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07/02/2019 | FRANCE | N°17/23263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 07 février 2019, 17/23263


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2019



(n° 2019 - 43, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/23263 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4WAY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/10051





APPELANTS



Monsieur [U] [E]

Né le

[Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2])



ET



Madame [H] [U], épouse [E]

Née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2])





Représentés p...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2019

(n° 2019 - 43, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/23263 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4WAY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/10051

APPELANTS

Monsieur [U] [E]

Né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2])

ET

Madame [H] [U], épouse [E]

Née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2])

Représentés par Me Thomas DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0293

Assistés à l'audience de Me Jean-Christophe BONFILS, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE

LA POSTE, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 356 000 000 00048

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée à l'audience de Me Dominique MINIER de la SELARL MAUGENDRE MINIER LACROIX SCHWAB, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et Madame Patricia LEFEVRE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présent lors du prononcé.

***********

Condamné à une peine d'emprisonnement de deux années partiellement assortie de sursis par un jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre en date du 19 juin 2014, M. [U] [E] a relevé appel de cette décision, le 28 juillet 2014.

Il a été défaillant à l'audience de la cour d'appel de Basse-Terre et par un arrêt en date du 14 avril 2015 qualifié de contradictoire à signifier, la lettre recommandée adressée, le 5 mars 2015, par l'huissier ayant délivré la citation ayant été retournée avec la mention pli avisé et non réclamé, cette juridiction a porté la peine à trois années d'emprisonnement (dont un an assorti du sursis) et a décerné mandat de dépôt. M. [E] a formé opposition à cette décision, le 22 avril 2015 ; ce recours a été rejeté par un arrêt en date du 15 septembre 2015 et le mandat d'arrêt a été mis à exécution, le jour même.

Imputant à la faute de la société La Poste, qui n'aurait pas réexpédié le courrier en date du 5 mars 2015 à sa nouvelle adresse à [Localité 5], les conséquences de son incarcération dès lors qu'il a perdu une chance de bénéficier d'une relaxe ou de l'indulgence de la juridiction, M. [E] ainsi que son épouse, Mme [H] [U], ont, par acte du 21 juin 2016, fait assigner la société La Poste devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement en date du 28 novembre 2017, ce tribunal a déclaré leurs demandes irrecevables (comme prescrites), et les a condamnés à payer à la société La Poste, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. et Mme [E] ont relevé appel, le 18 décembre 2017 et aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 4 avril 2018, ils demandent à la cour de déclarer leurs demandes recevables et les accueillant, de juger, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, que la faute lourde de la société La Poste leur est préjudiciable et de condamner cette société à payer à M. [E] la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 1 781 962 euros au titre de son préjudice matériel et à Mme [E] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, ces sommes portant intérêts au taux légal capitalisés par année entière comme il est dit à l'article 1154 du code civil à compter de la réclamation du 1er décembre 2015. Ils sollicitent également l'allocation d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur condamnation en première instance, sur ce même fondement, étant annulée et la condamnation de l'intimée aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 27 novembre 2018, la société La Poste soutient la confirmation du jugement déféré, au visa de l'article L. 10 du code des postes et communications électroniques et faute pour M. et Mme [E] d'avoir demandé l'application du préalable de conciliation obligatoire qu'ils revendiquent, et enfin, sous divers constater ou dire reprenant ses moyens, de débouter M. et Mme [E] de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

La clôture est intervenue le 5 décembre 2018.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que M. et Mme [E] qualifient de faute lourde le manquement de la société La Poste à son obligation essentielle de ré-acheminer le courrier, faisant valoir que la prescription ne saurait courir à partir du 5 mars 2015 alors que M. [E] ne savait pas, jusqu'au 15 septembre 2015, que le courrier adressé par l'huissier ayant délivré la citation ne lui avait pas été réexpédié plus de six mois auparavant ; qu'ils décomptent ensuite le délai pour agir, affecté de suspensions successives, ajoutant que l'article 10 du code des postes et communications électroniques ne peut recevoir application, dès lors qu'il ne s'agit ni d'une perte, ni d'un retard dans la distribution du courrier, mais du non-respect du contrat de réexpédition ;

Que la société La poste soutient la prescription, acquise une année après la date d'envoi du courrier du 5 mars 2015 et ce, en application de l'article L. 10 du code des postes et communications électroniques qui institue une prescription d'une année des actions à son encontre ; qu'elle conteste toute suspension du délai pour agir ;

Considérant que, aux termes de l'article L. 10 du code des postes et des communications électroniques, les actions en responsabilité pour avaries, pertes ou retards engagées au titre des articles L. 7 et L. 8 sont prescrites dans le délai d'un an à compter du lendemain du jour du dépôt de l'envoi ; que ces articles énoncent, pour le premier, que la responsabilité des prestataires de services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation ; que le second vise ces même textes en cas de dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal ;

Considérant qu'en l'espèce, le courrier adressé, le 5 mars 2015, par l'huissier en charge de la citation de M. [E] devant la cour d'appel de Basse-Terre n'a subi ni avaries ni retard et, contrairement aux allégations de la société La poste, il n'a nullement été perdu au sens de l'article R. 2-3 du code des postes et communications électroniques (réputant perdu un courrier non distribué dans les quarante jours de son envoi) ; qu'en effet, ainsi qu'il ressort des mentions de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 15 septembre 2015, ce pli n'a pas été réclamé par son destinataire malgré l'avis du service postal et il a été retourné à l'expéditeur avec l'indication d'un motif de non-distribution ;

Que dès lors, l'action en responsabilité engagée par M. et Mme [E] au titre d'un manquement dans l'exécution du contrat de réexpédition était soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil qui n'était pas expirée, le 21 juin 2016, date de l'assignation ;

Considérant enfin, que la société La Poste sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, que l'action des appelants soit déclarée irrecevable, faute par eux d'avoir demandé

l'application du préalable de conciliation obligatoire qu'ils revendiquent, sans pour autant développer le moindre moyen à l'appui de cette fin de non-recevoir ni même alléguer de ce prétendu préalable de conciliation, qu'aucun texte n'impose ;

Considérant que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [E] ;

Considérant au fond, que les appelants précisent que le contrat de réexpédition couvrait la période du 28 mai 2014 au 28 mai 2015, qualifient la faute de lourde, disant que de ce fait, l'intimée ne peut pas évoquer la faute de M. [E] qui n'a pas déclaré sa nouvelle adresse au parquet, d'autant qu'il s'est acquitté de cette obligation auprès du greffe du tribunal correctionnel ; qu'ils ajoutent que sa bonne foi a été reconnue, puisque dans l'attente du sort de son pourvoi en cassation, sa détention provisoire n'a pas été prolongée après un premier délai de quatre mois ; qu'ils estiment que M. [E] était éligible à un aménagement de peine, dans le cadre d'une décision prononcée contradictoirement et sans mandat d'arrêt et ils contestent que la clause limitative de responsabilité leur soit opposable, précisant leurs demandes pécuniaires et invoquant, s'agissant du préjudice matériel de M. [E], la perte du bénéfice d'une promesse d'embauche particulièrement profitable ;

Que la société La poste conteste avoir commis la moindre faute et soutient que M. [E] est à l'origine de son préjudice, faute d'avoir déclaré son changement d'adresse au tribunal correctionnel à l'audience du 14 juin 2014, puis lors de sa déclaration d'appel ou auprès du greffe de la juridiction d'appel, alors que son bail est daté du 1er mai 2014 ; qu'elle en déduit que les préjudices allégués, qu'elle conteste, ont pour unique cause, les fautes de M. [E] ou de tiers ;

Considérant que, faute de production de la lettre recommandée en date du 5 mars 2015 retournée au greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, dont seul M. [E] pouvait obtenir la copie, il doit être fait le constat, ainsi que l'évoque l'intimée, que les appelants ne rapportent pas la preuve d'un défaut de réexpédition de ce courrier, l'arrêt de la cour de Basse-Terre se contentant de relever que le courrier recommandé de notification est revenu avec la mention pli avisé et non réclamé sans qu'il puisse en être déduit que ce courrier a été présenté à l'adresse de M. [E] à [Localité 6] ou à son adresse à [Localité 5] ;

Qu'il s'ensuit que l'absence de M. [E] à l'audience de la cour a pour cause directe le défaut de signalement de son changement d'adresse par M. [E] lors de l'audience devant le tribunal correctionnel le 19 juin 2014, puis à l'occasion de la déclaration d'appel, le 28 juillet 2014, alors que la réexpédition de son courrier en date du 24 mai 2014 à effet du 28 mai suivant impliquait qu'il soit en mesure de le recevoir à son nouveau domicile, dès cette date, ce qui rend inopérante, en l'absence de tout élément en justifiant, d'un emménagement à à [Localité 5], fin juillet 2015 ;

Que, nonobstant l'absence de preuve de la faute alléguée, la cour doit relever l'absence de lien de causalité direct avec les préjudices allégués ; qu'en effet, M. [E] ne tente nullement de démontrer qu'il avait une chance, si minime soit-elle, d'être relaxé des fins de la poursuite ; que la sévérité dont a fait preuve la cour de [Localité 7] en aggravant la peine prononcée et l'impossibilité pour M. [E] de justifier d'une situation professionnelle, lors de l'examen de son appel en avril 2015, la promesse d'embauche produite datant du mois de septembre 2015, rendent improbable que M. [E] ait pu bénéficier d'un aménagement de peine lui évitant toute incarcération ;

Considérant que dès lors, les appelants qui échouent dans la preuve qui leur incombe, doivent être déboutés de leurs demandes ;

Considérant que M. et Mme [E] seront condamnés aux dépens d'appel et devront rembourser les frais exposés par l'intimée pour assurer sa défense devant la cour dans la limite de 2 000 euros, la décision déférée devant être confirmée sur la charge des frais répétibles et irrépétibles de première instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 28 novembre 2017 en ce qu'il a déclaré les demandes de M. et Mme [E] irrecevables et le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare l'action de M. et Mme [E] recevable ;

Déboute M. et Mme [E] de leurs demandes ;

Condamne M. et Mme [E] à payer à la société La Poste, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/23263
Date de la décision : 07/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°17/23263 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-07;17.23263 ?
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