Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2018
(no 366/2018 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 17/02159 - X... Portalis 35L7-V-B7B-B2RFR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Créteil - RG no 14/10651
APPELANTS
Monsieur Philippe Y...
né le [...] à Poughkeepsie (Etat de New-York)
Et
Madame Karolina Z... Épouse Y...
née le [...] à Szeksbard (Hongrie)
82 Promenade des Anglais
[...]
Représenté et Assistés tous deux par Me Olivier A... de la SELARL MODERE etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 43
INTIMÉS
Madame Armelle F...
née le [...] à Paris (75012)
Demeurant [...]
Représentée et Assistée par Me Claire G..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
Monsieur Michel B...
né le [...] à Limay (78520)
Demeurant [...]
DÉFAILLANTSELARL E... C... La SELARL E... C... demeurant [...] , prise en sa qualité de Mandataire ad hoc de la société BATI-GES, S.A.R.L. à associé unique, immatriculée au RCS de CRETEIL sous le no 440 677 599, dont le siège social était situé [...] ,
[...]
SIRET No: 508 490 000 00058
Représentée et Assistée par Me Françoise D..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 138
Société BATI-GES Représenté par la SELARL E... C..., mandataire ad hoc - [...]
[...]
No SIRET : 440 677 599 00019
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEREAU, Conseillère
M. Dominique GILLES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI
ARRÊT :
- DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire..
***
FAITS etamp; PROCÉDURE
Par acte du 23 juillet 2013, Mme F... a vendu à M. et Mme Y... une maison d'habitation pour un prix de 730 000 euros. Mme F... avait préalablement confié des travaux de rénovation à la société Bati-Ges.
Constatant le mauvais état des solives et poutres constituant la structure du plancher séparant le premier et le deuxième étage du bâtiment, M. et Mme Y..., après expertise, ont assigné Mme F... , la société Bati-Ges et M. B..., qui avait exercé les fonctions de liquidateur amiable de la société Bati-Ges avant sa radiation du registre du commerce et des sociétés. Se fondant sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, ils réclament la condamnation in solidum des défendeurs à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel, financier et de jouissance. A titre subsidiaire, ils ont réclamé la condamnation de Mme F... sur le fondement du dol, et de M. B... auquel ils reprochent d'avoir commis une faute pour avoir fait procéder à la dissolution de la société Bati-Ges alors que les opérations d'expertise la mettant en cause étaient en cours.
Par jugement du 9 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a débouté M. et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord écarté l'application de la garantie décennale des constructeurs en retenant que les travaux réalisés par la société Bati-Ges sur existants ne sont pas assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil et qu'en outre les travaux n'ont pas fait l'objet d'une réception puisque la société Bati-Ges a abandonné le chantier. Il a ajouté que Mme F... , dépourvue de connaissances en matière de bâtiment, ne pouvait pas apprécier l'état des poutres du plancher haut du rez-de-chaussée puisque ces éléments étaient cachés dans le plafond, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir dissimulé cet état. Il a enfin retenu que la responsabilité de la société Bati-Ges ayant été écartée, M. et Mme Y... ne justifiaient pas de l'existence du préjudice causé par la dissolution précipitée de cette société.
M. et Mme Y... ont interjeté appel de ce jugement.
Sur la responsabilité de la société Bati-Ges sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, ils font valoir que les travaux réalisés sur l'immeuble, qui ont notamment consisté dans le remplacement de poutres entre deux niveaux, ont porté sur la structure du bâtiment. Ils ont ajouté qu'une réception tacite des travaux est intervenue dès lors que Mme F... a pris possession de l'ouvrage et a payé l'intégralité des travaux.
Sur la responsabilité de Mme F... , M. et Mme Y... soutiennent que celle-ci ne pouvait ignorer l'état des planchers, visible lorsque la société Bati-Ges est intervenue sur ces planchers, alors qu'en outre celle-ci, qui avait constaté la détérioration des poutres, lui avait soumis un devis pour la réalisation de travaux de remise en état du plancher. Ils s'appuient également sur une attestation délivrée par M. B... indiquant qu'il avait prévenu Mme F... de l'état du plancher.
Ils en concluent qu'en ne les informant pas lors de la conclusion de la vente, Mme F... a commis un dol qui engage sa responsabilité.
Ils ajoutent qu'à titre subsidiaire, sa responsabilité est également engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil puisqu'elle était propriétaire du bâtiment au moment des travaux réalisés par la société Bati-Ges, de sorte qu'elle a la qualité de constructeur et que ces travaux ont eu pour effet de compromettre la solidité de l'ouvrage.
Sur la responsabilité de M. B... sur le fondement de l'article 1240 du code civil, M. et Mme Y... expliquent qu'en sa qualité de gérant, il a nécessairement eu connaissance des opérations d'expertise en cours lors de son départ en retraite et que c'est dans le but de faire échapper la société Bati-Ges à sa responsabilité qu'il a procédé à sa dissolution.
M. et Mme Y... demandent en conséquence la condamnation in solidum de Mme F... , de la société Bati-Ges et de M. B... à leur payer
- la somme de 32 943,96 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du paiement, correspondant au coût des travaux de remise en état ;
- la somme de 16 297,17 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier causé par la nécessité de louer un logement pendant la durée des travaux, soit du 29 septembre 2013 au 4 mai 2014 ;
- la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
- la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme F... conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à la réduction des demandes, et sollicite la condamnation de M. et Mme Y... à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle qu'elle est profane en matière de bâtiment et soutient que les désordres litigieux étaient cachés dans les plafonds et n'étaient donc pas visibles lors de la dépose du plafond situé sous les poutres endommagées puisqu'elle n'avait pas fait procéder à la dépose du plancher situé au-dessus. Elle conteste en outre avoir été informée par M. B..., contrairement à ce qu'il a déclaré dans l'attestation versée aux débats. Elle conteste également ne pas avoir informé les acquéreurs des travaux qu'elle avait fait réaliser par la société Bati-Ges.
Mme F... conteste engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Elle fait d'abord valoir que ce n'est pas elle qui a réalisé les travaux litigieux mais la société Bati-Ges. Elle ajoute que ces travaux ne sont pas assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil mais ne constituent que des travaux de rénovation sur existants, de faible importance du point de vue technique, puisqu'ils n'avaient pour objet que l'aménagement d'une pièce située dans la maison sans modification de la structure de l'immeuble et apport d'éléments nouveaux. Elle fait également valoir que les travaux réalisés par la société Bati-Ges ne sont pas à l'origine des désordres constatés par l'expert puisque ces travaux n'ont pas été réalisés sur les planchers des pièces affectées par ces désordres et que, selon l'expert, la dégradation de l'état des poutres en bois était due à des infiltrations et dégâts des eaux anciens ainsi qu'à leur attaque par des insectes xylophages. Mme F... fait également valoir qu'en l'absence de réception, la garantie décennale ne peut pas être engagée.
Mme F... soutient enfin que si les travaux réalisés par la société Bati-Ges (fabrication et pose d'un plafond, démontage de cloisons au premier étage et du parquet du couloir du 2ème étage) pouvaient constituer des travaux de construction d'un ouvrage, seule la responsabilité de celle-ci pourrai être engagée.
SUR CE, LA COUR
Attendu qu'il résulte de l'expertise judiciaire que :
- le plafond du séjour, situé au premier étage, était éventré lors de la visite de l'expert ;
- certaines poutres de la chambre du second étage donnant sur la Marne "avaient été détériorées par des insectes xylophages dans la partie du mur des conduits de fumée" ;
- devant la porte de la salle de bains de cette chambre, les pièces de bois ont été altérées à la suite d'infiltrations répétées d'eau ;
- dans la pièce à droite du couloir, la partie du plancher en encorbellement sur le jardin s'est affaissée de 10 cm environ et la pièce métallique de soutien de cette partie, située à l'extérieur, est corrodée ;
- dans la salle de bains, "la panne sablière est détériorée par des infiltrations et dégâts des eaux successifs ;
- dans le WC, les bois ont également été détériorées par les dégâts des eaux ;
Attendu que l'expert a précisé que ces désordres remontent à plus de dix ans, que l'état de vétusté de l'immeuble" ne pouvait pas être connu de Mme F... " dans la mesure où ces désordres étaient "encloisonnés dans les faux plafonds" mais que la déformation de la partie en porte-à-faux était visible lors des visites de l'immeuble par M. et Mme Y... ;
Attendu que la société Bati-ges a réalisé dans l'immeuble litigieux différents travaux qui ont notamment consisté dans le changement du parquet du couloir du deuxième étage ; que si l'expert a constaté qu'à l'entrée de la pièce à droite du couloir, sous la cloison séparant cette pièce de la salle de bain , "la façon de chevêtre a été remplacée et les solives raccordées sur des étriers métalliques", que cette pièce nouvelle est raccordées sur des poutres détériorées" et qu'en conséquence ces travaux ne sont pas conformes au DTU, il convient de constater que la société Bati-ges avait adressé le 22 octobre 2007 à Mme F... un devis no 7340 prévoyant le "démontage du parquet existant", le" renforcement du plancher et changement des poutres en trop mauvais état" ; qu'il résulte de ce devis que la société Bati-ges avait constaté le mauvais état du plancher en raison de la détérioration des poutres et proposé à Mme F... de réaliser les travaux de remise en état ; que l'état des travaux, qu'elle n'a pu mener à terme, ne peut donc lui être imputé ;
Attendu, en outre, que les autres désordres ont pour origine la détérioration des pièces en bois des planchers par des insectes xylophages ou à la suite d'infiltrations d'eau répétées et anciennes ;
Attendu, en conséquence, que la garantie de la société Bati-ges ne peut être engagée, de sorte qu'il y a lieu à sa mise hors de cause et à celle de M. B... ;
Attendu qu'il résulte également du devis du 22 octobre 2007, que Mme F... , qui ne peut être suivie lorsqu'elle déclare n'avoir pas reçu ce devis, avait été informée de la détérioration du plancher du second étage et qu'ainsi elle ne pouvait ignorer que l'affaissement du plancher en encorbellement sur le jardin était dû à une importante détérioration des poutres et l'origine de cette dégradation ; qu'en ne révélant pas cet état à M. et Mme Y... lors de la vente de la maison, Mme F... a commis un dol par réticence qui engage sa responsabilité envers ces derniers et justifie sa condamnation à leur payer à titre de dommages-intérêts la somme de 32 943,96 euros, augmenté de la TVA au taux en vigueur, correspondant au coût de reprise des désordres tels qu'évalués par l'expert ; qu'il y a lieu en outre de la condamner à payer à M. et Mme Y... la somme de 16 297,17 euros correspondant au coût, justifié par la production d'un bail, du relogement du 29 septembre 2013 au 4 mai 2014 pendant la période de réalisation des travaux ; que leur relogement ayant été assuré pendant cette période, l'existence du préjudice de jouissance allégué n'est pas justifiée;
Attendu qu'il convient enfin de condamner Mme F... à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il déboute M. et Mme Y... de leurs demandes contre la société Bati-ges et contre M. B... ;
Statuant à nouveau :
Condamne Mme F... à payer à M. et Mme Y... à titre de dommages-intérêts la somme de 32 943,96 euros outre la TVA au taux en vigueur à ce jour, ainsi que la somme de 16 297,17 euros ;
Rejette le surplus de leur demande ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme F... et la société Bati-ges de leurs demandes et condamne Mme F... à payer à la somme de 1 500 euros ;
La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître D... et par la SELARL Modere et associés, pour ceux dont ils ont fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT