Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 05 MARS 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15015 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2D77
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 14/00615
APPELANTE
SAS JETWAY Agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Plaidée par Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922
INTIMEE
Madame [H] [N] épouse [E]
[Adresse 2]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 3]
Représentée par Me Marie-Alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
Plaidée par Me Vital JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine BEZIO, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Géraldine BERENGUER
ARRET :
-CONTRADICTOIRE
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Prorogé ce jour
- signé pour le président empêché par Nadège BOSSARD, Conseiller et par Claudia CHRISTOPHE, greffière de la mise à disposition, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire
FAITS ET PROCÉDURE
Statuant sur l'appel formé par la société JETWAY à l'encontre du jugement en date du 3 octobre 2016 par lequel le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges a dit que le licenciement notifié par la société JETWAY à Mme [H] [N] épouse [E] repose sur une cause réelle et sérieuse mais a condamné cette même société à payer à Mme [E] les sommes suivantes':
-115 766, 38 € bruts à titre de rappel de salaire et 11 576, 63 € de congés payés afférents
-1923, 48 € de complément d'indemnité de licenciement
-8573, 59 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis
-45 000 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct
-22 914', 66 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
-432 € à titre de complément de tickets restaurant et 660, 91 € à titre de remboursement de frais d'essence
-1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions signifiées le 3 octobre 2017 par la société JETWAY tendant à voir':
-fixer à 16 680 € le montant de l'indemnité pour travail dissimulé
-juger que les fonctions de Mme [E] ne relèvent pas de catégorie cadre niveau H de la convention collective des organismes de formation et débouter au principal Mme [E] de sa demande de rappel de salaire et de complément d'indemnités de rupture
-condamner Mme [E] au paiement de la somme de 4000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Vu les écritures de Mme [E] qui, formant appel incident, sollicite l'infirmation de la décision déférée du chef des dispositions ayant rejeté ses demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement et prie en conséquence la cour, accueillant ces demandes,
-de dire nul son licenciement pour cause de harcèlement moral à l'origine de l'inaptitude qui a fondé ce licenciement
-subsidiairement, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de la société JETWAY à son obligation de sécurité
-en tout état de cause, condamner la société JETWAY à lui payer la somme de 150 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse
-de condamner la société JETWAY, au titre du préjudice distinct, moral, à lui verser la somme de 100 000 € de dommages et intérêts
-22 914, 66 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
-7892, 82 € à titre d'indemnité légale de licenciement
-11 457, 33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-115 766, 38 € de rappel de salaire outre les congés payés afférents (conformément au jugement entrepris)
-38 765 € à titre de rappel sur les commissions de vente
-864 € et 2700 € au titre respectivement, des tickets restaurant et des frais d'essence
-5000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
SUR CE LA COUR
Sur les faits et la procédure :
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que la société SAS JETWAY, à l'origine Sarl JETWAY AERONAUTICS, qui commercialise des formations pour pilotes de ligne a embauché verbalement Mme [H] [E] à compter du 1er octobre 2003, en qualité d'assistante qualité ;que la convention collective applicable était celle des organismes de formation'; que, d'après les fiches de paye, le poste de Mme [E], intitulé «'assistante
qualité'» depuis 2004, est devenu celui de «'responsable commerciale'» à compter de 2009, date de la reprise de la société JETWAY AERONAUTICS par l'actuelle SAS JETWAY'; que les conditions salariales et le statut de Mme [E] n'ont pas été modifiés l'ensemble des bulletins de salaire mentionnant l'accomplissement d'un temps partiel à concurrence de 75 heures mensuelles ;
qu'au début de l'année 2013 des négociations ont été engagées entre les parties concernant le départ de l'entreprise de Mme [E]'; que l'éventualité d'une rupture conventionnelle a été éliminée par la salariée qui, après démarche auprès de Pôle emploi, était informée que cette situation ne lui permettrait pas de bénéficier de l'assurance perte d'emploi garantissant son emprunt immobilier en cours'; qu'aucun accord n'a pu être trouvé, notamment sur le montant des sommes à verser à Mme [E], à qui la société JETWAY proposait celle de 48 415 €';
qu' à l'issue d'un rendez vous le 8 mars 2013 avec et dans le bureau de M.[L], dirigeant de la société JETWAY, Mme [E], a quitté la pièce, est descendue dans un local situé au rez de chaussée et, montant sur une chaise, s'est pendue avec son écharpe, accrochée au plafond';
qu'immédiatement secourue, elle a été transportée au centre hospitalier de [Localité 4] puis de [Localité 5] où son époux exerçait en qualité de chirurgien';
que la CPAM -qui a reconnu ensuite comme accident du travail la tentative de suicide de Mme [E]- a effectué une enquête au cours de laquelle Mme [E] déclarait notamment qu'à son retour de congé, elle avait été «'placardisée'» par son employeur, à son retour de congés payés le 4 mars 2013, et que l'annonce , par M.[L], le 8 mars, de son licenciement à la fin du mois, avait été une surprise, d'autant que des dossiers de formation DIF et FONGECIF étaient en cours';
qu'à compter du 8 mars 2013, Mme [E] a été en arrêt de travail prorogé à plusieurs reprises, jusqu'au 10 octobre 2013'; qu'elle a fait l'objet de deux visites médicales , de la part du médecin du travail, les 6 septembre et 11 octobre 2013'; qu'à cette dernière date, ce médecin a conclu à l'inaptitude de Mme [E] en précisant «'l'état de santé de la salariée ne permet pas de proposer de postes, ni d'envisager le retour dans les locaux de l'entreprise, quels qu'ils soient'»';
que par lettre du 16 décembre 2013, la société JETWAY a notifié à Mme [E] son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement';
que le 4 novembre 2014, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir juger, notamment, que son licenciement est nul pour cause de harcèlement moral à l'origine de son inaptitude et condamner la société JETWAY au paiement des diverses sommes subséquentes';
que par le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a estimé que, faute de harcèlement moral établi, le licenciement ne pouvait être déclaré nul et que ce licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la société JETWAY ayant accompli ses obligations en matière de licenciement pour inaptitude'; qu'en revanche, les premiers juges ont alloué une indemnité à Mme [E] pour travail dissimulé, au motif que le salaire de celle-ci avec, à tout le moins, sa complicité, était versé en partie sur un compte «'offshore'» et ont dit que Mme [E] devait bénéficier de la qualification de cadre, avec, rappel de salaire et d'indemnités de rupture en conséquence, outre les sommes rappelées ci-dessus au titre des tickets de restaurant et frais d'essence';
SUR LA MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat de travail, la demande de harcèlement moral :
Considérant que Mme [E] prétend qu'elle a fait l'objet de conditions de travail irrégulières et d'un «'management'» brutal qui l'a conduite à tenter de se suicider le 8 mars 2013';qu'elle a ainsi subi des agissements de harcèlement moral de la part de son employeur qui doivent être réparés par la condamnation de la société JETWAY au paiement d'une indemnité de 150 000 €';
Sur la qualification de cadre de Mme [E] :
Considérant que Mme [E], approuvée en cela par le conseil de prud'hommes, soutient qu'elle relevait de la catégorie cadre et qu'elle disposait de cette qualité dès son embauche';
Considérant qu'il résulte des pièces aux débats que Mme [E] percevait un salaire fixe mensuel d'environ 2500 € dont la moitié était versée sur le compte bancaire «'off shore'» de Mme [E], l'autre moitié figurant sur les bulletins de paye, libellés pour un temps partiel de 75 heures hebdomadaires; que ces faits ne sont pas contestés par la société JETWAY qui se borne à imputer la responsabilité de cette faute à la salariée qui, il est vrai, lui écrivait le 27 janvier 2006 «je t'ai demandé à être déclarée 1275 euros et virée de l'autre moitié (...) je ne suis pas censée payer autre chose que les charges salariales sur 50 %'»';
qu'il s'en suit que l'indemnité pour travail dissimulée, allouée en première instance, n'est pas contestable'; qu'en revanche, le montant de cette indemnité -comme le rappel de salaire et le complément d'indemnité de rupture- est lié au salaire de l'intéressée et, plus particulièrement, à la qualité de cadre reconnue par le conseil de prud'hommes à Mme [E] -qualité que dénie la société JETWAY';
Considérant que Mme [E] revendique la catégorie cadre, niveau H, de la convention collective des organismes de formation, soit l'avant dernier des quatre niveaux cadres'; que selon l'article 20 de cette convention collective, le cadre H se définit par la délégation directe qu'il tient du directeur ou de l'employeur d'assurer la charge d'un ou plusieurs services et par une large autonomie d'action, de jugement et d'initiative'; que le texte conventionnel cite comme exemples les «'responsables de secteurs techniques, administratifs, financiers, commerciaux dépendant directement du directeur d'établissement'»';
Or considérant que, comme l'observe la société JETWAY, la convention stipule, aussi, que le cadre F -niveau de cadre le plus bas, et donc inférieur au cadre H- doit avoir les «'connaissances générales et techniques reconnues par un diplôme d'ingénieur ou correspondant à une formation niveau I ou II de l'éducation nationale'»';
Et considérant qu'il n'est pas contesté que lors de son embauche par la société JETWAY , Mme [E], était ancienne hôtesse de l'air, titulaire d'un BTS et d'un DEUG'; qu'en outre, si elle est diplômée de l'[Établissement 1] et de l'[Établissement 2] c'est en qualité respectivement, d'agent technique et d'hôtesse de l'air qui ne caractérisent pas des fonctions d'encadrement';
que de plus, Mme [E] n'avait aucune personne sous son autorité, l'entreprise JETWAY comptant moins de onze salariés'; que la dénomination de ses fonctions fut successivement, assistante administrative, assistante qualité et responsable commerciale'; qu'en dépit de ces variations d'intitulés elles ne prétend pas que ces fonctions se soient modifiées avec le temps';
qu'elle était, en réalité, chargée de vendre les formations assurées par la société JETWAY aux pilotes'et, si elle rendait compte directement au dirigeant de la société, cette proximité s'expliquait en raison de la petite taille de l'entreprise et elle ne bénéficiait d'aucune délégation du dirigeant de la société'; que les qualités commerciales de Mme [E] étaient, certes, très appréciées par ce dirigeant qui pouvait lui écrire dans l'un de leurs échanges en 2006, trois ans après son embauche, qu'il lui donnait «'carte blanche'» sans que cette expression, témoignage de la confiance que son employeur plaçait en elle, fût, pour autant, une reconnaissance de l'appartenance de Mme [E] à la catégorie cadre';
Considérant qu'en définitive, les dispositions du jugement ayant accueilli la demande de reclassification de Mme [E] doivent être infirmées, étant observé que la catégorie attribuée à cette dernière par la société JETWAY, celle de «'technicien qualifié supérieur 2ème degré niveau D'», correspondait, elle, aux diplômes et aux fonctions de Mme [E]';
Sur la rémunération frauduleuse de Mme [E] :
Considérant que Mme [E] soutient que la société JETWAY lui a imposé un système de rémunération frauduleux, par lequel ne lui était versée en France qu'une partie de son salaire, égale au temps partiel mentionné sur les bulletins de salaire tandis qu'un complément était perçu à partir d'un compte «'offshore'» du dirigeant de la société JETWAY';
Considérant qu'aucune des parties ne conteste sérieusement cette situation; que Mme [E] indique dans ses écritures qu'elle s'est opposée à diverses reprises à la poursuite de ce système'mais ne produit aucune pièce en ce sens'; qu'en revanche, un courriel adressé le 14 mars 2006 par Mme [E] au dirigeant de la société JETWAY reproche à celle-ci que le compte bancaire ouvert à son nom n'est «'pas activé depuis janvier'»'tandis qu'une autre correspondance électronique du 27 janvier 2006 de Mme [E] au même destinataire est ainsi libellée': «'je t'ai demandé à être déclarée de 1275 € et virée de l'autre moitié comment se fait-il que dans ton calcul je perds plus de 1000 €. Je ne suis pas censée payer autre chose que les charges salariales sur un 50 %'»';
Considérant qu'il résulte de ces énonciations que le conseil de prud'hommes a estimé à juste titre que Mme [E] avait, à tout le moins, activement participé au système litigieux auquel elle trouvait un intérêt personnel et qu'elle est mal venue à prétendre aujourd'hui qu'un tel système lui aurait été imposé'par la société JETWAY';
Sur le caractère fictif du temps partiel de Mme [E] :
Considérant que les observations qui précèdent valent pour la fraude imputée par Mme [E] à la société JETWAY, en ce qui concerne le temps partiel mentionné sur les bulletins de salaire alors qu'elle accomplissait un temps complet, rémunéré partie en France, et partie sur un compte «'offshore'»';
que les propos tenus par Mme [E] dans ses courriels précités démontrent, comme déjà dit, qu'elle avait un intérêt à une telle manipulation, puisqu'elle acquittait ainsi, de son propre aveu, 50 % des charges salariales seulement, sur le salaire qui lui était payé en réalité';
que les autres correspondances entre les parties versées aux débats révèlent que Mme [E], même si elle était déçue de ne pas percevoir la rémunération que M.[L] lui avait fait «'miroiter'» à l'embauche, en 2003, traitait d'égale à égale avec ce dernier'; que lors de la discussion de sa séparation d'avec M.[L], en février 2013, au moment où était envisagée une rupture amiable entre les intéressés, Mme [E] s'exprimait en ces termes': «' je suis à la limite de la rupture si c'est ça que tu cherches, tu vas y arriver mais cela ne sera pas sans conséquences. Et si nous ne trouvons pas d'accord, il faudra utiliser d'autres moyens pour résoudre le conflit'»';
Considérant que dans ces conditions ce moyen développé par Mme [E] ne saurait davantage prospérer que le précédent';
Sur les périodes de suspension du contrat de travail :
Considérant que Mme [E] reproche, en outre, à son ancien employeur, au titre du harcèlement moral, de n'avoir pas respecté ses divers congés de maternité et de l'avoir sollicitée au contraire durant ces périodes pour exécuter certaines de ses fonctions';
que toutefois, la cour ne peut qu'adopter les moyens des premiers juges qui ont estimé ces demandes de l'employeur, ponctuelles, s'agissant parfois de simples mises en copie'; qu'en outre, les prestations de Mme [E] ainsi fournies avaient trait à des clients ou des opérations qu' elle seule, connaissait et auxquelles elle était, de surcroît, personnellement intéressée, à travers les commissions perçues par elle à l'occasion des ventes de formations';
Considérant qu'en définitive, le manquement ainsi imputé à la société JETWAY ne traduit pas des agissements laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral envers la salariée';
Considérant que les dispositions qui précèdent conduisent la cour à débouter Mme [E] de sa demande de harcèlement moral envers la société JETWAY et à confirmer celles du jugement entrepris par lesquelles le conseil de prud'hommes a débouté en conséquence Mme [E] de sa demande tendant à voir annuler son licenciement en raison du harcèlement moral qui avait précédé la rupture de son contrat de travail';
Sur la rupture du contrat de travail de Mme [E] :
Considérant que Mme [E] sollicite au principal que son licenciement soit déclaré nul à raison du harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime de la part de la société JETWAY';
que compte tenu de ce qui vient d'être jugé à propos du harcèlement moral, cette demande de nullité ne peut prospérer comme l'a, à bon droit, considéré le conseil de prud'hommes';
Considérant qu'il convient donc d'apprécier la demande subsidiaire de Mme [E], tendant à ce que la cour dise son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison d'une part, du manquement de la société JETWAY à ses obligations, cause de son inaptitude, d'autre part, du non respect par l'appelante de son obligation de reclassement';
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [E] :
Considérant que si pour la société JETWAY, Mme [E] a'«'organisé et calculé'» sa tentative de suicide et la dépression qui a suivi, il ne peut qu'être constaté que le 8 mars 2014, après l'entretien de la salariée avec le dirigeant de la société, lui annonçant son licenciement, Mme [E] justifie par les divers certificats médicaux produits aux débats, qu'elle a été transportée ce 8 mars 2014, à l'hôpital de Neuilly puis à celui de [Localité 5]'; qu'elle présentait à compter de cette date un état dépressif qui a perduré les mois suivants, conduisant à la déclaration d'inaptitude';
que l'annonce de son licenciement à la salariée est intervenue alors que les parties tentaient de trouver un accord sur le départ de l'entreprise de Mme [E]'; que cette décision de l'employeur d'envisager le licenciement de Mme [E] n'avait pas été portée, au préalable, à la connaissance de celle-ci'et revêt ainsi un caractère incontestablement brutal';
que les conditions d'isolement et de privation de bureau, sur son lieu de travail invoquées dans ses conclusions par Mme [E] -comme lors de l'enquête de la CPAM sur l'accident du travail- ne sont, il est vrai, confortées par aucun élément de preuve, alors que les échanges de courriels entre les parties, à cette même période, montrent que la présence de Mme [E] dans les locaux de l'entreprise n'était, d'accord entre les parties, qu'un «'passage'» au cours duquel Mme [E] devait «'vider son ordinateur'»'; qu'ainsi ne peut sérieusement être retenue à l'encontre de la société JETWAY, comme établie, que la seule brutalité du licenciement, à l'exclusion de tout autre comportement de l'employeur';
que force est cependant de constater que cette brutalité a été source, pour la salariée, d'un choc psychologique tel, qu'il l'a conduite à tenter de se donner la mort, quelles que soient les conditions spectaculaires de son geste'que rien, ni personne, à l'exception de la société JETWAY dans ses écritures, n'a remis en cause à ce jour';
Considérant qu'il résulte des énonciations ci-dessus que l'employeur qui, dans un contexte de pourparlers avec la salariée a décidé, sans prévenir celle-ci -ce n'est pas contesté- d'engager une procédure de licenciement, fait preuve -même s'il déclare en l'espèce à diverses reprises «'ne pas être psychologue'»- d'un manquement de l'intéressé à son obligation de préserver la santé morale, comme physique, de sa salariée et de prendre les mesures permettant d'éviter qu'il soit porté atteinte à celle-ci'; que de plus, les arrêts de travail faisant immédiatement suite à la scène du 8 mars 2014, renouvelés jusqu'au licenciement pour inaptitude de Mme [E], témoignent du lien entre l'annonce brutale du licenciement de la salariée et le traumatisme psychologique et dépressif de la salariée';
Considérant que le manquement de la société JETWAY à son obligation de sécurité se trouve ainsi établi, de même que la relation entre, ce manquement et l'atteinte à l'état de santé Mme [E], frappée d''inaptitude ;
qu'il s'ensuit que la cause de l'inaptitude étant imputable au manquement de la société JETWAY, le licenciement pour inaptitude s'avère dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur le second moyen, tiré par Mme [E] du défaut de respect par la société JETWAY de son obligation de reclassement'; qu'il convient dès lors d'allouer à Mme [E] l'indemnité que lui doit à ce titre son ancien employeur';
Considérant que Mme [E] justifie être demeurée deux ans au chômage'; qu'elle ne produit cependant aucun élément ni aucune explication sur sa situation depuis'; que pour tenir compte de l'ancienneté professionnelle acquise au sein de la société JETWAY par Mme [E] -qu'elle a donc perdue du fait de son licenciement- la cour évalue à 30 000 €, en définitive, l'indemnité réparatrice du préjudice de Mme [E], consécutif à la perte de son emploi';
Considérant qu'ainsi que l'a constaté le conseil de prud'hommes, les bulletins de salaire de Mme [E] mentionnent le versement des indemnités de licenciement et de préavis versées à Mme [E] qui ne conteste pas avoir perçu celles-ci, sous réserve du complément réclamé au titre de sa qualité alléguée de cadre, rejetée ci-dessus par la cour';
Considérant que la qualité de cadre n'étant pas reconnue à Mme [E]; L'indemnité pour travail dissimulé allouée par le conseil de prud'hommes doit être ramenée à la somme de 16 680 € indiquée par l'appelante;
Sur le préjudice moral :
Considérant que la somme allouée précédemment au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse n'indemnise que les conséquences préjudiciables de la rupture et non, le préjudice causé par les circonstances même du licenciement'; que le préjudice moral inhérent en l'espèce à la brutalité de la rupture entraînant la tentative de suicide de Mme [E] et le déclenchement d'un état dépressif durable pour Mme [E], incompatible avec la poursuite du contrat de travail justifie l'allocation d'une indemnité de 15 000 €' au lieu et place de celles de 45 000 € fixée par le conseil de prud'hommes et de 100 000 € réclamée par Mme [E]';
Sur les autres demandes de Mme [E] :
Considérant que s'agissant des demandes de remboursement de frais d'essence et de paiement de tickets restaurant, les parties ne produisent pas de pièce susceptible de remettre en cause la chose pertinemment jugée par le conseil de prud'hommes dont la décision sera donc, sur ce point, confirmée';
Considérant qu'enfin, Mme [E] entend obtenir paiement d'une somme de 38 765 € au titre d'un prétendu rappel de commissions sur vente'; qu'elle ne fournit cependant aucun élément de droit ou de fait de nature à conforter cette demande alors qu'elle laisse sans réponse les conclusions de la société JETWAY selon lesquelles, d'une part, elle était rémunérée en ce domaine par une société JETSIM avec laquelle elle traitait directement dans le cadre de son activité d'auto entrepreneur, établie depuis 2012, et d'autre part, s'agissant du contrat signé avec Madagascar, comme JETWAY le lui a déjà expliqué, seule, une partie du contrat -dont JETSIM l'a réglée- a reçu exécution, de sorte que sa demande de rappel de commission est sans objet';
que dans ces conditions le conseil de prud'hommes n'a pu que débouter Mme [E] de cette prétention'; que la décision déférée sera également confirmée de ce chef';
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile il y a lieu d'allouer à Mme [E] la somme de 3000 €, en sus de celle déjà obtenue devant le conseil de prud'hommes';
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a reclassifié Mme [E] dans la catégorie cadres, a débouté Mme [E] de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société JETWAY à payer à Mme [E] la somme de 45 000 € au titre de son préjudice moral distinct ainsi que la somme de 22 914,66 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [E] est sans cause réelle et sérieuse';
Condamne en conséquence la société JETWAY à payer à Mme [E] la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive';
Condamne la société JETWAY à payer à Mme [E] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct';
Déboute Mme [E] de sa demande tendant à lui voir reconnaître la qualité de cadre et de ses demandes subséquentes de rappels divers;
Condamne la société JETWAY à verser à Mme [E] une indemnité de 16 680 € pour travail dissimulé ;
Confirme les autres dispositions du jugement entrepris';
Condamne la société JETWAY aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 3000 €, au profit de Mme [E] , en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER
Pour le Président empêché