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31/01/2019 | FRANCE | N°16/01216

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 31 janvier 2019, 16/01216


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 31 JANVIER 2019



(n°2019 -31, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/01216 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX3ZL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/07010





APPELANTE



Madame Emmanuelle Marie D...

Eli

sant domicile au Cabinet de Maitre Didier X...

[...]





Représentée et assistée à l'audience de Me Didier X... de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS X..., avocat au barreau d'ESSONNE







INTIME ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 31 JANVIER 2019

(n°2019 -31, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/01216 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX3ZL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/07010

APPELANTE

Madame Emmanuelle Marie D...

Elisant domicile au Cabinet de Maitre Didier X...

[...]

Représentée et assistée à l'audience de Me Didier X... de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS X..., avocat au barreau d'ESSONNE

INTIME

Monsieur Jean Christophe Y...

Né le [...] à SURESNE

[...]

Représenté et assisté à l'audience de Me Christophe Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : K148

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de:

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

**************

M. Jean-Christophe Y... et Mme Emmanuelle A... ont vécu en concubinage pendant près de neuf ans, du printemps 2003 jusqu'au mois de novembre 2011.

Par ordonnance du 5 juin 2013, le président du tribunal de grande instance d'Evry a enjoint à M. Y... de payer à Mme A... la somme de 10 475,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2013 outre les dépens.

L'ordonnance a été signifiée à personne le 25 juillet 2013.

Par lettre recommandée reçue au greffe le 21 août 2013, M. Y... a fait opposition à ladite ordonnance.

Mme A... a demandé au tribunal de condamner M. Y... au paiement de ladite somme, représentant le solde d'un prêt de 30 000 euros souscrit par elle au profit de son concubin que celui-ci ne lui aurait pas intégralement remboursé, outre 4 147,58 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier, 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et violente de la communauté de vie, 2 979,53 euros en application de l'article 1376 du code civil et 5 000 euros pour réticence abusive. Elle a également sollicité la restitution d'un tableau.

M. Y... a demandé au tribunal de condamner Mme A... à lui céder de façon gratuite un véhicule Mercedes et sa carte grise, de lui donner acte qu'il paiera la somme de 12 272 euros une fois la restitution du véhicule intervenue et, à défaut, de condamner Mme A... à lui payer la somme de 18 989,20 euros pour solde des comptes entre les parties.

Par jugement du 26 mai 2015 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- déclaré recevable l'opposition formée par M. Y... à l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance d'Evry le 5 juin 2013 ;

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles de M. Y... ;

- dit que M. Y... est redevable à Mme A... de la somme de 12 514 euros au titre de la reconnaissance de dette et de la somme de 2 979,53 euros au titre des remboursements de mutuelle indûment perçus ;

- dit que Mme A... est redevable à M. Y... de la somme de 9 720 euros au titre du remboursement du véhicule Mercedes ;

- débouté M. Y... de sa demande de cession gratuite du véhicule Mercedes ;

- constaté la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties ;

- condamné en conséquence M. Y... à payer à Mme A... la somme de 5 773,53 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- débouté Mme A... de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture du concubinage et résistance abusive ainsi que de sa demande de restitution du tableau «la persane»;

- condamné Mme A... et M. Y... aux dépens à concurrence de la moitié chacun ;

- débouté les parties de leurs demandes de frais irrépétibles.

Par déclaration du 28 décembre 2015, Mme A... a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 5 décembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de M. Y... de sursis à statuer.

Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2018 par voie électronique, Mme A... demande à la cour de :

- au visa de l'article 564 du code de procédure civile, déclarer M. Y... irrecevable en ses demandes nouvelles relatives à sa participation aux dépenses de communauté de vie à hauteur de 235 426 euros,

- déclarer M. Y... mal fondé en ses demandes,

- la recevoir en son appel,

- confirmer les dispositions du jugement sauf à dire qu'elle n'est redevable d'aucune somme envers M. Y...,

- au visa de l'article 515-8 du code civil, condamner M. Y... à lui verser la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et violente de la communauté de vie,

- dire que les sommes auxquelles M. Y... sera condamné au titre du remboursement du prêt et de la restitution de l'indu, seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2013,

- dire qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus de toutes sommes auxquelles M. Y... sera condamné, dus au moins pour une année, produiront intérêts,

- faire injonction à M. Y... d'avoir à lui restituer le tableau «la persane» sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner M. Y... à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive, à la dédommager des frais irrépétibles engagés par elle, comprenant les frais d'huissier de justice et les frais de son conseil, à hauteur de 6 000 euros toutes taxes comprises, et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2018 par voie électronique, M. Y... demande à la cour de :

au visa des articles 122 et 123 du code de procédure civile,

in limine litis,

- déclarer irrecevable Mme Y... en son moyen d'irrecevabilité des demandes de M. Y... fondé sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- l'en débouter,

au visa de l'article 202 du code civil,

- rejeter des débats les attestations communiquées sous les numéros 47, 64 et 65,

au visa de l'article 1371 du code civil,

- déclarer Mme A... mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter,

- déclarer M. Y... recevable et bien fondé en son appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de M. Y...,

statuant à nouveau,

- débouter Mme A... de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme A... au paiement des sommes de :

* 32 292,35 euros pour solder les comptes concernant le prêt personnel et la voiture,

* 235 426 euros au titre de sa participation aux dépenses de communauté de vie,

- donner acte à M. Y... qu'il exonère Mme A... du partage du surplus des dépenses du temps de la communauté de vie,

- condamner Mme A... au paiement des sommes de :

* 20 000 euros pour procédure abusive,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,

* 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Recamier, représentée par Maître Z..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'opposition et des demandes reconventionnelles de M. Y...

Les dispositions du jugement ayant déclaré recevables l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer et les demandes reconventionnelles de M. Y... ne font pas l'objet de critique et seront confirmées.

Sur la demande de remboursement du prêt souscrit par Mme A...

Mme A... sollicite de ce chef la confirmation du jugement ayant dit M. Y... redevable de la somme de 12 514 euros, demandant en outre à la cour d'assortir ladite somme des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2013. Elle invoque avoir souscrit un prêt au bénéfice de son concubin, lequel s'est engagé à lui en rembourser les échéances. Elle soutient que M. Y... a cessé tout versement à compter du 1er mars 2012. Elle conteste les allégations de M. Y..., en particulier que les parties auraient fait leurs comptes, et la prise en considération de versements faits par M. Y... au profit de sa fille Emily, arguant qu'ils correspondent à des travaux réalisés par celle-ci pour le compte de son concubin.

Ce dernier invoque avoir remboursé le prêt jusqu'au mois de février 2012, à hauteur de

25 820 euros, mais prétend que compte tenu des différentes sommes réglées par lui au titre de dépenses incombant à sa concubine, les parties ont fait leurs comptes et qu'il a cessé tout paiement. Il soutient à cet effet avoir assumé, aux lieu et place de Mme A..., des dépenses incombant à celle-ci, notamment le logement étudiant de sa fille aînée, pour une somme de 5 211,15 euros entre janvier 2007 et octobre 2011. Il en déduit être créancier à ce titre de la somme de 1 031,15 euros.

Comme l'a relevé le tribunal, Mme A... justifie avoir souscrit le 24 septembre 2008 auprès du LCL un prêt de 30 000 euros remboursable par mensualités de 619,62 euros et produit une reconnaissance de dette, conforme aux dispositions de l'article 1326 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, par laquelle celui-ci reconnaît avoir emprunté à sa concubine ladite somme, s'engageant à la rembourser par mensualités de 619,62 euros du 24 octobre 2008 au 24 septembre 2013. Il résulte des pièces versées aux débats et il n'est d'ailleurs pas contesté par M. Y... qu'ainsi qu'elle l'affirme, Mme A... a remboursé ce prêt par anticipation en empruntant le 5 août 2009 la somme nécessaire de 26 000 euros auprès du Crédit Agricole, ce nouveau prêt étant remboursable par mensualités de 625,70 euros.

Il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que M. Y... ayant cessé tout paiement à compter du mois de mars 2012, Mme A... a réglé les vingt mensualités à compter de cette date jusqu'à la fin du prêt, soit une somme totale de 12 514 euros, sans en être remboursée par M. Y... contrairement à son engagement. M. Y... ne justifie d'aucun compte ou accord entre les parties en vertu duquel elles auraient convenu qu'il était dispensé à partir du mois de mars 2012 de la poursuite du remboursement des échéances du prêt. En outre, il n'est pas établi que les chèques pointés manuscritement sur les relevés de compte de M. Y... aient eu comme bénéficiaire final Mme A... ou sa fille et quant aux virements au profit de Mme A... ou de sa fille, comme l'a relevé le tribunal, aucun élément ne permet de considérer qu'ils auraient été effectués en remboursement de l'emprunt litigieux. Par ailleurs, ainsi que l'a également rappelé de manière pertinente le tribunal, aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a exposées de sorte que M. Y... ne saurait prétendre compenser de telles dépenses avec la somme restant due par lui en application de la reconnaissance de dette qu'il a signée. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit M. Y... redevable de la somme de 12 514 euros. Elle produira intérêts au taux légal sur la somme de 10 475,01 euros visée dans la mise en demeure réceptionnée le 5 juin 2013, à compter de cette date, et sur le surplus à compter du 26 mai 2015, date de prononcé du jugement.

Sur les demandes de cession du véhicule et de remboursement de M. Y...

Mme A... s'oppose à la demande de remboursement des règlements du leasing portant sur le véhicule Mercedes faits par M. Y... du début de ce contrat souscrit par ce dernier jusqu'à la cession du véhicule en sa faveur, en septembre 2009. Elle soutient en outre que la somme de 9 720 euros retenue par le tribunal au titre des versements effectués par M. Y... à son profit intitulés 'prêt Mercedes', entre les mois d'octobre 2009 et juillet 2011, vient en compensation des frais de réparation de son véhicule endommagé par M. Y..., du remboursement du prix de reprise de son propre véhicule à hauteur de 1 200 euros utilisé par ce dernier pour acheter le véhicule Mercedes à son nom et de la jouissance commune de cette automobile dont elle assumait seule les frais d'entretien, d'assurance et de circulation. Elle en déduit n'être redevable d'aucune somme à ce titre.

M. Y... fait valoir qu'il a souscrit en avril 2007 un leasing sur un véhicule Mercedes, à l'usage exclusif de Mme A..., qu'il a payé jusqu'en janvier 2009 à hauteur de la somme de 14 076,48 euros et qu'à cette époque, Mme A... a elle-même souscrit un prêt afin de procéder, pour son compte, au rachat du leasing, et qu'il lui a remboursé les échéances du prêt à hauteur de la somme de 17 184,72 euros. Arguant que Mme A... a gardé le véhicule lors de leur séparation, il soutient être créancier à l'égard de celle-ci des sommes précitées de 14 076,48 euros et de 17 148,72 euros, fondant sa demande sur l'enrichissement sans cause.

Il convient préalablement de noter que M. Y... ne développe aucun moyen à l'encontre de la disposition du jugement l'ayant débouté de sa demande de cession du véhicule Mercedes, demande qu'il ne réitère d'ailleurs pas devant la cour. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties qu'en avril 2007, M. Y... a souscrit un contrat de leasing portant sur un véhicule Mercedes et que Mme A... a acquis ce véhicule le 17 septembre 2009 au prix de 17 879,16 euros acquitté par elle. Comme l'a retenu le tribunal, M. Y... ne produit pas d'élément probant établissant que cet achat aurait été effectué pour son compte par sa concubine, ce qui ne saurait se déduire de la seule existence de virements intitulés 'remboursement Mercedes' ou 'Benz' effectués du compte bancaire de M. Y... au profit de Mme A.... Il convient donc de considérer que celle-ci est devenue la légitime et réelle propriétaire du véhicule à partir de la cession.

Le paiement par M. Y... des loyers du leasing jusqu'à la cession du véhicule, alors qu'il ne démontre pas l'usage exclusif de cette automobile par sa concubine à cette époque, ne caractérise ni un enrichissement sans cause de Mme A..., ni un appauvrissement corrélatif de M. Y..., qui s'est, ce faisant, borné à exécuter l'obligation à laquelle il était personnellement tenu en vertu du contrat de leasing souscrit par lui et doit supporter cette dépense qu'il a exposée. M. Y... ne peut ainsi qu'être débouté de sa demande en remboursement des loyers.

Comme l'a relevé le tribunal, à partir du 17 septembre 2009, M. Y... a procédé à dix-sept virements bancaires au profit de Mme A... portant les intitulés précités, ce pour un montant total de 9 720 euros, bien qu'à cette époque, elle était devenue propriétaire du véhicule. Mme A... ne justifie pas des dégâts causés à son précédent véhicule par M. Y..., ni de leur coût. La reprise du véhicule Clio qui appartenait à Mme A..., faite par M. Y... lors de la souscription du leasing pour un prix de 1 200 euros, outre que cette somme est très minime par rapport au financement par M. Y... de l'acquisition par sa concubine du véhicule Mercedes, ne constitue pas en définitive un avantage pour M. Y..., Mme A... ayant, ce faisant, payé un prix moindre lors de l'achat du véhicule par elle. Cette dernière ne prouve pas enfin qu'à compter de cette acquisition, M. Y... ait également joui dudit véhicule. Par leur objet, ces virements ne constituent pas une participation normale aux charges de la vie courante, au demeurant non invoquée à ce titre par Mme A..., et leur contrepartie alléguée n'est pas établie. Le jugement a ainsi justement retenu que les virements effectués sont dépourvus de cause, comme ayant provoqué un enrichissement au profit de Mme A... et un appauvrissement au détriment de son compagnon, et sera confirmé en ce qu'il a dit Mme A... redevable de la somme de 9 720 euros à l'égard de M. Y....

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme A... pour rupture brutale et violente du concubinage

Mme A... se plaint d'avoir été victime d'une rupture soudaine et violente du concubinage de la part de M. Y... qui a, notamment, le 19 novembre 2011, exercé des violences à son encontre, manifestant sa volonté de la tuer, de telle sorte qu'elle a été contrainte de réfugier dans un logement vide, se retrouvant dans le désarroi le plus total. Elle invoque à cet égard la condamnation dont M. Y... a fait l'objet suivant jugement du tribunal correctionnel de Créteil et diverses attestations faisant état de son tempérament calme et respectueux, au contraire de celui de M. Y..., violent et harceleur.

M. Y... se prévaut de l'identité des faits invoqués par Mme A... au soutien de sa demande avec ceux pour lesquels elle a obtenu, sur intérêts civils, une indemnisation. Il invoque que Mme A... est en réalité responsable de la rupture violente dont elle se plaint, du fait de sa dangerosité comportementale manifestée à son égard le 14 novembre 2011, et qu'elle a pu organiser son départ sans le moindre embarras. Il conteste la régularité des attestations de M. B... et de Mmes C... et F....

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Mme A... se plaint pour l'essentiel de violences exercées par M. Y... à son encontre le 19 novembre 2011. Il résulte des éléments versés aux débats que par jugement du 25 février 2016, le tribunal correctionnel a déclaré M. Y... coupable de faits de violences sur Mme A... le 19 novembre 2011 ayant entraîné une incapacité totale de travail de 5 jours, a déclaré recevable la constitution de partie civile de cette dernière, a ordonné une expertise médicale en allouant à Mme A... une indemnité provisionnelle de 500 euros et que par jugement de ce même tribunal du 13 avril 2018, M. Y... a été condamné à payer à Mme A... la somme de 16 710,35 euros en réparation du préjudice consécutif à ces violences. Si M. Y... justifie avoir interjeté appel de ce jugement le 4 juin 2018, il n'est pas prétendu que la cour aurait statué sur ce recours de sorte que la décision du 13 avril 2018 est toujours dotée de l'autorité de chose jugée. Or, comme le fait valoir M. Y..., Mme A... ne saurait se voir indemniser deux fois d'un seul et même préjudice.

Pour le surplus, comme l'a relevé le tribunal, la rupture du concubinage ne peut justifier l'allocation de dommages et intérêts que s'il existe des circonstances de nature à établir l'existence d'une faute de son auteur.

En l'occurrence, Mme A... se plaint aussi de violences exercées par M. Y... sur elle quelques jours plus tôt, le 14 novembre 2011 et, plus généralement de son tempérament colérique et harceleur.

Or, si l'existence d'une violente dispute entre les concubins est avérée à cette date, force est de constater qu'aux termes d'un courriel adressé par elle le 17 novembre 2011 aux parents de M. Y..., Mme A... a reconnu avoir très mal agi ce jour-là dans sa colère. L'audition du fils de M. Y... par les services de police et un courriel de celui-ci à son père établissent qu'à la suite de violences verbales entre les concubins, Mme A... a lancé une bouteille en direction de M. Y..., son fils s'étant interposé pour éviter des blessures, et qu'il s'en est suivi des violences réciproques entre les concubins, Mme A... ayant griffé M. Y... au visage. Au regard de ces circonstances, en particulier du fait que les premières violences physiques ont été portées par Mme A..., aucun fait fautif ne sera retenu à l'encontre de M. Y... au titre des événements du 14 novembre 2011.

Quant aux attestations produites par Mme A..., elles ne justifient pas d'autres violences physiques ou morales de M. Y... à son égard, les attestations étant peu ou pas circonstanciées, émanant d'ex-conjoints des concubins ou de relations professionnelles de Mme A... qui n'ont pas réellement fréquenté le couple formé par M. Y... et Mme A... et qui ne font pour l'essentiel que relater les dires de cette dernière ou de ses enfants concernant le comportement de M. Y... dans l'intimité. Ces attestations ne donc pas probantes, sans qu'il soit nécessaire d'examiner leur régularité formelle.

Il résulte enfin de l'audition de Mme A... que celle-ci a quitté de son propre chef la maison de M. Y... dans la nuit du 19 novembre 2011 pour aller dans un appartement dont elle est propriétaire à Longjumeau et que, comme elle le reconnaît, elle a pu reprendre ses affaires personnelles et celles de ses enfants, sans justifier du refus de M. Y... de lui remettre certains de ses effets, étant observé du reste que Mme A... se borne à solliciter la restitution d'un seul objet, soit le tableau. L'état de dénuement invoqué par Mme A... n'est dès lors pas fondé. En outre, ce départ est certes la conséquence des violences exercées sur elle le 19 novembre 2011 ayant justifié la condamnation pénale de M. Y... mais aussi de la dégradation antérieure des relations entre les concubins à laquelle Mme A... a aussi participé, comme en témoignent les événements du 14 janvier 2011 au cours desquels les violences physiques ont été initiées par elle.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme A....

Sur la demande de restitution du tableau de Mme A...

Mme A... soutient que ce tableau lui a été transmis par donation et que, devant le tribunal, M. Y... n'a pas contesté en avoir la possession.

Ce dernier prétend que ce tableau n'est pas en sa possession.

Mme A... ne produit aucun élément justifiant que M. Y... aurait conservé ce tableau et qu'il le détiendrait. La cour doit confirmer le jugement ayant débouté Mme A... de sa demande de restitution.

Sur la demande en répétition de l'indu de Mme A...

M. Y... ne développe pas de moyen à l'encontre de la disposition du jugement l'ayant dit redevable de la somme de 2 979,53 euros au titre de remboursements de mutuelle indûment perçus par lui pour des frais de santé engagés par Mme A... postérieurement à la séparation des concubins. Le jugement sera confirmé de ce chef. Cette somme n'étant pas visée dans la mise en demeure réceptionnée le 5 juin 2013, elle ne produira intérêts au taux légal qu'à compter de la demande, soit le 2 septembre 2014, date des conclusions de Mme A... en première instance.

Sur la demande en paiement de M. Y... au titre de la participation de Mme A... aux dépenses de communauté de vie

Mme A... soulève l'irrecevabilité de la demande en raison de son caractère nouveau, la prétention n'ayant pas été soumise au premier juge.

Sur le fond, elle s'y oppose au motif qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses qu'il a exposées. Elle conteste tout enrichissement et toute participation de M. Y... au financement de son patrimoine, de même que le paiement par M. Y... de loyers de sa fille, relève que M. Y... est propriétaire de son logement sans qu'il ait été convenu du versement d'un loyer par elle, prétend que chacun des concubins a participé aux charges du foyer à proportion de ses revenus et que la contribution de M. Y... n'a pas excédé une participation normale, elle-même ayant notamment pris en charge toute l'intendance de la maisonnée.

M. Y... soulève l'irrecevabilité du moyen fondé sur l'article 564 du code de procédure civile, faute pour Mme A... de l'avoir soulevé avant toute défense ou fin de non-recevoir conformément à l'article 74 du code de procédure civile. A défaut, il lui reproche de l'avoir invoqué tardivement, dans une intention dilatoire, justifiant sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article 123 du code de procédure civile. En toute hypothèse, il conteste la nouveauté de sa demande au motif que cette prétention n'est que la reprise, pour un montant modifié, de celle portant sur la somme de 18 989,20 euros faite en première instance.

Au fond, il soutient avoir assumé seul les loyers de la maison où Mme A... et ses deux filles sont venues vivre, les charges de fonctionnement et d'entretien de cette maison, le paiement du véhicule Mercedes de Mme A..., une partie des loyers du logement étudiant de sa fille aînée, des frais de bouche et une multitude d'autres dépenses au profit de Mme A.... Il considère que sur les deux premiers postes de dépenses, la participation de Mme A... aurait dû être des deux tiers, compte tenu de ses deux filles, et qu'elle aurait dû intégralement prendre en charge le paiement du véhicule et des loyers de sa fille, ce qui aboutit à un montant total de 235 426 euros. Il conteste que Mme A... ait participé à ces frais et à la prise en charge financière de ses fils. Il argue de dépenses ayant largement excédé sa participation normale aux dépenses de la vie courante et provoqué l'enrichissement de Mme A..., ce qui lui a permis de se constituer un patrimoine immobilier important ainsi que son appauvrissement corrélatif.

Le moyen tiré du caractère nouveau de la demande ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile et soumise à l'article 74 du même code, mais une fin de non-recevoir qui, en application de l'article 123 dudit code, peut être soulevée en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. La demande visant à déclarer irrecevable Mme A... en son moyen tiré du caractère nouveau des prétentions de M. Y... sera rejetée.

Il résulte du jugement qu'en première instance, M. Y... a demandé au tribunal, à défaut de condamnation de Mme A... à lui céder de façon gratuite le véhicule et de donné acte qu'il paierait la somme de 12 272 euros une fois la restitution du véhicule, de condamner Mme A..., au visa de l'article 1371 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, à lui payer la somme de 18 989,20 euros pour solde des comptes entre les parties, au regard notamment des dépenses payées par lui.

Comme le fait valoir M. Y..., sa demande formée en appel, qui repose sur le même fondement, porte simplement sur un montant augmenté et constitue ce faisant l'accessoire ou le complément de sa prétention soumise au premier juge, échappant ainsi à la prohibition des demandes nouvelles conformément à l'article 566 du code de procédure civile dans sa version applicable, antérieure à celle issue du décret du 6 mai 2017. La fin de non-recevoir soulevée par Mme A... sera écartée.

Il résulte des relevés de compte de M. Y... et il n'est d'ailleurs pas contesté par Mme A... que celui-ci payait, du temps de la vie commune, une somme mensuelle au titre de son crédit logement, des prélèvements au profit d'EDF et de la société Orange, la taxe d'habitation, les factures d'aide à domicile et les cotisations de mutuelle.

Mais M. Y... ne justifie pas d'un engagement de Mme A... à assurer une quote-part de ces dépenses. En particulier, il n'établit pas qu'il aurait été convenu entre eux le versement par Mme A... d'une indemnité d'occupation ou d'un loyer pour son hébergement et celui de ses filles dans la maison dont il était propriétaire, pour laquelle il payait un prêt immobilier.

En outre, il ne démontre pas que Mme A... aurait eu l'usage des lignes pour lesquelles il acquittait des frais de téléphone alors que celle-ci le conteste. Mme A... fait également valoir, sans être contredite sur ce point, que les cotisations de mutuelle étaient en grande partie compensées par les remboursements de santé qui étaient versés sur le compte de M. Y..., rarement reversés sur le sien, ce qui est corroboré par le fait qu'il ait conservé une somme représentative de frais de santé engagés par Mme A... après la séparation. Il ne justifie pas non plus de l'évolution de ses dépenses au titre de l'aide à domicile avant et pendant la vie commune alors que Mme A... fait valoir que ce poste de dépenses était plus important avant son arrivée. Le montant des dépenses à la charge effective de M. Y... est donc moindre que celui allégué, étant par ailleurs observé que les règlements de M. Y... au titre du véhicule Mercedes ne peuvent y être ajoutés dans la mesure où ils ont déjà été pris en compte au titre de la demande distincte formée de ce chef par M. Y..., ni le paiement des loyers du logement d'une des filles de Mme A... qui n'est pas prouvé. Il convient également de souligner que M. Y... ne chiffre, ni ne justifie des frais de bouche et autres dépenses qu'il invoque et qu'il n'y a pas lieu de procéder au donné acte sollicité par M. Y... au titre du surplus des dépenses, lequel n'est pas susceptible de conférer un droit à la partie l'ayant obtenu.

En définitive, la prise en charge par M. Y... seul du remboursement du crédit immobilier, qui correspond à l'exécution de l'obligation à laquelle il était personnellement tenu, a été faite dans son propre intérêt, afin d'assurer son propre logement ainsi que celui de ses enfants (qui ont vécu pour certains d'entre eux et à certaines périodes avec le couple comme en témoigne le jugement du tribunal d'instance de Palaiseau du 6 mai 2009) et la constitution de son patrimoine immobilier, et l'ensemble des dépenses qu'il a assurées n'excède pas sa participation normale aux charges de la vie courante. Il convient de souligner à cet égard, d'une part, que selon les pièces versées aux débats, M. Y... disposait d'un salaire mensuel de l'ordre de 18 000 euros, bien plus élevé que le revenu professionnel de Mme A... d'environ 1 700 euros par mois, d'autre part, qu'en l'absence de M. Y..., soit quinze jours par mois du fait de son activité de pilote de ligne, Mme A... assumait incontestablement les dépenses du foyer, notamment d'alimentation. Du reste, les allégations de M. Y... selon lesquelles l'économie réalisée par Mme A... lui aurait permis de financer son patrimoine immobilier ne sont nullement étayées.

M. Y... doit ainsi supporter les dépenses qu'il a exposées et être débouté de sa demande de participation aux dépenses de la vie commune.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. Y... en application de l'article 123 du code de procédure civile

Ne justifiant ni de l'intention dilatoire imputée à Mme A..., ni du préjudice que celle-ci, à la supposer avérée, lui aurait causé, M. Y... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme A... pour réticence abusive

Mme A... se plaint des harcèlements procéduraux dont elle a fait l'objet de la part de M. Y... et des agissements dilatoires de celui-ci qui ne font que perdurer le traumatisme psychologique dont elle souffre par son fait.

Les dommages et intérêts sollicités par Mme A... sont réclamés, selon le dispositif de ses conclusions, en raison de la réticence abusive de M. Y.... Or, comme l'a relevé le tribunal, le contexte lié à la séparation du couple et la condamnation réciproque des parties au paiement de sommes d'argent ne permet pas de qualifier le refus de payer de M. Y... de résistance abusive. Mme A... ne justifie pas en outre d'un préjudice moral autre que celui pour lequel elle a été indemnisée à raison des faits commis par celui-ci le 19 novembre 2011. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. Y... pour procédure abusive

M. Y... se plaint également du harcèlement procédural dont il a fait l'objet de la part de Mme A... et des conditions vexatoires ainsi que dramatiques dans lesquelles la rupture est intervenue pour lui.

Le caractère abusif de la procédure engagée par Mme A..., qui obtient partiellement gain de cause, n'est pas constitué et M. Y... ne justifie pas du préjudice résultant de l'attitude de Mme A.... Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Sur la compensation et la capitalisation des intérêts

Le point de départ des intérêts retenu par la cour étant pour partie antérieur à celui fixé par le tribunal, la cour ne saurait confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Y... au paiement de la somme de 5 773,53 euros, après compensation, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Chacune des parties sera condamnée à payer les sommes dont elle est redevable, outre les intérêts légaux dans les conditions précisées ci-dessus.

Les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les parties succombant chacune partiellement, elles supporteront par moitié les dépens de première instance et d'appel. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a, après compensation, condamné M. Y... à payer à Mme A... la somme de 5 773,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

Condamne M. Y... à payer à Mme A... les sommes de :

- 12 514 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2013 sur la somme de

10 475,01 euros et à compter du 26 mai 2015 sur le surplus ;

- 2 979,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2014 ;

Condamne Mme A... à payer à M. Y... la somme de 9 720 euros ;

Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêt ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme A... et M. Y... aux dépens d'appel à concurrence de moitié chacun et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par l'avocat en ayant fait la demande.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/01216
Date de la décision : 31/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°16/01216 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-31;16.01216 ?
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