Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 6
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/00088 - N° Portalis 35L7-V-B67-BVS4D
Décision déférée à la Cour : Décision du 09 Janvier 2015 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/254615
APPELANTE
Madame [A] [R] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric TALMON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0990
INTIMÉE
Maître [B] [Q] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Claude HERVÉ, Conseillère
Mme Marie-José DURAND, Conseillère
M. Jacques BICHARD, Magistrat honoraire, exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Jacques BICHARD, Magistrat Honoraire, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats et de la mise à disposition : Mme Sarah-Lisa GILBERT
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Claude HERVÉ, Conseillère et par Mme Sarah-Lisa GILBERT, greffière présente lors de la mise à disposition.
******
Vu le recours formé par Mme [A] [R] [H] auprès du Premier Président de cette cour, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 28 janvier à l'encontre de la décision rendue le 9 janvier 2015 par le délégué du bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris à l'occasion de la contestation d'honoraires l'opposant à Mme [B] [Q] [C], avocate, qui a :
- rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme [A] [R] [H],
- rejeté la demande de restitution de la somme de 537 560, 71 euros TTC présentée par Mme [A] [R] [H],
- rejeté la demande reconventionnelle formée par Mme [B] [Q] [C],
- fixé à la somme de 516 768, 79 euros TTC le montant total des honoraires perçus par Mme [B] [Q] [C],
- constaté le règlement de la somme de 548 912, 39 euros TTC,
- dit en conséquence que Mme [B] [Q] [C] devra reverser à Mme [A] [R] [H] les sommes de 18 346, 64 euros TTC et de 13 765, 96 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier,
- rejeté toute autre demande.
Entendues à l'audience du 27 septembre 2018 les parties en leurs observations en tous points conformes à leurs écritures :
* Mme [A] [R] [H] qui demande à la cour :
- d'infirmer la décision déférée,
- d'annuler les conventions conclues les 11 mai 2012 et 15 octobre 2013 et à défaut de dire que les obligations résultant de la première convention ont été éteintes par novation et en tout état de cause dire qu'il n'y a pas eu de paiement librement consentie après service rendu et à défaut que les honoraires correspondent à des prestations manifestement inutiles,
- réduire le montant des honoraires dus à la somme de 60 000 euros TTC et ordonner la restitution de la somme de 554 096, 86 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2014 et application de l'article 1343-2 du code civil,
- à titre subsidiaire d'ordonner une mesure d'expertise pour déterminer son état mental dans le cadre des relations l'unissant à l'avocate,
- en tout état de cause condamner Mme [B] [Q] [C] à lui verser une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
* Mme [B] [Q] [C] qui demande à la cour :
- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution de la somme de 537 560, 71 euros TTC présentée par Mme [A] [R] [H],
- d'infirmer la décision déférée concernant la restitution de la somme de 18 346, 64 euros TTC,
- de lui accorder les sommes de 537 560, 71 euros + 18 346, 64 euros,
- de débouter Mme [A] [R] [H] de ses demandes et de la condamner à lui verser une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
Mme [A] [R] [H] a pris contact au mois de mai 2012 avec Mme [B] [Q] [C], avocate spécialisée dans le droit des successions, à l'occasion de litiges tant d'ordre civil, pénal que fiscal, concernant d'une part la succession de son défunt époux, [T] [H], que de sa grande tante décédée, [M] [H].
Les parties ont signé le 11 mai 2012 deux conventions prévoyant un honoraire au temps passé calculé sur la base d'un taux horaire de 400 euros HT pour Mme [B] [Q] [C] et de 230 euros HT pour ses collaborateurs, avec mission pour l'avocate d'engager sur le plan juridique, judiciaire ou transactionnel les suites et conséquences en matière civile, pénale et fiscale de la succession de chacun desdits défunts.
Par deux actes du même jour, Mme [A] [R] [H] a expressément mandaté l'avocate.
Le 15 octobre 2013 les parties ont signé une nouvelle convention, remplaçant les deux premières avec mission pour l'avocate d'assurer la suite et les conséquences des procédures engagées moyennant le règlement de la somme forfaitaire mensuelle de 12 500 euros HT pendant 6 mois avant que les honoraires ne soient fixés en fonction des résultats intervenus et des diligences effectuées par une nouvelle convention.
Mme [A] [R] [H] remet en cause la validité de ces conventions au motif qu'elle se trouvait dans un état de faiblesse caractérisée qui aurait altéré son consentement lors de la signature de celles-ci.
Cependant la démonstration de cet état ne peut résulter des déclarations émanant de M. [K] [H] et de M. [P] [H], fils de la requérante, qui ne possèdent aucune compétence particulière dans le domaine de la psychiatrie et qui de surcroît n'attestent nullement de la supposée vulnérabilité de leur mère au jour de la signature des conventions litigieuses, particulièrement celles de 2012, mais rapportent seulement avoir été alertés par le banquier de celle-ci en raison des sommes importantes qu'elle payait à son avocate et de ce qu'elle leur aurait paru désemparée.
N'est guère davantage probant le certificat délivré le 12 janvier 2015 par le docteur [L], médecin psychiatre qui déclare avoir suivi Mme [A] [R] [H] pour troubles psychiatriques sévères depuis son hospitalisation en septembre 2014, soit très largement postérieurement à la date de signature des conventions d'honoraires en cause.
Mme [A] [R] [H] ne rapporte ainsi pas la preuve de l'altération de son consentement et sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité.
Par ailleurs en l'état, les documents sus visés s'avèrent tout aussi insuffisants pour justifier le recours à une mesure d'expertise qu'elle sollicite à titre subsidiaire et qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner.
Dans un second temps Mme [A] [R] [H] fait valoir que les obligations résultant des conventions signées le 11 mai 2012 auraient été éteintes par novation par l'effet de la convention du 15 octobre 2013.
Dans ce document il est mentionné à titre préliminaire que ' Les deux conventions d'honoraires respectivement en date du 11 mai 2012 liant les parties ont valablement été exécutées, il en est donné quitus plein et entier, par les parties d'un commun accord .(.............)
A compter du 1er novembre 2013, sera réglé mensuellement, à titre d'honoraires forfaitaires, au Cabinet de Maître [Q] [C], la somme de 12 500 euros HT, le 15 de chaque mois, pour une période de 6 mois.
Le premier règlement interviendra le 15 novembre 2013, le dernier le 15 mai 2013.
A l'expiration de cette période les parties se rapprocheront pour adapter une nouvelle convention d'honoraires en fonction de l'évolution des litiges .(..........) '.
Il résulte donc des termes clairs et précis de cette nouvelle convention et alors qu'il vient d'être constaté que Mme [A] [R] [H] ne démontrait pas que son consentement ait été altéré que les parties ont entendu substituer aux deux conventions du 11 mai 2012 pour lesquelles il était donné quitus à l'avocat, une nouvelle convention ayant vocation à régler leurs relations professionnelles à compter du 1er novembre 2013, qui a été mise en application et qui a donné lieu à des paiements réguliers, à l'exception de la dernière facture, de la part de la cliente qui a alors décidé en février 2014 de mettre fin à la mission de son conseil.
Les rapports des parties qui se sont poursuivis ont été régis par de nouvelles dispositions contractuelles à compter du 1er novembre 2013 et c'est donc à tort que Mme [A] [R] [H] fait état d'une novation opérée par la convention du 15 octobre 2013.
En exécution des deux conventions du 11 mai 2012 Mme [B] [Q] [C] a établi à intervalle régulier des factures détaillées qui mentionnent la période de facturation considérée, les prestations accomplies, le temps nécessaires à leur réalisation et le nombre d'heures facturées d'une part par Maître [Q] [C], d'autre part par ses collaborateurs, ainsi que les taux horaires appliqués par chacun d'eux.
A la réception de ces documents Mme [A] [R] [H] s'est acquittée spontanément sans protestation ni réserve des honoraires réclamés et par la convention du 15 octobre 2013 en a donné quitus plein et entier à l'avocate.
Elle a ainsi rempli son obligation de paiement, pleinement informée et en toute connaissance de cause.
Elle n'est en conséquence plus fondée, alors qu'elle a disposé de factures précises qui excluent tout risque de confusion ou de double facturation (à l'exception des factures 888/12 et 879/1306 reconnues par l'avocate), à remettre en cause les honoraires versés, étant par ailleurs observé qu'eu égard à la spécialisation de Mme [B] [Q] [C], son ancienneté dans la profession d'avocat et sa notoriété, les taux horaires pratiqués n'apparaissent en rien exagérés.
De surcroît il importe de rappeler que l'avocate a traité sept dossiers distincts concernant de nombreuses procédures complexes mettant en cause de multiples intervenants et portant sur des enjeux financiers importants, ayant nécessité des recherches approfondies et plusieurs déplacements en province et justifiant le nombre d'heures facturées telles que l'attestent également les multiples correspondances et mails échangés, les écritures diverses et volumineuses prises par l'avocate au nom de sa cliente, les analyses et compte-rendus qu'elle a établis pour le compte de celle-ci qui n'a jamais émis la moindre critique quant à l'effectivité, la qualité ou l'utilité du travail accompli.
Et par ailleurs, alors même que de façon générale la mission qui lui était confiée aux termes des conventions des 11 mai 2012 englobait l'aspect fiscal des litiges à traiter, Mme [B] [Q] [C] est directement intervenue dans un dossier de rehaussement fiscal d'ISF au titre des années 2009 et 2010 quant bien même au départ elle n'était chargée que de la seule question de la responsabilité encourue par les sociétés financières en relation d'affaires avec Mme [A] [R] [H].
En effet Mme [B] [Q] [C] s'est vue remettre par les divers avocats fiscalistes de sa cliente et sans opposition de celle-ci des dossiers fiscaux (pièces 62, 63 et 64) et a rédigé après avoir pris connaissance de ces documents une consultation d'ordre strictement fiscal adressée à Mme [A] [R] [H] qui n'a alors nullement protesté contre ce qu'elle présente désormais comme un dépassement de mission.
Les documents produits aux débats démontrent que l'avocate a poursuivi son intervention en s'adressant directement aux services fiscaux (pièces 70/71) et en délivrant ses analyses de la situation fiscale (pièces 74, 77, 78 et 79) à sa cliente qui non seulement n'a pas remis en cause son action mais a, au contraire, établi le 8 mars 2013 un document général aux termes duquel elle lui ' donne les coudées franches pour poursuivre toutes les actions engagées à ce jour ', démontrant ainsi son entière satisfaction du travail accompli.
Dans ces circonstances il doit être considéré que Mme [B] [Q] [C] qui a réalisé un travail important dont l'utilité n'est pas sérieusement contestable a bénéficié d'un mandat tacite de la part de sa cliente qui a réglé sans protestation ni réserve la facture du 18 février 2013 d'un montant de 18 346, 64 euros TTC laquelle, à l'instar des autres factures, détaille les prestations réalisées, le temps consacré à cette fin et le tarif horaire appliqué par Mme [B] [Q] [C] et ses collaborateurs.
S'agissant des honoraires facturés sur la base de la convention d'honoraires du 15 octobre 2013, les mensualités prévues ont donné lieu à quatre versements d'un montant de 14 950 euros TTC pour trois d'entre elles et de 14 900 euros TTC pour la quatrième avant que Mme [B] [Q] ne soit dessaisie le 14 février 2014.
Pour autant les seules prestations dont il soit justifié consistent en des conclusions responsives dans chacun des dossiers [J] et [Y] et un jeu de conclusions d'incident dans le dossier [K].
En l'état de ces constatations il convient donc de réduire les honoraires dus et de les fixer à la somme de 14 000 euros TTC.
En conséquence et alors qu'il n'est pas démontré que Mme [B] [Q] [C] aurait perçu une somme supérieure à 548 912, 39 euros TTC les honoraires lui revenant seront ainsi fixés à la somme de 489 396, 43 euros TTC (548 912, 39 euros TTC -13 765, 96 euros TTC - 45 750 euros TTC).
Mme [B] [Q] [C] doit en conséquence reverser à Mme [A] [R] [H] la somme de 59 515, 96 euros TTC selon les modalités fixées au dispositif de cette décision.
La solution du litige eu égard à l'équité ne commande pas d'accueillir les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a :
- rejeté l'exception de nullité des conventions d'honoraires des 11 mai 2012 et 15 octobre 2013 soulevée par Mme [A] [R] [H],
- constaté le règlement de la somme de 548 912, 39 euros TTC,
-débouté les parties du surplus de leur demande,
L'infirme dans cette limite,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 489 396, 43 euros TTC les honoraires dus par Mme [A] [R] [H] à Mme [B] [Q] [C],
Dit que Mme [B] [Q] [C] doit restituer à Mme [A] [R] [H] la somme de 59 515, 96 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision avec application de l'article 1343-2 du code civil dans les conditions prévues par ce texte,
Déboute les parties de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de Mme [A] [R] [H].
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE