22 octobre 2015 par Me W... entre les mains du bâtonnier séquestre puis remis à MeW..., le solde disponible étant restitué à Mme L....
Par déclaration au greffe du 8 mars 2016, Me W... a formé un recours devant le premier président de la cour contre cette ordonnance qui lui a été notifiée le 12 février 2016.
Aux termes de ses écritures soutenues oralement lors de l'audience, Me W... demande à la présente juridiction de :
infirmer la décision du bâtonnier,
dire et juger que la convention d'honoraires est valide,
dire et juger que l'honoraire de résultat prévu est dû en totalité par Mme L...,
fixer le montant des honoraires restant dus par Mme L... à la somme de 12474,40€ HT majoré de la TVA à 20 %,
dire que cette somme sera majorée des intérêts au taux de 1,5 fois celui de l'intérêt légal à compter du 30 juillet 2015, date de la mise en demeure et qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts,
subsidiairement,
condamner Mme L... au paiement de la somme de 12 474,40€ HT majorée de la TVA à 20 % au titre des honoraires restant dus, sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 10 du décret du 12 juillet 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2015 et capitalisation des intérêts,
en tout état de cause,
condamner Mme L... au paiement de la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts,
condamner Mme L... au paiement de la somme de 2 500€ pour ses frais irrépétibles de première instance et celle de 3000€ pour ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme L... aux dépens,
confirmer la décision en ce qu'elle a :
condamné Mme L... au paiement de la somme de 193,89€ correspondant aux frais d'actes d'huissier et dit que Me W... pourra prélever le montant des condamnations sur le montant de la consignation de la somme de 12474,40 € effectuée le 22 octobre 2015,
débouté Mme L... de sa demande de dommages et intérêts et article 700 du code de procédure civile (sic),
lui donner acte qu'elle se réserve le droit de saisir les juridictions pénales à l'encontre de Mme L... pour escroquerie et tentative d'escroquerie au jugement.
Aux termes de ses écritures soutenues oralement lors de l'audience, Mme L... demande à la présente juridiction de :
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que la convention d'honoraires était caduque en sa totalité,
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
fixé à la somme de 7000 € HT le montant total des honoraires dus à Me W... par Mme L..., sous déduction de la somme de 5303,28€ réglée,
dit que le montant de la condamnation sera prélevé sur le montant de la consignation,
rejeter la demande de Me W... en paiement de la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts,
rejeter la demande de Me W... au titre de ses frais irrépétibles,
condamner Me W... au paiement de la somme de 3000€ à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
condamner Mme W... à lui verser la somme de 3000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Le bâtonnier de l'ordre a considéré que les dispositions de la convention d'honoraires dérogeant au principe posé par la Cour de cassation selon lequel l'honoraire de résultat n'est dû qu'autant que ledit résultat est définitif ne peuvent être validées et que la convention d'honoraire était caduque en son entier. Il a dès lors fixé les honoraires de MeW... selon les critères légaux.
Me W... estime que le bâtonnier a fait une mauvaise interprétation et application de la loi alors que :
- n'est pas nulle la convention d'honoraires dont une des clauses le serait,
- est parfaitement valide la clause prévoyant que l'honoraire de résultat reste dû à l'avocat dans sa totalité même avant le prononcé d'une décision définitive en cas de dessaisissement de l'avocat,
- l'honoraire de résultat est dû dès lors qu'il a été validé par le client après l'obtention de la décision sur lequel il est calculé, y compris en l'absence de toute convention d'honoraire.
Elle fait valoir que la convention prévoyait bien que l'honoraire de résultat serait dû dès le prononcé du jugement mais également en cas de dessaisissement après instruction et plaidoirie devant le conseil de prud'hommes, que par ailleurs, Mme L... a réglé, outre l'honoraire fixe, le 19 mai 2014, l'honoraire de résultat sur les sommes perçus au titre des demandes provisionnelles et a, après le jugement, expressément accepté de régler l'honoraire de résultat sur la totalité des sommes dont le paiement a été ordonné par le tribunal, qu'il y ait appel ou non.
Mme L... rétorque qu'elle a été induite en erreur sur les conséquences de la convention d'honoraires signée au regard d'une éventuelle procédure d'appel au motif que le terme jugement était ambigüe et que l'article 5 de ladite convention est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'honoraire de résultat n'est dû par le client que lorsqu'il aura été mis fin à l'instance par un acte ou une décision irrévocable et selon laquelle l'exécution de la convention d'honoraire ne peut intervenir si le client a dessaisi son avocat avant le résultat définitif en raison de la caducité de la convention.
Si l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement et n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant toutefois faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu.
La convention d'honoraire signée prévoyait :
- un honoraire forfaitaire de 5100€ HT au titre des diligences accomplies 'soit dans le cadre d'un licenciement soit dans le cadre de la procédure devant le conseil des prud'hommes (première instance)',
- un honoraire de résultat de 20 % 'du montant total des sommes obtenues dans le cadre de la rupture du contrat de travail et ce, sans distinguer ni selon le motif de la rupture ni selon la nature juridique des sommes obtenues (salaires, préavis, indemnités..)somme à laquelle il conviendra d'ajouter la TVA.
Il était également stipulé à l'article 5 que :
'La totalité de cette somme sera exigible dès la rupture du contrat pour les sommes alors obtenues dans ce cadre et/ou dès le prononcé du jugement fixant le montant des sommes allouées à Mlle L... ou ajoutant celles obtenues lors de la rupture et/ou réalisation d'un accord amiable ou judiciaire ou assimilé (rupture conventionnelle, notamment).'
Enfin, l'article 6 mentionnait que :
'Dans l'hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l'avocat et transférer son dossier à un autre avocat, le client s'engage à régler sans délai les honoraires ainsi que les frais, débours et dépens dus à l'avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement.
Si le dessaisissement de l'avocat intervient après instruction complète du dossier et avant audience de plaidoirie ou avant régularisation définitive d'un accord amiable ou judiciaire, l'honoraire de résultat restera dû à l'avocat dessaisi.
Dans l'hypothèse où le dessaisissement interviendrait avant l'instruction complète, les frais et honoraires seront fixés par référence au temps passé par l'avocat pour le traitement du dossier en exécution de la mission sur la base d'un taux horaire de 500€ HT.'
Si Me W... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 5 de la convention d'honoraires en l'absence d'acte ou décision juridictionnelle irrévocable, l'alinéa 2 de l'article 6 de la convention s'applique au cas d'espèce puisque l'avocat a été dessaisi avant 'régularisation définitive d'un accord judiciaire' même si la formule 'd'accord judiciaire' est maladroite et l'honoraire de résultat reste dû à l'avocat dessaisi, sauf la possibilité pour le premier président de la cour de le réduire s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu.
Il ne ressort aucunement des courriels échangés entre les parties en juillet 2015 (pièces 22 à 25) que Mme L... aurait accepté, après le jugement du conseil des prud'hommes, de régler l'honoraire de résultat sur la totalité des sommes dont le paiement a été ordonné par le tribunal, qu'il y ait appel ou non.
En revanche, Mme L... ne conclut pas au caractère exagéré de l'honoraire au regard du service rendu, celle-ci ayant, au contraire, qualifié de fabuleux et d'impressionnant le travail effectué par son avocat à la lecture des conclusions rédigées (SMS pièce 20 de Me W...).
Il sera rappelé à ce titre que l'avocat a assisté sa cliente non seulement dans le cadre de la procédure de licenciement initiée à son encontre (199 mails échangés entre les parties) mais également dans la procédure prud'homale pour laquelle elle a rédigé deux jeux de conclusions comportant dix-huit chefs de demande en paiement en répondant aux conclusions de 63 pages de l'adversaire) et communiqué 99 pièces.
En l'absence de preuve du caractère exagéré de l'honoraire de résultat réclamé au regard des diligences effectuées, il sera fait droit à la demande de Me W... tendant à voir fixer le solde de ses honoraires à la somme de 12 474,40€ HT majorée de la TVA à 20 %, outre intérêts au taux de 1,5 fois celui de l'intérêt légal, conformément aux dispositions de l'article 7 de la convention, à compter du 30 juillet 2015, date de la mise en demeure et à l'autoriser à prélever cette somme sur celle consignée.
La procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats et il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président de la cour de statuer sur la demande de dommages et intérêts présentée par Me W....
De même, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de 'donner acte' qui n'a aucune conséquence juridique.
Mme L... succombant devra supporter les dépens de première instance et de la présente instance de recours.
Il n'y a pas lieu, en équité, d'accueillir la demande de Me W... fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Infirmons la décision entreprise et, statuant à nouveau,
Fixons le montant des honoraires dus par Mme O... L... à Me Z... W... à la somme de 17777,68€ HT sur lequel 5303,28€ HT ont été réglés ;
Disons que Mme O... L... doit payer à Me Z... W... la somme de 12474,40€ HT majorée de la TVA à 20 %, outre intérêts au taux de 1,5 fois celui de l'intérêt légal, à compter du 30 juillet 2015 ;
Disons que le montant de cette condamnation sera prélevé sur le montant de la consignation de 12474,40€ effectuée le 22 octobre 2015 par Me W... entre les mains du bâtonnier séquestre puis remis à Me W... ;
Rejetons toute autre demandes autres, plus amples ou contraires ;
Disons que les dépens de première instance et de la présente instance de recours sont à la charge de Mme O... L... ;
Disons n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le DOUZE MARS DEUX MIL DIX-NEUF par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE