Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2018
(no 348/2018 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 17/02031 - No Portalis 35L7-V-B7B-B2QT6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG no 14/04537
APPELANTE
Etablissement Public GRAND PARIS AMENAGEMENT Agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général domicilié [...] - Parc du Pont de Flandre - CS 10052
[...]
SIRET No: 642 036 941 00036
Représentée par Me Florence Y... de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant, Me Emmanuelle Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0843
INTIMEE
SA ESPACE HABITAT CONSTRUCTIONS SOCIETE ANONYME D'HABITATIONS A LOYER MODERE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]
SIRET No : 572 188 092 00017
Représentée par Me Frédérique A..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant,Me Jérôme B..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0465
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Claude CRETON, Président
Dominique GILLES, Conseiller
Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Cécile FERROVECCHIO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire..
***
FAITS & PROCÉDURE
Par acte authentique du 28 octobre 2010, la société anonyme d'habitations à loyer modéré Espace habitat construction a promis de vendre à la SAS Akerys promotion, qui s'est réservé la faculté d'acquérir, un terrain nu, sis dans le périmètre de la ZAC d'Evry III [...], à Evry (91), cadastré section [...] , lieudit [...], d'une surface de 19a 93ca, au prix de 1 000 000 €, la date de la levée d'option étant fixée au 31 octobre 2011.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 décembre 2010, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) a fait part au promettant de son intention d'exiger la rétrocession du terrain.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 janvier 2011, la société Espace habitat construction a contesté le droit au bénéfice de la rétrocession. L'AFTP a offert le prix de 520 000 €.
Par requête du 5 février 2013, la société Espace habitat construction a saisi la juridiction de l'expropriation, laquelle, par jugement du 17 mars 2014, a décliné sa compétence au profit du tribunal de grande instance d'Evry auquel le dossier a été transmis.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 30 décembre 2016, le Tribunal de grande instance d'Evry a :
- dit que l'EPIC Grand Paris aménagement était dépourvu de droit à rétrocession de la parcelle cadastrée section [...] ,
- débouté l'EPIC de ses demandes,
- condamné l'EPIC Grand Paris aménagement à payer à la société Espace habitat construction la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'EPIC Grand Paris aménagement aux dépens.
Par dernières conclusions du 21 août 2018, l'EPIC Grand Paris aménagement, appelant, demande à la Cour de :
- vu l'ordonnance du 23 octobre 1958, le décret du 3 février 1958, les articles L 21-3 du Code de l'expropriation et R 311-19 du Code de l'urbanisme, dans leur version applicable aux faits, l'article 6 du cahier des charges de cession des terrains, applicable à la ZAC [...],
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- constater que le cahier des charges de cession des terrains applicable à la ZAC [...] constitue un acte administratif réglementaire,
- constater que lui, appelant, venu aux droits de l'AFTRP, est titulaire d'un droit de rétrocession dans les termes et conditions du cahier des charges qui ne peuvent être modifiées judiciairement,
- juger en conséquence que la rétrocession ne pourrait intervenir que conformément aux articles 6 et 3 du cahier des charges et au prix de 402 894,23 €,
- débouter la société Espace habitat construction de sa demande subsidiaire formant appel incident de fixation du prix de rétrocession à la somme d'un million d'euro,
- condamner la société Espace habitat construction à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 12 septembre 2018, la société Espace habitat construction prie la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre principal :
- vu les articles 544, 637, 1134, 1121 et 1165 du Code civil, 6 et 3 du cahier des charges de cession du terrain, le principe selon lequel n'a pas de valeur réglementaire un cahier des charges non approuvé par le préfet et/ou n'ayant pas fait l'objet des mesures de publicité nécessaires,
- dire que Grand Paris aménagement est dépourvu de tout droit à se faire rétrocéder le terrain en vertu du cahier des charges de cession du terrain,
- débouter Grand Paris aménagement de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
- vu les articles 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 1er du protocole no 1 de la convention européenne des droits de l'Homme, 6 et 544 du Code civil, 6 du cahier des charges de cession du terrain,
- dire que l'article 6 est inapplicable, comme illégal, contraire à l'ordre public et nul et non avenu,
- dire en conséquence que Grand Paris aménagement est dépourvu du droit à rétrocession du terrain en vertu du cahier des charges,
- dire Grand Paris aménagement mal fondé à faire fixer le prix de rétrocession du terrain à la somme de 402 894,23 €,
- débouter Grand Paris aménagement de ses demandes,
- à titre très subsidiaire :
- vu les articles 1134, 1165 anciens du Code civil, 6 et 3 du cahier des charges :
- dire que les article 6 et 3 du cahier des charges ne lui sont pas opposables à elle intimée, que les conditions d'application de ces articles ne sont pas remplies,
- à défaut dire que Grand Paris aménagement a renoncé à son droit à rétrocession ou à demander la résolution de la vente,
- dire Grand Paris aménagement mal fondé à faire fixer le prix de rétrocession à la somme de 402 894,23 €,
- à titre infiniment subsidiaire,
- vu les articles 1134 ancien, 6 et 544 du Code civil,
- fixer le prix de rétrocession du terrain à la somme de 1 million d'euro,
- à défaut dire que Grand Paris aménagement a renoncé à exercer son droit de rétrocession au prix de 402 894,23 €,
- débouter Grand Paris aménagement de ses demandes,
- en tout état de cause :
- débouter Grand Paris aménagement de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Grand Paris aménagement à lui payer la somme de 2 500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- y ajoutant, condamner Grand Paris aménagement à lui payer la somme de 20 000 € au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
Si le cahier des charges de cession des terrains de la ZAC d'Evry III [...] a un caractère réglementaire, cependant, ses dispositions ne sont opposables aux tiers qu'après publication. Or, la preuve de cette publication n'est pas rapportée par Grand Paris aménagement. Le cahier des charges n'a donc pas d'effet propter rem. La société Espace habitat construction n'étant pas signataire du cahier des charges, l'opposabilité des dispositions de ce dernier ne peut résulter que de celles de l'acte authentique du 12 décembre 1994 par lequel cette société a acquis le terrain à bâtir litigieux de la société Résidence des chanterelles.
Cet acte, en sa deuxième partie, décrit l'origine de propriété du bien par renvoi à une note annexée à l'acte de vente et énonce que le bien vendu fait partie de la zone d'aménagement concerté (ZAC) d'Evry III "[...]", créée par arrêté du 28 décembre 1981, ainsi qu'il résulte de l'acte de vente des 29 août et 7 septembre 1984 par lequel la SCI Résidence des chanterelles avait acquis le bien de l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'Evry. Le titre de propriété de la société Espace habitat construction du 12 décembre 1994 rappelle certaines conditions particulières contenues dans l'acte de vente des 29 août et 7 septembre 1984, notamment celle soumettant la vente aux clauses et conditions résultant du plan d'aménagement de la ZAC et celles du cahier des charges de cession établi par l'établissement public vendeur, ce cahier étant conforme au modèle IV du décret no 55-216 du 3 février 1955, l'acquéreur (celui de 1984) ayant l'obligation de réaliser à sa charge sur le terrain la construction de 66 logements collectifs et de 24 logements individuels type "Prêt à l'accession à la propriété".
Le titre de propriété de la société Espace habitat construction (1994) précise qu'une copie du cahier des charges de cession lui est annexé, que l'acquéreur déclare en avoir une parfaite connaissance et que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'Evry avait donné son accord à la vente, suivant attestation annexée du 18 novembre 1994.
S'il se déduit des clauses du contrat du 12 décembre 1994 que le cahier des charges de cession est opposable à la société Espace habitat construction, cependant, il reste à démontrer que le cahier des charges autorise Grand Paris aménagement à exercer son droit de rétrocession lors d'une vente par la société Espace habitat construction à un tiers.
Le préambule du cahier des charges de cession, après avoir indiqué que la ZAC était destinée à accueillir des immeubles d'habitation et les équipements qui en étaient les compléments indispensables et que ce cahier "sera annexé à acte l'acte authentique de cession à passer entre l'Etablissement Public d'Aménagement de la Ville Nouvelle et l'Acquéreur du lot", énumère "les obligations du vendeur et celles imposées aux acquéreurs des différents lots". Le préambule définit le terme "LE VENDEUR" comme étant l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle, mais n'identifie pas "l'acquéreur".
Les conditions générales de ce cahier, après avoir exigé de "l'acquéreur" le dépôt d'une demande de permis de construire dans le mois de la signature de l'acte de cession, lui imposent, dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du permis de construire modificatif, d'avoir achevé les constructions et de présenter un certificat de conformité.
L'article 6 des conditions générales, intitulé "Vente-Location-Partage des terrains cédés"
est rédigé ainsi qu'il suit :
"Les terrains ne pourront être vendus par l'acquéreur qu'après réalisation des travaux d'aménagement et de construction prévus au présent cahier des charges et après paiement de la charge foncière.
Toutefois, l'acquéreur pourra procéder à la vente globale des terrains, ou si une partie des aménagement et des constructions a déjà été effectuée, à la vente globale de la partie des terrains non encore utilisés, à charge pour le nouvel acquéreur de réaliser ou d'achever les travaux d'aménagement et de construction.
Avant toute mise en vente, l'acquéreur devra aviser au moins quatre mois à l'avance le vendeur de ses intentions. Le vendeur pourra, jusqu'à l'expiration de ce délai, exiger que les terrains lui soient rétrocédés ou soient vendus à un acquéreur désigné ou agréé par lui. En cas de rétrocession, le prix de rétrocession sera calculé dans les conditions prévues pour l'indemnité de résolution sans qu'il y ait lieu à une réduction de 10%.
En cas de vente à un nouvel acquéreur désigné ou agréé par le vendeur de la totalité des terrains ou d'une partie non encore entièrement aménagée, le vendeur pourra exiger que le prix de vente soit fixé dans les mêmes conditions.
Aucune location des terrains cédés ne pourra être consentie tant qu'ils n'auront pas reçu l'affectation prévue.
Les actes de vente, de partage ou de location qui seraient consentis par l'acquéreur en méconnaissance des dispositions du présent article seraient nul et de nul effet, en application de l'article L 21-1 et suivants du Code de l'expropriation".
Le vendeur ayant été expressément défini comme étant l'aménageur, l'article 6 n'est applicable qu'entre ce dernier et son ou ses acquéreurs. En effet, s'agissant d'un cahier des charges rédigé avant toute cession et en l'absence de disposition générale expresse se rapportant aux acquéreurs successifs, l'acquéreur des lots auquel cet article est applicable est celui ou ceux de l'aménageur, l'article 6 précité n'ouvrant à ce dernier l'exercice de son droit de rétrocession qu'à l'occasion de la vente par son acquéreur à un "nouvel acquéreur", soit en l'espèce, lors de la vente de 1994 par la SCI Résidence des chanterelles à la société Espace habitat construction, ce que l'aménageur n'a pas fait.
A cet égard, les dispositions de l'article 8 du cahier des charges, qui se bornent à exiger l'insertion de ce cahier dans l'acte de vente "lors des aliénations successives", ne peuvent être interprétées, sauf à en dénaturer le sens et la portée, comme rendant applicables entre les acquéreurs successifs les droits et obligations de l'article 6 précité.
Dès lors, à l'occasion de l'avant-contrat du 28 octobre 2010, intervenu entre la société Espace habitat construction et la société Akerys promotion, soit entre le nouvel acquéreur et un tiers, l'aménageur ne disposait plus de son droit de rétrocession.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne l'EPIC Grand Paris aménagement aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT