Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 17 JANVIER 2019
(n°2019 - 18, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02915 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47UA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/11980
APPELANTE
La SARL STA-IVE PRODUCTION, agissant en la personne de ses représentants légaux
N° SIRET : 530 577 097 00021
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
Assistée à l'audience de Me Izem RAJAE, avocat au barreau de PARIS, toque G711
INTIMÉE
Madame[Z] [W]
Née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (VIETNAM)
C/O M. [Z] [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistée à l'audience de Me Hélène ELISIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0277
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre
Madame Patricia LEFEVRE, conseillère
Madame Marie-José BOU, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.
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Vu l'appel interjeté le 1er février 2018 par la SARL Sta-Ive Production d'un jugement rendu le 28 février 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny, lequel, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
* condamné Mme [W] à payer à la société Sta-Ive Production la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné Mme [W] à payer à la société Sta-Ive Production la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné Mme [W] au paiement des dépens,
* débouté la société Sta-Ive Production de ses autres demandes,
* débouté Mme [W] de ses demandes ;
Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 4 décembre 2018, par lesquelles la société Sta-Ive Production demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de :
* confirmer le jugement en ce qu'il a jugé Mme [W] responsable d'abus de droit,
* l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
* condamner Mme [W] au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la Sta-Ive Production,
* condamner Mme [W] au paiement de la somme de 12 420 euros TTC + 98 190 euros HT en réparation de ses préjudices financiers + 120 euros TTC de frais, résultant des abus de droit commis à l'occasion de son occupation des locaux sis [Adresse 1],
* condamner Mme [W] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
en tout état de cause,
* condamner Mme [W] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
* condamner Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 octobre 2018, aux termes desquelles Mme [Z] [W] prie la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, d'infirmer cette décision et de :
* débouter la société Sta-Ive Production de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
* condamner la société Sta-Ive Production au versement de la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
* la condamner au versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* la condamner aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* Mme [Z] [W] était locataire d'une maison d'habitation sise [Adresse 1] avec un jardin, où se trouve un bâtiment à usage d'atelier et un appentis de 11 et 5 m², loués par la Société No Time Records et accessibles par le passage au travers du jardin ; le compteur d'eau alimentant l'ensemble immobilier se trouve dans la maison louée par Mme [W] ;
* le 30 mai 2014, la société Sta-Ive Production a conclu un contrat de sous-location portant sur ces locaux avec la société No Time Records, laquelle a entrepris, le 10 avril 2014, des travaux de rénovation intérieure ;
* Mme [W] s'est plainte à plusieurs reprises, notamment par courrier du 15 mai 2014, de très nombreuses nuisances attribuées à l'entreprise mandatée par la société No Time Records, laquelle aurait annexé le jardin sans son accord et causé des nuisances sonores ;
* la société Sta-Ive Production a reproché à Mme [W] de fermer systématiquement à clé l'unique portail d'accès à l'immeuble, de tenir des propos véhéments à l'encontre des employés et d'avoir coupé l'alimentation en eau pendant plusieurs semaines, retardant du 16 mai au 30 juin 2014 la fin des travaux ;
* le 19 juin 2014, la société No Time Records a fait constater par huissier de justice l'absence totale d'alimentation en eau de son local ;
* le 6 août 2014, la société No Time Records a introduit une action en référé mais l'eau aurait été rétablie le 22 août 2014 ; la société No Time Records a déclaré à son assureur un dégât des eaux ;
* le 17 février 2015, Mme [W] a donné congé au cabinet Azur Immo et a quitté les lieux ;
* le 14 septembre 2015, la société Sta-Ive a fait assigner Mme [W] devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de réparation du préjudice causé par son abus de droit et Mme [W] a reconventionnellement demandé l'indemnisation de ses préjudices de jouissance et causé par la procédure abusive et vexatoire exercée à son encontre ;
* le 28 février 2017 est intervenu le jugement dont appel ;
Sur l'abus de droit :
Considérant que la société Sta-Ive Production reproche à Mme [W] des actes dénués d'utilité, empreints de malveillance et lui ayant porté préjudice, soit des actes d'obstruction à ses travaux, par ses interférences continuelles et acrimonieuses dans les déplacements et tâches des prestataires, retardant la réalisation des travaux et la jouissance des locaux, des actes de dénigrement à l'endroit de ses clients, par son comportement agressif à leur encontre et la coupure unilatérale de l'alimentation en eau les 6 et 19 juin 2014 ;
Qu'à supposer que les travaux aient entraîné des nuisances, elle fait valoir que les abus de droit étaient injustifiés et demande la confirmation du jugement sur ce point ;
Considérant que Mme [W] oppose les nuisances occasionnées par les travaux, les matériaux entreposés dans le jardin, les va-et-vient permanents, les nuisances sonores et le vol de ses outils de jardin par les ouvriers ;
Qu'elle relève que la société No Time Records, commanditaire des travaux, n'est pas dans la cause et que la société Sta-Ive Production ne peut justifier d'aucun droit antérieurement à la signature du contrat de sous-location, le 30 mai 2014 ;
Qu'elle conteste les fautes qui lui sont reprochées, imprécises, non datées et non prouvées, observant que la date prévue d'achèvement des travaux au 15 mai 2014 n'est pas plus établie alors que leur ampleur a été revue à la hausse, ainsi que l'absence de plainte auprès du cabinet de gestion immobilière avant le mois de septembre 2014 ;
Qu'elle rappelle les doléances adressées par la société No Time Records et par elle-même au cabinet Azur Immo en février 2014, sur le mauvais fonctionnement de la serrure du portail, démuni de poignée et soutient son droit de le fermer pour assurer la sécurité de son domicile, alors qu'il incombait à la société No Time Records, n'ayant qu'un droit de passage et non un droit de jouissance, de remettre une clé à ses entrepreneurs pour leur faciliter l'accès aux lieux ;
Qu'elle réfute les propos agressifs et désobligeants à l'égard des visiteurs des sociétés No Time Records et Sta-Ive Production, dont la preuve n'est pas rapportée par le courrier de résiliation de la société Bati Concept et pas plus par des attestations, non circonstanciée de la société No Time Records se référant à ses propres clients et prestataires et non à ceux de la société Sta-Ive Production et de M. [O], également client de la société No Time Records ;
Qu'elle observe que la coupure d'eau, alléguée depuis le compteur général n'est pas établie à la date du 22 août 2014, ni qu'elle lui soit imputable, l'huissier de justice se contentant de rapporter les propos de la société Sta-Ive Production, alors que le robinet d'alimentation en eau était accessible à tous dans le jardin et que la société Sta-Ive Production a fait poser un compteur d'eau ;
Qu'elle conteste le préjudice financier, ainsi que le préjudice moral dont la réparation est demandée à hauteur de 10 000 euros, faute de preuve d'un retard de la société Sta-Ive Production à l'entrée dans les lieux et d'un lien de causalité avec une faute qui pourrait lui être reprochée ;
Considérant que seule la responsabilité délictuelle de Mme [W] étant recherchée, la date de l'engagement de sous-location et d'entrée dans les lieux est dépourvue d'effet à cet égard ;
Que, sur les actes d'obstruction aux travaux, ni la jouissance du jardin, ni un droit de passage à travers cet espace ne figurent aux baux consentis à la société No Time Records le 21octobre 2011, à Mme [W] le 3 novembre 2012 et à la société Sta-Ive Production le 30 mai 2014 ;
Que la société Baticoncept a indiqué par courrier du 16 mai 2014 à la société No Time Records être dans l'incapacité de terminer le chantier dans les délais convenus en raison de la perte de temps occasionnée par la fermeture systématique du portail pendant les allées et venues de ses employés ;
Qu'en tout état de cause, le droit ou la servitude de passage n'impose pas à celui qui le doit d'assurer le rôle de portier, en ouvrant le portail aux visiteurs de son bénéficiaire et ne comprend pas l'obligation de laisser ouverts les accès à l'ensemble immobilier, dès lors que le bénéficiaire en possède la clé ; qu'il revenait ainsi à la société No Time Records ou la société Sta-Ive Production d'assurer la circulation des ouvriers du bâtiment réalisant les travaux, d'ouvrir le portail à leurs clients et prestataires et de le refermer après leur passage ; qu'une interdiction de passage ne peut être reprochée à Mme [W] ;
Considérant qu'aucun élément n'est versé aux débats par la société Sta-Ive Production en faveur d'actes de dénigrement à l'endroit de ses clients ;
Considérant que, sur la coupure unilatérale de l'alimentation en eau, le constat effectué à la demande de la société No Time Records par huissier de justice le 19 juin 2014 relate les déclarations de M. [Y] et constate l'absence d'alimentation en eau d'un robinet extérieur alimentant un tuyau d'arrosage, et d'arrivée d'eau aux niveaux du lavabo et des WC ;
Mais considérant que l'arrivée d'eau, dans les locaux loués par la société No Time Records et sous-loués par la société Sta-Ive Production, doit être située au niveau du compteur qui leur est propre, dont l'existence résulte du courrier du cabinet de gestion immobilière ; que la coupure d'eau constatée ne peut être attribuée à Mme [W], chez laquelle se trouverait le compteur général d'arrivée d'eau sur la propriété alors que l'absence d'arrivée d'eau n'a pas été constatée au niveau du compteur secondaire ;
Qu'il résulte de ce qui précède que, par infirmation du jugement, la demande de la société Sta-Ive Production fondée sur un abus de droit sera rejetée ;
Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que Mme [W] demande la réformation du rejet de sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance, constitué par l'occupation de son jardin et l'activité bruyante de la société Sta-Ive Production, ayant eu des répercussions sur son état de santé et l'ayant contrainte à déménager, outre le caractère vexatoire, abusif et infondé de la procédure engagée à son encontre et sollicite sa réparation à hauteur de
30 000 euros ;
Que la société Sta-Ive Production, soulignant ne pas être à l'initiative des travaux incriminés et pas plus des désagrément dont se plaint Mme [W], soutient qu'aucun grief à son encontre n'est justifié ;
Considérant que seule la société No Time Records a commandé les travaux ayant engendré, selon Mme [W], des nuisances lui ayant porté préjudice ; qu'elle ne peut en demander réparation à la société Sta-Ive Production ; que le rejet de la demande reconventionnelle sera confirmé ;
Que Mme [W] ne démontre pas l'intention malicieuse de la société Sta-Ive Production ayant fait dégénérer en abus l'exercice de son action, ni un préjudice distinct des frais engagés pour sa défense en justice, lequel sera réparé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur les autres demandes:
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société Sta-Ive Production ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel ; que le jugement sera réformé en ce sens ; qu'en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à Mme [W] une indemnité de 3 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute Mme [Z] [W] de sa demande reconventionnelle ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Sta-Ive Production de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la société Sta-Ive Production à payer à Mme [Z] [W] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Sta-Ive Production aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE