Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 29 JANVIER 2019
(n° 2019/ 028 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20834 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OEB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/00532
APPELANT
Monsieur [F]-[Z] [L]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (Algérie)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Dominique TOURNIER de la SCP TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0263
INTIMÉES
La société ACT PATRIMOINE CONSEIL devenue ALPES PATRIMOINE ET COURTAGE représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 443 919 188 00039
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Amandine CROT-COSSERAT du cabinet PECH DE LACLAUSE, BATHMANABANE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque :
SA GENERALI VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 602 062 481 02212
Représentée et assistée de Me Anne-Marie BOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1309
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Monsieur Julien SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président de chambre et par Madame Catherine BAJAZET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
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Faits constants, procédure et prétentions
Le 28 novembre 2007, par l'intermédiaire de la société ACT PATRIMOINE CONSEIL, M.[F]-[Z] [L] a souscrit auprès de la société GENERALI VIE un contrat d'assurance sur la vie dénommé «'Duo Fédé'» sur lequel il a effectué un versement initial d'un montant de 310.000 euros provenant de la vente d'une propriété viticole et a acquitté des frais de souscription de 3,5%.
Arguant de ce que le capital investi avait subi une moins-value de 100.544,88 euros en 2008 et de 14.917,27 euros en 2011, et estimant que les plus values réalisées en 2009, 2010, 2012 et 2013 n'étaient pas à la hauteur des promesses faites par le courtier, M. [L] a, par actes d'huissier des 19 et 21 janvier 2015, assigné la société ACT PATRIMOINE CONSEIL et la société GENERALI VIE devant le tribunal de grand instance de BERGERAC pour obtenir l'indemnisation de ses dommages évalués à 262.332 euros. Par ordonnance du 25 septembre 2015, le juge de la mise en état de ce tribunal a déclaré ledit tribunal territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de PARIS qui s'est trouvé saisi de cette affaire.
En cours de procédure, la société ACT PATRIMOINE CONSEIL est devenue la société ALPES PATRIMOINE ET COURTAGE (ci dessous 'APC').
Par jugement rendu le 16 octobre 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a dit irrecevable comme prescrite l'action engagée par M. [L] à l'égard de la société APC, l'a débouté de ses prétentions à l'encontre de la société GENERALI VIE, a rejeté toutes autres demandes, a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [L] aux dépens.
Par déclaration du 13 novembre 2017, M. [L] a interjeté appel en totalité de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 25 juin 2018, M. [L] demande à la cour au visa des article L 141-5 du code de la consommation, 1134, 1135 et 1147 du code civil, L 132-5-2 et L 520-1 du code des assurances, de déclarer son appel recevable et bien fondé, réformer le jugement dans son intégralité, juger que la SARL ACT PATRIMOINE CONSEIL, devenue ALPES PATRIMOINE ET COURTAGE, en qualité d'intermédiaire en assurance et son partenaire exclusif, GENERALI ont engagé leur responsabilité contractuelle pour défaut d'information et de conseil, ainsi que pour non respect de leurs obligations contractuelles, en conséquence juger que la SARL ACT PATRIMOINE CONSEIL, devenue ALPES PATRIMOINE ET COURTAGE, et la compagnie GENERALI sont pleinement responsables du dommage qu'il a subi à hauteur de 370.332 euros, préjudice arrêté au 31 décembre 2017, et qui demeure jusqu'à la décision à intervenir, condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire et solidairement la SARL APC et la compagnie GENERALI à lui verser la somme de 370.332 euros à titre de dommages et intérêts, somme arrêtée au 31 décembre 2017, ainsi que la somme de 3.000 euros par mois à titre de dommages et intérêts jusqu'au prononcé de la décision à intervenir.
Il demande également de rejeter l'intégralité des demandes formulées par la société APC et par la compagnie GENERALI, de les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction, ainsi qu'à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2018, la société APC, anciennement ACT PATRIMOINE CONSEIL, demande à la cour au visa de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 1134, 1147 (anciens) et 2224 du code civil, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes à son encontre, et de le condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction, ainsi qu'à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 septembre 2018, la société GENERALI VIE demande à la cour, au visa des articles 110-4 du code de commerce ; 1147 devenu 1231-1 et 2224 du code civil ; 132-5-2 du code des assurances et du contrat d'assurance-vie DUO-FEDE n°26760965, de juger l'action de M. [L] à son encontre irrecevable comme prescrite, à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, en tout état de cause, débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre, le condamner aux entiers dépens dont distraction ainsi qu'à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture a été ordonnée le 22 octobre 2018.
SUR CE, LA COUR,
Sur la prescription soulevée par la société APC et la société GENERALI VIE :
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, la société APC soutient que l'action, engagée par délivrance de l'assignation le 21 janvier 2015, est prescrite dès lors que le délai a commencé à courir le 29 novembre 2007, lendemain de la date de souscription de son contrat d'assurance par M. [L], date à laquelle doit s'apprécier son éventuelle perte de chance de ne pas avoir contracté dans des conditions autres que celles qu'il critique aujourd'hui, pour expirer le 29 novembre 2012.
La société APC soutient à titre subsidiaire qu'en admettant que le point de départ du délai de prescription soit retardé au jour de la connaissance du dommage, comme l'a retenu le tribunal, l'action est également prescrite comme tardive parce que, de l'aveu même de M.[L] dans son assignation (page 2, pièce n°13) et ses conclusions récapitulatives (page 2, pièce n°17), celui-ci était dès le 31 décembre 2008 au plus tard, en mesure de connaître les faits qui lui permettaient d'exercer son action à son encontre parce qu'il avait eu connaissance de son dommage.
La compagnie GENERALI soulève également la prescription de l'action, en invoquant comme point de départ le jour de la souscription du contrat (28 novembre 2007) parce que la perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès la conclusion du contrat. Elle ajoute que l'action est aussi prescrite au regard de la reconnaissance par l'intéressé dans son assignation qu'il avait connaissance de pertes substantielles en 2008.
M. [L] réplique que l'action n'est pas prescrite dès lors qu'il n'a pu avoir connaissance de son dommage qu'au 26 février 2014, date de transmission, par l'assureur GENERALI, du bilan de l'évolution du contrat conclu, en l'absence de transmission, à la fin de chaque année de la part du courtier en assurance ou de l'assureur, d'un rapport sur l'évolution de son contrat ; qu'en admettant qu'il ait pu être informé dès 2008 que son contrat avait subi une moins-value, en l'absence de bilan, il n'était pas en mesure de se rendre compte du montant et donc de l'importance de cette moins-value, et que, s'agissant d'un investissement, il pouvait légitimement penser qu'un certain laps de temps était nécessaire avant d'obtenir les 3.000 euros mensuels promis, et qu'en outre GENERALI n'avait pas soulevé cette irrecevabilité en première instance.
Il ajoute que s'il avait bel et bien eu connaissance d'une telle moins-value au cours de l'année 2008, il aurait pris attache avec son courtier en assurance, l'assureur, ou même avec son conseil, pour solliciter des explications, un rendement sûr et un revenu mensuel de 3.000 euros lui ayant été promis.
Comme relevé à juste titre par les premiers juges, il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil, rappelées ci-dessus, que l'action engagée contre le courtier d'assurances à raison d'un manquement à son obligation précontractuelle d'information et de conseil est soumise à la prescription quinquennale et que la prescription de l'action en responsabilité civile court à compter de la date de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
Le dommage dont se plaint M. [L] est constitué par l'absence de revenus et les pertes générées par le contrat d'assurance-vie qu'il a souscrit par l'intermédiaire de la société APC, courtier d'assurances ; il invoque un préjudice lié à la perte de chance d'investir de manière différente, dans des conditions autres que celles qu'il critique aujourd'hui, nécessairement plus favorables.
Contrairement à ce que soutient la société APC, ce dommage ne s'est pas réalisé au moment de la conclusion du contrat Duo Fédé, le 28 novembre 2007. Il ne lui a pas plus été révélé ce jour-là, s'agissant de pertes qui n'ont pu se constituer que par le fonctionnement du contrat sur la durée.
En revanche, tant dans son assignation introductive d'instance (page 2) que dans ses dernières conclusions devant le tribunal, M. [L] a indiqué avoir eu connaissance dès fin 2008 du principe et d'un montant déterminé des pertes subies, en ces termes : 'Cependant, à la fin 2008, Monsieur [L] [F]-[Z] s'est rendu compte que son contrat avait subi une moins-value de 100 544 €, de sorte que le taux de rendement évoqué à la signature du contrat était loin d'être atteint'.
En l'absence de production d'autres éléments démontrant le contraire en cause d'appel, il s'en déduit qu'au 31 décembre 2008 au plus tard, M. [L] était en mesure de réaliser, au vu de l'importance de la perte annoncée, qu'il n'avait pas fait un placement sécurisé en choisissant d'investir dans le contrat Duo Fédé et qu'à cette date, la perte de chance qu'il invoque, de procéder à un placement dans des conditions autres, nécessairement plus favorables, était constituée.
C'est ainsi vainement qu'il soutient n'avoir eu connaissance des moins-values du contrat que par la lettre de l'assureur en date du 26 février 2014, pour retarder d'autant le point de départ de la prescription, alors qu' il était en mesure d'agir au titre de la perte de chance à compter du 1er janvier 2009.
L'assignation délivrée le 21 janvier 2015 postérieurement au 1er janvier 2014, est dès lors tardive et l'action prescrite.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la société APC et déclaré M. [L] irrecevable en toutes ses prétentions à l'encontre d'APC.
Quant à l'action engagée à l'encontre de GENERALI, société commerciale, par M.[L], également pour non respect de son obligation précontractuelle d'information et de conseil, cette dernière est recevable à lui opposer pour la première fois en cause d'appel la prescription quinquennale, prévue à l'article L 110-4 du code de commerce, dès lors qu'en application de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Or, comme relevé ci-dessus pour le courtier, M. [L] a lui-même reconnu dans son assignation et ses dernières conclusions devant le tribunal, avoir eu connaissance de pertes substantielles fin 2008.
A défaut de production en cause d'appel d'autres éléments établissant que tel n'était pas le cas, il s'en déduit que l'assignation délivrée le 19 janvier 2015 à l'encontre de GENERALI, postérieurement au 1er janvier 2014, est dès lors tardive et l'action prescrite.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, M. [L] sera condamné aux dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit irrecevable comme prescrite l'action engagée par [F] [Z] [L] à l'égard de la société ALPES PATRIMOINE ET COURTAGE ;
L'infirme pour le surplus, et statuant de nouveau et y ajoutant :
Dit irrecevable comme prescrite l'action engagée par [F] [Z] [L] à l'égard de la société GENERALI VIE ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne [F] [Z] [L] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT