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17/01/2019 | FRANCE | N°16/16778

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 17 janvier 2019, 16/16778


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 17 JANVIER 2019



(n° 2019- 12, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/16778 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZMM2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/08562





APPELANTES



Madame [I] [D] [G]

Née le [

Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] ( VIETNAM)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/022233 du 14/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridict...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 17 JANVIER 2019

(n° 2019- 12, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/16778 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZMM2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/08562

APPELANTES

Madame [I] [D] [G]

Née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] ( VIETNAM)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/022233 du 14/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

ET

Mademoiselle [J] [K] [P]

Née le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/022266 du 14/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Représentées et assistées par Me Baptiste NICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1967

INTIMÉE

SA CREAPOLE , prise en le personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 348 968 660 00046

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Julien DUPUY de la SELARL DUBAULT/BIRI, avocat au barreau d'ESSONNE

Assistée à l'audience de Me Naima HADDADI, avocat au barreau d'ESSONNE de la SELARL DUBAULT/BIRI

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Marie-José BOU, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2016 par Mme [I] [G] et Mme [J] [P] d'un jugement rendu le 26 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Paris, lequel, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire, a :

* déclaré Mme [J] [P] et Mme [I] [G] recevables en leurs demandes,

* débouté Mme [J] [P] et Mme [I] [G] de l'intégralité de leurs demandes,

* débouté la SA Créapole de sa demande reconventionnelle indemnitaire,

* condamné Mme [J] [P] et Mme [I] [G] à payer à la SA Créapole la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

* condamné Mme [J] [P] et Mme [I] [G] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Johanna Guilhem ;

Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 6 décembre 2018, par lesquelles Mme [I] [G] et Mme [J] [P] demandent à la cour, au visa des articles 1109, 1110, 1116, 1132, 1134, 1154, 1304 et 1382 du code civil, L. 121-1 et L. 121-1-1 du code de la consommation et L. 613-1 du code de l'éducation, outre divers Dire et Dire et Juger qui sont la reprise de leurs moyens, de :

à titre principal,

* annuler les contrats de scolarité de Melle [P] passés pour les années 2006/2007 et 2007/2008 pour dol, au titre de l'article 1116 du code civil,

* condamner la SA Créapole à rembourser à Melle [P] la somme globale de 15 434 euros au titre des frais de scolarité de 2006/2007 et de 2007/2008, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

* condamner la SA Créapole à verser à Melle [P] la somme globale de 156 930,30 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices distincts subis du fait du dol, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, soit :

- 8 600 euros au titre des charges fixes incompressible (location meublé, frais de transports'),

- 38 275,30 euros au titre des emprunts bancaires,

- 60 000 euros au titre du préjudice scolaire et de la perte de chance,

- 50 000 euros au titre du préjudice physique et moral,

- 55 euros au titre du trop-perçu sur les cotisations de la sécurité sociale étudiante,

* condamner la SA Créapole à verser à Mme [G] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi par ricochet, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

* condamner la SA Créapole à verser à Mme [G] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice distinct, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

à titre subsidiaire,

* déclarer l'erreur pour le consentement de Melle [P] et annuler les contrats de scolarité passés pour les années 2006/2007 et 2007/2008 au titre de l'article 1110 du code civil,

* condamner la SA Créapole à rembourser à Melle [P] la somme globale de 15 434 euros au titre des frais de scolarité 2006/2007 et 2007/2008, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

* condamner la SA Créapole à verser à Melle [P] la somme globale de 156 930,30 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices complémentaires subis du fait de l'erreur, avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, soit :

- 8 600 euros au titre des charges fixes incompressibles (location meublé, frais de transports'),

- 38 275,30 euros au titre des emprunts bancaires,

- 60 000 euros au titre du préjudice scolaire et de la perte de chance,

-50 000 euros au titre du préjudice moral,

- 55 euros au titre du trop-perçu sur les cotisations de la sécurité sociale étudiante,

*en cas de restitutions, vis-à-vis de l'annulation des contrats, condamner la SA Créapole à verser à Melle [P] à titre de dommages et intérêts les sommes qui auraient été mises à sa charge au titre du jeu des restitutions au titre de la valeur réelle des prestations scolaires fournies par la SA Créapole,

à titre infiniment subsidiaire

* condamner la SA Créapole à rembourser à Melle [P] la somme globale de 8 000 euros au titre des frais de scolarité 2007/2008 au titre du remboursement des frais en cas de refus de redoublement, en application du formulaire de Créapole - Suite des études des Lauréats du 25 janvier 2007 - avec les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

en tout état de cause,

* débouter la SA Créapole de l'ensemble de ses demandes,

* condamner la SA Créapole à payer à Melle [P] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la SA Créapole à payer à Mme [G] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la SA Créapole à payer à Me Audrey Salinas la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

* condamner la SA Créapole aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Me Salinas, Avocat, en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, * ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures notifiées par voie électronique le 19 décembre 2016, aux termes desquelles la société anonyme Créapole prie la cour de confirmer le jugement entrepris et de :

* débouter Mmes [I] [G] et [J] [P] de leur appel,

y ajoutant,

* débouter en toutes hypothèses Mmes [G] et [P] de l'intégralité de leurs demandes,

* condamner solidairement Mmes [G] et [P] à payer à la société Créapole une somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* les condamner sous même solidarité aux entiers dépens et dire que ces derniers pourront être recouvrés directement par Me Julien Dupuy, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

* la société Créapole est un établissement d'enseignement supérieur de droit privé, spécialisé dans la formation aux filières artistiques, études d'une durée de cinq ans après le baccalauréat, aboutissant à la délivrance de diplômes professionnels intitulés certificat de spécialisation et master ou mastère Créapole ;

* en mars 2006, Mme [J] [P] s'est présentée au concours d'entrée en première année préparatoire de la société Créapole, et y a été admise pour la rentrée de septembre 2006 ;

* à l'issue de la deuxième année de scolarité, la société Créapole lui a proposé un redoublement ;

* Mme [I] [G] a refusé cette proposition et, avec sa fille, Mme [J] [P] a alors saisi la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), reprochant à la société Créapole la dénomination de son diplôme de deuxième cycle mastère ou master sans autorisation ;

* le 8 décembre 2011, par jugement de la 31ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 décembre 2013, la société Créapole et son dirigeant, M. [W] ont été condamnés à une amende pour le délit de pratique commerciale trompeuse commis du 1er janvier 2009 au 9 juin 2012 ; leur pourvoi en cassation a été rejeté le 30 septembre 2014 ;

* le 24 février 2011, Mme [J] [P] et Mme [I] [G] ont assigné la société Créapole devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation de leurs préjudices ;

* le 26 mai 2016 est intervenue la décision dont appel ;

Sur le dol :

Considérant que Mmes [G] et [P] soutiennent que la société Créapole s'est rendue coupable de manoeuvres et réticences dolosives et demandent l'annulation des contrats de scolarité de Melle [P] pour les années 2006-2007 et 2007-2008 pour dol en application de l'article 1116 du code civil ;

Qu'elles font valoir le caractère détaillé de la brochure publicitaire intitulée Guide d'orientation, remise avant l'inscription, mentionnant faussement l'obtention, au bout de trois ans, d'un Certificat de spécialisation, et, en cinq ans, d'un diplôme de MASTER, puis d'un DOCTORAT, ainsi que l'agrément du rectorat de [Localité 3] n° 587 et garantissant finalement un emploi à la sortie de l'école, grâce à des partenariats avec des écoles étrangères, réfutés par plusieurs d'entre elles ;

Qu'elles rappellent que ces informations ont été réitérées en cours de scolarité, par le document intitulé Suite des études 2008/2009 et l'invitation à la remise des diplômes de MASTER ;

Qu'elles soulignent que la société Créapole s'est ainsi présentée comme un établissement reconnu par l'Etat, délivrant des MASTER, alors que l'école n'avait jamais été conventionnée et ne pouvait utiliser ni le terme de diplôme, ni celui de MASTER, relevant du monopole d'Etat, faits donnant lieu à sa condamnation pénale pour publicité trompeuse et caractérisant des manoeuvres dolosives déterminantes de leur consentement ;

Qu'elles rappellent n'avoir été informées que par les brochures diffusées par la société Créapole, utilisant illégalement en 2007 et 2007 le terme MASTER et contestent toute information contraire lors de l'entretien d'inscription, dont la preuve n'est pas rapportée ;

Qu'elles réfutent l'effet accordé par les premiers juges aux possibilités d'information extérieures à l'école, comme n'étant pas de nature à anéantir l'existence du dol, rappelant que la magazine L'Etudiant reprenait également le terme de MASTER dans sa rubrique sur l'établissement Créapole ;

Qu'elles ajoutent les manoeuvres et réticences dolosives de la société Créapole, faute d'information sur la teneur réelle des diplômes décernés, non reconnus par l'Etat, et ayant maintenu le terme MASTER dans nombre de documents, dans le but de tromper les futurs étudiants, alors qu'elle n'adressait cependant au rectorat que des documents ne comportant pas cette appellation ;

Qu'elles insistent sur le caractère déterminant, dans la conclusion du contrat, de l'acquisition de diplômes d'Etat, le maintien des termes de MASTER et de Certificat de spécialisation dans les brochures de la société Créapole , après leur interdiction en 2002, dont son dirigeant a reconnu, dans le cadre de la procédure pénale, avoir connaissance, étant à cet égard significatif de l'attraction de tels diplômes ;

Considérant que la société Créapole, rappelant son utilisation du terme MASTER avant son introduction en 2002 dans la nomenclature des diplômes nationaux, soutient son caractère usuel pour désigner un cycle d'études de cinq années ;

Qu'elle fait valoir qu'à l'époque de la scolarité de Mme [P], aucune école d'arts appliqués ne délivrait de diplôme d'Etat intitulé MASTER, excluant ainsi tout risque de confusion et que celle-ci recherchait, non un diplôme, mais une formation qualifiante ;

Qu'elle conteste le dol qui lui est reproché, devant être prouvé lors de la conclusion de chaque contrat, alors que Mme [P] connaissait dès l'examen et les entretiens d'entrée le caractère privé de l'établissement et la nature des diplômes décernés, qu'elle n'a jamais dissimulés et que reprenaient des organismes tels que le magazine L'Etudiant ;

Qu'elle fait valoir l'information relayée au cours de la première année et tout au long du cursus, excluant toute manoeuvre ou réticence, et réfute le caractère déterminant d'un diplôme d'Etat dans le choix de sa formation, au regard de sa qualité, des perspectives d'emploi et de rémunération ;

Qu'elle observe que Mme [P] s'est par la suite inscrite dans une école privée ne délivrant pas plus de diplômes d'Etat, l'Esmod, et rappelle qu'elle a elle-même interrompu sa scolarité à la suite d'un avis de redoublement ;

Qu'elle souligne qu'en cas d'annulation des contrats, les restitutions réciproques sont impossibles, Mme [P] ayant bénéficié de l'enseignement prodigué et que les fournitures scolaires n'entrent pas dans ces contrats, ont été utilisées par Mme [P] et sans doute réutilisées lors de son admission à l'Esmod ;

Considérant que selon l'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Qu'aux termes de l'article L. 613-7 du code de l'éducation, Les conventions conclues, en application des dispositions de l'article L. 719-10, entre des établissements d'enseignement supérieur privé et des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent, notamment, avoir pour objet de permettre aux étudiants des établissements privés de subir les contrôles nécessaires à l'obtention d'un diplôme national. Si, au 1er janvier de l'année universitaire en cours, aucun accord n'a été conclu sur ce point, le recteur chancelier arrête, à cette date, les conditions dans lesquelles sont contrôlées les connaissances et aptitudes des étudiants d'établissements d'enseignement supérieur privés qui poursuivent des études conduisant à des diplômes nationaux ;

Considérant qu'en l'espèce, il est établi que si le caractère d'établissement privé de la société Créapole était apparent, celle-ci ne pouvait délivrer les diplômes intitulés MASTER dont elle se prévalait, notamment dans son Guide d'orientation et dans les documents distribués durant la scolarité des étudiants ;

Que cette interdiction, découlant de l'arrêté du 25 avril 2002 avec possibilité de régularisation jusqu'au 31 août 2003, était connue de la société Créapole, dont le dirigeant a déclaré à l'audience devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris n'avoir pas pris la décision d'arrêter l'utilisation du terme MASTER ;

Que les condamnations à une amende de 50 000 euros chacun, pour des faits de pratique commerciale trompeuse, de nature à induire en erreur dans les conditions de l'article L. 121-1 du code de la consommation, de la société Créapole et de son dirigeant, M. [W], sont définitives ;

Que l'emploi du terme MASTER, correspondant à un diplôme d'Etat, est corroboré par l'ensemble des brochure, guide de présentation, invitations et documents ne mentionnant jamais l'absence de convention de la société Créapole avec l'Etat ou un établissement public, traduisant l'absence de reconnaissance par l'Etat de ses diplômes ; que la preuve contraire d'une information fournie sur ce point lors de l'entretien d'admission n'est pas rapportée ; que se trouvent ainsi caractérisées les manoeuvres dolosives de la société Créapole ;

Que la valeur des diplômes décernés est un élément déterminant du consentement des candidats à la formation dispensée ; qu'à cet égard, le défaut de reconnaissance du diplôme par l'Etat ne peut être compensé par la qualité alléguée de l'enseignement dispensé et diminue celle des diplômes de la société Créapole, dans des proportions telles que Mme [P] n'aurait pas poursuivi ses démarches d'inscription si elle en avait été informée ; que le contrat correspondant à son entrée en septembre 2006 est ainsi entaché de nullité ;

Que la poursuite des manoeuvres lors de son admission en deuxième année sont établies par la production des documents émanant de la société Créapole et intitulés Suite des études des lauréats, Suite des études 2008/2009 en 3ème année, Invitation à la remise des MASTERS 2007 accréditant la délivrance d'un diplôme d'Etat ; que le contrat de septembre 2006 est également atteint par la nullité ;

Que la nullité du contrat entraîne la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion ; que la société Créapole devra en conséquence restituer le montant des frais de scolarité et frais de dossier acquittés au titre des années 2006-2007 et 2007-2008 à hauteur de 14 750 euros à Mme [P] ; que celle-ci ne peut restituer la prestation dont elle a bénéficié, mais que la valeur réelle de cette prestation est inexistante, faute d'équivalence des années d'étude ou de débouché professionnel ;

que la demande portant sur les fournitures scolaires sera rejetée comme n'entrant pas l'objet des contrats annulés ;

Sur la responsabilité délictuelle de la société Créapole :

Considérant que Mmes [G] et [P] invoquent également les fautes de la société Créapole, de nature à engager sa responsabilité délictuelle à leur égard, soit l'exclusion illégale de Mme [P], à l'origine d'une dépression réactionnelle ayant engendré un dysfonctionnement de la thyroïde, soit un dérèglement hormonal incurable, ainsi que le défaut d'information de la valeur réelle de ses diplômes ;

Qu'elles font valoir la gravité de cette sanction disciplinaire, sans mise en demeure, avertissement ou procédure, outre le contact pris avec leur médecin traitant par M. [W] afin de contester son avis médical et demandent en réparation du préjudice physique et moral subi la somme de 50 000 euros ;

Considérant que la société Créapole conteste les fautes reprochées, soutenant n'avoir aucun lien avec la banque BNP Paribas, aucune responsabilité dans l'éloignement du domicile de Mme [P] à [Localité 4], ni dans la rupture du bail à la fin de la première année, ni dans l'interruption des études, ni dans ses problèmes de santé ;

Qu'elle réfute les conséquences alléguées de l'exclusion du 12 au 21 février 2008 alors que Mme [P] n'avait réglé ni le solde des frais de scolarité, ni les frais de sécurité sociale, dont cette exclusion a cependant amené le paiement le 21 février 2008, alors que Mme [G] lui a imposé un emploi du temps aménagé sans que Mme [P] ne rende pour autant les travaux demandés ;

Qu'elle rappelle que les frais doivent être réglés avant le début de la scolarité mais que Mmes [G] et [P], sans avoir formulé de demande de délais, ne se sont acquittées du solde que le 21 février 2008, la contraignant à mettre en oeuvre l'exception d'inexécution ;

Qu'elle oppose à la demande de remboursement des frais de scolarité l'absence de clause abusive sur ce point et le suivi effectif des cours dispensés durant deux ans, les questions de santé et de logement étant à cet égard sans effet et fait valoir la décision des parties adverses de refuser le redoublement proposé, mettant ainsi fin au cycle d'études, seul le refus de redoublement de la troisième année ouvrant droit au remboursement des frais de scolarité ;

Que, sur le préjudice physique et moral, elle relève que la prescription de Prozac date du mois de novembre 2009, soit quinze mois après la fin de la scolarité et dix-neuf mois après le déclenchement de la dépression et réfute toute responsabilité de la maladie ;

Considérant que le caractère fautif de l'exclusion temporaire de Mme [P] n'est pas établi, en raison du défaut de règlement des frais de scolarité et des frais de sécurité sociale ; que le lien de cette exclusion avec le déclenchement d'une maladie de la thyroïde n'est pas plus justifié, la dépression réactionnelle invoquée étant apparue tardivement ;

Qu'en revanche, la découverte de la valeur réelle du diplôme préparé a causé à Mme [P] une déconvenue et une angoisse, soit un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros ;

***********

Considérant que Mmes [G] et [P] demandent le remboursement du trop-perçu pour les cotisations de la sécurité sociale étudiante, soit la somme de 55 euros, reprochant à la société Créapole la facturation à ce titre en 2006, de la somme de 255 euros au lieu de 189 et en 2007, de 211 euros au lieu de 192 ;

Considérant que la société Créapole oppose à la restitution des frais de sécurité sociale le coût d'une mutuelle ;

Considérant que Mmes [G] et [P] ne rapportent pas la preuve du caractère indu de la somme de 55 euros ; que la demande sera rejetée ;

***********

Considérant que Mmes [G] et [P] réclament l'indemnisation des frais liés à la scolarité, soit, en 2006, 6 500 euros au titre des frais de location d'un logement meublé, ainsi que 300 euros au titre de la carte de transports [Localité 3] et en 2007, les sommes de 153 euros au titre de frais d'hôtel du 24 au 29 septembre, 1 429 euros au titre des frais de transport aller-retour [Localité 3]/[Localité 4] et 218 euros au titre de la carte de transports [Localité 3], pour un montant total de 8 600 euros ;

Considérant que la société Créapole conteste l'existence d'une faute et d'un lien de causalité avec le préjudice découlant des frais de logement et de transport, alors que Mme [P] a pris l'initiative d'interrompre sa scolarité, que son bailleur est seul à l'origine du congé donné pour le mois de juin 2007 et que son budget transport est lié à la poursuite d'études supérieures ;

Considérant que les frais réclamés se rapportent au quotidien de la vie étudiante, que Mmes [G] et [P] auraient du assumer, quelque soit leur choix de l'établissement, comme découlant de leur décision de poursuite d'études supérieures ; que leur demande sera rejetée ;

*********

Considérant que Mmes [G] et [P] sollicitent un paiement correspondant aux trois emprunts bancaires souscrits par Mme [P], de montants de 21 500 euros, outre 3 074,40 euros d'intérêts, auprès de la banque BNP Paribas le 20 avril 2006, de 6 500 euros le 29 août 2006 auprès de la BNP et de 8 000 euros le 13 février 2008 auprès de la Banque populaire, afin de faire face aux frais de scolarité, de logement et de charges de la vie courante, soit au total la somme de 38 275,30 euros incluant le coût des crédits ;

Considérant que la société Créapole remarque que les emprunts en date des 20 avril et 29 août 2006 sont antérieurs à l'entrée en première année en septembre 2006, d'un montant total de 28 000 euros ne correspondant pas aux besoins scolaires et sans lien avec le financement des études, de même que le prêt contracté en février 2008, d'un montant de 8 000 euros alors qu'à cette date, seule la somme de 3 000 euros était encore due au titre des frais de scolarité, Mme [P] ne louait plus de logement à [Localité 3] et n'est quasiment plus venue en cours à compter de mars 2008 ;

Qu'elle observe que la perte de chance de ne pas contracter un prêt relève du choix de Mme [P] d'un enseignement privé, de le rembourser, de sa décision d'interrompre sa scolarité et ne peut être imputable à l'établissement ;

Considérant que la restitution des frais de scolarité ayant été précédemment ordonnée, la demande d'indemnisation de ce chef ne peut prospérer ; que le lien du surplus des emprunts avec la scolarité suivie auprès de la société Créapole n'est pas établi, comme relevant, au mieux, des frais de la vie étudiante entraînés par les études supérieures choisies ;

*********

Considérant que Mmes [G] et [P] demandent réparation, à hauteur de 10 000 euros par année, soit un montant total de 60 000 euros, du préjudice scolaire, soit la perte d'années d'étude et le retard scolaire, entraînés par la décision de redoublement de la deuxième année, ayant pour origine son état de santé, ajoutant que la contestation de cette décision auprès du rectorat leur a permis de découvrir que l'établissement n'était pas conventionné et que ses diplômes n'étaient pas reconnus par l'Etat et que dès lors, les deux années d'étude ne sont pas validées et ne peuvent ouvrir droit à une équivalence, outre la perte de chance de trouver un emploi rémunéré, selon la plaquette de la société Créapole, de 17 000 à 40 000 euros annuels ;

Considérant que la société Créapole conteste le préjudice scolaire, même au titre de la perte de chance, la réussite de Mme [P] n'étant pas assurée alors qu'elle n'a validé aucun cycle d'enseignement, qu'elle a refusé le redoublement et choisi d'interrompre sa scolarité, puis connu un parcours hiératique, vers un BTS de commerce international avant de revenir vers une école d'arts appliqués ;

Considérant qu'il résulte de ses propres écritures que l'abandon de ses études par Mme [P] a été entraînée par la décision de redoublement, antérieurement à la découverte de la valeur réelle des diplômes de la société Créapole ; que le caractère fautif de la décision de redoublement n'est pas établi, au vu de ses résultats et de son absentéisme, même en lien avec son état de santé ; que la demande sera rejetée ;

***********

Considérant que Mmes [G] et [P] sollicitent la réparation, à hauteur de 15 000 euros, du préjudice par ricochet de Mme [G], laquelle a été très affectée par la décision d'exclusion et la découverte de la réalité des diplômes et de 5 000 euros de son préjudice distinct, provoqué par les insultes à caractère racial, relatives à son origine antillaise, de l'équipe enseignante, lui causant un stress aggravant son état de santé alors qu'elle est atteinte de la maladie de Goujerot-Sjogren ;

Considérant que la société Créapole souligne l'absence d'éléments probants en faveur d'un préjudice par ricochet et d'une aggravation de la maladie ;

Considérant que la réparation des préjudices de Mme [P] sur le fondement de la responsabilité délictuelle étant rejetés, les mêmes motifs, tirés de l'absence de faute ou de lien de causalité, doivent être opposés aux demandes de Mme [G] au titre du préjudice par ricochet ; que les insultes, notamment à caractère racial, ne sont pas établies ; que les demandes seront rejetées ;

Sur les autres demandes:

Considérant qu'il sera fait droit à la demande de Mmes [G] et [P] fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et non sur l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions sur le rejet des demandes de Mme [I] [G] et de Mme [J] [P] portant sur le vice du consentement, la restitution des sommes versées à la société Créapole, l'indemnisation du préjudice moral de Mme [J] [P], les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Prononce la nullité des contrats de scolarité de Mme [J] [P] au titre des années 2006-2007 et 2007-2008 ;

Condamne la société Créapole à restituer à Mme [J] [P] la somme de 14 750 euros ;

Condamne la société Créapole à payer à Mme [J] [P] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Condamne la société Créapole à payer à Me Audrey Salinas la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation ;

Condamne la société Créapole aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/16778
Date de la décision : 17/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°16/16778 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-17;16.16778 ?
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