RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 22 Janvier 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14999 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2D4F
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 15/02360
APPELANTE
Mme [U] [S]
élisant domicile au Cabinet LCG Avocats
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS,
toque : E2034
INTIMÉE
SAS FAST RETAILING FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Sébastien DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : L0215
substitué par Me Mathieu COMBARNOUS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Catherine BEZIO, Présidente
Nadège BOSSARD, Conseiller
Benoît DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier :Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.
- signé pour le Président empêché par Madame Nadège BOSSARD, Conseiller et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le Groupe japonais FAST RETAILING employant plus de 56.000 salariés à travers le monde, est spécialisé dans le prêt à porter et possède des marques telles que Comptoir des Cotonniers, Princesse Tam-Tam ou Uniqlo.
La société Fast Retailing France est une société par actions simplifiée, immatriculée depuis le 26 octobre 2006, filiale française du groupe Fast Retailing.
Après avoir exercé pendant dix ans les fonctions de Responsable Ressources Humaines au sein du Groupe ERMENEGILDO ZEGNA, société spécialisée dans la confection haut de gamme, employant 7000 salariés, Madame [U] [S] a été engagée par la Société FAST RETAILING France par contrat de travail de droit français en date du 24 mars 2011, en qualité de Directrice des Ressources Humaines Fast Retailing Europe, cadre dirigeant , et sa mission était notamment de gérer le management des ressources humaines de l'ensemble des filiales européennes du groupe Fast Retailing.
Aux termes de son contrat de travail, sa rémunération était constituée d'un salaire annuel brut de base de 500.000€ payable en 12 mensualités, auquel s'ajoutaient les compléments de rémunération et avantages suivants :
- Un bonus annuel de performance d'un montant pouvant varier entre 45% et 5% de la rémunération annuelle brute de base ;
- Une prime dite « Long-Term Incentive » d'un montant équivalent à 20% de la rémunération annuelle brute de base ;
- Un plan de Stock Options;
- Une prime mensuelle fixe de 2.000 € par mois, soit 24.000 € par an, visant à financer la location d'une voiture ;
- La prise en charge des frais engendrés par la souscription d'un plan de retraite à hauteur de 30.000 € nets par an.
En mai 2014, Madame [S], qui avait été notamment chargée de la mise en place de la réorganisation suite à une fusion et de ses incidences sociales a été informée de son propre transfert à Londres et de sa promotion au poste de Directrice Générale des Ressources Humaines Groupe (Deputy Global HR Head).
Le 21 juin 2014, Monsieur [K] [Y], Président de FAST RETAILING FRANCE et Vice Président du Groupe, a annoncé aux équipes RH Monde réunies pour un meeting à Tokyo les nouvelles fonctions de Madame [S].
Madame [S] était en congés du 4 au 28 juillet 2014.
A son retour de congés, Madame [S] a repris ses fonctions en France et organisé la passation de ses dossiers, son déménagement à Londres pour lequel elle avait signé un bail le 11 juillet, devant avoir lieu le 14 août.
A son arrivée à Londres, elle a constaté que les équipes londoniennes n'étaient pas informées de sa prise de poste et qu'aucun bureau n'avait été prévu pour elle.
Le 20 août 2014, Monsieur [Y] a demandé à Madame [S], sans lui en préciser les raisons, de demeurer en congé spécial de transfert pour une durée indéterminée, ce qu'il lui a confirmé par écrit le 21 août .
Le 29 août 2014 Madame [S] a reçu une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu pour se tenir le jour même.
Le 8 septembre 2014, Madame [S] a de nouveau été convoquée à un entretien préalable prévu pour se tenir à Londres le 17 septembre .
Le 22 septembre 2014, Madame [S] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, dans les termes suivants :
« Par lettre recommandée reçue le 9 septembre 2014, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement. Nous vous avons reçue le 17 septembre 2014 à 11h00 dans nos bureaux de Londres.
Lors de cet entretien, vous ne nous avez présenté aucun élément susceptible de modifier notre appréciation des faits.
Par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
Vous exercez depuis le 14 mars 2011 les fonctions de Directrice Europe des Ressources Humaines ("Senior Vice President Human Resources - Fast Retailing Europe") au sein de la société Fast Retailing France.
Nous vous rappelons que vous avez été recrutée dans le but d'améliorer la qualité de la gestion du personnel au sein des sociétés du groupe Fast Retailing en Europe.
A ce titre, vous avez notamment pour fonction de définir les classifications professionnelles et de mettre en 'uvre les promotions et rétrogradations pour les cadres et employés du groupe Fast Retailing en Europe. Pourtant, nous déplorons toujours à l'heure actuelle l'absence de système d'évaluation des salariés employés au sein de nos boutiques Comptoir des Cotonniers et Princesse tam.tam alors même que la mise en place de ce système était l'une des priorités fixée par le Comité de Direction en 2013. Or, cette défaillance nous empêche de promouvoir certains salariés et d'assurer correctement la gestion du personnel au sein de ces boutiques.
Vous avez également pris des décisions importantes sans demander l'autorisation ou même informer les autres membres du comité de direction. Ainsi, le 9 avril 2014, vous avez pris l'initiative de licencier Mme [B], Responsable des Opérations RH pour Comptoir des Cotonniers et Princesse tam.tam, sans obtenir une quelconque autorisation.
Ce licenciement a généré, d'une part, des difficultés d'organisation et d'autre part, un climat de tension au sein de la société Fast Retailing France. En effet, ce départ non anticipé a créé un manque de personnel d'encadrement et a provoqué une dégradation du climat social au sein du personnel.
Ces faits illustrent également le manque total de communication et de suivi dont vous faites preuve, d'une manière générale, avec les autres dirigeants du groupe. Un tel comportement nous est fortement préjudiciable en raison de la position hiérarchique que vous occupez et des décisions importantes que vous êtes susceptible de prendre.
Par ailleurs, vous aviez en charge le processus de paie au sein de Fast Retailing France. Malgré votre intervention, les coûts liés à l'administration du Service Paie sont restées anormalement élevés en comparaison avec ceux supportés par des sociétés concurrentes.
Enfin, vous prenez régulièrement du retard dans l'exécution de nombreux projets importants, mettant ainsi en péril la santé de notre groupe. A titre d'exemple, vous avez pris du retard dans le recrutement de personnel qui était pourtant nécessaire à l'ouverture de la nouvelle boutique « Flagship » à l'enseigne Uniqlo à Berlin. Initialement, l'ouverture de cette boutique, d'une importance majeure pour le développement des activités du groupe en Europe, avait été prévue au cours du mois de mars 2014, date prévisionnelle qui vous avez été communiquée le 26 mars 2013. Or, en raison de votre défaillance dans le recrutement de nouveaux employés, l'ouverture a dû être repoussée au 4 avril 2014, puis à nouveau au 11 avril 2014 faute d'employés. Ce retard a non seulement, causé un lourd manque à gagner à notre société mais nuit aussi à notre réputation auprès de la clientèle.
II résulte de ce qui précède qu ' après trois années au sein de Fast Retailing France, vous n'avez pas été capable de fournir un travail de qualité suffisante et vous n'avez pas été en mesure de faire preuve de l'adaptation indispensable pour améliorer cette qualité. L'ensemble des éléments décrits ci-dessus oblige à constater votre insuffisance professionnelle, rendant impossible votre maintien dans la Société. En effet, cette insuffisance professionnelle a eu des conséquences dommageables pour Fast Retailing vis-à-vis de notre personnel et nos clients.
Votre licenciement prendra donc effet dès la première présentation de cette lettre à votre domicile. Vous êtes redevable d'un préavis d'une durée de trois mois dont nous vous dispensons d'exécution. Votre solde de tout compte sera arrêté à l ' expiration du préavis. $gt;$gt;
La salariée saisissait le conseil des prud'hommes de PARIS le 25 février 2015 aux fins de contestation de ce licenciement et de diverses demandes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement prononcé le 6 juin 2016, le conseil des prud'hommes condamnait la société FAST RETAILING France à payer à Mme [U] [S] la somme de 509.474,48€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et déboutait la salariée du surplus de ses demandes.
En suite de l'appel partiel formé par Mme [U] [S] le 23 novembre 2016 et celui subséquent du 7 décembre 2016 de la société , les parties ont été convoquées à l'audience du 22 mars 2018 devant la cour.
Selon conclusions reprises oralement, Mme [U] [S] demande à la cour
DÉCLARER Madame [S] bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
DIRE ET JUGER que les griefs d'insuffisance professionnelle allégués à l'appui du licenciement de Madame [S] sont infondés,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [S] est intervenu dans des conditions vexatoires et abusives,
DIRE ET JUGER que Madame [S] est fondée à percevoir l'indemnité de départ que FAST RETAILING France s'est contractuellement engagée à lui verser,
DIRE ET JUGER Madame [S] est fondée à recevoir les stocks options et la prime de « long Term Incentive » que FAST RETAILING France s'est contractuellement engagée à lui verser,
DIRE ET JUGER que dès lors que le bonus est prévu par le contrat de travail, il constitue un élément de salaire obligatoire pour l'employeur,
DIRE ET JUGER que Madame [S] est fondée à obtenir le remboursement des frais de déménagement avancés à la demande de l'employeur,
FIXER la rémunération moyenne des douze derniers mois de Madame [S] à la somme de 894.220 euros,
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER la Société FAST RETAILING à verser à Madame [S] les sommes suivantes :
- 894.220 euros au titre de l'indemnité de départ prévue dans son contrat de travail; Subsidiairement, il est demandé à la Cour de condamner la Société à verser à Madame [S] la somme de 674.000 euros au titre de l'indemnité de départ prévue dans son contrat de travail;
- 150.000 euros à titre de rappel de bonus 2014 ;
- 225.162,20 euros au titre des actions gratuites 2012 ; Ou, à titre subsidiaire, 225.162,20 euros de dommages et intérêts pour perte des actions gratuites;
- 164.204,58 euros au titre des actions gratuites 2013 ; Ou, à titre subsidiaire, 164.204,58 euros de dommages et intérêts pour perte des actions gratuites ;
- 383.000 euros au titre du Long Term Incentive ;
- 894.220 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Subsidiairement, il est demandé à la Cour de condamner la Société à verser à Madame [S] la somme de 674.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 100.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux circonstances vexatoires de la rupture ;
- 39.039 euros nets au titre de remboursement des frais de logement ;
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile relatif aux frais irrépétibles ;
ASSORTIR les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,
ORDONNER la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil,
ORDONNER à la Société FAST RETAILING à remettre à Madame [S] les documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du jugement à intervenir,
CONDAMNER la Société FAST RETAILING aux dépens. $gt;$gt;
La société Fast Retailing France aux termes de ses écritures et lors des débats demande à la Cour d'Appel de Paris de :
- Fixer la rémunération annuelle de Madame [S] au titre des douze derniers mois d'activité à 509.474,48 euros bruts soit 42.456,20 euros mensuels
(i) Sur les demandes de Madame [S] au titre de son licenciement :
' A titre principal, dire le licenciement de Madame [S] fondée sur une cause réelle et sérieuse et débouter la demanderesse de toute demande sur ce point ;
' A titre subsidiaire, limiter la condamnation de la Société au minimum légal, la demanderesse ne justifiant pas de son préjudice.
(ii) Sur les demandes de Madame [S] au titre de son bonus :
- Constater que le bonus 2015 de Madame [S] revêtait un caractère discrétionnaire ;
- En conséquence, débouter Madame [S] de toute demande sur ce point.
(iii) Sur les demandes de Madame [S] liées à la prime « Long Term Incentive » :
- Constater que la société a parfaitement rempli ses engagements au titre des primes « Long Term Incentive » ;
- Constater qu'en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [S] est uniquement fondée à invoquer une perte de chance au titre de ses demandes liées aux actions fantômes constituant la prime « Long Term Incentive ».
- En conséquence, limiter le montant de la condamnation de la société à la somme de 182.733,33 euros.
(iv) Sur les demandes de Madame [S] liées à l'indemnité contractuelle de licenciement:
- Constater que l'indemnité contractuelle de licenciement de Madame [S] est manifestement excessive compte tenu de l'ancienneté, de la rémunération de la demanderesse et de la mise en place d'une convention collective au sein de la Société
- Fixer la rémunération annuelle de Madame [S] au titre des douze derniers mois d'activité à 509.474,48 euros bruts soit 42.456,20 euros mensuels
- En conséquence :
' A titre principal, réduire le montant de ladite indemnité contractuelle à de plus justes proportions.
' A titre subsidiaire, cantonner le montant de ladite indemnité contractuelle à la somme de 509.474,49 euros bruts.
(v) Sur les demandes de Madame [S] liées au rappel de Stock-options :
- Constater que la Société n'a mis en place aucun plan de Stock-options ;
- En conséquence, débouter Madame [S] de toute demande sur ce point.
(vi) Sur les demandes de Madame [S] au titre du licenciement brutal et vexatoire :
- Constater que la Société a parfaitement respecté les dispositions relatives à la procédure de licenciement de la demanderesse ;
- En conséquence :
' A titre principal, débouter Madame [S] de toute demande liée à un préjudice distinct pour licenciement brutal et vexatoire.
' A titre subsidiaire, ramener cette demande à de plus justes proportions ;
(vii) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :
- En tout état de cause, condamner Madame [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. $gt;$gt;
Par ordonnance du 3 mai 2018, une médiation a été ordonnée avec l'accord des parties et à l'audience du 6 septembre 2018, après échec du processus de médiation, l'affaire a été mise en délibéré au 18 décembre, délibéré repoussé jusqu'à ce jour.
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le bien fondé du licenciement
Critiquant la motivation des plus succinctes du jugement déféré, Mme [U] [S] détaille chacun des griefs pour les dire mal fondés et non étayés, soulignant qu'à les supposer fondés, rien ne pourrait expliquer :
- l'attribution d'un bonus d'un montant de 150.000 € en novembre 2013,
- sa promotion au poste de DRH Groupe en mai 2014 et son affectation à Londres,
- qu'aucune observation ne lui ait été adressée concernant les insuffisances prétendument relevées par la Société,
- que la Société ait attendu le mois de septembre 2014 pour engager la procédure de licenciement.
De son côté la société souligne que Mme [S] :
' a une part de responsabilité dans l'absence de mise en place des systèmes d'évaluation des marques Princesse Tam-Tam et Comptoir des Cotonniers ;
' tenté de rejeter la responsabilité de ses erreurs sur une subordonnée hiérarchique ;
' a échoué à réformer le système de paie des sociétés dépendant de la société Fast Retailing France ;
' a failli dans sa mission de recrutement lors de l'ouverture du « FlagShip » de Berlin ;
' a engendré des dysfonctionnements dans son équipe par un manque de communication flagrant concernant une procédure de licenciement.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle est un licenciement pour motif personnel qui est exclusif d'une faute du salarié mais qui résulte d'un constat d'une mauvaise exécution du contrat de travail par le salarié , dont l'employeur doit être en mesure de justifier objectivement et par des éléments vérifiables.
A titre liminaire, il convient de noter que l'employeur ne verse aux débats que peu de pièces et s'appuie essentiellement sur celles produites par la salariée.
1- Sur le reproche relatif à la mise en place du système d'évaluation des salariés employés au sein des boutiques Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam
Outre le fait que l'employeur ne produit aucun élément permettant de dire que ce projet présentait un caractère de priorité absolue et devait être mis en place avant la fin de l'année 2013, la salariée démontre qu'elle a été d'une part empêchée en avril 2014 de présenter le projet par Mme [Q], CEO de Comptoirs des Cotonniers, et d'autre part que ce projet nécessitait la consultation préalable des instances représentatives du personnel pour les entreprises situées en France, intervenue début 2014.
Par ailleurs, elle justifie du fait que le projet de grande ampleur à l'échelle mondiale , était à un stade conforme aux objectifs pour l' Europe dont elle était chargée .
En tout état de cause, l'employeur n'étaye nullement le fait que la prétendue défaillance de Mme [U] [S] aurait empêché de promouvoir certains salariés et d'assurer correctement la gestion du personnel au sein des boutiques.
2- Sur le reproche relatif au licenciement d'une collaboratrice, sans autorisation et sans communication , ayant provoqué des dysfonctionnements
D'abord, il est constant que Mme [U] [S] avait une délégation pour licencier sinon ce grief serait en réalité une faute disciplinaire .
Ensuite, ce licenciement intervenu pour faute grave début avril 2014 n'a entraîné à l'époque aucune critique de la part de l'employeur car reposant notamment sur des erreurs commises précisément dans le cadre du projet de système d'évaluation en France .
Enfin, Mme [S] justifie du recrutement d'une remplaçante dans un temps très court, et d'une communication rapide avec les autres DRH, de sorte que l'indication dans la lettre de licenciement d'une dégradation du climat social au sein du personnel , du fait d'une absence d'encadrement, ne repose sur aucun élément objectif .
3- Sur le reproche concernant les coûts liés à l'administration du Service Paie
Mme [S] explique qu'il existait d'une part une problématique liée à l'utilisation d'un système mondial ne prenant pas en considération les spécificités , ce qui entraînait des dysfonctionnements nombreux au préjudice des employés et que d'autre part, elle a mené une action dès 2013 pour voir réformer la gestion du service.
Sans être démentie, elle établit avoir en janvier 2014 remplacé dans cette fonction la salariée licenciée pour faute grave par M [H] qui sera promu en septembre 2014 pour le travail effectué sur ce point consistant notamment en une simplification par externalisation .
En tout état de cause, l'employeur ne produit aux débats aucun élément chiffré démontrant que les coûts étaient disproportionnés après les mesures prises , par rapport à leurs concurrents.
4- Sur le reproche concernant le 'retard dans l'exécution de nombreux projets importants'
Il convient de relever que dans la lettre de licenciement, l'employeur ne cite que l'ouverture du magasin de Berlin et ne justifie d'aucun autre exemple de retard lié à la mission de Mme [U] [S] ; en outre, il n'étaye par aucun document les conséquences invoquées concernant la mise en péril de la santé du groupe.
Mme [S] produit un document justifiant que la date d'ouverture du magasin a été repoussée pour des questions de chantier et de travaux et par ailleurs, justifie de ses actions par des 'job party' pour recruter le nombre de salariés voulu qui a doublé entre la phase d'annonce du projet en automne 2013 et janvier 2014.
En tout état de cause, alors que dans un communiqué de presse en juillet 2014 , la société présentait le magasin phare ouvert en avril 2014 comme générant déjà des ventes favorables, elle n'a jamais fait de reproches à Mme [U] [S] sur un manque à gagner avant la lettre de licenciement et se révèle dans l'incapacité de fournir, dans le cadre de la présente procédure, les éléments chiffrés pouvant justifier de ce grief .
Ainsi que le relève à juste titre l'appelante, les critiques faites de façon générale dans la phrase finale de la lettre de licenciement sur le travail de qualité insuffisante qu'aurait fourni Mme [U] [S] depuis son embauche, sont à mettre en perspective avec les décisions de l'employeur qui au contraire , en lui attribuant chaque année des bonus très importants dont le dernier en novembre 2013 et en nommant la salariée au poste prestigieux de responsable mondial adjoint des ressources humaines en juin 2014, démontrait qu'il souhaitait récompenser les mérites de Mme [U] [S].
Considérant que l'ensemble des reproches examinés ne reposent pas sur des éléments objectifs, établis, matériellement vérifiables et qu'en outre, ils concernent des faits antérieurs à la promotion sus-visée, et jamais évoqués auprès de la salariée avant la lettre de licenciement , il y a lieu de dire que le licenciement de Madame [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'article L 1235-4 du code du travail édicte que «'dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.'» Le texte précise que «ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'»
Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [S] - bien qu'elle n'évoque pas avoir demandé des allocations chômage en France -, il y a lieu d'ordonner à la société Fast Retailing France de rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 1 mois d'indemnités.
Sur les demandes relatives à la rémunération
L'appelante critique le jugement déféré ayant dit que 'les demandes étaient irrecevables faute d'être en mesure d'en vérifier l'authenticité'.
Elle indique que si sa rémunération fixe et la prime correspondant à la location de voiture ont été régulièrement versées par la Société, celle-ci n'a pas rempli ses obligations contractuelles s'agissant de la rémunération variable.
1- Sur le rappel de bonus au titre de l'année 2014
La salariée indique que le caractère obligatoire de ce bonus contractuel n'est pas discutable puisque le contrat de travail prévoit qu'un bonus annuel d'un montant minimum de 5% de sa rémunération fixe sera versé à Madame [S], y compris lorsqu'elle n'atteint pas ses objectifs et est évaluée « en-dessous des objectifs ».
Elle précise avoir perçu 150.000 € versés en novembre 2011 pour 6 mois d'activité, soit le maximum prévu par son contrat de travail pour une demi-année travaillée (« au titre de la première année,
les Parties ont convenu d'un montant pouvant aller jusqu'à 30% de la rémunération annuelle brute de base»), 112.500 €versés en novembre 2012, 150.000 € versés en novembre 2013, soit 30% de sa rémunération fixe .
Elle expose avoir quitté FAST RETAILING en janvier 2015 sans que la société ne lui verse un bonus au titre de son activité de 2014, bien qu'il s'agisse d'une année de travail complète.
La société indique que ce bonus avait un caractère discrétionnaire.
Il résulte des termes mêmes du contrat de travail que la salariée avait vocation à recevoir un pourcentage minimal , de sorte que le bonus - par ailleurs versé dans des proportions importantes les années précédentes - constitue une gratification contractuelle et donc un élément de salaire.
En considération des éléments de la cause, de la promotion donnée à Mme [U] [S] en juin 2014 démontrant que son employeur était plus que satisfait du travail fourni par la salariée - avant septembre 2014 - il convient de fixer le bonus dû pour l'année 2014 - le préavis étant de 4 mois comme l'a ensuite reconnu l'employeur et le contrat de travail se finissant donc en janvier 2015, à la même somme que l'année précédente soit la somme de 150.000 €.
2- Sur les actions gratuites attribuées
Madame [S] expose qu'elle s'est vue attribuer les actions suivantes :
- 413 actions en novembre 2011, vendues en novembre 2014 ;
- 591 actions en novembre 2012;
- 431 actions en décembre 2013.
Elle fait valoir que les 591 actions attribuées en 2012 pouvaient être exercées entre le 13 novembre 2015 et le 12 novembre 2022, les 431 actions attribuées en 2013 pouvaient être exercées entre le 3 décembre 2016 et le 2 décembre 2023 mais qu'ayant quitté la société en janvier 2015, elle n'a pu exercer ces actions, qui font pourtant intégrante de sa rémunération contractuelle, conformément à l'article 5.3 de son contrat de travail.
En conséquence, elle demande le versement de la somme de 225.162,20 € au titre des actions de l'exercice 2012, et 164.204,58 euros au titre des actions de l'exercice 2013; subsidiairement elle demande les mêmes sommes comme la réparation du préjudice résultant de la perte du bénéfice des actions gratuites attribuées.
La société Fast Retailing France rappelle le système des actions fantômes qui ne sont pas des stock option, considère que Mme [U] [S] ne peut en demander le paiement mais seulement une somme évaluée à titre de réparation et indique en conséquence que la somme de 125.453,93 euros + 57.279,40 euros soit 182.733,33 euros serait due en prenant en compte les éléments de pertes de chances .
En l'espèce, l'article 5.3 du contrat de travail de Madame [S] prévoit : « Après la première revue de performance, la Salariée pourra également bénéficier d'un plan de Stock Option dont l'attribution reste discrétionnaire ».
Il est constant que du fait du licenciement abusif, Mme [U] [S] a été privée de la faculté de lever ses options sur les titres attribués , mais elle n'est pas fondée à en demander le remboursement par le biais d'un calcul correspondant à leur cotation mais seulement une somme en réparation du préjudice qui lui a été causé.
En conséquence, il convient de fixer ce dernier à la somme de :
- 130.000 € pour l'exercice 2012,
- 60.000 € pour l'exercice 2013.
3- Sur la prime de « Long Term Incentive »
Madame [S] expose avoir été employée chez FAST RETAILING du 14 mars 2011 au 23 janvier 2015, soit durant 3 ans et 10 mois (3,83 ans) et n'avoir pourtant jamais perçu cette prime prévue par son contrat de travail, comme en attestent ses bulletins de paie successifs.
Elle s'estime par conséquent fondée à solliciter le paiement de la « Prime de long term Incentive» calculée de la façon suivante : (20% * 500.000) x 3,83 6 = 383.000 €.
La société Fast Retailing France indique que Madame [S] a bien perçu chaque année des actions fantômes composant la prime « Long Term Incentive » selon les conditions prévues à son contrat de travail contrairement à ce qu'elle peut soutenir .
L'article 5.3 du contrat de travail de Madame [S] dispose :
Cette prime discrétionnaire dite « Long Term Incentive » ne sera versée à la Salariée que si elle est effectivement salariée de l'entreprise ou de son groupe à la date de clôture de l'exercice de référence.
La salariée pourra également bénéficier d'un plan de Stock Option dont l'attribution reste discrétionnaire$gt;$gt;.
Contrairement à ce qu'énonce la société, l'adverbe que la cour souligne, démontre que non seulement que l'attribution de stock option est faite en supplément de la prime visée dans le début de l'article 5.3 .
En outre, la prime correspondant à un calcul fait à partir de la rémunération annuelle brute, ne peut se confondre avec l'attribution d'actions par essence même non valorisées .
Pour autant, Mme [U] [S] n'est pas en droit de réclamer cette prime puisqu'elle ne peut invoquer la constance et la régularité du versement d'une telle prime, laquelle était laissée au pouvoir discrétionnaire de l'employeur, qui manifestement n'a pas souhaité l'en faire bénéficier pendant les années ayant précédé le licenciement.
Sur les conséquences financières du licenciement
1- Sur l'indemnité de départ
La salariée demande à la Cour de fixer sa rémunération moyenne de Madame [S] à 894.220€ ( incluant les stocks options et la prime « Long term incentive ») ou subsidiairement à 674.000 € avec seulement les avantages en nature et le bonus 2014.
Elle demande la réformation du jugement qui a dit à tort qu'il s'agissait d'une indemnité conventionnelle alors qu'elle est contractuelle et en a limité le montant, alors qu'il ne fait aucun doute que cet article du contrat de travail constitue un engagement ferme et précis de la part de l'employeur, pris à son initiative et signé dès l'embauche de la salariée, justifié par son âge lors du recrutement, le contexte de celui-ci , précisant d'ailleurs qu'il s'agit d'une clause usuelle dans des contrats de cadres dirigeants de ce niveau .
Elle indique que son montant prévu dans le contrat n'est pas excessif au regard du niveau de responsabilité de la salariée, des pratiques en vigueur au sein du secteur d'activité, des pratiques en vigueur au sein de la Société et du Groupe, des moyens financiers de FAST RETAILING.
Elle réclame en conséquence l'équivalent de 12 mois de salaire soit 894.220 € au titre de son indemnité de départ et si la cour n'intègre pas dans l'indemnité de départ les stocks options et la prime « Long term incentive », elle demande qu'y soient inclus outre les avantages en nature, le bonus qu'elle aurait dû percevoir au titre de l'année 2014, et donc subsidiairement la somme de 674.000 €.
La société Fast Retailing France considère que le montant est manifestement excessif au regard du fait que Madame [S] avait une ancienneté inférieure à 4 ans lors de la notification de son licenciement, qu'elle a bénéficié d'une rémunération particulièrement avantageuse et disposait immédiatement après son licenciement de source de revenus .
Elle considère qu'elle ne peut invoquer les circonstances de son embauche en expliquant que le montant de l'indemnité est justifié par « le contexte du recrutement », alors que la société a pris en charge de nombreux frais à ce titre .
Elle demande donc à la cour de faire une juste application de l'indemnité contractuelle de licenciement en réduisant sensiblement le montant de cette dernière.
Subsidiairement , elle considère que la rémunération brute annuelle de Madame [S] s'élève, non à 894.220 euros comme peut le soutenir la salariée mais à 500.000 + (789,54 euros X 12) soit 509.474,48 euros bruts soit 42.456,20 euros mensuels, et demande en conséquence, en cas d'application stricte des stipulations du contrat de travail, de cantonner le montant de l'indemnité contractuelle de licenciement au montant susvisé, retenu par le jugement déféré.
Le contrat de travail prévoit en son article 17 : « Sauf en cas de licenciement par l'employeur justifié par une faute lourde de la part de l'employé, cette dernière aura droit à une indemnité de départ de 12 mois de salaire compensatrice du préjudice subi du fait de la perte de son emploi » .
Au regard des éléments présentés par les parties , il n'est pas justifié de voir réduire l'indemnité contractuelle de licenciement , le jugement étant infirmé sur ce point, et il convient de fixer la somme due à ce titre à 674.000 €.
2- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Madame [S] expose qu'elle était âgée de 58 ans au moment de son licenciement et indique que compte tenu d'une conjoncture économique très défavorable, il est très peu probable qu'il lui soit possible de retrouver un emploi salarié du même niveau que celui qu'elle occupait chez FAST RETAILING et qu'elle ne perçoit pas d'allocation de recherche d'emploi en Angleterre.
Elle explique que jusqu'en décembre 2014, ses revenus provenaient de son activité au sein du Conseil d'Administration d'une société , les jetons de présence lui rapportant entre 70.000 et 90.000 euros par an.
Elle indique que faute d'avoir retrouvé un emploi salarié, elle a créé une société de consulting en
juillet 2015 mais que les revenus annuels tirés de cette activité sont sans commune mesure avec ceux dont elle bénéficiait avant son licenciement : n'ayant perçu pour l'année 2015 que £10.599,93, soit l'équivalent de 13.555 € et ses frais de santé n'étant plus pris en charge.
Dans ces circonstances, Madame [S] s'estime fondée à solliciter la condamnation de La société Fast Retailing France à lui verser des dommages et intérêts indemnisant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, calculée sur la base de la rémunération brute moyenne perçue par elle au cours des 12 derniers mois, soit 894.220 euros ou subsidiairement 674.000 € .
La société Fast Retailing France demande à la cour de cantonner le montant de ladite condamnation au minimum prévu par les dispositions du Code du travail équivalent à 6 mois de salaires soit 254.737,24 euros.
A la date du licenciement, Mme [U] [S] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 56.166 € , avait 58 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans au sein de l'entreprise. Il n'est pas contesté qu'elle n'a pu retrouver d'emploi salarié et n'a pas bénéficié d'allocations de chômage et a dû en sus faire face à des frais de logement qui auraient dû être pris en charge par la société.
Il convient d'évaluer à la somme de 400.000 € le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
3- Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux circonstances vexatoires de la rupture
Mme [U] [S] expose que les circonstances de son licenciement ont été particulièrement déloyales, et démontrent la mauvaise foi avec laquelle celle-ci a été traitée.
Elle indique que lors de la réunion RH du Conseil d'administration conduite à TOKYO le 4 août 2014, Monsieur [X], Président du Groupe, a clairement fait état de sa volonté de diminuer l'âge moyen des Directeurs de la Société : « Nos directeurs actuels gagnent en âge. Nous devons former des successeurs pour les remplacer ».
Elle relève que venant d'être promue au poste de Directeur des Ressources Humaines du Groupe à l'âge de 58 ans, elle rentrait spécifiquement dans la catégorie de salariés à laquelle Monsieur [X] faisait référence et que son licenciement est intervenu quelques jours seulement après une telle déclaration.
Elle ajoute qu'à la suite de sa promotion, FAST RETAILING a initié la procédure de déménagement à Londres avant de la suspendre violemment et sans explication, alors qu'elle avait dû restituer son appartement parisien.
Elle invoque le fait qu'au cours de ses congés estivaux, elle a appris par l'intermédiaire de l'agence de location de son appartement londonien que son déménagement était interrompu et l'appartement qu'elle venait de louer remis sur le marché, puis que le processus avait repris sans que quiconque ne lui apporte d'explications.
Elle soutient que lors du Conseil d'administration du 4 août 2014, les Directeurs de la Société ont pu prendre connaissance du nouvel organigramme RH et constater qu'elle n'y figurait pas, alors qu'à cette date, elle était pourtant toujours salariée de l'entreprise et n'avait pu obtenir aucune précision sur sa situation à venir.
La société Fast Retailing France conteste les affirmations péremptoires de Madame [S] expliquant avoir « disparue » des organigrammes , alors que dans les organigrammes internes du Groupe jusqu'en septembre 2014, elle y figure bien , précisant que les organigrammes produits par l'appelante n'étaient que des simulations de possibles réajustements de lien fonctionnels n'ayant aucune valeur et ne représentant surtout pas l'organisation de la Société et/ou du Groupe.
Elle demande en tout état de cause de ramener la demande de Mme [U] [S] à de plus justes proportions.
Il résulte des pièces produites que la décision de licencier Mme [U] [S] avait été prise au plus haut niveau et pour des raisons sans rapport avec sa compétence professionnelle confinant à la discrimination et il est patent que les conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu, ont été choquantes et humiliantes puisqu'après l'avoir promue, fait déménager, elle a été tenue dans l'ignorance de son sort pendant plusieurs semaines pour enfin être évincée.
Dès lors les conditions brutales et vexatoires dans lesquelles le licenciement de Mme [U] [S] et pour des raisons non fondées, justifient que son préjudice moral soit indemnisé de façon distincte à hauteur de 40.000 €.
4- Sur le remboursement des frais engagés au titre du logement
Mme [S] explique qu'à la demande de la Société et dans le cadre de sa promotion, il était prévu que sa famille et elle déménagent de [Localité 3] à Londres.
Elle indique que la Société FAST RETAILING a spécifiquement mandaté la Société CARTUS pour rechercher un logement pour elle et que c'est dans ce cadre qu'un contrat de bail a été signé le 11 juillet 2014, Madame [S] s'acquittant à titre personnel d'une caution non remboursable de £3.000. Elle rappelle que la Société FAST RETAILING dispose de règles précises de prise en charge des loyers pour les salariés résidant en Grande Bretagne, lesquelles lui avaient été adressées, par courriel de Madame [P] [F] du 5 juin 2014.
Elle précise qu'en application de ces règles, du fait qu'elle était mariée avec un enfant, elle devait bénéficier d'une prise en charge mensuelle à hauteur de £ 4.500 par mois, cette somme étant nette de charges et d'impôts.
Elle indique qu'ayant déjà quitté son appartement parisien, elle n'a eu d'autre choix que de reprendre le bail londonien à son nom et réclame le remboursement du loyer du 15 juillet 2014 au 24 janvier 2015, date de fin de son préavis, soit la somme de £ 29.250, convertie au 31 janvier 2015 en 39.039 €.
Outre le fait qu'il n'est pas justifié par Mme [U] [S] de la réalité du paiement des loyers pendant la période concernée, le préjudice subi du fait de ce déménagement et de cette dépense induite par sa promotion puis son licenciement, est déjà inclus dans l'indemnité accordée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Sur les autres demandes
Il convient de condamner La société Fast Retailing France à remettre à Madame [S] les
documents sociaux (Certificat de travail, attestation Pôle emploi, bulletins de salaire, solde de tout compte)
conformes à la présente décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les conditions qui seront précisées au dispositif.
Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 4 mars 2015.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
La société Fast Retailing France qui succombe au principal devra s'acquitter des dépens, sera déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et devra à ce titre , payer à Mme [U] [S] la somme de 5.000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ,
*Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
*Dit le licenciement de Mme [U] [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse ,
Condamne la société Fast Retailing France à payer à Mme [U] [S] les sommes suivantes :
- 150.000 € bruts au titre du bonus 2014,
- 130.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte des actions gratuites de 2012,
- 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte des actions gratuites de 2013,
- 674.000 € au titre de l'indemnité contractuelle de départ,
- 400.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2015 et les sommes allouées à titre indemnitaire , à compter de la présente décision,
*Ordonne la capitalisation de ces intérêts, à condition qu'ils soient dus pour une année entière,
*Ordonne à La société Fast Retailing France de délivrer à Mme [U] [S] les bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés conformément à la présente décision, dans un délai de 30 jours à compter de ce jour, et passé ce délai sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant 90 jours,
*Ordonne , s'il y a lieu, à la société Fast Retailing France de rembourser aux organismes intéressés, les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 1 mois d'indemnités,
*Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la société Fast Retailing France aux dépens de 1ère instance et d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER
P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ