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18/12/2018 | FRANCE | N°16/13102

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 18 décembre 2018, 16/13102


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 18 Décembre 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/13102 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZZT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F14/15852





APPELANTE

Madame [K] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie MI

CAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1235







INTIMÉE

SARL LA MOUSTACHE [Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 483 741 393 00027

représentée par Me Sabine GUEROULT, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 18 Décembre 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/13102 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZZT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F14/15852

APPELANTE

Madame [K] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1235

INTIMÉE

SARL LA MOUSTACHE [Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 483 741 393 00027

représentée par Me Sabine GUEROULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1491

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BEZIO, président

Madame Nadège BOSSARD, conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller

Greffier : Mme Géraldine BERENGUER, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé pour le président empêché par Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement prononcé le 14 avril 2016 par la formation paritaire de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Paris qui a débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions et laissé les dépens à la charge d'[K] [Y] ;

Vu la déclaration d'appel total interjeté par l'avocat d'[K] [Y] par voie électronique le 13 octobre 2016, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification intervenue le 23 septembre 2016 ;

Vu l'ordonnance du 30 janvier 2017 de fixation, de calendrier et de clôture au 1er février 2018, sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 09 janvier 2017 par voie électronique, par lesquelles [K] [Y] requiert la cour d'infirmer le jugement du 14 avril 2016 et, statuant à nouveau, de:

- à titre principal, dire que le licenciement pour motif économique ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner la S.A.R.L. La Moustache à payer la somme de 48000 euros de dommages et intérêts ;

- à titre subsidiaire, dire que la S.A.R.L. La Moustache n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciements et, en conséquence, condamner cette société au paiement de la somme de 48000 euros de dommages et intérêts ;

- en tout état de cause,

* condamner la S.A.R.L. La Moustache au paiement de la somme de 10000 euros de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de ses obligations au titre du contrat de sécurisation professionnelle, ainsi que la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* assortir les condamnations des intérêts avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;

VU les conclusions signifiées le 02 mai 2017 par voie électronique, par lesquelles la S.A.R.L. La Moustache sollicite la confirmation du jugement du 14 avril 2016, le rejet des prétentions d'[K] [Y], ainsi que la condamnation de celle-ci au paiement de somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

VU le procès-verbal de l'audience du 20 mars 2018 en formation de conseiller rapporteur, les deux parties représentées ;

VU les autres pièces de la procédure et celles produites par les parties ;

VU les articles L.1233-1 et suivants, L.1233-65 et suivants, L.1234-1 et suivants, L.1235-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 1343-2 nouveau du code civil ;

Considérant que, selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, la S.A.R.L. La Moustache a engagé [K] [Y] en qualité d'assistante de production, moyennant un salaire mensuel forfaitaire de 1801,40 euros brut ;

Qu'en dernier lieu, la salariée a perçu un salaire de base de 3000 euros brut par mois et s'est occupée de l'organisation de prises de vue photographiques pour des sociétés de production, des agences de publicité et des agences de photographes ;

Considérant que, le 07 janvier 2014, la S.A.R.L. La Moustache a convoqué [K] [Y] à un entretien préalable au licenciement le 17 janvier 2014 ;

Qu'au cours de cet entretien, la salariée s'est vue proposer un contrat de sécurisation professionnelle («CSP'') et remettre une note d'information relative au contexte économique dans lequel cette proposition intervient ;

Que le 28 janvier 2014, la S.A.R.L. La Moustache a notifié à [K] [Y] son licenciement pour motif économique :

" (...) le fort ralentissement économique a conduit nombre d'entreprises à très fortement réduire leurs dépenses notamment en matière de communication, ce qui se répercute directement sur l'activité de la société La Moustache.

Cette tendance, perceptible dès la 'n de l'année 2011, s'est accélérée en 2012 et persiste en 2013.

Ainsi, le chiffre d'affaires de 2011 qui était de 1.188.358 euros a chuté à 855.733 euros en 2012, soit une baisse de 28%, notamment du fait de la perte de deux clients majeurs de la société. Il s'estencore réduit en 2013 pour n'atteindre que 748.525 euros, soit une baisse supplémentaire de 12,5 %.

Et le résultat net qui était encore positif en 2012 devient négatif en 2013.

Parallèlement à la baisse du chiffre d'affaires, la trésorerie de la société se dégrade, les délais de paiement des clients n'ayant de cesse de s'allonger.

Ainsi, les difficultés économiques qui touchent la société La Moustache sont aujourd'hui trèspréoccupantes, et ce, à plus forte raison que les périodes sans activité sont désormais de plus en plus fréquentes et longues.(...)

Parallèlement, un certain nombre de mesures ont été prises afin de réduire nos charges.

Ainsi, à titre d'exemples, j'ai tout d'abord fortement réduit ma rémunération personnelle ainsi que les versements auxquels je procédais pour le financement d'avantages complémentaires de prévoyance ; les dépenses de fourniture et entretien ont été réduites au strict minimum et ont ainsi diminuées de plus de la moitié par rapport à celles de 2011.

Toutefois, il est nécessaire de prendre d'autres mesures.

Compte-tenu de ces difficultés et afin de sauvegarder la compétitivité de la société sur le marché et d'assurer sa pérennité, il est indispensable de procéder à des réductions de charges supplémentaires ce qui, compte tenu de la structure de coûts de la société, me contraint à supprimer le poste de chargée de production que vous occupez.

J'ai recherché toutes les possibilités de reclassement ; cependant aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée.

Le 17 janvier dernier, lors de l'entretien préalable pour lequel vous étiez assistée, je vous ai remis la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu'une lettre vous exposant le contexte dans lequel j'étais amené à vous proposer ce contrat.(...) « ;

Considérant que, le 07 février 2014, [K] [Y] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle ;

Que, par courrier du 16 mai 2014, Pôle Emploi a informé [K] [Y] que manquaient à son dossier d'adhésion au contrat tant la demande d'allocation CSP que la copie de sa pièce d'identité, la copie de la carte vitale et un relevé d'identité bancaire ;

Que l'indemnisation par Pôle Emploi n'a été versée qu'à compter du 23 juin 2014 ;

Que, par courrier posté le 11 décembre 2014, [K] [Y] a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une contestation de son licenciement ;

1°/ Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique :

Considérant que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Considérant qu'en l'espèce, le chiffre d'affaires de la société a subi une baisse importante passant de 1188358 euros pour l'année 2011 à 855733 euros pour l'année 2012, puis à 748525 euros pour l'année 2013, soit une diminution de 37% en deux ans ;

Que le résultat est devenu légèrement négatif (-5959 euros) en 2013 ;

Que les difficultés économiques sont donc incontestables pendant la période considérée, ce qui a contraint le dirigeant social à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme au déclin de sa société, dans un secteur globalement en difficulté du fait de la baisse des dépenses de communication des entreprises ;

Considérant qu'[X] [J], autre salarié de l'entreprise, a été embauché par contrat à durée déterminée pour une durée de dix mois à compter du 1er octobre 2013, en tant qu'assistant chargé d'aider à la refonte du site internet, de développer et assurer le suivi et la présence de la société dans de nouveaux médias, ainsi que de mettre en oeuvre toute action permettant le développement commercial de celle-ci ;

Qu'il a ainsi occupé des fonctions distinctes de celles d'[K] [Y], chargée de l'organisation de prises de vue photographiques ;

Que les extraits des sites Viadeo et Linkedin sur lesquels [X] [J] s'est présenté depuis le mois de mars 2011 comme assistant de production photographique pour la S.A.R.L. La Moustache ne suffisent pas à démontrer que les fonctions décrites dans son contrat de travail du 03 octobre 2013 auraient été fictives ;

Que le dirigeant social déclare, sans que la preuve contraire soit apportée, avoir repris l'ensemble des tâches d'[K] [Y] ;

Que, par ailleurs, [X] [J] travaillait déjà auparavant et, selon l'appelante, à plein temps, pour la S.A.R.L. La Moustache, en tant que partenaire extérieur avec le statut d'auto-entrepreneur ;

Que le recrutement d'[X] [J] en octobre 2013 n'était donc pas une dépense nouvelle et n'apporte pas la preuve d'une bonne santé financière de la société ;

Que ce recrutement démontre au contraire la volonté de l'employeur d'enrayer, au moyen d'une présence accrue dans les réseaux sociaux, la baisse de son chiffre d'affaires ;

Considérant que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut pas être opéré ;

Qu'il en résulte, à la charge de l'employeur, une obligation de moyen renforcée de reclassement ;

Que les efforts de l'employeur en ce sens - qui impliquent une recherche individualisée, effective et sérieuse - s'apprécient en tenant compte de la taille de l'entreprise et de la structure des emplois ;

Considérant qu'en l'espèce, eu égard au très faible nombre de salariés et des difficultés économiques de l'entreprise, étant précisé qu'il n'est pas soutenu que celle-ci appartenait à un groupe, c'est à juste titre que l'employeur réplique qu'il n'existait aucun emploi disponible au sein de la société, équivalent, différent mais accessible avec une formation, ou moins qualifié ;

Considérant qu'en conséquence, les premiers juges doivent être confirmés, en ce qu'ils ont rejeté la demande tendant à ce que le licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que la demande subséquente en dommages et intérêts ;

2°/ Sur l'ordre de licenciements :

Considérant qu'il n'y avait pas lieu à appliquer un ordre de licenciements, dès lors qu'[K] [Y] était seule dans sa catégorie d'emplois ;

Que la demande en dommages et intérêts à ce titre est donc rejetée ;

3°/ Sur la violation par l'employeur de ses obligations au titre du contrat de sécurisation professionnelle :

Considérant qu'[K] [Y] a subi un retard dans le traitement de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, comme le montrent un courrier du 06 mai 2014 de Pôle Emploi (« je suis au regret de vous informer que votre agence Pôle Emploi de rattachement n'est pas en possession de votre dossier ») et un courrier de ce même organisme du 16 mai 2014 (dossier incomplet en raison de l'absence de la demande d'allocation CSP, ainsi que de la copie de la pièce d'identité, de la copie de la carte Vitale et d'un relevé d'identité bancaire) ;

Considérant que la demande d'allocations CSP devait être remplie par la salariée, puis remise par celle-ci à l'employeur avec les pièces jointes, puis transmise par l'employeur à Pôle Emploi ;

Que la salariée ' qui présente la demande en dommages et intérêts ' ne justifie pas que c'est bien la S.A.R.L. La Moustache qui a été négligente ;

Qu'au demeurant, au moins une partie du dossier, à savoir le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, a bien été reçue par Pôle Emploi dès le 31 mars 2014, ce qui laisse douter d'une réelle carence de l'employeur ;

Considérant que, faute de preuve, la demande en dommages et intérêts doit donc être

rejetée ;

4°/ Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant que les parties sont déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'[K] [Y] est condamnée aux dépens d'appel, de même que les dépens de première instance ont été laissés à sa charge par le conseil de prud'hommes ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME en toutes ses dispositions la décision prononcée le 14 avril 2016 par la formation paritaire de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Paris ;

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [K] [Y] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/13102
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/13102 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;16.13102 ?
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