Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22423 (jonction avec le numéro RG 17/23241) - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TGC
Décision déférée à la cour : jugement du 03 novembre 2017 - juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 17/82615
APPELANTS
Sas LMBO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 421 444 464 00059
[Adresse 1]
[Localité 1]
M. [M] [K]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2] ([Localité 2])
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentés par Me Olivier Baulac de la Scp Cabinet Baulac & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0207
INTIMÉES
Madame [D] [E] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 3]
[Localité 4])
Madame [Z] [E]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 4]
[Localité 5] (Belgique)
Madame [G] [B] [E]
née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 5]
[Localité 6])
Madame [P] [S] [E]
née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 6]
[Localité 6])
Madame [O] [E]
née le [Date naissance 6] 1986 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 7]
[Localité 6])
Société Too'Gezer, anciennement dénommée Pamub, agissant poursuites et diligences de ses repérsentants légaux domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7])
représentées par Me Jeanne Baechlin de la Scp Jeanne Baechlin, avocat au barreau de Paris, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Me Edouard de Lamaze, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport
M. Gilles Malfre, conseiller
M. Bertrand Gouarin, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé
ARRÊT : - contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu la déclaration d'appel de la société LMBO en date du 7 décembre 2017 ;
Vu la déclaration d'appel de M. [K], en date du 18 décembre 2017 ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société LMBO et de M. [K], en date du 26 novembre 2018, tendant à voir la cour joindre les instances n° 17/22423 et 17/23241, infirmer le jugement du 3 novembre 2017, rétracter les ordonnances du 11 juillet 2017 et ordonner la mainlevée des saisies, condamner la société Too'Gezer et Mmes [A], [Z], [G], [Y] et [O] [E] à payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société de droit belge Too'Gezer et de Mmes [D], [Z], [G], [P] et [O] [E] (les consorts [E]), en date du 29 novembre 2018, tendant à voir la cour confirmer le jugement, débouter la société LMBO et M. [K] de leurs demandes et les condamner solidairement à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';
Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.
SUR CE :
Les consorts [E] exposent avoir investi plusieurs millions d'euros dans différentes entités financières de placement collectif gérées par la société de gestion LMBO, et principalement dans un fonds commun de placement à risque dénommé FCMR LMBO F1.
Selon les consorts [E], à partir de 2008, la société LMBO a procédé à plusieurs opérations de transfert de portefeuilles entre différentes entités qu'elle gérait. En particulier, la société LMBO a organisé la cession de l'intégralité du portefeuille de titres du FCPR LMBO F1 à une société LMBO Développement dont l'actionnaire majoritaire était M. [M] [K], alors également dirigeant de la société LMBO. Trois autres opérations de transferts de portefeuilles ont eu lieu par la suite.
Le tribunal de commerce de Paris, saisi, le 26 novembre 2013, d'une assignation des consorts [E], a, par jugement du 20 mai 2014, désigné M. [V] en qualité d'expert avec pour mission d'étudier les conditions des opérations de transferts de portefeuilles organisées par la société LMBO, de se prononcer sur les éventuels manquements de la société de gestion au cours de ces opérations et de déterminer le préjudice subi.
Les consorts [E] soutenant avoir découvert, le 28 avril 2017, lors du dépôt du rapport d'expertise, plusieurs faits alarmants relatifs à la solvabilité de la société LMBO ainsi que de son ancien dirigeant, M. [M] [K], ont sollicité du juge de l'exécution qu'il les autorise à pratiquer des mesures conservatoires sur leurs biens, afin de garantir l'indemnisation de leur préjudice à hauteur de 4,7 millions d' euros. Le juge de l'exécution a fait droit à ces demandes, par six ordonnances rendues le 11 juillet 2017.
Le 4 août 2017, la société LMBO et M. [K] ont fait assigner la société Too'Gezer et Mmes [A], [Z], [G], [Y] et [O] [E] devant le juge de 1'exécution du tribunal de grande instance de Paris afin de voir rétracter les ordonnances rendues le 11 juillet 2017 (n° RG 17-1477 à 17-1482) ayant autorisé à la requête des défendeurs plusieurs saisies conservatoires de créances.
Par jugement du 3 novembre 2017, le juge de l'exécution a rejeté les demandes de la société LMBO et de M. [K].
C'est la décision attaquée le 7 décembre 2017 par la société LMBO et le 18 décembre 2017 par M. [K].
En raison de leur connexité, il convient de joindre les instances N° 17/22423 et 17/23241.
Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter l'autorisation du juge de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
À cet égard, une apparence de créance est suffisante pour justifier une mesure conservatoire sans qu'il soit exigé que la créance soit certaine, ni même non sérieusement contestable, et exigible.
La cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, à laquelle est déférée une décision refusant d'ordonner la mainlevée d'une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure : elle examine au jour où elle statue, d'une part, l'apparence du principe de créance - et non la certitude, la liquidité, l'exigibilité ou le montant de la créance - et évalue, d'autre part, la menace qui pèse sur le recouvrement, le créancier ayant la charge de rapporter la preuve que ces deux conditions sont réunies.
Sur l'apparence du principe de créance :
Les appelants relèvent qu'il ressort du rapport d'expertise que le soi-disant préjudice éventuel subi par la famille [E] peut être apprécié différemment, selon que l'échec d'une opération de vente d'actifs à la société [M] Capital est la conséquence d'une faute de la société LMBO ou au contraire que cet échec ne constitue pas une faute de la société LMBO, que les consorts [E] au travers des fonds ne détenaient d'ailleurs que 10% des actifs à vendre, que la société LMBO a agi dans le cadre de son mandat de gestion, qu'il s'agit tout au plus d'une perte de chance.
Ils ajoutent que l'expert a examiné deux hypothèses, dans l'échec de la «'transaction [M]'» dont l'une seule serait fautive, évaluant alors le préjudice des consorts [E] à la somme de 4 473 000 à 4 731 000 euros, la seconde, en l'absence de faute de la société LMBO, aboutissant à évaluer le préjudice à une somme entre 0 et 83 000 euros, qu' il s'agit donc bien d'un choix de gestion et non pas d'un comportement fautif.
Les appelants font également valoir que la créance se heurte à la prescription, la faute de la société de gestion et de son dirigeant se prescrivant par 3 ans, alors que la famille a été informée le 29 octobre 2007, puis à nouveau, le 15 mars 2008, du retrait de l'offre de [M], en date du 27 juillet 2007,qu'aucune dissimulation, ni volonté de dissimulation de l'échec de l'opération [M] par la société LMBO ou M. [K] ne sont caractérisées, de sorte que le principe de créance n'est pas établi.
Cependant, ainsi que le soutiennent les intimées et que l'a relevé le premier juge, le recours à une mesure conservatoire est possible pour une créance d'origine délictuelle dont le principe et l'étendue n'ont pas encore été constatés par une décision juridictionnelle, dès lors que l'apparence de créance, laquelle peut être contestée, n'est pas affectée d'une trop grande indétermination.
En l'espèce, sous réserve de l'appréciation du juge du fond, l'expertise, ainsi que le relèvent les intimées, a permis de révéler qu'en 2007, la société LMBO a reçu de la part de la société [M] une offre ferme de 9,3 millions d'euros pour le rachat du portefeuille du fonds LMBO F1, des parts A et B duquel les intimées détenaient 77,15 %, qu'une des hypothèses retenues par l'expert, à la suite de la communication de documents au cours de l'expertise, est que cette opération a échoué en raison du comportement de la société LMBO et de M. [K], que ce portefeuille sera finalement cédé deux ans plus tard pour un prix de 2,3 millions d'euros à des conditions bien moins avantageuses pour les porteurs de parts de LMBO F1, ce qui permet de caractériser l'apparence d'une créance indemnitaire des intimées à hauteur, environ, de 4, 5 millions d'euros, dont elles n'ont eu connaissance que par les conclusions de l'expertise.
Sur les menaces pesant sur le recouvrement :
Les appelantes soutiennent que l'absence de patrimoine de la société LMBO n'est certainement pas un motif pour prétendre que le recouvrement de la soi-disant créance des consorts [E] serait en péril dès lors que la société LMBO est une société de gestion et qu'elle n'a jamais eu pour finalité de détenir un quelconque patrimoine mais de gérer celui des fonds d'investissement.
Cette seule affirmation de la société LMBO, qui admet ne pas avoir de patrimoine permettant de répondre de l'éventuelle créance des consorts [E], établit la menace pesant sur le recouvrement de celle-ci.
En ce qui concerne M. [K], les consorts [E] se bornent à affirmer que M. [K] ne détient pas directement de patrimoine immobilier mais par l'intermédiaire de diverses sociétés qu'il contrôle. Ces affirmations, au demeurant non contredites, sont insuffisantes à démontrer la menace pesant sur le recouvrement de la créance à l'égard de M. [K] alors même que les intimées, sur lesquelles repose la charge de la preuve de cette menace, admettent qu'il détient un important patrimoine par le biais de ces sociétés.
Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
La société LMBO qui succombe principalement doit être condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties à l'instance.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des instances N ° 17/22423 et 17/23241 ;
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a refusé de rétracter les ordonnances du 11 juillet 2017 (N° RG 17/1477 à 17/14482) en ce qu'elles autorisent les appelantes à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. [M] [K] ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Rétracte les ordonnances du 11 juillet 2017 (N° RG 17/1477 à 17/14482) en ce qu'elles autorisent les appelantes à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. [M] [K] en ce qu'elles autorisent les appelantes à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. [M] [K] ;
Ordonne la mainlevée des saisies prises en vertu de ses ordonnances ;
Condamne la société LMBO aux dépens ;
Rejette toute autre demande ;
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE