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28/02/2019 | FRANCE | N°18/17226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 28 février 2019, 18/17226


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17226 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ARG



Décision déférée à la cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny du 12 mai 2015 (RG 15/00195), après cassation, par arrêt de la Cour de cassation, deuxième cham

bre civile, en date du 28 juin 2018 de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 octobre 2016 (RG 15/12462).





DEMANDERESSE A LA SAISINE



Société Montana Ma...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17226 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ARG

Décision déférée à la cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny du 12 mai 2015 (RG 15/00195), après cassation, par arrêt de la Cour de cassation, deuxième chambre civile, en date du 28 juin 2018 de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 octobre 2016 (RG 15/12462).

DEMANDERESSE A LA SAISINE

Société Montana Management Inc., société de droit panaméen, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

c/o [D]

[Z], [Adresse 1]

[Localité 5] (Panama)

représentée par Me Martin Tomasi, avocat au barreau de Paris, toque : D0979

DÉFENDERESSES A LA SAISINE

Société Heerema Zwijndrecht B.V, société de droit néerlandais, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège social en cette qualité

[Adresse 6],

[Localité 3] (Pays Bas)

représentée par Me Stéphane Bonifassi, avocat au barreau de Paris, toque : R189

Sca BNP Paribas Securities Services, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège social en cette qualité

N° SIRET : 552 108 011 00065

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Julien Martinet du Partnerships Hogan Lovells (PARIS) LLP, avocat au barreau de Paris, toque : T04

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle Lebée, présidente, et M. Gilles Malfre, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT : - contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d'appel en date du 14 juin 2015 ;

Vu l'arrêt de cette cour en date du 6 octobre 2016 ;

Vu l'arrêt de cassation en date du 28 juin 2018 ayant désigné la cour d'appel de Paris autrement composée comme cour de renvoi ;

Vu l'acte de saisine en date du 6 juillet 2018';

Vu les conclusions récapitulatives de la société de droit panaméen Montana Management Inc. (la société Montana), en date du 17 janvier 2019, tendant à voir la cour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à régler une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dire et juger l'appel incident formé par la société Heerema Zwijndrecht BV (la société Heerema) à la fois irrecevable et (sic) mal fondé, la cour statuant à nouveau, à voir, à titre principal, dire la société Montana recevable et bien fondée à contester l'acte de conversion de saisie-conservatoire de créance et l'acte de conversion de saisie-conservatoire de valeurs mobilières et droits d'associés pratiqués à son encontre entre les mains de BNP Paribas Securities Services (la société BP2S) par la société Heerema en date des 24 juin et 24 juillet 2014, la dire subséquemment recevable et bien fondée à contester la saisie-conservatoire de créance, la saisie-conservatoire de droits d'associés et de valeurs mobilières en date du 28 juillet 2011, prononcer la nullité desdites conversions, celle des saisies-conservatoires, constater leur caducité, ordonner la mainlevée totale desdites conversions et saisies-conservatoires, à titre subsidiaire, leur mainlevée partielle à concurrence de la somme de 4 391 351,69 euros, en tout état de cause, débouter la société Heerema de ses demandes, la condamner à lui régler la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont la distraction est demandée ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société Heerema, en date du 16 janvier 2019, tendant à voir la cour, à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Montana était recevable en ses demandes relatives aux saisies conservatoires, le confirmer en ce qu'il a jugé que la société Montana était irrecevable en sa demande en contestation de la validité des actes de conversion de saisies conservatoires de créance et de valeurs mobilières diligentées par la société Heerema, à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé les saisies conservatoires régulières, en tout état de cause, débouter les parties de leurs demandes et les condamner chacune à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

Vu les conclusions récapitulatives de la société BP2S, en date du 22 janvier 2019, tendant à voir la cour statuer ce que de droit sur les moyens de nullité et caducité soulevés par la société Montana, «'constater que la mesure de gel, tant qu'elle est en vigueur, rend les avoirs de la société Montana indisponibles et insusceptibles d'attribution'», débouter la société Heerema de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.

SUR CE :

Sur le fondement d'un arrêt de la cour d'appel de La Haye en date du 31 octobre 2000 ayant condamné solidairement l'État d'Irak et la banque centrale d'Irak à lui payer une certaine somme, la société Heerema a fait pratiquer, le 28 juillet 2011, une saisie conservatoire de créance et une saisie conservatoire des droits d'associé et des valeurs mobilières à l'encontre de « l'État irakien et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Iraq en vertu des résolutions de l'ONU, à savoir Montana management INC » (la société Montana) pour avoir garantie de la somme de 6 067 478, 19 euros. La société Heerema, ayant obtenu une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris, en date du 31 août 2011, définitive, déclarant exécutoire en France l'arrêt de la cour d'appel de La Haye, ces saisies conservatoires ont été respectivement converties en saisie-attribution et en saisie-vente les 24 juin et 24 septembre 2014.

Par acte du 12 décembre 2014, la société Montana a fait assigner la société Heerema devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny en contestation de ces mesures. La société BP2S est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 12 mai 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a, notamment, reçu l'intervention volontaire de la banque, a constaté le désistement de la société Heerema de sa demande en paiement formée contre la banque, a rejeté l'exception d'irrecevabilité opposée par la société Heerema à la société Montana, a rejeté les demandes de caducité et de nullité des mesures de saisie, a déclaré irrecevable la contestation de l'acte de conversion de saisie conservatoire de créances formée par la société Montana et a rejeté toutes autres demandes.

Sur appel de la société Montana, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 6 octobre 2016, a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires et de la saisie-attribution au motif que les saisies conservatoires étaient caduques pour ne pas avoir été dénoncées à la société Montana, ce qui emportait la nullité subséquente de l'acte de conversion en saisie-attribution.

Cet arrêt a été cassé par arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 2018, au visa les articles L. 523-2, R. 523-7 et R. 524-1 du code des procédures civiles d'exécution au motif que la cour d'appel avait violé ces textes alors que la caducité des mesures conservatoires ne pouvait être examinée qu'en conséquence de l'irrégularité des actes de conversion en saisie-attribution et en saisie- vente.

La Cour de cassation a désigné la cour d'appel de Paris, autrement composée, comme cour de renvoi.

Sur l'irrecevabilité de la société Montana à agir en contestation des actes de conversion :

Pour déclarer la société Montana irrecevable en sa contestation des actes de conversion des saisies conservatoires en saisies-attribution, le premier juge a retenu qu'ayant fait délivrer une assignation le 12 décembre 2014, elle ne justifiait pas avoir contesté les actes dans le délai de quinze jours résultant des dispositions des articles R. 523-7, R. 523-8 et R. 523-9 du code des procédures civiles d'exécution.

Il n'est pas discuté par les parties que ne sont applicables à la cause ni la convention de La Haye du 15 novembre 1965 ni le droit communautaire.

À l'appui de sa demande tendant à l'infirmation de ce chef du jugement, la société Montana soutient que si le procès-verbal de conversion a été signifié à parquet le 22 septembre 2014, à l'égard du destinataire de l'acte, les délais, augmentés de deux mois en application de l'article 643 du code de procédure civile, ne courent qu'à compter de la notification effective à l'intéressé et non pas, dans le cas où il y a eu remise à parquet, à compter de cette remise, qu'à défaut de justification de la date de l'effectivité de cette remise ou de sa tentative, ou, lorsque celle-ci n'est pas remise, de celle à laquelle l'autorité étrangère a avisé l'autorité française.

En l'espèce, en l'absence de précision sur ces dates, les délais sont réputés ne pas avoir couru et la contestation est recevable dès lors qu'il est établi que la lettre prévue au deuxième alinéa de l'article R. 523-9 du code des procédures civiles d'exécution a été adressée le 12 décembre 2014 à l'huissier qui a procédé aux saisies.

Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la société Montana n'a pas intérêt à agir en contestation :

La société Montana soutient que la société Heerema est irrecevable en son appel incident tendant à voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée à l'encontre de ses demandes, tirée de son absence d'intérêt à agir en mainlevée des saisies, au motif, selon l'appelante, qu'il s'agit d'un appel irrecevable dès lors que la société Heerema avait acquiescé tacitement, dans ses conclusions prises au cours de l'instance ayant abouti à l'arrêt cassé, à ce chef du jugement relatif à son intérêt à agir qu'elle ne contestait plus devant la cour.

Cette discussion, comme le relève l'intimée, est vaine dès lors que l'arrêt du 6 octobre 2016 a été cassé en toutes ses dispositions, de sorte qu'il ne dispose plus de l'autorité de la chose jugée, que la société Heerema avait contesté devant le premier juge l'intérêt à agir de la société Montana et que cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, ce qu'a fait la cour, en tant que de besoin.

De son côté la société Heerema soutient que le gel des avoirs a entraîné le transfert de leur propriété et que le reliquat disponible après règlement des créanciers de l'Irak sera transféré aux mécanismes successeurs du Fonds de développement pour l'Irak de sorte que la société Montana n'a aucun intérêt à agir.

Dès lors que la société Montana soutient désormais être restée propriétaire des fonds saisis, elle a nécessairement intérêt à contester les actes de conversion des saisies et sa demande est recevable.

Au fond :

Sur la nullité des actes de conversion :

La société Montana soutient que les actes de conversion sont nuls en ce qu'elle n'est pas la débitrice de la société Heerema, que les actifs saisis ne sont pas la propriété de l'État d'Irak, que ces actifs ne sont pas saisissables, qu'ils sont en outre indisponibles.

Il n'est pas discuté que la société Montana n'est pas la débitrice de la société Heerema ni qu'elle n'est pas une émanation de l'État irakien.

Sur la propriété des actifs saisis :

La société Montana soutient que la mesure de gel n'emporte pas transfert de propriété tant que les actifs gelés ne sont pas effectivement transmis aux mécanismes successeurs du Fonds de Développement pour l'Irak.

Le 23 mai 2003, le Conseil de Sécurité de l'ONU a adopté la résolution 1483 (2003) mettant en 'uvre des sanctions financières à l'encontre des entités de l'ancien régime irakien, des responsables de ce régime et de certains de leurs proches.

Le paragraphe 23 de la résolution 1483 (2003) dispose : « Tous les États Membres [sont tenus de geler sans retard [les fonds ou autres avoirs financiers ou ressources économiques visés] '' et « à moins que ces fonds ou autres avoirs financiers ou ressources économiques n'aient fait l'objet d'une mesure ou d'une décision judiciaire, administrative ou arbitrale, de les faire immédiatement transférer au Fonds de Développement pour l'Irak ''.

Les fonds gelés conformément à l'article 4 (2) se trouvaient sur des comptes dont les organes de l'État irakien n'étaient plus directement ou indirectement les bénéficiaires, mais qui étaient constitués d'actifs qui du fait de la confusion entre le patrimoine de l'État irakien et celui de ses plus hauts dirigeants, résultaient de la captation et du détournement frauduleux de ses richesses au profit de certaines personnes ou entités ou étaient affectés à des personnes et/ou entités distinctes de l'État irakien, mais sous le contrôle effectif de ses anciens dirigeants et ce, afin de servir de paravent aux activités officieuses de l'État irakien.

Ces fonds sont donc présumés être ceux de l'État irakien.

Le Comité du Conseil de Sécurité de l'ONU a, le 26 avril 2004, listé Montana Management Inc., société panaméenne, en tant qu'entité proche du régime irakien dont il convenait de geler les actifs.

La société Montana ne soutient pas avoir déposé une demande de radiation à l'encontre de ce listage auprès du secrétariat des organes subsidiaires du Conseil de sécurité des Nations Unies.

L'Union européenne a transposé la résolution 1483 (2003) par l'adoption, dans sa première version, le 7 juillet 2003, du règlement 1210/2003 concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l'Irak.

L'article 4 du règlement a prescrit le gel des fonds de personnes et d'entités listées dans ses annexes III et IV, parmi lesquelles la société Montana, et l'article 6 a assuré une mise en 'uvre des dispositions du paragraphe 23 de la résolution 1483 (2003) relatives à la transmission des fonds gelés vers le Fonds de Développement pour l'Irak.

La société Montana ne soutient pas plus avoir déposé auprès du Conseil de l'Union européenne une demande ou un recours gracieux visant à obtenir son délistage ni un recours contentieux auprès de la Cour de Justice des Communautés Européennes visant à contester une décision européenne de gel, peu important à cet égard le recours qu'elle a exercé devant la Cour européenne des droits de l'homme à l'encontre d'une décision l'opposant au gouvernement fédéral suisse.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unis ayant décidé, dans la résolution 1956 (2010), que les dispositions précédentes s'appliqueront jusqu'au 30 juin 2011, de clôturer le Fonds de Développement pour l'Irak et de le remplacer par des mécanismes successeurs, la législation française a instauré un nouveau processus de transfert des fonds et de ressources économiques gelés vers les mécanismes successeurs par l'article 85 de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 et le décret n°2015-1134 du 11 septembre 2015, puis par deux arrêtés, l'un publié le 27 avril 2016 et l'autre en date du 31 juillet 2017 mettant en 'uvre 1'alinéa 2 de l'article 85 de la loi n°2013-672.

L'article 85 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires dispose, en son quatrième alinéa, que ces fonds et ressources économiques bénéficient de l'immunité accordée aux biens d'État.

L'arrêté du 31 juillet 2017, après avoir considéré qu'aux termes de la position commune 2003/495 du Conseil du 7 juillet 2003, les fonds et ressources économiques du gouvernement irakien précédent ou de ses organes, entreprises ou institutions publiques, désignés par le comité des sanctions institué en vertu de la résolution 661 (1990) du Conseil de sécurité, et situés hors d'Irak à la date du 22 mai 2003, doivent être restitués au gouvernement légitime d'Irak en la personne des mécanismes successeurs du fonds de développement pour l'Irak, prévoit dans une annexe la liste des fonds ou ressources économiques irakiens, susceptibles de transfert aux mécanismes successeurs du fonds de développement de l'Irak après désintéressement des créanciers, remplissant les conditions prévues par le règlement.

Parmi cette annexe figurent les actifs suivants : « Fonds appartenant à Montana Management Inc. 9.093.822,23 euros tenus en compte chez BP2S ''.

Ces fonds de la société Montana, laquelle ne soutient pas avoir exercé, dans le délai de deux mois qui lui était ouvert à compter de la publication de cet arrêté, un recours contre cette décision, appartiennent donc à l'État irakien.

La société Montana soutient encore, que les fonds gelés, dès qu'ils sont transférés aux mécanismes successeurs du Fonds de Développement pour l'Iraq deviennent ainsi la propriété de la Banque centrale d'Irak, puisqu'ils sont inscrits à l'actif du compte ouvert au nom de cette dernière à la Réserve Fédérale Américaine.

Cependant, ce moyen est inopérant dès lors que les fonds n'ont pas encore été transférés aux mécanismes successeurs et que le titre exécutoire a été également obtenu à l'encontre de la Banque centrale irakienne.

En effet, depuis le 1er juillet 2011, il résulte de l'article 6 du règlement 1210/2003, modifié en dernier lieu par le règlement n° 85/2013 du Conseil en date du 31 janvier 2013, que les fonds et ressources économiques gelés peuvent désormais faire l'objet de procédures judiciaires et voies d'exécutions, de sorte que, contrairement à ce que soutient ensuite la société Montana, les fonds sont saisissables.

Ainsi que le relève à bon droit la société Heerema, la société Montana est irrecevable à soulever comme elle le fait l'immunité d'exécution dont bénéficie un État étranger sur les biens saisis dès lors que l'article 6 précité prévoit expressément la possibilité de pratiquer des mesures d'exécution à l'encontre de ces biens et qu'elle soutient, depuis ses dernières écritures, être propriétaire des biens saisis. En outre, ce moyen tiré de l'immunité d'exécution est personnel et ne peut être soulevée que par l'État qui en bénéficie

Il convient donc de débouter la société Montana de sa demande de nullité des actes de conversion.

Sur le montant sur lequel portent les actes de conversion :

À titre subsidiaire, la société Montana relève que la société Heerema a perçu, courant février 2018, une somme de 4 391 351,69 euros en règlement de la créance qu'elle détient à l'encontre de l'État d'Irak et sur le fondement de laquelle elle a procédé aux mesures litigieuses et sollicite que les effets des actes de conversions tiennent compte de ce règlement.

Effectivement, la société Heerema, qui cependant n'en tire pas de conséquence dans le dispositif de ses écritures, a versé aux débats l'autorisation de la direction générale du Trésor, en date du 5 février 2018, ayant autorisé le dégel des fonds détenus par la banque Ubaf afin de la désintéresser de sa créance à hauteur de cette somme qui devra donc être retranchée des actes de conversion.

Sur la validité des saisies conservatoires :

La société Montana soutient, de première part, qu'en application de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, les saisies conservatoires ne pouvaient être pratiquées en l'absence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, que l'État d'Irak est un État souverain, de sorte qu'il n'existe aucun doute sur sa solvabilité actuelle et future, de seconde part, qu'elles sont caduques pour ne pas avoir été dénoncées ni à elle-même ni à l'État irakien.

Cependant, l'acte de conversion n'encourant aucun des moyens de nullités invoqués par l'appelante, à l'exception de celui, né postérieurement aux actes de conversion, relatif au montant de la conversion, la société Montana ne peut remettre en cause la régularité des saisies conservatoires.

Sur les demandes de la société BP2S :

Aux termes de ses écritures la société BP2S demande à la cour de'constater que la mesure de gel, tant qu'elle est en vigueur, rend les avoirs de la société Montana indisponibles et insusceptibles d'attribution.

Cette demande ne constituant pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu d'y répondre, étant observé que la société Heerema, n'ayant pas entrepris, relativement aux mesures d'exécution litigieuses, de démarches quant au dégel des fonds devant la direction générale du Trésor, n'a formé aucune demande à l'encontre de la société BP2S.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

La société Montana qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à la société Heerema, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a reçu la société BNP Paribas Securites Services en son intervention volontaire, constaté le désistement de la société Heerema de sa demande en paiement formé à l'encontre de la société BNP Paribas Securites Services, condamné la société de droit panaméen Montana Management Inc. au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs du dispositif infirmés,

Déclare la société de droit panaméen Montana Management Inc. recevable en sa contestation ;

Valide les actes de conversion à hauteur de la somme de (6 067 478,19 - 4 391 351, 69 = ) 1 676 351, 69 euros ;

Condamne la société de droit panaméen Montana Management Inc. à payer à la société Heerema Zwijndrecht BV la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/17226
Date de la décision : 28/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°18/17226 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-28;18.17226 ?
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