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20/12/2018 | FRANCE | N°18/22551

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 20 décembre 2018, 18/22551


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22551 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6RYR



Décision déférée à la cour : jugement du 18 octobre 2018 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny RG n° 18/11012





APPELANTE



Sa Aéroports d

e Paris, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 552 016 628 00273

[Adresse 1]

[Localité 1]



repré...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22551 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6RYR

Décision déférée à la cour : jugement du 18 octobre 2018 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny RG n° 18/11012

APPELANTE

Sa Aéroports de Paris, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 552 016 628 00273

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Anne Grappotte-Benetreau de la Scp Grappotte Benetreau, avocats associés, avocat au barreau de Paris, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant Me Laurent Santana, avocat au barreau de Paris, toque : C1004

INTIMÉE

Société Aviation Capital Group LLC, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Etats-Unis d'Amérique

représentée par Me Florence Guerre de la Selarl Pellerin - de Maria - Guerre, avocat au barreau de Paris, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Thibaud d'Alès, avocat au barreau de Paris, toque : K0112

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d'appel formée par la société Aéroports de Paris le 19 octobre 2018 ;

Vu les conclusions de la société Aéroports de Paris, en date du 4 décembre 2018, tendant à voir la cour infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, in limine litis, déclarer la société ACG irrecevable en ses demandes, faute de qualité à agir, la déclarer irrecevable en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 3 octobre 2018, se déclarer compétente pour statuer sur sa défense au fond, juger que la société Aéroports de Paris est fondée à opposer au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] et à la société ACG, son droit de rétention, juger que la créance opposable au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] s'élève à la somme de 265 070,59 euros, réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts et rejeter la demande de la société ACG formée à ce titre en appel, condamner celle-ci au paiement d'une somme de 100 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont la distraction est demandée

Vu l'ordonnance en date du 9 novembre 2018, autorisant la société Aviation Capital Group LLC (la société ACG), intimée, à assigner à jour fixe la société Aéroports de Paris et l'assignation en date du 13 novembre 2018, tendant à voir la cour,

-in limine litis, se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance de Bobigny pour statuer sur la demande de la société Aéroports de Paris tendant à se voir reconnaître un droit de rétention de droit commun,

-à titre subsidiaire, à voir la cour confirmer le jugement rendu le l8 octobre 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il a rejeté la demande de la société Aéroports de Paris relative à l'exercice d'un droit de rétention sur l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1],

-sur le fond, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation, déclaré recevable la contestation de la saisie conservatoire, ordonné la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire, et ce, sous astreinte de la somme de 50 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, condamné la société Aéroports de Paris à verser à la société ACG, ès qualités, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 55 557,91 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-y ajoutant, rétracter l'ordonnance du 3 octobre 2018, liquider l'astreinte à la somme de 1 100 000 euros à parfaire, condamner la société Aéroports de Paris au paiement de cette somme, outre celle de 100 000 euros pour le préjudice subi depuis le jugement, à titre subsidiaire, cantonner la saisie à hauteur de la somme de 265 070,59 euros, en tout état de cause, condamner la société Aéroports de Paris à lui payer, ès qualités, la somme de 96 257, 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu la note en délibéré adressée le 7 décembre 2018 par la société ACG ;

Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.

SUR CE :

Le 17 mai 2017, la société ACG et la Bank of Utah ont conclu trois conventions de trust soumises au droit de l'État de l'Utah, aux fins de procéder à l'acquisition de trois Airbus A321 immatriculés [Immatriculation 1], [Immatriculation 1] et [Immatriculation 1].

Trois contrats de location ont été conclus le 14 mars 2018 entre la Bank of Utah, ès qualités de propriétaire du trust et la société danoise d'aviation Primera Air Scandinavia (la société Primera). Ayant constaté des motifs de résiliation du contrat, la Bank of Utah a résilié, par lettre du 1er octobre 2018 à 14 h 52, ou à 22 h 52 selon la société Aéroports de Paris, les trois contrats et en a averti, dès le 2 octobre, la société Aéroports de Paris, sur le tarmac de laquelle stationnaient deux des aéronefs.

Par ordonnance du 3 octobre 2018, rendue sur requête du même jour, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a autorisé la société Aéroports de Paris, sur le fondement de l'article L.6123-2 du code des transports, à procéder à la saisie conservatoire de l'aéronef Airbus [Immatriculation 2] (numéro de série 8288), immatriculé auprès du registre de l'aviation civile danois sous le numéro [Immatriculation 1], ou de l'aéronef Airbus [Immatriculation 2] (numéro de série 8260), immatriculé auprès du registre de l'aviation civile danois sous le numéro [Immatriculation 1], en garantie du paiement de sa créance d'un montant de 1 076 767,98 euros à l'encontre de la société danoise Primera, correspondant au montant de redevances aéroportuaires impayées au titre de cinq aéronefs. Le même jour, la société Aéroports de Paris a fait procéder à la signification de l'ordonnance à la direction générale de l'aviation civile, ainsi qu'à la saisie conservatoire de l'aéronef Airbus A321 immatriculé [Immatriculation 1].

Le 10 octobre 2018 à 17 h 30, la société ACG, agissant ès qualités de bénéficiaire du trust, a fait assigner la société Aéroports de Paris devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance et la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société Aéroports de Paris sur l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] (MSN 8288), l'ordre à la société Aéroports de Paris de laisser la société ACG, ès qualités, accéder aux aéronefs immatriculés [Immatriculation 1] et [Immatriculation 1], sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard et par aéronef, la condamnation de la société Aéroports de Paris à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive et inutile et la somme de 55 557,91 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 octobre 2018, le juge de l'exécution a rejeté l'exception de nullité soulevée par la société Aéroports de Paris, déclaré recevable la contestation de la saisie conservatoire élevée par la société ACG, ès qualités, ordonné la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire de l'aéronef Airbus [Immatriculation 2] (numéro de série 8288), immatriculé auprès du registre de l'aviation civile danois sous le numéro [Immatriculation 1], ce sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, rejeté la demande de la société ACG tendant à voir ordonner sous astreinte à la société Aéroports de Paris de donner accès à l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1], rejeté la demande de la société Aéroports de Paris relative à l'exercice d'un droit de rétention sur l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1], condamné la société Aéroports de Paris à verser à la société ACG, ès qualités, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts et une indemnité d 'un montant de 55 557,91 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est la décision attaquée le jour même par la société Aéroports de Paris laquelle a saisi le même jour le premier président d'une demande de sursis à exécution. Le jugement a été signifié le 23 octobre 2018.

À la date du 9 novembre 2018, le jugement rendu par le juge de l'exécution n'avait pas été exécuté. Par ordonnance sur requête en date du même jour, l'intimée a été autorisée à assigner à jour fixe.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société ACG, préalable à la fin de non-recevoir relative à la demande de rétractation :

À l'appui de cette fin de non-recevoir la société Aéroports de Paris soutient, en premier lieu, que, conformément à la loi danoise, l'enregistrement de l'aéronef auprès du registre danois de l'aviation civile a été fait le 31 juillet 2018 par son propriétaire, la Bank of Utah, avec mention du contrat de location, que la qualité de propriétaire de la Bank of Utah sans qu'il soit fait mention de sa qualité de trustee, mention seule opposable aux tiers, découle de cet enregistrement en vertu des dispositions combinées des articles 20 et 21 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, de l'article 1er de la convention de Genève du 19 juin 1948 et de la loi danoise, en l'espèce, l'acte consolidé relatif à la navigation aérienne n°1149 du 13 octobre 2017.

Elle ajoute qu'il résulte de l'article L. 6123-2 du code des transports que seuls l'exploitant de l'aéronef et le propriétaire de cet aéronef ont qualité à contester la saisie conservatoire, qu'il résulte de la convention de trustee, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, que seul le trustee a qualité pour défendre en justice les intérêts du bénéficiaire du trust, que la délégation de pouvoirs du trustee au bénéficiaire pour agir en justice, authentifiée par un «'notary public'» n'est pas revêtue de l'apostille prévue par les dispositions de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 pour les actes publics que sont les actes notariés, que faute d'apostille, elle ne peut produire effet en France.

La société Aéroports de Paris soutient, en deuxième lieu, qu'aucune disposition de la convention de trust ne dispose expressément que la société ACG, en sa qualité de bénéficiaire, aurait le pouvoir d'exercer tout recours en justice relativement au patrimoine fiduciaire ni qu'elle disposerait d'un droit de propriété sur l'aéronef constituant l'actif du trust, que la convention et le droit de l'Utah excluent la possibilité pour le bénéficiaire d'agir en justice au titre des actifs du trust, que le bénéficiaire d'un trust ne dispose d'aucun droit de propriété direct sur les actifs du trust et qu'il ne peut donc en tirer une quelconque qualité à agir, qu'il en est de même des conventions internationales relatives au droit de propriété sur les aéronefs et du registre danois de l'aviation civile.

Cependant, comme le relève l'intimée, il n'est pas discuté que la Bank of Utah, en sa qualité de titulaire du trust, a, par lettre du 9 octobre 2018, dont ni les termes ni la signature ne sont critiqués par l'appelante, mandaté la société AGC pour exercer le recours litigieux. L'intimée produit en outre la délégation de pouvoirs consentie par devant notaire, le 11 octobre 2018, par le vice-président de Bank of Utah, en la même qualité et sa certification par un notaire. L'absence de l'apostille apposée sur la certification par un notaire de l'authenticité de la signature de la délégation de pouvoirs consentie est sans incidence sur la validité de celle-ci, laquelle n'est pas, en elle-même, contestée par l'appelante, pas plus que l'authenticité de la signature, de sorte que la qualité à agir de la société ACG est établie, étant ajouté que l'appelante ne soutient pas, et, a fortiori, ne démontre pas, que le droit de l'Utah interdit une telle délégation de pouvoirs et qu'il résulte de la pièce 36 qu'elle produit que «'le droit substantiel de la loi de l'Utah (...) n'empêche pas le bénéficiaire de poursuivre directement des tiers'» dans le cadre de toute instance.

La société Aéroports de Paris soutient, en troisième lieu, que l'aéronef saisi, immatriculé n° [Immatriculation 3]n'est pas celui objet de la convention de trustee qui l'identifie sous le n° 10054186 et qui prévoit qu'il sera exploité par la société de droit letton Primera Air Nordic Sia et non par la société Primera Air Scandinavia.

Cependant, l'intimée verse aux débats la convention de location de l'aéronef souscrite entre le trustee et la société Primera Air Scandinavia et, par une note en délibéré dont la production a été autorisée par la cour, un courriel de la société Airbus à la société AGC, en date du 17 septembre 2017, établissant l'identité entre l'aéronef en cours de construction identifié sous le n° 10054186' dans la convention de trust et l'aéronef immatriculé, après sa livraison sous le n° 8288 MSN, objet du contrat de location.

Sur la fin de non-recevoir de la demande de rétractation'présentée par l'intimée':

La société Aéroports de Paris soutient que la demande de rétractation, formulée par la société ACG pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable devant la cour d'appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle ne tend pas aux mêmes fins qu'une demande de mainlevée de la mesure au sens de l'article 565, pas plus qu'elle ne peut être considérée comme étant l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire d'une demande de mainlevée, au sens de l'article 566 du même code.

Cependant, il résulte tant de l'assignation que des conclusions déposées devant le juge de l'exécution par la société ACG, visées par le greffe, que celle-ci avait demandé expressément la rétractation de l'ordonnance.

La société Aéroports de Paris, qui a conclu devant le juge de l'exécution tant à l'irrecevabilité qu'au rejet de la demande de rétractation, n'établit pas que la société ACG ait renoncé oralement à ce chef de demande.

Il convient, donc, en tant que de besoin, de déclarer recevable la demande en rétractation.

Sur la demande de rétractation et la mainlevée de la saisie :

À l'appui de son chef de demande tendant à l'infirmation du jugement ayant ordonné la mainlevée de la saisie, la société Aéroports de Paris soutient, en premier lieu, qu'il est désormais établi que le contrat de location de l'aéronef était encore en cours avant l'ouverture de la procédure collective le 2 octobre 2018 à 7 heures 08, l'heure de l'envoi du courriel de résiliation étant en réalité le 1er octobre 2018 à 22 heures 52, heure du Pacifique, soit le 2 octobre à 7 heures 52, heure de Copenhague et non pas 14 heures 52 -ou 2 heures 52 pm- comme l'établirait la capture d'écran produite par l'intimée, qui ne produit pas d'accusé de réception émanant de la société danoise. Elle ajoute qu'un rapport d'expertise démontre qu'il est possible de falsifier un message Outlook.

Cependant, l'envoi de l'avis de résiliation le 1er octobre à 2 heures 52, heure du Pacifique, soit 14 heures 52, c'est-à-dire antérieurement à l'ouverture de la procédure collective est établi, d'abord, par un examen attentif de la photocopie de mauvaise qualité produite devant le juge de l'exécution, corroborée par la capture d'écran versée aux débats, ensuite, par la lettre des administrateurs judiciaires de la société Primera, en date du 9 octobre 2018, qui accus[ent] «'réception de l'avis de résiliation daté du 1er octobre 2019 remis par la Bank of Utah (...uniquement en sa qualité de propriétaire fiduciaire) à Primera Air Scandinavia'» et reconnaissent la résiliation du contrat de location avec effet au 1er octobre 2018.

La société Aéroports de Paris soutient, en deuxième lieu, qu'en l'absence d'exequatur de la procédure collective, celle-ci n'a aucun effet en France et ne lui est pas opposable et qu'en outre, sur le registre danois de l'aviation civile, la société Primera apparaît toujours, au 23 novembre 2018, comme exploitante de l'aéronef.

Cependant, dès lors qu'il est établi que le contrat de location avait été résilié avant l'ouverture de la procédure collective, dont l'existence n'est pas discutée, et que la société locataire admet le bien-fondé de cette résiliation, il importe peu que le jugement d'ouverture de la procédure collective ait été exequaturé ou non. La société Aéroports de Paris ayant été immédiatement informée par le bailleur de cette résiliation, confirmée par la locataire, ne peut invoquer à son profit les mentions figurant encore sur le registre danois de l'aviation civile.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie.

Sur l'astreinte :

À titre subsidiaire, la société Aéroports de Paris demande à ce que soit supprimée l'astreinte de 50 000 euros par jour de retard au motif qu'elle était de parfaite bonne foi en présentant la requête, alors que la société ACG était de mauvaise foi en se présentant comme propriétaire de l'aéronef et que la résiliation n'a été établie que le 9 octobre 2018.

Le dispositif des conclusions de l'appelante, qui seul saisit la cour, ne comporte aucun chef de demande relatif à la suppression de l'astreinte ou à la diminution de son quantum.

La cour, pour faire reste de droit, répond toutefois à ce moyen.

Il est établi qu'antérieurement à la présentation de la requête, la société Aéroports de Paris avait été avertie de la résiliation du contrat de location. Cependant, elle n'a pas hésité à saisir également l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1], saisie dont elle a donné ultérieurement mainlevée, alors que l'ordonnance du juge de l'exécution n'avait autorisé que la saisie de l'un ou l'autre des aéronefs immatriculés [Immatriculation 1] et [Immatriculation 1] et a exercé un droit de rétention sur le premier des deux, contraignant la société ACG à saisir en référé le président du tribunal de commerce de Bobigny qui, le 5 novembre 2018, a ordonné à la société Aéroports de Paris, sous astreinte, de laisser la société ACG reprendre possession de l'aéronef [Immatriculation 1]. La société Aéroports de Paris affirme encore sa volonté de maintenir la saisie sur un aéronef alors qu'elle a désormais connaissance de tous les éléments qui démontrent l'inefficacité de celle-ci.

Ces circonstances justifient amplement la confirmation du jugement ayant prononcé de l'astreinte et le quantum de celle-ci.

Sur la liquidation de l'astreinte :

La société ACG sollicite la liquidation de l'astreinte à la somme de 1 100 000 euros, sauf à parfaire, compte-tenu de la mauvaise foi de la société Aéroports de Paris. Elle soutient, d'une part, que l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique pas à la décision de mainlevée d'une mesure conservatoire ordonnée sur requête par le juge de l'exécution, dès lors que celle-ci implique la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure, d'autre part, que la saisine du premier président pour obtenir la suspension de l'exécution provisoire du jugement attaqué ne peut avoir pour effet de suspendre l'exécution de l'astreinte.

Pour s'opposer à ce chef de demande, la société Aéroports de Paris soutient que l'astreinte ne court que si ce jugement est exécutoire. Or, en l'espèce, l'astreinte assortit une décision de mainlevée de saisie conservatoire, décision dont l'exécution a été suspendue par la saisine du premier président conformément aux dispositions de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. Dès lors que l'astreinte n'a pas commencé à courir, il ne peut être prononcé à sa liquidation.

Cependant, le juge de l'exécution qui, saisi d'une demande de rétractation, a relevé que la société Primera n'était plus exploitante de l'aéronef au jour de la saisie et que, dès lors, la société Aéroports de Paris ne pouvait poursuivre la saisie, a implicitement mais nécessairement rétracté son ordonnance autorisant la saisie. Il en résulte, celle-ci étant de ce fait anéantie, que la saisine du premier président par la société Aéroports de Paris n'a pas prorogé l'exécution provisoire de la mesure conservatoire dont le juge de l'exécution ordonné la mainlevée.

Dès lors, le jugement exécutoire ayant été signifié le 23 octobre 2018, la demande en liquidation de l'astreinte, qui ne peut faire l'objet d'un sursis à exécution, est recevable.

Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, l'astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient en tout ou partie d'une cause étrangère laquelle s'étend à tous les cas dans lesquels le débiteur s'est trouvé dans l'impossibilité juridique ou matérielle de se conformer à l'injonction du juge.

La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

Il appartient par ailleurs au débiteur de l'obligation de démontrer qu'il a exécuté l'obligation mise à sa charge.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Aéroports de Paris n'a pas exécuté l'injonction du juge, lequel a ensuite rejeté la demande de l'appelante relative à son droit de rétention.

À l'appui de sa demande de minoration de la liquidation de l'astreinte, l'appelante se borne à soutenir que sa mauvaise foi n'est pas établie.

Cependant, les circonstances rappelées plus haut ayant conduit la cour à confirmer le prononcé de l'astreinte et le quantum de celle-ci, la conduisent, dès lors que la société Aéroports de Paris ne fait état ni d'une difficulté d'exécution ni d'une cause étrangère, à liquider l'astreinte à la somme de (50 000 euros x 21 jours=) 1 100 000 euros.

Sur l'exercice par la société Aéroports de Paris d'un droit de rétention :

Devant le juge de l'exécution, la société Aéroports de Paris avait conclu à ce que celui-ci dise qu'elle était fondée à opposer au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] et à la société ACG, qui se prétend propriétaire, le droit de rétention dont elle est titulaire en vertu de l'article 2286 du code civil, lequel a été mis en 'uvre à l'occasion du fait juridique que constitue la saisie, et qu'il dise que la créance opposable au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] s'élève à la somme de 475 155,83 euros.

Pour rejeter ces demandes, le premier juge a relevé, en substance, que la société Aéroports de Paris sollicitait la reconnaissance de l'exercice de son droit de rétention sur l'aéronef, que cette demande reconventionnelle, portant sur le fond du droit, ne saurait s'analyser en une contestation relative à la mise en 'uvre de la saisie conservatoire, la mainlevée de celle-ci ayant été précédemment ordonnée, qu'en conséquence, il n'entrait pas dans ses pouvoirs de statuer sur la demande.

À l'appui de son chef de demande tendant à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté a demande relative à l'exercice d'un droit de rétention sur l'aéronef, la société Aéroports de Paris soutient qu'il s'agit d'une défense au fond, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, notamment sur la demande de dommages-intérêts formée par la société ACG, et non d'une demande reconventionnelle de sorte qu'elle entrait dans les pouvoirs du juge de l'exécution par application de l'article 49 du même code. Elle ajoute que le dispositif de ses écritures de première instance tendant à voir «' dire et juger qu'elle est fondée à opposer au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] et à la société ACG, qui se prétend propriétaire, le droit de rétention dont elle est titulaire en vertu de l'article 2286 du code civil, lequel a été mis en 'uvre à l'occasion du fait juridique que constitue la saisie, dire et juger que la créance opposable au propriétaire de l'aéronef immatriculé [Immatriculation 1] s'élève à 475 155,83 euros » matérialisait une défense au fond.

L'intimée s'approprie les motifs du premier juge.

La cour relève que le dispositif des écritures de l'appelante n'était proposé qu'à titre subsidiaire, au cas où la mainlevée de la saisie aurait été ordonnée, de sorte qu'il ne constituait pas une défense au fond à cette demande et que c'est à bon droit que le premier juge ne l'a pas analysée ainsi dès lors que la mainlevée de la saisie était ordonnée.

La société Aéroports de Paris ajoute qu'en ordonnant la mainlevée de la mesure, le juge de l'exécution n'avait pas épuisé sa saisine, puisqu'il avait à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive présentée par la société ACG, pour laquelle la prétention de la défenderesse relative au droit de rétention constituait une défense au fond, notamment en ce qui concerne l'appréciation du préjudice de la société ACG, lequel serait inexistant si l'exercice du droit de rétention était reconnu.

Cependant, ainsi qu'il a été dit plus haut, les chefs du dispositif relatifs à l'existence d'un gage, à supposer qu'il s'agisse d'une prétention au regard de l'article 4 du code de procédure civile, n'ont été formés également qu' à titre subsidiaire, en cas de mainlevée de la saisie, de sorte qu'ils ne peuvent pas plus être analysés comme une défense au fond à la demande de dommages-intérêts qu'à celle tendant à la mainlevée de la saisie.

Sur les dommages-intérêts pour saisie abusive':

La société Aéroports de Paris demande l'infirmation du chef du jugement l'ayant condamnée à des dommages-intérêts pour saisie abusive au motif que le préjudice de l'immobilisation ne résulte pas tant de la saisie conservatoire que de l'exercice du droit de rétention, que l'impossibilité de procéder à la maintenance résulte non pas de l'immobilisation mais de l'indisponibilité de la société Nayak pour effectuer les travaux d'entretien et des données nécessaires pour procéder à cet entretien.

La société ACG conclut à la confirmation, ajoutant que l'équipe mandatée pour l'entretien et la maintenance n'a pu accéder à l'aéronef.

Pour condamner la société Aéroports de Paris à verser à la société ACG la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive, le premier juge a relevé que la société Aéroports de Paris avait été informée, par la société ACG, préalablement au soutien de sa requête aux fins de saisie conservatoire, de la résiliation du contrat d'exploitation de l'aéronef saisi, qu'elle avait choisi de taire cette information et de tromper le juge de l'exécution, que cette attitude était révélatrice d'une intention maligne, que cette saisie abusive avait contraint la direction de la société ACG à consacrer du temps et de l'énergie au traitement de la procédure contentieuse au détriment de ses autres tâches de gestion et de développement de son activité, ce qui lui a causé un préjudice financier et des dépenses supplémentaires d'honoraires auprès de conseils en droits étrangers, qu'elle a subi, par ailleurs, un préjudice matériel résultant de l'impossibilité pour elle de faire procéder à l'entretien et la maintenance de l'appareil saisi.

L'appelante ne justifie en cause d'appel d'aucun moyen ni élément nouveau de nature à remettre en cause la solution retenue par le premier juge par des motifs justement tirés des faits de la cause et des textes applicables, et que la cour adopte, étant encore relevé l'existence d'un préjudice matériel résultant de l'impossibilité de louer l'aéronef en raison de son immobilisation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'intimée, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande en liquation de l'astreinte ;

Liquide l'astreinte prononcée par le jugement attaqué à la somme de 1 100 000 euros pour la période du 24 octobre au 13 novembre 2018 ;

Condamne la société Aéroports de Paris à payer à la société Aviation Capital Group LLC, en sa qualité de bénéficiaire du trust, la somme de 1 100 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, celle 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/22551
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°18/22551 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;18.22551 ?
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