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16/10/2018 | FRANCE | N°16/13115

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 octobre 2018, 16/13115


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 16 OCTOBRE 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13115 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZ2Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/02211



APPELANT

M. Hervé Z...

[...]/FRANCE

représenté

par Me Mathilde X..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0954



INTIMEE

SA SOCIETE EDITRICE DU MONDE

[...]

N° SIRET : 433 891 850

représentée par Me Chantal A... de la SELARL...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 16 OCTOBRE 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13115 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZ2Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/02211

APPELANT

M. Hervé Z...

[...]/FRANCE

représenté par Me Mathilde X..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0954

INTIMEE

SA SOCIETE EDITRICE DU MONDE

[...]

N° SIRET : 433 891 850

représentée par Me Chantal A... de la SELARL LATOURNERIE WOLFROM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0199 substituée par Me Florent Y..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Catherine BEZIO, Présidente de chambre

Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine BEZIO dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier: Mme Géraldine BERENGUER, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la COUR, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller pour le Président empêché et par Madame Géraldine BERENGUER, greffier de la mise à disposition et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Statuant sur l'appel formé le 13 octobre 2016 par M.Hervé Z... à l'encontre du jugement en date du 20 juillet 2016 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, après avoir reconnu à Z... le statut de journaliste et requalifié sa prestation d'auteur en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er avril 2002, a condamné la Société Edictrice du Monde à payer à Z... les sommes suivantes:

-31 772 € à titre d'indemnité de licenciement

-4512 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 451, 20 € à titre de congés payés afférents

-6768 € à titre de rappel de 13 ème mois et 676, 80 € de congés payés afférents

avec remise à Z... des documents sociaux conformes, régularisation par la Société Editrice du Monde des cotisations sociales liées à la requalification des relations contractuelles pour la période de 2013 à 2015 et allocation en faveur de Z... de la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu les conclusions de Z... signifiées par RPVA le 2 décembre 2016 tendant à ce que la cour lui alloue la somme de 40 608 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne, de plus, la Société Editrice du Monde à lui payer la somme de 13 536 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, lesdites sommes majorées des intérêts au taux égal à compter de la notification de la convocation devant le bureau de concilaition du le conseil de prud'hommes;

Vu les conclusions, signifiées par RPVA le 1er février 2017, de la Société Editrice du Monde qui, formant appel incident, prie la cour de juger que Z... n'avait pas la qualité de journaliste professionnel et d'infirmer, en conséquence, toutes les condamnations prononcées à son égard en première instance, ou subsidiairement, de limiter à 13536 € le montant réclamé au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec en tout état de cause, versement à son profit de la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il n'est pas contesté que Z... a collaboré à compter du 1er avril 2002 à la lettre électronique du journal LE MONDE, éditée par la société Le Monde Interactif jusqu'au 1er janvier 2015, date à laquelle cette société a été absorbée par la Société Editrice du Monde;

que la prestation de Z... consistait dans la rédaction d'un billet d'humeur quotidien, intitulé «Papier de verre»; que les modalités de la relation entre Z... et la société étaient consignées dans une lettre de celle-ci à Z... , en date du 15 mai 2002: rémunération forfaitaire mensuelle de 1524, 50 € , convention renouvelable trimestriellement, sans indemnité à son terme, avec préavis de quinze jours;

qu'après 13 ans d'une semblable collaboration, Z... a été informé le 30 novembre 2015 par la Société Editrice du Monde qu'elle cessait de publier la chronique «PAPIER DE VERRE» et que sa contribution prendrait fin le 31 décembre 2015;

que Z... a donc saisi le conseil de prud'hommes le 26 février suivant, afin de voir requalifier en contrat de travail sa collaboration avec la Société Editrice du Monde; que par le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a reconnu que Z... était journaliste professionnel et lui a alloué les sommes rappelées en tête du présent arrêt, rejetant la demande tendant à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la lettre de la Société Editrice du Monde à Z..., en date du 30 novembre 2015, valait lettre de licenciement et s'avérait justifiée par la suppression de la rubrique de Z...;

Sur la requalification requise

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'article L 7112-1 du code du travail accorde au journaliste professionnel qui travaille au sein d'une entreprise de presse, le bénéfice d'une présomption de contrat de travail, susceptible néanmoins d'être renversée par l'employeur;

qu'en outre, l'article L 7111-3 définit comme journaliste professionnel «toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et en tire le principal de ses ressources»;

Considérant que Z... prétend, comme l'a admis le conseil de prud'hommes, pouvoir bénéficier de la présomption de contrat de travail instituée par le premier de ces textes au motif qu'il est journaliste, au sens du second ; que la Société Editrice du Monde conteste cette prétention faisant valoir que les conditions prévues par l'article L 7111-3 n'étaient pas remplies par Z... et qu'en tout état de cause, même si la présomption litigieuse était applicable à l'appelant, elle détruit cette présomption par les pièces qu'elle produit, démontrant que Z... travaillait de manière libre et indépendante, exclusive de toute subordination, inhérente au contrat de travail;

Considérant que la présomption de contrat de travail instituée par l'article L 7112-1 précité, ne joue qu 'au profit du journaliste professionnel, défini comme la personne qui exerce son activité dans une entreprise de presse, cette activité devant constituer l' activité principale de cette personne et procurer à cette personne le principal de ses ressources;

Considérant que la Société Editrice du Monde soutient que Z... exerce avant tout l'activité d'écrivain, ayant publié 14 ouvrages et deux pièces de théâtre en 2002, - au début de sa collaboration avec elle- puis, poursuivi cette activité durant toute leur collaboration, à raison de 27 ouvrages et huit pièces, outre sa participation à deux opéras entre 2002 et 2015; qu'elle rappelle que durant la même période, l'activité de Z... au sein du Monde Interactif consistait seulement en la rédaction d'un billet quotidien de 300 signes, soit 5 lignes, de sorte que la comparaison des deux types d'activité établit que le principal de l'activité de l'appelant n'était pas le journalisme -ses travaux, très limités, de prétendu journaliste n'étant au demeurant accomplis qu' au sein du seul Monde Interactif-; qu'en tout état de cause, la Société Editrice du Monde conteste également que les ressources de Z... aient été principalement constituées par le produit de son activité de journaliste dès lors que, compte tenu des revenus fonciers de l'appelant, la proportion des revenus qu'elle a versés à ce dernier, par rapport à la totalité de ses revenus, ne s'établit pas à 54, 28 %, comme le prétend Z..., mais à 47, 07 %;

Considérant que Z... expose qu'il a bien exercé la profession de journaliste à titre principal et non pas occasionnel , auprès de la Société Editrice du Monde , dès lors qu'il a collaboré avec celle-ci pendant 13 ans et percevait mensuellement la somme de 2256 € bruts; qu'ainsi, bien qu' il ait pu «s'adonner en parallèle et épisodiquement à d'autres activités telles que l'écriture de romans ou de nouvelles pour des magazines», la constance de son activité pour la Société Editrice du Monde et l'importance des revenus produits par cette activité qui constituaient l'essentiel de ses ressources, démontrent qu'il exerçait bien l'activité principale de journaliste et tirait de celle-ci le principal de ses ressources;

Considérant, il est vrai, que la condition de ressources requise par l'article L 7111-3 du code du travail, exige que la personne qui entend se prévaloir de la présomption de contrat de travail accordée au journaliste professionnel -et revendique donc la dénomination de journaliste professionnel- établisse que son activité de journaliste, exercée auprès d'une ou plusieurs entreprises de presse, constitue son activité principale, c'est à dire son activité non occasionnelle ou accessoire, mais son occupation professionnelle la plus importante parmi d'autres qu'elle peut avoir;

qu'en outre, les dispositions précitées prévoient que l'intéressé doit tirer, de l'exercice de cette activité le «principalde ses ressources»;

Considérant que, s'agissant de cette seconde condition relative «au principal des ressources», c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a exclu les revenus fonciers, des ressources de Z... au sens de l'article L 7111-3, puisqu'il n'est pas soutenu que les revenus fonciers litigieux correspondraient en l'espèce à une exploitation directe et personnelle de Z... , susceptible de caractériser une occupation qui prendrait sur son temps, au détriment d'autres activités comme le journalisme;

que dans ces conditions la cour retient avec les premiers juges qu'il ressort des diverses pièces fiscales produites aux débats que Z... percevait le principal de ses revenus, de la Société Editrice du Monde à laquelle il consacrait son activité, autre que celle d'auteur;

Mais considérant qu'indépendamment de cette condition financière de ressources, l'article L 7111-3 exige, comme il vient d'être rappelé, que celui qui revendique l'appellation et le statut de journaliste professionnel, exerce la fonction de journaliste à titre principal et non accessoire;

que Z... menant, ce n'est pas contesté, une carrière d'auteur, avant , pendant et après sa collaboration avec la Société Editrice du Monde, l'appréciation de ce critère, non plus financier mais professionnel, suppose que soient comparées,l'importance respective des prestations fournies par Z... pour la rédaction des billets destinés à paraître dans le Monde Interactif et pour ses divers travaux d'auteur;

Et considérant que, même si la technique du billet d'humeur peut engendrer un travail certain de synthèse et de précision, il ne peut être sérieusement soutenu, comme le fait Z..., que l'activité accomplie pour parvenir à une publication quotidienne de cinq lignes est plus accaparante et plus dense que celle dispensée pour la production des livres, nouvelles et opéras, écrits par lui dans le même temps où il collaborait avec les sociétés du MONDE;

que la longue durée de la collaboration entre les parties demeure sans effet sur l'importance de l'activité d'auteur exercée en continu, avec la productivité régulière et annuelle précitée, durant les 13 années de collaboration de Z... et des sociétés du MONDE -puisqu'au delà de son ancienneté et de sa régularité, cette collaboration était objectivement limitée, fût-elle plus rémunératrice que l'activité d'auteur de Z...; que d'ailleurs, celui-ci ne verse aux débats aucune pièce qui le présenterait comme journaliste;

Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que Z... ne démontre pas avoir pour activité principale l'exercice de la profession de journaliste; qu'il ne saurait bénéficier en conséquence de la présomption de contrat de travail de l'article L 7111-3 du code du travail;

Considérant qu'en tout état de cause, la Société Editrice du Monde objecte justement que, serait-elle applicable, la présomption litigieuse ne saurait prospérer en l'espèce; qu'en effet, cette présomption se trouve détruite par les éléments factuels relatifs aux conditions de travail de l'appelant, produits par la Société Editrice du Monde, qui concourent à établir que le billet quotidien rédigé par Z... était livré aux sociétés du MONDE en toute liberté et indépendance en l'absence du moindre lien de subordination-comme l'intéressé l'a lui-même reconnu et écrit , à la fin de sa collaboration: j'aurai en tout cas écrit ces milliers de «papiers de verre» dans la plus grande liberté ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions;

Considérant que Z... supportera les dépens de première instance et d'appel; que l'équité et la situation respective des parties commandent de laisser à la charge de la Société Editrice du Monde ses frais irréptibles;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris;

Statuant à nouveau,

Déboute Z... de toutes ses demandes;

Dit n' y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Z... aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/13115
Date de la décision : 16/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°16/13115 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-16;16.13115 ?
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