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16/11/2018 | FRANCE | N°16/224647

France | France, Cour d'appel de Paris, G1, 16 novembre 2018, 16/224647


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2018

(no 365/2018 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 16/22464 - X... Portalis 35L7-V-B7A-BZ7FC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/15930

APPELANTS

Monsieur Bernard L... Z...
né le [...] à PROVINS
Et
Madame Marie-José Nathalie Y... épouse Z...
née le [...] à NE

UILLY SUR SEINE

Demeurant [...]

Représentés et Assistés tous deux par Me Marc K... M... K..., avocat au barreau de PARIS, toque ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2018

(no 365/2018 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 16/22464 - X... Portalis 35L7-V-B7A-BZ7FC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/15930

APPELANTS

Monsieur Bernard L... Z...
né le [...] à PROVINS
Et
Madame Marie-José Nathalie Y... épouse Z...
née le [...] à NEUILLY SUR SEINE

Demeurant [...]

Représentés et Assistés tous deux par Me Marc K... M... K..., avocat au barreau de PARIS, toque : B1193

INTIMÉES

Madame Joelle A... épouse B..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'héritière de Madame Odile, Jeanne C...
née le [...] à SAINT MAUR DES FOSSES
Demeurant [...]

Représentée et Assistée par Me Hugues D..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0600

Madame Odile Jeanne C... J... A...,
née le [...] à PALHERS
Décédée le [...]
Demeurant [...]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude CRETON, président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Gilles DOMINIQUE, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire..

***

FAITS etamp; PROCÉDURE

Par acte authentique du 21 décembre 1965, Jean A... et Odile C..., épouse A... (les époux A...), ont acquis de Marguerite E... la "8e partie" d'un immeuble, sis [...] , constituée, notamment, d'un appartement au 5e étage (au 4e étage au-dessus de l'entresol) et de deux chambres de bonne au 7e étage, portant les numéros 5 et 5 bis, représentant les 144/millièmes des parties communes de l'immeuble suivant règlement de copropriété du 7 août 1928.

Par acte authentique du 15 janvier 2004, M. Bernard Z... et Mme Marie-José Y..., épouse Z... (les époux Z...), ont acquis des consorts F... le lot no 7 de l'état de division du même immeuble, constitué, notamment, d'un appartement au 4e étage (au 3e étage au-dessus de l'entresol) et d'une chambre de bonne au 7e étage, portant le numéro 8, représentant les 144/10 000èmes des parties communes de l'immeuble, suivant le règlement de copropriété précité qui avait été modifié le 1er août 1996.

Par acte du 2 novembre 2015, après le décès de Jean A... survenu le [...] , Odile A... et sa fille, Mme Joelle A..., épouse B... (les consorts A...), ont assigné les époux Z... en revendication de la propriété des chambres de bonne no 5 et 5 bis, en expulsion des époux Z... de ces chambres sous astreinte et en restitution des clés. Par acte des 12, 14 et 18 avril 2016, les époux Z... ont assigné les consorts F... en garantie. Cette instance n'a pas été jointe à la première.

C'est dans ces conditions que, statuant sur la première instance, par jugement du 14 octobre 2016 , le Tribunal de grande instance de Paris a :
- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
- déclaré irrecevables les demandes des époux Z... tendant à :
. déclarer irrecevables les demandes des consorts A...,
. condamner les consorts F... à leur verser la somme de 40 000 € de dommages-intérêts,
. condamner la partie succombante à leur verser la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- constaté la nue-propriété de Joëlle A... et l'usufruit d'Odile A... sur les chambres no 5 et 5 bis figurant au lot no 8 du règlement de copropriété, publié au jour de l'assignation, et au lot no 22 du même règlement, modifié par assemblée générale du 10 mars 2009,
- ordonné l'expulsion des époux Z... de ces biens et la restitution des clés aux consorts A...,
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- condamné in solidum les époux Z... à verser aux consorts A... une indemnité de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum les époux Z... aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.

Les époux Z... ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 8 juin 2018, cette Cour a :
- déclaré recevables en cause d'appel les demandes des époux Z...,
- avant dire droit :
. invité les parties à conclure sur la question de savoir s'il n'avait pas existé dans l'immeuble en cause une inversion des chambres de service en ce que le local de service no 5 et 5bis, actuel lot no 22, était possédé par F..., tandis que le local no 8, actuel lot no 24, l'était par A..., de sorte qu'au 15 janvier 2004, les époux Z... auraient acquis de bonne foi le local de service litigieux du propriétaire apparent et qu'ils en seraient propriétaires par l'effet de la loi,
. enjoint aux époux Z... de verser aux débats la lettre de Mme Joëlle A... du 29 septembre 2014 citée dans l'ordonnance de référé du 4 novembre 2014 et aux parties leurs conclusions dans l'instance de référé ayant abouti à cette même ordonnance,
. pour ce faire, rouvert les débats après avoir révoqué la clôture et fixé une nouvelle date de clôture.

Par dernières conclusions du 3 octobre 2018, les époux Z..., appelants, demandent à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- débouter Mme Joëlle A... de toutes ses demandes,
- condamner Mme Joëlle A... à leur payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 04 octobre 2018, Mme Joelle A..., épouse B..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'héritière d'Odile C..., veuve A..., décédée le [...] , prie la Cour de :
- vu les articles 544, 711, 1376 ancien, devenu 1302-1, 2241 et 2272 du Code civil, 564 du Code de procédure civile, 28-8 du décret du 4 janvier 1955, et la théorie de l'apparence,
- déclarer irrecevables l'ensemble des demandes des époux Z... devant la Cour,
- les débouter de leurs demandes comme irrecevables,
- déclarer les époux Z... irrecevables en leur moyen et demandes tendant à ce qu'il qu'ils soient jugés propriétaire des chambres 5 et 5bis,
- débouter les époux Z... de toutes leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant :
- ordonner la publication de l'arrêt au ficher immobilier,
- condamner les époux Z... à lui payer la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Il résulte de l'article 564 du Code de procédure civile que les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions lorsque celles-ci tendent à faire écarter les prétentions adverses.

Au cas d'espèce, dans le dispositif de leurs dernières conclusions devant cette Cour, les époux Z... se bornent à demander que Mme Joelle A... soit déboutée de ses demandes.
Leurs moyens, notamment ceux relatifs à l'usucapion et à l'erreur de droit, qui tendent à faire écarter la revendication de propriété de Mme Joelle A..., sont recevables en appel, les époux Z... ayant pour seule prétention celle de faire débouter Mme Joelle A... de ses demandes.

Par suite, les irrecevabilités invoquées doivent être rejetées.

L'erreur commune étant créatrice de droit, les tiers de bonne foi, qui agissent sous l'empire de celle-ci, ne tiennent leur droit ni du propriétaire apparent ni du véritable propriétaire, mais en sont investis par l'effet de la loi.

En l'espèce, il ressort des pièces produites, notamment, du modificatif à l'état descriptif de division du 13 mars 2009, adopté par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble sis [...] le 10 mars 2009, modificatif non encore publié, qu'après cette modification, qui avait pour objet la mise en conformité de la désignation des lots avec l'article 71 du décret du 14 octobre 1955 relatif à la publicité foncière et l'annulation "des lots 3 à 8 actuellement constitutifs d'appartements avec cave et chambres de service pour former autant de nouveaux lots que de fractions composant les lots d'origine" :

- ont été supprimés :

. le lot no 7 (appartement R+4, chambre de bonne no 8 R+7, cave no 2 Ss)

. le lot no 8 (appartement R+5, chambres de bonne no 5 et no 5bis R+7, caves no 6 et 7 Ss),

- ont été créés en remplacement :

[...]

le lot no 18 (appartement représentant une quote-part de parties communes de 135)
le lot no 24 (local de service no 8, quote-part : 6)
le lot no 26 (cave no 2, quote-part : 3),

[...]

le lot no 19 (appartement, quote-part 132)
le lot no 22 (local de service no 5 et 5bis, quote-part : 10)
le lot no 30 (cave no 6, quote-part : 1)
le lot no 31 (cave no 7, quote-part 1).

Tant le modificatif que les plans qui y sont annexés montrent, d'une part, que la modification tient compte de la situation d'origine en ce que les chambres no 5 et 5bis étaient et sont réunies, d'autre part, que la superficie des chambres 5 et 5 bis réunies est supérieure à celle de la chambre no 8 qui "n'a pas 12,84 m2" (conclusions de Mme A... p.17), tandis que la chambre 5-5 bis "a une surface effectivement de près de 13 m2" (ibidem).

Cette différence de superficie, qui commande l'habitabilité des locaux, n'est pas étrangère à la cause du litige.

S'agissant de la possession par les époux Z..., depuis le 15 janvier 2004, des chambres de bonne réunies en une seule, portant les numéros 5 et 5 bis, actuellement lot no 22 dénommé "local de service", cette possession est attestée par leurs vendeurs, les consorts F... dans leurs conclusions signifiées dans l'instance en garantie introduite contre eux par les époux Z..., les consorts F... exposant que Denise G..., veuve F..., de laquelle ils tiraient leurs droits, avait reçu les clés de cette chambre 5 et 5bis depuis 1930, l'ayant constamment occupée depuis, de sorte qu'ils en avaient acquis la propriété au moment de la vente du 15 janvier 2004, tandis que, de son côté, Odile C..., veuve A..., était en possession de la chambre de service no 8 depuis 1965.

Cette possession des époux Z... depuis 2004 est corroborée par :

- l'acte de vente du 15 janvier 2004 qui énonce que "la partie située au 7e étage" a un superficie de 12,84 m2 suivant mesurage établi en vertu de la loi du 18 décembre 1996 le 24 juin 2003 par M. François H..., architecte,

- le constat dressé le 25 avril 2014 par M Julien I..., huissier de justice, à la demande des époux Z..., alertés en septembre 2013, "par un copropriétaire de l'immeuble du fait qu'il existerait une inversion au niveau des numéros de chambres de bonne", ce copropriétaire détenant la chambre de bonne no 7 et revendiquant la propriété de la chambre no 8, l'huissier de justice ayant constaté que Mme Z... détenait la clé de cette chambre laquelle "est séparée en deux parties par une cloison et une porte",

- la lettre que Mme Joelle A... a adressée à Mme Z... le 29 septembre 2014 l'informant de ce qu'elle avait procédé, en qualité de propriétaire, au changement de la serrure des chambres 5 et 5 bis et de ce qu'elle lui donnait la clé de la chambre no 8 qui lui appartenait, à elle destinataire,

- et encore par l'ordonnance de référé du 12 novembre 2014 condamnant Mme Joelle A... à restituer la clé de la serrure des chambres 5 et 5 bis à leurs occupants, les époux Z....

A l'encontre de ces éléments, Mme Joelle A..., donataire des biens litigieux depuis le 6 septembre 2013, ne produit aucune pièce tendant à prouver la possession au 15 janvier 2004 des chambres 5 et 5 bis par ses auteurs, étant au contraire établi, ainsi qu'il vient d'être relaté, que Mme A... ne détenait de ses auteurs que la seule clé de la chambre no 7, ayant dû commettre une voie de fait en 2014 pour prendre possession de la chambre no 8.

Ainsi, il a existé, au 7e étage de l'immeuble en cause, à une date indéterminée, mais bien antérieure à l'achat de leur bien le 15 janvier 2004 par les époux Z..., une inversion des chambres de service en ce que les chambres no 5 et 5bis étaient possédées par F..., tandis que la chambre no 8 l'était par A..., de sorte qu'au 15 janvier 2004, les époux Z... ont acquis par erreur commune et de bonne foi, le local de service litigieux du propriétaire apparent qui, lui-même, croyait en être propriétaire.

Cette interversion ne pouvait être découverte par un acquéreur normalement diligent, n'étant pas établi que lors de leur achat en 2004, les époux Z... aient eu à leur disposition un plan du dernier étage de l'immeuble, car bien que ce plan soit annoncé comme étant annexé au modificatif du règlement de copropriété du 1er août 1996, l'exemplaire délivré par la conservation des hypothèques ne comporte pas cette annexe, Mme A... n'en disposant pas davantage que les époux Z..., ayant dû réclamer ce plan à un autre copropriétaire pour les besoins de la présente instance (conclusions de l'intimée, p. 21). En l'absence de plan et de litige sur l'attribution des chambres de services, il ne peut être fait grief au notaire, rédacteur de l'acte du 15 janvier 2004, de ne pas avoir décelé l'interversion des chambres. Ainsi, l'erreur des époux Z..., qui est invincible, est commune, de sorte que par l'effet de la loi, ils sont propriétaires, depuis le 15 janvier 2014, des chambres no 5 et 5 bis, devenues le lot no 22.

De surcroît, il sera ajouté que la commune intention des parties a porté :

- le 21 décembre 1965 sur l'achat d'une chambre de service d'une superficie inférieure à 12,84 m2, ainsi que le révèle l'occupation sans protestation de ce local de 1965 jusqu'à 2014 par les époux, puis consorts, A..., y compris postérieurement à l'assemblée générale du 10 mars 2009 dont l'intimée prétend qu'elle aurait révélé aux époux Z..., et donc à chacun, sa propriété,

- le 15 janvier 2004 sur l'achat d'une chambre de service en deux parties, d'une superficie de 12,84 m2 comme le prouve le certificat de mesurage annexé au titre des époux Z....

En conséquence, Mme A... doit être déboutée de toutes ses demandes, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions.

L'issue donné au litige implique le rejet de la demande de Mme A... fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande des époux Z..., en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Rejette l'irrecevabilité des demandes des appelants invoquée par Mme Joelle A...;

Vidant la partie avant dire droit de son arrêt du 8 juin 2018 :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Déboute Mme Joelle A..., épouse B..., de sa revendication de la propriété des anciennes chambres de bonne no 5 et 5 bis, suivant l'état de division du règlement de copropriété du 7 août 1928 de l'immeuble sis [...] , actuel lot no 22 après modification du 13 mars 2009, adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires le 10 mars 2009, mais non publiée ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme Joelle A..., épouse B..., aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne Mme Joelle A..., épouse B..., à payer à M. Bernard Z... et Mme Marie-José Y..., épouse Z..., la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : G1
Numéro d'arrêt : 16/224647
Date de la décision : 16/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2018-11-16;16.224647 ?
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