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30/11/2018 | FRANCE | N°16/01171

France | France, Cour d'appel de Paris, 30 novembre 2018, 16/01171


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 1


ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2018


(no , pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 16/01171 - No Portalis 35L7-V-B7A-BX3WN


Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 13/01199




APPELANTES


Mme K... Y... Veuve Z...
demeurant [...]


Mme I... Z... Née J...<

br>demeurant [...]


Représentées toutes deux par Me Frédérique A..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant, Me Philippe B..., avocat au barrea...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2018

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 16/01171 - No Portalis 35L7-V-B7A-BX3WN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 13/01199

APPELANTES

Mme K... Y... Veuve Z...
demeurant [...]

Mme I... Z... Née J...
demeurant [...]

Représentées toutes deux par Me Frédérique A..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant, Me Philippe B..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMES

M. José C...
Et
Mme Jeannette D... épouse C...

demeurant [...]

Représentés et Assistés de Me Christine E..., avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Claude CRETON, Président
Christine BARBEROT, Conseillère
Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Nadia TRIKI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Les époux C... sont propriétaires d'un moulin sis à [...] (77), cadastré section [...] et [...]. Mme K... Z... est propriétaire de la propriété contiguë, cadastrée [...] , qui est également bordée par la rivière du [...]. Par arrêt définitif du 14 janvier 2010, cette Cour a dit que Mme Z... est la propriétaire exclusive de l'escalier situé en contrebas de sa propriété et qui permet de gagner la rivière. La limite séparative des fonds a été établies à la suite d'un rapport d'expertise judiciaire établi par M. F... en date du 13 septembre 2001, et conformément à un plan figurant une ligne A, B, C. Mme Z... a entrepris des travaux de sécurisation de l'escalier par une rampe et pour empêcher l'accès à sa propriété en créant un mur de deux mètres cinquante, au delà du point C, entre le vannage et le pilier à l'angle de sa propriété, suivant déclaration préalable travaux du 27 juillet 2010.

Sur le recours des époux C..., le tribunal administratif a annulé l'autorisation tacite de ces travaux ayant résulté de la non opposition à la déclaration. S'estimant atteints dans leur droit à la vue sur le fonds Z... acquise par prescription et dont ils avaient joui, au travers d'une fenêtre du rez-de-chaussée de leur maison, les époux C... ont assigné Mme K... Z... en démolition du mur et en indemnisation de leur préjudice.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 17 décembre 2015, a :

- reçu Mme I... Z... en son intervention volontaire,
- reçu la demande reconventionnelle de Mme K... Z... en démolition du corridor construit par les époux C... entre les deux maisons,
- dit que la parcelle cadastrée [...] des époux C... bénéficie d'une servitude de vue acquise par prescription en direction du fonds de Mme K... Z... cadastré [...] ,
- ordonné la démolition sous astreinte du mur construit par Mme K... Z... sur la parcelle [...] en contravention du droit réel de servitude de vue au bénéfice de la parcelle [...] ,
- condamné Mmes Z... à payer aux époux C... une somme de 2 500 € en indemnisation de leur préjudice de jouissance,
- débouté Mmes Z... de leur demande en démolition du corridor construit par les époux C... sur leur parcelle [...] ,
- débouté Mmes Z... de leurs demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral et abus de droit,
- condamné Mmes Z... à payer aux époux C... 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions du 04 octobre 2018 les époux C... demandent à la Cour de :

- vu les articles 690 à 693 et 2261 du code civil ;
- vu les articles 678, 680 et 701 du même code ;
- vu l'article L 480-13 du code de l'urbanisme ;
- vu les articles 1240 et 1241 du code civil ;
- vu les articles 1351 du code civil et 122 du code de procédure civile ;
- déclarer Mmes Z... irrecevables et mal fondées en leurs demandes ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser que le mur doit être démoli en totalité et sauf en ce qu'il a limité à 2 500 € l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ;
- infirmer sur ce point le jugement entrepris et condamner in solidum Mmes Z... à leur payer une somme de 5 000 € au titre du préjudice de jouissance subi jusqu'à la date de ce jugement ;
- leur allouer une somme complémentaire de 3 000 € pour le préjudice de jouissance subi depuis le jugement entrepris, du fait de la démolition seulement partielle du mur litigieux ;
- condamner in solidum Mmes lamine à leur payer 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile , dépens en sus.

Par dernières conclusions du 06 mars 2018, Mmes Z... demandent à la Cour de :

- vu les articles 678, 679, 690, 691 et 2261 du code civil ;
- vu l'article L 480-13 du code de l'urbanisme ;
- vu les articles 544 et 1382 du code civil ;
- infirmer le jugement entrepris, évoquer les demandes nouvelles justifiées par des faits nouveaux et l'évolution du litige et statuer à nouveau ;
- débouter les époux C... de leurs demandes ;
- les condamner à leur rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire, outre les intérêts de droit à compter de leur paiement ;
- les condamner à leur payer 3 000 € pour le coût de reconstruction du mur ;
- leur allouer 4 000 € de dommages-intérêts, à se répartir par moitié entre les concluantes, au titre de leurs préjudices causés par la destruction du mur et du retard occasionné dans la jouissance de leur fonds ;
- leur allouer 5 000 € de dommages-intérêts pour abus du droit ;
- condamner sous astreinte les époux C... à démolir le corridor édifié par eux en prenant appui sur leur fonds ;
- condamner solidairement les époux C... à leur payer 15 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette construction sur le sol d'autrui ;
- condamner solidairement les mêmes à leur payer 5 000 € de dommages-intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les époux C... aux entiers dépens y compris le coût de deux procès verbaux d'huissier de justice et celui du rapport d'expertise de M. G..., qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,
LA COUR

Les moyens soutenus par Mmes Z... au soutien de leur appel principal relatif à l'infirmation du jugement entrepris qui a ordonné la démolition du mur construit par Mme Z... et qui les a déboutées de leur demande reconventionnelle en démolition d'un corridor, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A ces justes motifs, eu égard aux nouvelles pièces produites et s'agissant de la contestation de la prescription acquisitive de servitude de vue, il sera ajouté ce qui suit.

Mmes Z... font valoir le nouveau constat d'huissier, établi par M. H... le 26 janvier 2016, pour affirmer que le tribunal aurait été trompé en ce qu'il serait établi que la fenêtre litigieuse n'est pas dans l'axe de l'escalier mais au droit du mur situé entre les points B et C qui doit être continu "conformément à l'arrêt du 14 janvier 2010".

Toutefois et en premier lieu, le tribunal doit être approuvé d'avoir relevé que l'arrêt du 14 janvier 2010 a débouté Mme Z... de sa demande en construction d'un mur à frais partagé à cette endroit de la limite des fonds et qu'il ne peut être tiré de cette décision de justice aucune "préconisation" quant à l'implantation d'un mur pour s'opposer à toute revendication de servitude par les époux C... qui, à cette époque, revendiquaient la propriété de l'escalier et demandaient, non ce qu'ils reprochent désormais à Mme Z... d'avoir réalisé, mais la condamnation de Mme Z... à édifier un mur partant du point C jusqu'à l'angle Nord-Ouest des bâtiments en bordure du Morin, ceci afin de se ménager, à l'époque, un accès indépendant à l'escalier.

En outre, le nouveau constat et les photographies qu'il annexe, établi après démolition partielle du mur litigieux, ne démontre nullement que le mur dont la démolition a été ordonnée par le jugement entrepris ne faisait pas obstacle à la vue depuis la fenêtre des époux C... sur la parcelle de Mme Z..., "entre le vannage et la façade arrière d'un hangar également édifié sur cette parcelle" ainsi que le retient exactement le tribunal à partir d'un constat de M. H... du 28 septembre 2010. En effet, le tribunal doit être approuvé d'avoir notamment retenu, pour preuve de l'atteinte à la vue depuis la fenêtre des époux C..., les photographies produites par ceux-ci et prises au travers de la fenêtre, à mesure de la construction du mur litigieux ; ces photographies sont particulièrement éloquentes quant à l'existence d'une vue droite sur le fonds voisin, au sens de l'article 678 du code civil. Il ne peut être tiré aucune conséquence de l'avis amiable de M. G..., qui prétend décrire la vue depuis la fenêtre du fonds C... sans s'y être rendu et qui est dépourvu de force probante.

L'atteinte à l'intimité, que déplore Mme Z..., est la conséquence nécessaire de la servitude de vue acquise par les époux C....

Il ne peut donc être soutenu que le tribunal aurait ordonné la démolition du mur litigieux "par erreur", faute de vue droite.

En outre le mur litigieux a été construit en violation des règles d'urbanisme ; fautivement construit, il constitue un préjudice certain pour les époux C..., de sorte que sa démolition est également justifiée au regard de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme.

Par ailleurs les photographies annexées au constat du 28 septembre 2010 de M. H... démontrent que le rétablissement dans la servitude prescrite exige la démolition complète du mur litigieux, qui est nécessaire, sinon suffisante, pour retrouver la vue perdue sur l'escalier et la rivière en contrebas.

C'est donc pour cela que le tribunal, à juste raison, a ordonné la démolition du mur, et non la démolition partielle de celui-ci.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition du mur.

En plus d'être attentatoire au droit de propriété des époux C..., il est établi que la construction fautive du mur litigieux a été faite d'accord entre la propriétaire Mme K... Z... et Mme I... Z... qui seront toutes deux tenues in solidum à en réparer les conséquences dommageables.

Si le tribunal a exactement statué sur l'existence, la nature et la durée du préjudice subi par les époux C... en raison de la construction litigieuse, la Cour dispose des éléments pour évaluer ce préjudice à la somme de 5 000 €, de sorte que le jugement entrepris sera réformé quant au montant de la condamnation alloué et que Mmes Z... seront condamnées in solidum à payer cette somme à titre de dommages-intérêts.

Au titre de la période postérieure au jugement dont appel, il est établi que Mmes Z... n'ont procédé qu'à la démolition partielle du mur, contrairement à ce qui avait été ordonné.
Cette situation à continué d'être préjudiciable aux époux C..., tout en causant un préjudice moindre. Elles seront donc condamnées à ce titre à payer une indemnité complémentaire de 1 500 €.

S'agissant de la demande reconventionnelle de Mmes Z... en démolition d'un corridor construit par les époux C..., celles-ci invoquent, comme élément nouveau, des photographies datant de l'époque de la construction de cet ouvrage, pour soutenir qu'elles rapportent la preuve, avec le procès verbal de M. H... du 5 septembre 2013 et l'avis de M. G..., d'une atteinte à la propriété Mme K... Z....

Toutefois, ces photographies nouvellement produites sont dépourvues de date, floues et ne permettent pas de discerner les distances entre les éléments de charpente et le mur, alors qu'il est établi qu'un mur mitoyen a été partiellement refait par les époux C... après l'arrêt de la Cour du 14 janvier 2010 ayant condamné Mme Z..., qui y avait substitué indûment un mur privatif, à avancer les frais de sa reconstruction. Ces photographies ne rapportent pas la preuve que la toiture du corridor repose sur des bastaings scellés dans le mur de Mme Z..., alors que le procès-verbal de M. H... ne contient pas de constat à cet égard, mais seulement une supposition, et alors que le rapport de M. G... procède par affirmations non vérifiées. Le fait allégué est d'autant moins vraisemblable qu'une attestation L... du 6 juin 2016 affirme que la toiture du corridor repose sur le nouveau mur mitoyen, côté C.... La photographie de l'huissier après perforation du mur côté Z... n'établit pas le fait allégué, suivant lequel serait directement atteinte une plaque de doublage intérieur et non un élément de mur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé également en ce qu'il a débouté Mmes Z... de leur demande reconventionnelle en démolition.

La demande formée au titre de l'abus de droit par Mmes Z... ni leurs demandes indemnitaires ne sont justifiées. Elles en seront déboutées.

Alors que le jugement entrepris a exactement statué sur le dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de le confirmer de ces chefs.

Mmes Z..., au titre des frais d'appel et en équité, verseront 2 000 € aux époux C... au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites des appels principal et incident,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce que qu'il a limité à 2 500 € le préjudice subi, jusqu'à sa date, par les époux C... du fait de la construction du mur litigieux,

Réforme sur ce point le jugement entrepris,

Statant à nouveau :

Condamne in solidum Mmes Z... à payer aux époux C... une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi à cause du mur litigieux jusqu'à la date du jugement entrepris,

Y ajoutant :

Condamne in solidum Mmes Z... à payer aux époux C... une somme complémentaire de 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis le jugement entrepris,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 16/01171
Date de la décision : 30/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-30;16.01171 ?
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