Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 16
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019
(n° 02/2019 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21818 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PNQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018006628
APPELANTE:
SASU TERCIM,
Ayant son siège social: '[Adresse 1]
RCS de Versailles : 4383 624 608
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Luca DE MARIA, avocat au barreau de PARIS, cabinet De Pellerin De Maria Guerre, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant Me François DE BERARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R170
INTIMÉE:
Société CONSAR LTD
Ayant son siège social : [Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Ayant pour avocat plaidant Me Sami SIHVOLA, avocat au barreau de Paris substituant Me Patricia COLETTI et Me Jean-yves CONNESSON, avocats au barreau de PARIS, toque : P0567
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. François ANCEL, Président
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laure ALDEBERT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
L'affaire a été communiquée au ministère public, non représenté lors des débats, qui a fait connaître son avis écrit, au moyen du RPVA, le 30 novembre 2018, les parties en ayant eu connaissance ;
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
I- Faits et procédure :
1. La société Consar Ltd (ci-après Consar) est une société de droit ghanéen intervenant dans le domaine de la construction. Elle a signé un contrat de coopération le 11 août 2011 avec la société de droit suisse Interbulk Trading (ci-après la société Interbulk), filiale du groupe italien Italcementi dont elle était en charge des investissements internationaux.
2. Le contrat de coopération porte sur la construction et l'exploitation d'une cimenterie au Ghana qui devait se dérouler en plusieurs phases et aboutir à la constitution d'une société de cimenterie commune dans laquelle la société Consar aurait une participation.
3. Ce contrat prévoit l'application du droit français et attribuait compétence aux tribunaux compétents de Paris.
4. La société française Tercim, membre du groupe Italcementi, est une société holding intervenue dans le montage juridique et financier du projet.
5. En avril 2016, le projet de construction a été suspendu.
6. Par lettre recommandée du 29 novembre 2016, la société Interbulk a informé la société Consar qu'elle se retirait du projet.
7. Invoquant la résiliation abusive du contrat de coopération et son exécution défectueuse, la société Consar a fait assigner, par acte d'huissier en date du 8 janvier 2018, la société Interbulk et la société Tercim à comparaître devant le tribunal de commerce de Paris, sollicitant sur le fondement des anciens articles 1134, 1135, 1147 et 1382 du code civil leur condamnation « in solidum » au paiement de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice qu'elle évalue à plus de 7 millions de dollars (US).
8. Avant tout débat au fond la société Tercim a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal de commerce de Versailles, juridiction dans le ressort de laquelle son siège social est établi.
9. Par jugement en date du 20 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a rejeté cette exception d'incompétence, s'est déclaré compétent pour entendre le litige sur le fond en retenant que l'opportunité d'instruire et juger les différentes demandes en même temps ne faisait aucun doute, au visa de l'article 8 du règlement européen n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 et du contrat de coopération dans lequel la société Tercim était mentionnée même si elle n'était pas signataire.
10. Le tribunal a débouté la société Consar de sa demande en procédure abusive et condamné la société Tercim à payer à la société Consar la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réservant les dépens et a renvoyé les parties à conclure au fond.
11. La société Tercim a, le 5 octobre 2018, interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Paris à l'encontre de la société Consar et après y avoir été autorisée par ordonnance du 19 octobre 2018, a fait citer à jour fixe, par acte d'huissier du 29 octobre 2018, la société Consar pour une audience du 20 novembre 2018.
12. A cette audience l'affaire a été renvoyée successivement au 4 décembre 2018 puis au 8 janvier 2019, date à laquelle elle a été retenue.
II- Prétentions des parties :
13. Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 décembre 2018, la société Tercim, au visa des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4.1°, 8 et 63.1 du Règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et 75 et 96 du code de procédure civile, demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 septembre 2018 dans son intégralité, en ce compris la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et in limine litis, de se déclarer incompétent pour juger la société Tercim.
14. Elle demande de déclarer incompétent le tribunal de commerce de Paris pour juger la société Tercim, de renvoyer la société Consar à mieux se pourvoir au profit du Tribunal de commerce de Versailles et de rejeter l'ensemble de ses demandes en ce compris sa demande de condamnation pour abus de procédure, et de la condamner au paiement de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
15. Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 novembre 2018, la société Consar demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 20 septembre 2018 et de le réformer en tant qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
16. Elle demande de rejeter toutes les demandes de la société Tercim et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile et la somme complémentaire de 10 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF AVOCATS représentée par Maître Stéphane FERTIER conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
III- Moyens des parties :
17. Au soutien de l'incompétence du tribunal de commerce de Paris, la société Tercim fait valoir que la compétence de la juridiction doit être déterminée conformément au règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit Bruxelles I bis, qui prévoit le principe de la compétence de la juridiction du domicile du défendeur et que les conditions pour bénéficier de la dérogation de compétence prévue par l'article 25 dudit règlement dans l'hypothèse d'une clause attributive de compétence ne sont pas remplies, en l'espèce faute d'avoir accepté ladite clause.
18. Elle soutient qu'elle est tiers au contrat de coopération signé entre les sociétés Interbulk et Consar, qui lui est en conséquence inopposable.
19. Elle fait valoir que dès lors qu'aucune autre disposition européenne ne prévoit de désigner la juridiction parisienne, il convient d'appliquer les règles internes de compétence territoriale, qui désignent selon les articles 42 et 43 du code de procédure civile le tribunal de commerce de Versailles, juridiction du lieu de son siège social.
20. Selon la société Tercim c'est par erreur que le tribunal a, pour retenir sa compétence, visé l'article 8 du règlement précité qui est une règle de compétence spéciale concernant la pluralité de défendeurs et ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, puisque le tribunal n'est pas saisi en raison du domicile d'un des défendeurs, aucun ne résidant dans le ressort de la cour d'appel de Paris, mais en vertu d'une clause attributive de compétence.
21. Elle ajoute que si elle a conscience du standard de bonne administration de la justice, ce standard ne saurait s'imposer aux droits fondamentaux de la défense de la société Tercim garantis par la CEDH et la charte des droits fondamentaux.
22. Elle conteste enfin l'application de l'article 333 du code de procédure civile, invoquée pour retenir la compétence parisienne par le ministère public et qui concerne l'intervention forcée d'un tiers dans un litige ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
23. En réponse la société Consar soutient au principal que la clause attributive de compétence insérée au contrat du 11 août 2011, valable au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 qui précède le règlement Bruxelles 1 bis, est opposable à la société Tercim qui en exécutant les obligations du contrat de coopération en a accepté les termes.
24. Elle met en exergue à cet effet que la société Tercim a été fortement impliquée dans les premières phases du projet, en relevant qu'elle était identifiée et désignée dans le contrat de manière précise aux termes de différents articles (3.2.1; 3.2.3) et qu'elle a participé aux différentes phases du projet en intervenant dans l'achat du terrain et en devenant l'actionnaire unique de la société de cimenterie Teracem qui a formulé les différentes propositions de cession d'actions à la société Consar conformément aux stipulations contractuelles.
25. Elle fait valoir que la contestation de la compétence par la société Tercim sur le fondement des articles 4.1 et 8 du règlement Bruxelles 1bis est inopérante dès lors qu'elle est assignée devant les juridictions françaises de l'Etat membre dans lequel elle est domiciliée et qu'il est de principe que la clause attributive de compétence prime la règle de compétence spéciale de l'article 8 dudit règlement en cas de pluralité de défendeurs.
26. A titre subsidiaire elle estime au visa du considérant n°21 du préambule du règlement qu'il serait contraire au principe d'une bonne administration de la justice de juger séparément l'affaire, en faisant observer que les demandes dérivent du même contrat et concernent le même projet et qu'elles sont manifestement connexes.
27. Elle fait enfin observer que le renvoi d'une partie de l'affaire devant le tribunal de commerce de Versailles expose au risque d'aboutir à des décisions contradictoires ou inconciliables et que cette situation serait contraire à la règle du dessaisissement prévue dans ce cas en droit interne par les dispositions de l'article 101 du code de procédure civile.
IV- Avis du ministère public :
28.Le ministère public, au terme de ses écritures régularisées par voie électronique le 30 novembre 2018, est d'avis que la cour confirme la décision.
29. Il estime que l'incompétence soulevée par la société Tercim est un conflit de juridictions purement interne et que la compétence de la juridiction parisienne est justifiée par la clause attributive de compétence opposable à la société Tercim dés lors qu'elle a pris part au contrat. A défaut, si la société Tercim était considérée comme un tiers au contrat, il invoque pour retenir la compétence territoriale parisienne l'article 333 du code de procédure civile qui impose au tiers mis en cause de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire.
30. A titre subsidiaire le ministère public soutient qu'en présence d'un conflit international, la décision doit être confirmée au visa de l'article 8 du règlement européen n°1215/2012 dans la mesure où il y a pluralité de défendeurs et qu'il est d'une bonne administration de la justice de faire juger ensemble par la même juridiction les demandes qui sont manifestement connexes.
V- Motifs de la décision :
Sur la nature internationale du litige :
31. La société Consar a assigné dans le présent litige deux sociétés, une société de droit suisse, la société Interbulk et une société de droit français, la société Tercim, dont elle recherche la responsabilité in solidum dans l'exécution du contrat de coopération conclu le 11 août 2011, portant sur la construction d'une cimenterie au Ghana, projet qui a été abandonné en 2016 à l'initiative de la société Interbulk.
32. L'appel tend à renvoyer devant le tribunal de commerce de Versailles les seules demandes de la société Consar contre la société Tercim, le tribunal de commerce de Paris demeurant compétent pour connaître du même litige opposant la société Consar à la société Interbulk.
33. La cour est ainsi en présence d'un litige à caractère international qui relève du champ d'application du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui est applicable en la cause, s'agissant d'une action judiciaire intentée postérieurement au 10 janvier 2015 devant une juridiction française.
34. En application de l'article 4 paragraphe 1 de ce règlement, "sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre."
35. Cependant, l'article 25 dudit règlement dispose à son paragraphe 1 que « si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ;
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. (')'.
36. Il est prévu au paragraphe 5 de cet article qu'une convention attributive de juridiction faisant partie d'un contrat est considérée 'comme un accord distinct des autres clauses du contrat. ».
37. En l'espèce l'article 11.1 du contrat de coopération conclu entre la société Interbulk et la société Consar intitulé « Governing law-jurisdiction » (Loi applicable - juridiction) prévoit l'application du droit français et attribue la compétence aux tribunaux compétents de Paris selon les dispositions suivantes : « if an amicable solution cannot be found within 30 calendar days following a written notice from Party to the other, it is agreed that all disputes arising in connection with this Agreement shall be settled under the jurisdiction of the competent Court of Paris ( France)» ainsi traduites : «A défaut d'accord amiable dans un délai de trente jours calendaires après un avis écrit d'une partie à l'autre partie, il est convenu que tout différend relatif au présent contrat sera soumis au tribunal compétent de Paris (France).'
Sur l'opposabilité à la société Tercim de la clause attributive de juridiction :
38. Il appartient à la cour d'examiner, en premier lieu, si la clause 11.1 du contrat de coopération qui attribue compétence aux juridictions parisiennes a fait effectivement l'objet d'un consentement entre les parties, qui doit se manifester d'une manière claire et précise.
39. A cet égard, il convient de rappeler qu'une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat ne peut, en principe, produire ses effets que dans les rapports entre les parties qui ont donné leur accord à la conclusion de ce contrat. Pour qu'une telle clause puisse être opposable à un tiers, il est, en principe, nécessaire que celui-ci ait donné son consentement à cet effet.
40. En l'espèce, la validité de la clause litigieuse qui fixe la compétence internationale de la juridiction parisienne n'a pas été contestée par la société Interbulk et n'est pas remise en cause par les parties.
41. La société Consar soutient que cette clause est opposable à la société Tercim qui par son implication dans le projet de la construction de la cimenterie au Ghana a accepté les termes du contrat, ce que la société Tercim conteste.
42. Il est constant que la société Interbulk avait prévu d'associer la société Tercim au projet et que cette société est mentionnée dans le contrat pour acter sa participation à certaines étapes du projet auquel elle a effectivement pris part dans l'acquisition du terrain et la constitution de la société d'exploitation de la cimenterie.
43.Toutefois la société Tercim n'a pas signé le contrat écrit qui a été convenu entre la société Consar et la société Interbulk et aucune pièce ne révèle qu'elle a donné son consentement effectif à l'égard de cette clause dans les conditions formelles de l'article 25 du règlement n°1215/2012.
44. Il s'ensuit que la clause attributive de compétence convenue dans le contrat conclu entre la société Consar et la société Interbulk est inopposable à la société Tercim de sorte que cette clause ne peut servir de fondement à la compétence du tribunal de commerce de Paris à l'égard de la société Tercim et qu'il y a lieu de déterminer cette compétence en application des règles générales du règlement n°1215/2012 et notamment de l'article 4.1 précité qui donne compétence à la juridiction française, comme étant celle de l'Etat dans lequel la société Tercim a son siège social.
45. Cependant, l'article 4.1 désignant globalement l'ordre juridique français compétent pour connaître du litige, il convient de prendre en compte les règles internes de l'Etat désigné, en l'occurrence les règles françaises, pour déterminer la juridiction spécialement compétente matériellement et territorialement dans le cadre du présent litige, sans qu'il y aît lieu de se référer à l'article 8.1 dudit règlement.
Sur la juridiction spécialement compétente au sein de l'ordre juridique français :
46. La société Tercim ne conteste pas la compétence de la juridiction commerciale mais invoque en application des règles ordinaires de compétence territoriale, l'article 42 alinéa 1 du code de procédure civile qui dispose que «la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».
47. Toutefois la compétence du tribunal du lieu du domicile n'a pas un caractère exclusif. Le demandeur en cas de pluralité de défendeurs peut attraire les codéfendeurs devant un même tribunal, dès lors que le choix de la juridiction n'est pas arbitraire et qu'il existe entre les demandes un rapport étroit entre elles qui justifie qu'elles soient jugées ensemble selon le principe général de bonne administration de la justice, afin d'éviter que des décisions contraires ou inconciliables soient rendues.
48. Cette solution qui nécessite d'évaluer les circonstances du cas de l'espèce répond à l'objectif de fonctionnement harmonieux de la justice et d'exigence d'économie de procédure prévu par le règlement européen n° 1215/2012, conformément aux considérants 16, 21 et 24 qui énoncent que « Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d'autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice », que « Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au minimum la possibilité de procédures concurrentes et d'éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres » et que « Lorsqu'elle tient compte de la bonne administration de la justice, il convient que la juridiction de l'État membre concerné évalue l'ensemble des circonstances du cas d'espèce'.
49. En l'espèce, au terme de son assignation la société Consar reproche aux sociétés Interbulk et Tercim d'avoir de manière concertée fait échouer le projet de construction de la cimenterie en manquant aux engagements du contrat de coopération et en rompant abusivement leurs relations.
50. Elle estime qu'elles sont ensemble responsables de son préjudice né d'une même situation de fait dérivant d'un même projet au visa des anciens articles 1134, 1135 et 1147 et 1382 du code civil.
51. La cour relève que la compétence internationale de la juridiction parisienne pour traiter du litige entre la société Consar et la société Interbulk a été objectivement choisie, en considération d'une clause attributive de compétence qui n'est pas contestée par la société Tercim en ce qui concerne la société Interbulk, étant observé qu'elle n'a pas mis dans la cause cette codéfenderesse.
52. Si la société Tercim conteste l'existence de faits relevés à son encontre, il convient de constater que l'appréciation de son implication relève du juge du fond et qu'elle ne remet pas en cause l'identité des faits et des demandes en paiement dont le tribunal est initialement saisi.
53. Il résulte de ce qui précède que le rapport étroit entre les prétentions du litige est établi et qu'il existe un intérêt évident à ce que les sociétés Interbulk et Tercim, qui au surplus font partie du même groupe, soient jugées ensemble et que la juridiction parisienne, déjà saisie, connaisse du tout en faveur d'une bonne administration de la justice.
54. La solution inverse reviendrait en réalité à disjoindre la connaissance d'un litige international entre deux juridictions commerciales susceptibles de rendre des décisions contraires ou inconciliables, ce qui serait contraire à l'objectif de fonctionnement harmonieux de la justice et au principe de concentration des procédures rappelés ci-dessus.
55. Il s'ensuit que la société Consar a pu attraire la société Tercim devant le tribunal de commerce de Paris tant par application du critère de la bonne administration de justice qu'en raison du rapport étroit non contesté entre les prétentions et qu'il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris qui a rejeté l'exception d'incompétence et dit qu'il convenait de juger les demandes formées contre les sociétés Interbulk et Tercim ensemble.
Sur la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :
56. La société Tercim n'établit pas en quoi le maintien de la connaissance de l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris la priverait de l'accès à un tribunal lui permettant de faire valoir ses droits.
57. Elle ne démontre pas non plus qu'il serait contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et notamment à son article 6, selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, de retenir la compétence de la juridiction commerciale parisienne et non celle de Versailles.
58. La violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est donc pas établie.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
59. Il ressort de l'article 32-1 du code de procédure civile que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
60. L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts, qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.
61. La société Consar ne fait valoir aucune circonstance caractérisant une faute susceptible d'engager la responsabilité de la société Tercim de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
62. Le tribunal a fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile et fondée de l'article 696 de sorte que le jugement attaqué doit être confirmé de ces chefs.
63. Les dépens tant de première instance que d'appel resteront à la charge de la société Tercim qui succombe.
64. Elle sera également condamnée à payer à la société Consar une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité déjà allouée par les premiers juges.
VI- Par ces motifs :
65. Confirme le jugement du tribunal de commerce du 20 septembre 2018 dans toutes ses dispositions.
66. Condamne la société Tercim à payer à la société Consar la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
67. Condamne la société Tercim aux dépens de première instance et d'appel, lesquels s'agissant des dépens de l'appel pourront être recouvrés par l'AARPI JRF AVOCATS représentée par Maître Stéphane FERTIER, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le président,
Clémentine GLEMET François ANCEL