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06/02/2019 | FRANCE | N°17/14814

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 06 février 2019, 17/14814


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2019



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14814 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32NK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/15293





APPELANT



Monsieur [A], [J], [V] [J]

né le [Date

naissance 1] 1941 à [Localité 1] (53)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Alexandra VIGNERON PERFETTINI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

ayant pour avocat plaidant Me Ola...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14814 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32NK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/15293

APPELANT

Monsieur [A], [J], [V] [J]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1] (53)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Alexandra VIGNERON PERFETTINI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

ayant pour avocat plaidant Me Olaf LE PASTEUR, avocat au barreau de CAEN substituant Me Dominique LE PASTEUR, avocat au barreau [Localité 2]

INTIMÉE

Madame [Y] [Q]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Stéphane BEGIN de la SELARL CABINET STEPHANE BEGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0195

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Sabine LEBLANC, Conseiller

Mme Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[L] [T] veuve de [X] [Q], née le [Date naissance 3] 1920 et placée sous tutelle par jugement du 28 mars 2014, est décédée le [Date décès 1] 2014, sans descendance.

Par testaments olographes des 27 avril 2003, 25 octobre 2008 et 10 avril 2010, elle avait institué Mme [Y] [Q], fille de son époux pré-décédé en janvier 1985, légataire universelle.

Par testament olographe du 30 janvier 2012, révoquant toute autre disposition antérieure, elle avait institué M. [A] [J], légataire universel, lequel a été envoyé en possession par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 30 avril 2015.

Par testaments olographes des 24 février 2013 et 13 janvier 2014, elle a encore institué légataire universelle Mme [Y] [Q], laquelle a été envoyée en possession par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 16 avril 2015.

Par jugement du 30 juin 2017, le tribunal de grande instance de Paris, sur assignation délivrée à la requête de Mme [Q] à M. [J] le 3 août 2015, a pour l'essentiel :

- débouté M. [J] de ses demandes de nullité des testaments olographes des 27 avril 2003, 25 octobre 2008, 10 avril 2010, 24 février 2013 et 13 janvier 2014, ainsi que de ses demandes tendant à la nullité de l'ordonnance ayant envoyé en possession Mme [Y] [Q] et à voir dire qu'il a seul la qualité de légataire universel de [L] [T] ;

- débouté Mme [Y] [Q] tendant à voir dire que le testament du 24 février 2013 à son profit annule et révoque le testament du 30 janvier 2012 au profit de M. [A] [J] ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre des dépens, de l'article 700 du code de procédure civile et de l'exécution provisoire ;

- condamné chacune des parties à régler ses propres dépens.

M. [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 juillet 2017.

Au terme de ses dernières conclusions du 23 novembre 2018, il demande à la cour, au visa des articles 414-1, 414-2, 464 et 901 du code civil, et articles 1035 et 1036 du code civil,

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter Mme [Q] de son appel incident ;

En conséquence,

A titre principal,

- réformer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Mme [Q] de sa demande d'annulation du testament rédigé par [L] [T] le 30 janvier 2012 ;

Y ajoutant,

- dire nuls et de nul effet les testaments des 27 avril 2003, 25 octobre 2008, 10 avril 2010, 24 février 2013 et 13 janvier 2014 ;

- dire que l'ordonnance du 16 avril 2015 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris ayant envoyé Mme [Q] en possession est nulle et de nul effet ;

- dire qu'il a seul la qualité de légataire universel [L] [T] veuve [Q] en vertu d'un testament en date du 30 janvier 2012 et avec toutes les conséquences de droit ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

- dire que le testament fait au profit de Mme [Q] en date du 24 février 2013 n'a pas révoqué et n'annule pas le testament fait par [L] [T] veuve [Q] le 30 janvier 2012 à son profit ;

- dire que ces deux testaments ne sont pas incompatibles ni contradictoires et doivent être appliqués avec toutes les conséquences de droit ;

- débouter Mme [Q] de ses demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- la condamner à lui payer une indemnité de 12.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure Civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés au profit de Maître Alexandra Vigneron Perfettini.

Par conclusions du 18 décembre 2017, Mme [Q] demande à la cour

Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, de déclarer Monsieur [A] [J] irrecevable en ses demandes et moyens, et,

Vu les dispositions des articles 1035 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [A] [J] de sa demande de nullité du legs à son profit en date du 24 février 2013 ;

- infirmer le jugement pour le surplus,

- et statuant à nouveau, dire et juger que le legs en date du 24 février 2013 à son profit annule et révoque le legs en date du 30 janvier 2012 au profit de M. [A] [J] ;

- condamner M. [A] [J] à lui verser la somme de 12.000 € au titre des frais irrépétibles ;

- condamner M. [A] [J] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Stéphane Begin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

sur la nullité des testaments établis au profit de Mme [Y] [Q]

sur la nullité du testament du 13 janvier 2014 pour insanité d'esprit :

Considérant qu'invoquant

- le rapport d'expertise de Mme [B], expert en écriture, qu'il a sollicitée à l'effet d'examiner les testaments en cause et qui conclut que 'le testament du 24 février 2014 (en réalité 13 janvier 2014) comporte des indicateurs d'insanité d'esprit',

- la mise sous tutelle de [L] [T] prononcée par jugement du 28 mars 2014,

- le fait que Mme [Y] [Q] n'aurait pas invoqué ce testament, pourtant le dernier en date, pour se faire envoyer en possession,

M. [J] sollicite de la cour qu'elle prononce la nullité, pour insanité d'esprit de la testatrice, du testament du 13 janvier 2014 ;

Que Mme [Y] [Q] n'émet aucune opposition à cette demande ;

Considérant qu'il résulte du jugement de mise sous tutelle de [L] [T] que celui-ci est intervenu sur la base d'un certificat médical délivré le 14 octobre 2013, par le Docteur [E], médecin spécialiste inscrit sur liste établie par le procureur de la République ; que si ce certificat médical n'est pas produit, il ressort de documents médicaux contemporains établis lors d'une hospitalisation de [L] [T] à l'hôpital [Localité 2] (pièces 45 à 47 de l'appelant) qu'elle présentait une déficience mentale liée à l'âge et qu'elle n'était plus capable de se gérer, ni de gérer ses biens, un bilan neuropsychologique permettant de mettre en évidence une altération de l'efficience cognitive globale, une désorientation temporelle et des troubles des fonctions mnésiques, des fonctions exécutives, du calcul et des fonctions instrumentales, le profil cognitif rendant probable une maladie d'Alzheimer ; qu'il doit s'en déduire qu'à la date du 13 janvier 2014, [L] [T] n'était plus en mesure d'exprimer une volonté saine, de sorte que le testament qu'elle a établi ledit jour doit être annulé sur le fondement des articles 901 et 414-1 du code civil ;

sur la nullité des testaments olographes des 27 avril 2003, 25 octobre 2008, 10 avril 2010 pour date incertaine valant absence de date :

Considérant que se prévalant des conclusions de l'expert en écriture selon lesquelles

'Les testaments des 27 avril 2003, 25 octobre 2008, 10 avril 2010 ne peuvent avoir été écrits aux dates indiquées, car l'écriture de Madame [L] [Q] lors de ces périodes était nettement moins altérée',

et de la révocation faite par [L] [T] de 'tout autre testament antérieur' par le testament qu'elle a établi à son profit le 30 janvier 2012,

M. [J] sollicite le prononcé de la nullité des trois testaments en cause ;

Que Mme [Y] [Q] n'a pas présenté d'observations sur cette demande ;

Considérant à titre liminaire que la révocation de dispositions testamentaires n'est pas une cause de nullité de ces dernières, mais leur fait seulement perdre tout effet ; qu'en revanche, 'la révocation de tout autre testament antérieur' vient plutôt accréditer l'antériorité contestée des trois testaments litigieux ;

Considérant que ces trois testaments en cause comportent une date soit respectivement celle des 27 avril 2003, 25 octobre 2008 et 10 avril 2010 ;

Considérant que pour en arriver à la conclusion précitée, l'expert s'est fondé sur leur comparaison avec 19 écrits de [L] [T] sélectionnés par M. [J], essentiellement à partir des agendas de la de cujus ; que ces documents sont tous postérieurs au 18 mars 2005, de sorte que l'expert n'a reçu aucun échantillon de l'écriture de la testatrice contemporaine du premier testament et se borne à supposer 'que l'écriture durant cette période devait être très proche de celle de 2005" ; que sur 8 spécimens correspondant à la période 2005 - 2010, GC1 est une photocopie tronquée de la page d'agenda des 18 et 19 mars 2005, et CG 6et CG 7, censées correspondre aux pages des 24 et 25 octobre 2008 et des 27 et 30 octobre 2008, ne sont pas reproduites dans des conditions permettant d'en vérifier l'authenticité, ce qui est pourtant d'autant plus important que les photocopies insérées par l'expert dans son rapport, ne reproduisent pas nécessairement les dates imprimées de l'agenda ; que l'examen des agendas des années 2005, 2007, 2008, 2009 et 2010 produits par M. [J] permettent en réalité de constater d'une part, que l'écriture de [L] [T] n'est pas nécessairement uniforme d'un jour à l'autre, ni même d'un moment à l'autre de la journée, et qu'il existe dès 2005, de nombreux exemples d'imperfections et maladresses qui n'ont pu être pris en compte par l'expert lorsqu'il a estimé que l'écriture était à cette époque 'nettement plus souple et moins altérée' ;

Qu'il s'ensuit que les conclusions de l'expert, qui ne disposait d'aucuns échantillons contemporains du premier testament, et à qui, nonobstant l'existence d'un matériau de comparaison très complet sur les années 2005, 2007, 2008, 2009 et 2010, n'ont été fournis que 8 spécimens, dont au surplus, 2 ne sont pas vérifiables, ne peuvent être considérées comme probantes ;

Que M. [J], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontrant pas la fausseté des dates des testaments en cause, sera débouté de sa demande en nullité desdits testaments, le jugement étant donc confirmé de ce chef ;

sur la demande en nullité du testament du 24 février 2013 :

' pour vice de forme :

Considérant que M. [J] soutient également que le testament du 24 février 2013 présente une fausse date ; qu'il fait valoir à cet effet que l'expert a souligné qu'il présentait les mêmes caractéristiques que ceux des testaments dont il a estimé qu' 'ils n'ont pu être écrits aux dates indiquées' et qu'il n'y a aucune raison de penser que ce testament puisse avoir une date plus réelle que les trois autres ; qu'il en veut également pour preuve le fait que ce testament soit établi au profit de Mme [Y] [Q] avec laquelle [L] [T] avait cessé toute relation depuis longtemps, et prétend qu'il a été en réalité rédigé à partir de septembre 2013, après que l'intimée soit revenue chercher sa belle-mère à [Localité 2] pour la ramener à [Localité 3] ;

Considérant que Mme [Y] [Q] répond que M. [J] déforme les conclusions de l'expert qui a conclu que le testament du 24 février 2013 avait pu avoir été écrit, daté et signé entre 2012 et fin 2013 ;

Considérant que la fausseté de la date des trois premiers testaments n'est pas établie ; que l'expert, requis par M. [J], n'a pas exclu que le testament du 24 février 2013 ait pu être établi à cette date ; qu'il a au contraire estimé que son écriture était compatible avec l'écriture de [L] [T] sur la période comprise entre 2012 et fin 2013 ; que l'identité de la bénéficiaire ne permet pas plus à remettre en cause la date de ce testament, Mme [Y] [Q] ayant déjà été instituée légataire universelle de [L] [T] par trois fois à des époques où selon M. [J], la testatrice était réputée avoir été abandonnée par les enfants de son mari ;

Que M. [J] succombe donc à démontrer la fausseté de la date du testament ;

' pour insanité d'esprit :

Considérant que M. [J] soutient que les procurations générales et mandat de protection future que [L] [T] lui avait consentis le 27 décembre 2012 et le 9 juillet 2013, et le testament qu'elle avait fait en sa faveur le 30 janvier 2012, permettent de douter de son consentement éclairé lorsqu'elle a testé en faveur de Mme [Y] [Q] le 24 février 2013;

Qu'il fait valoir que depuis le mois de juillet 2012, la de cujus avait perdu beaucoup de ses facultés intellectuelles et de mémoire à court terme, et qu'il ressort des pièce médicales établies lors de son hospitalisation à [Localité 2] que les troubles dont elle était atteinte remontaient au moins au mois d'août 2013 ; que d'ailleurs, le procureur de la République avait dès le 24 juin 2013 saisi un médecin à l'effet de lui donner un avis sur l'opportunité d'une mesure de protection judiciaire, ce dont on pouvait déduire qu'un signalement lui était parvenu au minimum dès le début de l'année 2013 ; que l'expert en écriture avait relevé un grand nombre de 'raidissements', 'saccades', 'tremblements' et 'spasmes' trahissant un stade très avancé de la maladie d'Alzeimer, mais aussi sans doute une réticence de [L] [T], pouvant faire présumer 'une main guidée' ; qu'enfin, l'existence de 5 testaments identiques au profit d'une même personne et durant une même période faisait présumer l'insanité d'esprit de leur auteur ;

Considérant que Mme [Y] [Q] souligne que M. [J] se contredit en invoquant l'insanité d'esprit de [L] [T] au moment de la rédaction du testament, tout en soutenant qu'elle a 'en toute conscience' décidé de ne pas y révoquer les dispositions qu'elle avait prises antérieurement en sa faveur ; qu'elle ajoute que M. [J] n'explique pas comment il a pu se faire consentir une procuration générale le 9 juillet 2013, soit à une date postérieure au testament dont il invoque la nullité ;

Considérant que M. [J] n'a pas démontré que les 5 testaments en cause avaient été rédigés à la même époque ; que [L] [T] l'ayant institué seul légataire universel en révoquant toutes dispositions antérieures, et donc celles prises en faveur d'[Y] [Q], elle ne pouvait gratifier celle-ci qu'en prenant un nouveau testament en sa faveur, de sorte que cette réitération n'est pas un signe d'insanité d'esprit ;

Qu'au vu des pressions exercées par M. [J] sur certains témoins (cf témoignages de Mme [M] [S] et de Mme [T] [U] en pièces 12 et 14 de l'appelante) les témoignages qu'il a versés aux débats pour tenter d'accréditer sa vocation successorale et discréditer celle de Mme [Y] [Q], seront écartés ; que le choix fait par [L] [T] de désigner cette dernière comme légataire n'est nullement aberrent s'agissant de la fille de son défunt mari dont selon l'intimée, non démentie sur ce point, elle tenait l'essentiel de sa fortune ; qu'il constitue la reprise d'un voeu réitéré à plusieurs reprises, et traduit à cet égard une certaine constance, à laquelle seul le testament fait le 30 janvier 2012, est venu faire exception ; qu'il ne saurait donc en être tiré la preuve d'un manque de discernement ;

Qu'un signalement fait au procureur de la République en vue d'une mise sous protection judiciaire ne suffit pas à établir l'insanité d'esprit ; que les pièces médicales versées aux débats permettent seulement d'affirmer avec certitude que les troubles constatés en octobre 2013, existaient déjà au mois d'août 2013 ; que M. [J] a nécessairement considéré que [L] [T] était en mesure de comprendre la portée de ses actes lorsqu'elle lui a consenti un mandat de protection future et une procuration générale le 9 juillet 2013 et que le notaire instrumentaire n'a non plus émis aucune opposition à la régularisation de ces actes ; que ce n'est que dans le testament du 13 janvier 2014 (par erreur désigné comme étant du 24 février 2014) que l'expert en écriture a relevé des 'indicateurs d'insanité d'esprit' ;

Que M. [J] sur lequel repose la charge de la preuve ne démontre donc pas que [L] [T] était à la date du 24 février 2013 atteinte d'une affection mentale l'empêchant d'apprécier en toute conscience la portée des dispositions testamentaires qu'elle a prises à cette date ;

Considérant que l'expert en écriture s'est borné à ne pas exclure 'que les testaments aient pu être écrits à main guidée', mais que rien ne vient étayer cette hypothèse, et encore moins celle d'une 'main forcée', ce d'autant que M. [J] qui laisse entendre que Mme [Y] [Q] pourrait être à l'origine d'une telle pression sur [L] [T], prétend que l'intimée n'a repris contact avec sa belle-mère qu'en septembre 2013 ;

Que M. [J] doit donc être débouté de sa demande en annulation du testament du 24 février 2013 pour insanité d'esprit ;

sur la compatibilité des dispositions testamentaires du 24 février 2013 et du 30 janvier 2012:

Considérant que Mme [Y] [Q] soutient qu'il est manifeste que les termes du testament dont elle bénéficie sont incompatibles avec le legs universel dont se prévaut M. [J] :

Qu'elle soulève en premier lieu l'irrecevabilité du moyen de défense de M. [J], qui se contredirait à son préjudice, en affirmant que c'est en tout connaissance de cause que la testatrice a révoqué les dispositions antérieures prises à son profit, alors qu'il invoque par ailleurs l'insanité d'esprit de la testatrice au 24 février 2013 ; elle demande donc que ce moyen soit écarté comme contraire à la loyauté des débats et au principe de bonne foi sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile ;

Que ce moyen n'a cependant pas lieu d'être écarté dès lors qu'ainsi que le souligne M. [J], il n'est invoqué qu'à titre subsidiaire pour le cas où la cour ne retiendrait pas l'insanité d'esprit de la testatrice ;

Que sur le fond, Mme [Y] [Q] fait valoir qu'on ne peut léguer successivement à deux personnes l'intégralité de ses meubles et immeubles, et que la deuxième personne désignée évince nécessairement la première ; que par le testament du 24 février 2013, [L] [T] aurait selon elle en toute connaissance de cause écarté M. [J], dont elle s'était aperçue qu'il était intéressé par son argent et aurait perpétré des faux pour le détourner à son profit, tandis que la volonté de la de cujus de l'instituer pour légataire universelle, résulterait des relations régulières qu'elles entretenaient et le fait que l'ensemble de son patrimoine venait de la succession de son défunt mari, père de l'intimée ;

Que M. [J] répond que [L] [T] connaissait l'importance de la révocation dont elle avait déjà fait usage dans le testament du 30 janvier 2012, et qu'aucune disposition du testament postérieur ne l'exclut du bénéfice du legs universel que la de cujus lui avait consenti et dont elle n'avait aucune raison de le priver, tant il avait pendant 10 ans fait preuve d'attention et de dévouement à son égard, alors qu'il était selon lui notoire qu'elle n'avait pas de lien avec ses beaux-enfants, qu'elle vivait isolée de la famille de son mari et n'éprouvait pas de sympathie pour sa belle-fille, qui ne s'occupait pas spécialement d'elle ;

Considérant que selon l'article 1036 du code civil, 'les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires' ;

Considérant qu'au terme du testament du 24 février 2013, [L] [T] a déclaré 'instituer pour (sa) légataire universelle' Mme [Y] [Q], en ajoutant 'en conséquence, après mon décès, je lui léguerai tous mes biens mobiliers et immobiliers qui composeront ma succession';

Que la précision ainsi ajoutée montre que [L] [T] souhaitait que l'intimée recueille l'intégralité de ses biens mobiliers et immobiliers, ce qui exclut nécessairement que quiconque d'autre vienne à sa succession ;

Qu'il en résulte que le testament du 24 février 2013 a pour effet d'annuler le legs universel consenti à M. [A] [J] par testament du 30 janvier 2012 ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a

- débouté M. [J] de sa demande en nullité du testament du 13 janvier 2014 ;

- débouté Mme [Y] [Q] de sa demande tendant à voir dire que le testament du 24 février 2013 à son profit annule et révoque le testament du 30 janvier 2012 au profit de M. [J] ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Annule le testament du 13 janvier 2014 pour insanité d'esprit de [L] [T] ;

Dit que le testament du 24 février 2013 annule le legs universel consenti à M. [J] par testament du 30 janvier 2012 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées de ce chef ;

Condamne M. [J] aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats des parties.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/14814
Date de la décision : 06/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°17/14814 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-06;17.14814 ?
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