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21/02/2019 | FRANCE | N°18/08046

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 21 février 2019, 18/08046


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08046 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Q7V



Décision déférée à la cour : jugement du 04 avril 2018 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/84100





APPELANTS



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[Adresse 1]

[Localité 2]



Monsieur [J] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Madame [H] [Z] épouse...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08046 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Q7V

Décision déférée à la cour : jugement du 04 avril 2018 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/84100

APPELANTS

Monsieur [E] [J]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [J] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [H] [Z] épouse [J]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentés par Me Jean-Marc Descoubes de la Seleurl Descoubes Avocat, avocat au barreau de Paris, toque : D0969

ayant pour avocat plaidant Me Noémie Lalande, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

Société Facebook Ireland Limited, agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4](Irlande)

représentée par Me François Teytaud de l'AARPI Teytaud-Saleh, avocat au barreau de Paris, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Bertrand Liard, avocat au barreau de Paris, toque : J002, substitué à l'audience par Me Agathe Malphettes et Me Valérie Elodie

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller, chargé du rapport

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT : - contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par ordonnance définitive du 28 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a enjoint à la société Facebook Ireland Limited de fournir à MM. [J] et Mme [Z]-[J] (les consorts [J]) les adresses IP, les adresses mail, l'identité et l'adresse du ou des animateurs de la publication «'Le petit journal du canton de [Localité 5]'» dans un délai de 24 heures suivant la signification de sa décision et, passé ce délai, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard pendant dix jours, le juge précisant dans ses motifs qu'il appartiendra à la société Facebook Ireland Limited de lever l'identité des titulaires du compte litigieux.

Cette décision a été signifiée à la société Facebook Ireland Limited le 2 août 2017.

Par courriel du 3 août 2017, la société Facebook Ireland Limited a fourni aux consorts [J] une liste d'adresses IP et une adresse mail.

Par acte d'huissier du 13 décembre 2017, les consorts [J] ont fait assigner la société Facebook Ireland Limited devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris aux fins, notamment, de voir liquider l'astreinte à la somme de 30 000 euros et fixer une nouvelle astreinte.

Par jugement du 4 avril 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a déclaré la demande recevable, a débouté les consorts [J] de leur demande de liquidation d'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte, les a condamnés aux dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 17 avril 2017, les consorts [J] ont interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 8 novembre 2018, les consorts [J] demandent à la cour d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré recevable leurs demandes, statuant à nouveau, de condamner la société Facebook Ireland Limited à leur verser la somme de 30 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 28 juillet 2017, d'ordonner la fixation d'une nouvelle astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans les huit jours à compter de « la notification du jugement à intervenir'» et pour une durée de 90 jours, de dire que l'astreinte sera interrompue dès la transmission de l'identité et de l'adresse du ou des animateurs de la publication «'Le petit journal du canton de [Localité 5]'» et de condamner l'intimée à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 9 octobre 2018, la société Facebook Ireland Limited demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des consorts [J], statuant à nouveau, de déclarer ces demandes irrecevables, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté les consorts [J] de leurs demandes, de dire et juger qu'elle a parfaitement exécuté la mesure ordonnée par l'ordonnance de référé du 28 juillet 2017, à titre plus subsidiaire, qu'elle était dans l'impossibilité de fournir d'autres informations que celles en sa possession, de supprimer l'astreinte et de débouter les appelants de leurs demandes, encore plus subsidiairement, de minorer le montant de l'astreinte prononcée, de débouter les consorts [J] de leur demande de fixation d'une nouvelle astreinte, en tout état de cause, de confirmer le jugement attaqué en ce qui concerne les dépens, d'infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne l'indemnité de procédure et de condamner les appelants à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Il est référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2019.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes formées par les consorts [J] :

Pour déclarer recevables les demandes formées par les consorts [J], le premier juge a retenu que l'irrégularité de l'assignation soulevée par la société Facebook Ireland Limited motif pris de son absence de signification régulière à son siège constituait non une fin de non-recevoir mais une exception de procédure et qu'à défaut de démonstration d'un grief causé par cette irrégularité à la société Facebook Ireland Limited, qui a été informée de cette assignation délivrée au domicile de son conseil et a été en mesure de présenter des moyens de défense, cette exception de procédure devait être rejetée.

La société Facebook Ireland Limited soutient que le juge de l'exécution n'est pas régulièrement saisi puisqu'elle n'a pas été assignée au lieu de son siège social.

Comme le soutiennent les consorts [J], le moyen soulevé par l'intimée s'analyse en une contestation de la régularité de la signification d'un acte d'huissier relevant du régime des nullités prévu aux articles 649 et 693 du code de procédure civile, selon lesquels les modalités de remise de l'acte fixées par les articles 654 à 659 sont observées à peine de nullité, celle-ci supposant la démonstration d'un grief au sens de l'article 114.

En l'espèce, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, l'assignation a été délivrée au conseil de la société Facebook Ireland Limited, qui en a eu connaissance et a été en mesure de présenter sa défense, de sorte qu'à supposer l'irrégularité établie, en l'absence de grief, les demandes formées par les consorts [J] sont recevables.

Sur l'astreinte :

L'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout juge peut même d'office ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision, que le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

Aux termes de l'article L. 131-2 du même code, l'astreinte est provisoire ou définitive et doit être considérée comme provisoire à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Selon l'article L. 131-4 du même code, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge de la liquidation d'interpréter la décision assortie de l'astreinte afin de déterminer les obligations ou les injonctions assorties d'une astreinte et que le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge l'ayant ordonnée.

Lorsque l'astreinte assortit une obligation de faire, il incombe au débiteur de cette obligation de rapporter la preuve de son exécution dans le délai imparti par la décision la prononçant.

Le premier juge a retenu que, par courriel du 3 août 2017, la société Facebook Ireland Limited avait fourni aux consorts [J] une liste d'adresses IP et une adresse mail, qu'il était justifié que les titulaires de compte ne communiquaient ni leur identité ni leur adresse postale mais seulement un numéro de téléphone mobile ou une adresse mail, que l'adresse IP qui correspond à un numéro fourni par un fournisseur d'accès à internet permet seulement d'identifier le fournisseur d'accès, lequel détient seul les données nominatives concernant l'utilisateur de l'adresse IP et que l'injonction judiciaire litigieuse ne saurait s'entendre que des données disponibles chez le débiteur de l'obligation et ne peut s'entendre d'une obligation de solliciter des données à caractère personnel auprès d'un tiers. Le premier juge a estimé qu'il ne saurait être reproché à la société Facebook Ireland Limited de ne pas avoir sollicité le fournisseur d'accès pour obtenir communication de ces données personnelles, que ce dernier aurait vraisemblablement refusé de communiquer en l'absence de décision judiciaire à son égard et qu'il convenait donc de constater que l'injonction s'était heurtée à une impossibilité d'exécuter, observant que les éléments communiqués permettaient aux consorts [J] de formuler leurs demandes auprès des fournisseurs d'accès.

Les consorts [J] soutiennent que la société Facebook Ireland Limited a exécuté son obligation de manière incomplète en ne lui communiquant ni l'identité ni l'adresse du ou des animateurs de la publication litigieuse, que l'exécution de l'injonction judiciaire ne se heurte à aucune cause étrangère ou impossibilité. Ils font valoir qu'il ne leur appartient pas de rechercher les données manquantes en recourant, comme le suggère l'intimée, à un service en ligne gratuit permettant, à partir des adresses IP, d'identifier le fournisseur d'accès du responsable du contenu, qui détient les données nominatives de ce dernier, cette obligation incombant à la société Facebook Ireland Limited.

La société Facebook Ireland Limited s'approprie les motifs du premier juge. Elle fait valoir qu'elle a fourni aux consorts [J] l'ensemble des informations en sa possession et qu'il appartient à ces derniers d'identifier, à partir des adresses IP et au moyen de services en ligne gratuits, les fournisseurs d'accès du ou des animateurs de la page litigieuse et de demander à ces fournisseurs d'accès leurs identités et adresses.

C'est à tort que le premier juge a estimé que l'injonction judiciaire litigieuse ne saurait s'entendre que des données disponibles chez le débiteur de l'obligation et ne peut s'entendre d'une obligation de solliciter des données à caractère personnel auprès d'un tiers, alors qu'aux termes de son ordonnance du 28 juillet 2017, dont la société Facebook Ireland Limited n'a pas interjeté appel, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a clairement enjoint à celle-ci de fournir aux consorts [J] les adresses IP, les adresses mail, l'identité et l'adresse du ou des animateurs de la publication «'Le petit journal du canton de [Localité 5]'» en précisant dans ses motifs qu'il appartiendra à la société Facebook Ireland Limited de lever l'identité des titulaires du compte litigieux.

Ainsi, l'obligation pesant sur la société Facebook Ireland Limited comprend la communication des données nominatives et des adresses du ou des animateurs de la publication litigieuse, d'autant plus qu'elle avait indiqué devant le juge des référés qu'elle pouvait fournir ces éléments sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge par des motifs hypothétiques, la société Facebook Ireland Limited ne saurait prétendre que la nécessité de solliciter les fournisseurs d'accès pour obtenir l'identité et l'adresse du ou des animateurs de la publication litigieuse constitue une impossibilité d'exécuter l'injonction judiciaire prononcée par l'ordonnance de référé du 28 juillet 2017, dès lors que, dans ses conclusions, cette société admet qu'il est aisé d'identifier, à partir des adresses IP et au moyen de services en ligne gratuits, les fournisseurs d'accès du ou des animateurs de la page litigieuse et de demander à ces fournisseurs d'accès leurs identités et adresses, la société Facebook Ireland Limited ne justifiant d'aucune démarche en ce sens.

Ainsi, en ne communiquant, dans le délai imparti pour s'exécuter, que le nom du créateur de la page «'Le journal du canton de [Localité 5]'», dénommé «'Canton [Localité 3]'», une adresse mail libellée «'journal.canton.[Localité 5]@gmail.com'» ainsi qu'une liste d'adresses IP de personnes s'étant connectées à cette page, la société Facebook Ireland Limited n'a que partiellement exécuté l'obligation assortie de l'astreinte litigieuse mise à sa charge par l'ordonnance de référé du 28 juillet 2017.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Au regard du comportement de la société Facebook Ireland Limited il y a lieu de liquider l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 28 juillet 2017 à la somme de 25 000 euros, de la condamner à payer cette somme aux consorts [J] et de prononcer une nouvelle astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de 30 jours.

Succombant, la société Facebook Ireland Limited sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie que la société Facebook Ireland Limited soit condamnée à payer aux consorts [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Ordonne la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 28 juillet 2017 du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris à la somme de 25 000 euros';

Condamne la société Facebook Ireland Limited à payer la somme de 25 000 euros aux consorts [J]';

Prononce une nouvelle astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de 30 jours';

Rejette toute autre demande';

Condamne la société Facebook Ireland Limited aux entiers dépens de première instance et d'appel';

Condamne la société Facebook Ireland Limited à verser aux consorts [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/08046
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°18/08046 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;18.08046 ?
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